Si vous n’avez jamais fait de finance, jamais mis de l’argent en bourse et que vous regardez la liste des performances indicielles de la veille, vous pourriez éventuellement vous interroger sur l’état mental des marchés financiers. Et vous auriez raison, parce qu’hier les intervenants étaient partagés entre l’euphorie générée par les chiffres de Microsoft et le fait qu’ils aient prononcé 50 fois les mots INTELLIGENCE ARTIFICIELLE dans leur conférence de presse. ET l’angoisse de voir arriver une récession après d’autres publications trimestrielles, ainsi que les relents nauséabonds d’une crise bancaire sur le retour.

L’Audio du 27 avril 2023

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Moitié-moitié

En résumé, hier la technologie était en folie parce que la société fondée par Bill Gates avait publié de très bons chiffres la veille au soir – on en avait parlé hier – mais au-delà des bons chiffres, on a également pu voir et entendre que cette nouvelle passion pour l’Intelligence Artificielle affichée par le géant du software, a aussi donné la patate aux investisseurs. Une chose est absolument certaine, c’est que les investisseurs aiment la thématique et que si vous publiez des chiffres trimestriels qui sont excellents ET que vous saupoudrez de la thématique de l’Intelligence Artificielle par dessus, le carton est quasiment garanti ! Cela a même été confirmé par les chiffres de Meta qui ont été publié hier soir after close.

Zuckerberg a battu clairement les attentes du marché, la société semble avoir réussi à renverser la vapeur après la catastrophe de 2022. Les licenciements ont permis de stabiliser la société (selon son CEO) et les chiffres étaient supérieurs aux attentes du marché. Mais en plus – je viens de lire le communiqué de presse – les mots INTELLIGENCE ARTIFICIELLE sont pratiquement intégrés dans chaque phrase que Mark Zuckerberg a prononcée hier soir. Du coup, je ne sais pas s’il y a un lien de cause à effet, mais en tous les cas, ça a fait hyper-plaisir au marché puisque l’ancien Facebook était en hausse de 11% dans la nuit. En résumé, la tech est devenue « THE PLACE TO BE », mais seulement s’il y a de l’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE dedans. Autant dire qu’Amazon a intérêt à bien s’exprimer ce soir s’ils veulent profiter de la gratitude des investisseurs.

Récession ou Récession ?

Pendant que le secteur de la Tech s’injectait de l’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE à hautes doses et s’en félicitait parmi, le reste des marchés n’était pas aussi à l’aise. Ailleurs, dans le monde réel où il y a des vrais gens qui travaillent, des gens que l’on ne peut pas remplacer par des robots pilotés par des ordinateurs qui sont eux-mêmes pilotés par Skynet et ses copains – enfin qu’on ne peut pas remplacer POUR L’INSTANT – et bien dans ce monde-là, ça rigole un peu moins en termes de performances parce que l’on sent venir le coup de frein de l’économie et ça commence à faire angoisser les CEO’s et autres investisseurs.

Oui, le thème de la récession était très présent dans les esprits durant la séance d’hier. Les mauvais chiffres et les déclarations timorées d’UPS lors de leurs publications n’a pas aidé à rassurer les marchés et on commence sérieusement à se poser la question de la suite de évènements. Pour le moment, nous sommes encore en train de nous demander à quelle sauce nous serons mangés par la FED la semaine prochaine, mais une fois que cette histoire sera derrière nous et que l’on saura enfin si la FED va pivoter (on ose à peine y croire), il y a de fortes chances que l’on commence à prendre des paris sur le sujet de la récession. En tous les cas, hier soir on a bien vu que le sujet commençait à être un peu trop présent dans l’esprit de tout le monde. Et on peut largement imaginer que les chiffres du PIB américain qui seront publiés tout à l’heure ne vont pas aider à calmer le jeu.

La criiiiiise des banques

Et puis, le dernier sujet à la mode de la séance d’hier, c’est la crise des banques. Enfin, pour le moment on va plutôt dire : « la crise de LA banque ». L’affaire First Republic n’est pas terminée et visiblement, on a décidé de ne parler que de ça dans le secteur bancaire cette semaine. Le problème c’est que même si le problème de la First Republic semble un problème spécifique et localisé, les investisseurs ne l’entendent pas de cette oreille et ont quand même tendance à virer toutes les actions bancaires de leurs portefeuilles. Et ils ont bien raison. Personnellement, j’ai juré que plus jamais je ne mettrai 10 balles dans une banque cotée en bourse. Je crois qu’on a assez joué, qu’on nous assez baladé pour ne pas persister là-dedans. Alors certains diront qu’il y a des opportunités et qu’on ne sait jamais ce qui peut se passer dans le secteur. Mais quand même. Le secteur bancaire c’est comme l’Euromillion, tu mets de l’argent dedans et si t’as du bol, tu peux gagner. Mais t’as quand même plus de chances de gagner à l’Euromillion.

Donc hier First Republic – qui avait plongé de 50% durant la séance de mardi – a décidé de communiquer. Il faut dire que durant la conférence de presse des résultats trimestriels, le call avait duré à peine 13 minutes et ils avaient refusé de répondre aux questions des analystes et des journalistes. Ça n’a sûrement pas aidé. Mais hier ils se sont sorti les pouces et ils ont fait une déclaration claire et précise qui tient en peu de mots, une déclaration qui ressemble d’ailleurs assez à celle qu’a fait le Crédit Suisse trois jours avant de se faire condamner à mort par les autorités suisses. First Republic a annoncé qu’ils allaient virer 25% de leur staff (mais pas le CEO et le CFO) et qu’ensuite, ils allaient se concentrer sur leur métier de base pour se reconstruire – mais qu’ils étaient définitivement viables. Non, pardon. En fait ça ne « RESSEMBLE » pas à la déclaration du Crédit Suisse ; C’EST LA DÉCLARATION DU CRÉDIT SUISSE, je suis certain que le CEO de First Republic a passé un coup de fil à Lehmann pour qu’il lui envoie le PDF de son dernier discours.

Crédit Suisse/First Republic, même combat

Discours qui a d’ailleurs VRAIMENT bien fonctionné auprès des investisseurs, puisque le titre a perdu 30% dans la foulée. L’action est donc en baisse de 96.5% depuis le 2 février. Je crois que s’ils avaient voulu faire passer un message, c’est raté. Notez, ils auraient pu faire pire et annoncer qu’ils changeaient de nom et que dorénavant, ils se feraient appeler « Crédit Suisse ». En tous les cas, aux dernières nouvelles, la FED, la SEC et le Congrès n’ont pas prévu de forcer l’UBS à racheter ce qui reste de First Republic.

Du coup, l’ensemble du secteur bancaire était à nouveau sous pression, même si les commentaires se veulent généralement rassurants et laissent à penser que cette histoire ne fait que partie des secousses résiduelles APRÈS la grosse crise de mars. Il faut tout de même noter au passage que PacWest a sorti des chiffres moins merdiques et qu’il y a encore de l’espoir. En même temps, si j’étais Américain et que j’avais de l’argent dans une banque régionale, je crois que dans le doute, je solderais quand même mon compte, même si ça n’est pas très gentil pour la banque et j’irais me mettre dans une bonne vieille grosse banque bien systémique que le gouvernement ne peut pas se permettre de voir partir en faillite. Comme disait l’autre : « si tu dois paniquer, sois le premier à paniquer ». En effet, personne n’a remercié le dernier gars qui est descendu du Titanic et qui n’a même pas aidé Jack sur sa planche.

En Asie et ailleurs

Ce matin les marchés asiatiques prennent des notes sur ce qui se passe, mais ne font pas grand-chose. Le Japon recule de 0.2%, Hong Kong est inchangé et la Chine monte de 0.2%. On a connu des matins plus excitants. Pendant ce temps, le pétrole continue de se faire démonter la tête parce que LA RÉCESSION APPROCHE. Le baril a totalement effacé la hausse qui était la sienne depuis que l’on a appris que l’OPEP allait couper la production d’un million de barils par jour. Visiblement, les chiffres des inventaires pétroliers qui sont en chute libre n’ont pas fait réagir les traders qui sont plus concentrés sur la récession qui arrive qu’autre chose et vu le prix du pétrole, je serais l’OPEP, je couperais la production de 2 millions de barils par jour. Juste pour voir.

Techniquement le brut est revenu combler son gap haussier déclenché par l’annonce de l’OPEP du 4 avril, reste à trouver le bon point d’entrée si l’on ne croit pas en une récession violente. L’or est à 2008$ et le Bitcoin est à 29’000$ et il faudra noter qu’hier il a même tapé les 30’000$. Il paraît que les gens achètent du Bitcoin parce qu’ils n’ont plus confiance en les banques !!! MAIS NON !!!! Mais pourquoi tant de haine ??? Les banques qui font pourtant tout pour être sympas avec le client, il y a même des banques qui veulent « retourner à leur métier de base » pour NOUS faire plaisir. C’est quand même pas sympa de la part des gens qui quittent les banques pour le Bitcoin. D’ailleurs, une question me vient à l’esprit :

«Quand un banquier te dit qu’il veut retourner à son métier de base, ça veut dire quoi exactement ???»

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on parle du plafond de la dette, puisque les Républicains se sont mis d’accord entre eux pour proposer une rallonge de la dette en faisant des coupes dans les dépenses. Sauf que les Démocrates, eux, seraient plutôt pour une rallonge, mais sans faire d’économies. Biden a déclaré qu’il voulait bien parler avec les Républicains mais qu’il était exclu de faire des concessions. Il est en train d’appliquer la méthode Macron – je veux bien discuter avec la partie adverse, mais seulement si elle est d’accord avec moi et seulement si on n’aborde pas les sujets qui fâchent. On dirait mon ex-femme.

Il y a aussi la commission de la concurrence britannique qui a décidé que Microsoft ne devrait pas acheter Activision parce que c’est pas bien pour la concurrence. Microsoft a déclaré qu’ils allaient faire appel mais Activision a quand même perdu 10%. Ils devraient demander l’avis à la commission de la concurrence en Suisse. Visiblement, ils sont assez souples puisque tu peux fusionner les deux plus grosses banques du pays sans que les mecs fassent le moindre communiqué de presse. Bon, à leur décharge, ils étaient en vacances de ski – du 1er mars au 31 mars, le 31 mars de l’an prochain. Et puis autrement, on ne parle que de META qui n’est visiblement plus une boîte toute pourrie comme on le pensait depuis 12 mois.

Chiffres du jour

Pour ce qui est des chiffres économiques du jour, il y aura le climat des affaires en Europe et la confiance du consommateur. Aux USA nous aurons les Jobless Claims, comme tous les jeudis, ainsi que les chiffres du PIB. Il y aura également les dépenses de consommation. Plein de choses qui vont exciter la FED pour la semaine prochaine. Pour ce qui est des chiffres du trimestre, nous aurons Sanofi, BASF, TF1, STM Micro, Total, Air Liquide, Schneider, Unilever et Pernod Ricard. En Suisse, il y aura EMS Chemie, Mikron et la banque cantonale de Lucerne. Aux USA, il y aura aussi du monde. Avant l’ouverture, nous aurons Eli-Lilly, Caterpillar, MasterCard, Abbvie, Merck et CROCS. Et après la clôture il y aura le prochain GAFAM sur la liste : Amazon, puis Intel qui devrait annoncer une méga perte et SNAP avec qui on rigole à chaque publication. On se demande bien ce qu’ils nous réservent ce soir !!!

Pour le reste, les futures sont en hausse de 0.3% à cause de META et aujourd’hui, on devrait avoir une journée qui ressemble à peu près au printemps. Merci d’avoir été avec moi ce matin, on se retrouve dans 24 heures, ici-même, pour boucler la semaine et entamer le long week-end du premier mai.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« If you want to make your dreams come true, the first thing you have to do is wake up. » – J.M. Power