La crise des banques est donc terminée et définitivement enterrée. La Deutsche Bank est toujours là et on parle de 30% de réduction de staff à l’intérieur de la nouvelle Méga-UBS. C’est en tous les cas les rumeurs qui circulent. Mais peu importe, la crise des banques semble terminée et comme le premier trimestre 2023 s’est également terminé vendredi soir, c’est une occasion parfaite pour repartir avec une feuille blanche et se trouver de nouveau challenges pour se mettre la pression en avril. L’OPEP vient de nous donner une première équation à résoudre en annonçant une baisse subite de la production chez la plupart de ses membres. Le baril vient d’exploser pour commencer la semaine…

L’Audio du 3 avril 2023

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Le retour du mot qui commence par « i »

6% de hausse sur le baril pour commencer la semaine, ça n’est pas ce que l’on pouvait espérer de plus agréable, surtout si l’on avait prévu de faire le plein ce matin. Oui, parce que s’il y a une chose qui est certaine, c’est que la brusque augmentation du prix du baril va être immédiatement répercutée sur le prix de l’essence à la pompe. Ce qui n’est JAMAIS le cas dans l’autre sens, parce que tu comprends, quand c’est à l’avantage du consommateur, les pétroliers ne peuvent pas réagir aussi vite. À cause… Ben à cause qu’ils gagnent moins d’argent et que ça les arrange moyennement de gagner moins d’argent.

En fait ce qui est intéressant et qui serait à mourir de rire ça si ne coûtait pas autant d’argent, c’est de voir que l’Organisation des Producteurs de pétrole ont pris la décision de couper la production de 1.16 millions de barils par jour pour se « prémunir contre une éventuelle baisse de la demande ». Pour être très clair, ils préfèrent réduire la production et faire monter les prix plutôt que d’attendre que la consommation baisse pour le faire. Comme ça, il n’y a aucun moment où leurs revenus sont en baisse. Alors oui, d’accord ils mettent le consommateur dans la merde parce que c’est plus cher et que ça fait monter l’inflation, mais entre le consommateur qui a moins d’argent et l’OPEP qui a moins d’argent, l’OPEP préfère quand même que ça soit le consommateur qui ait moins d’argent. C’est une question de principe. Rien de personnel, bien sûr.

L’inflation pourrait être de retour plus vite que prévu

Mais ce qu’il y a de bien dans l’annonce de cette nuit, c’est quand même que ces derniers jours, le rallye de soulagement que nous avons vécu a tout de même été généré par le fait que certaines banques ne soient pas en faillite et que la contagion SVB/Crédit Suisse se soit arrêtée, mais AUSSI de par le fait que la crise bancaire avait eu du bon pour calmer l’inflation et qu’en plus les chiffres de l’inflation montraient clairement des signes de faiblesse un peu partout dans le monde.

Là où ça pourrait piquer un peu, c’est que lors des dernières publications sur l’inflation – que ce soit en Europe ou aux USA – c’est au niveau de l’énergie que ça se calmait alors que le prix de la bouffe restait clairement un problème. Donc, si j’ai bien tout compris ; la bouffe est toujours victime de l’inflation mais la baisse de l’énergie compensait. Du coup, je ne sais pas si la hausse brutale du baril qui repasse méchamment au-dessus des 80$ pour le WTI et des 84$ pour le Brent, est forcément une bonne nouvelle. Et encore, heureusement que le gaz est toujours au fond du trou, parce que sinon, ça pourrait devenir un vrai problème. Bon, en même temps, on s’en fout de l’énergie, parce que nos gouvernements nous ont pris la tête avec leurs cols roulés et leurs économies d’énergies absolument nécessaires pour ne pas mettre l’économie en difficulté à l’approche de l’hiver, mais comme là on est au début du printemps, on peut couper le chauffage.

Graphique du pétrole (WTI) – Source : Tradingview.com

Et les banques centrales dans tout ça ?

Donc nous voici à l’aube d’un nouveau trimestre, celui qui vient de se terminer était censé être catastrophique et s’est transformé en miracle. Les performances depuis de l’année sont nettement au-dessus des prévisions et tout ce qui devait se produire ne s’est pas produit. Ce qui n’est pas forcément le cas de ce qui ne devait pas se produire, mais disons que le Nasdaq qui prend 17% depuis le 1er janvier, le CAC40 qui bondit de 13% pendant que LVMH, Kering et le luxe français se traitaient comme des biotechs qui auraient découvert une molécules miracle contre la connerie humaine, ne faisait pas forcément partie des plans qui avaient été gravé dans le marbre le 31 décembre par les experts en finance que nous sommes.

Nous avions commencé l’année en s’inquiétant de ce que pourraient bien faire les banques centrales, nous avons continué plus profond dans le trimestre en se disant que la hausse des taux allait ralentir et que d’ici la fin de l’année, il se pourrait même que les taux baissent. Ce qui est d’ailleurs une des raisons pour la surperformance de la tech : on anticipe la baisse des taux à venir. Perspective de baisse des taux qui a même été amplifiée par la « crise des banques » qui a soudainement fait craindre un resserrement des conditions de crédit – vu que les banques allaient commencer à rechigner un peu plus à prêter de l’argent au « peuple », puisque lorsqu’il s’agit de difficultés, si l’on doit choisir, les banques préfèrent quand même que ce soit les autres qui soient en difficulté. Là aussi, à cause de l’argent. De leur argent.

Sauf que…

Sauf que si là tout de suite, le pétrole repart à la hausse et ceci de façon durable, il se pourrait que cela ait des implications directes au niveau de l’inflation. Oui, parce que je n’y connais pas grand-chose, mais il faudra tout de même retenir que tout le monde ne roule pas en Tesla, et que même ceux qui roulent en Tesla sont indirectement victimes de la hausse du baril, puisque les producteurs d’électricité s’alignent souvent sur la hausse des pétroliers. Oui, à cause de l’argent aussi.

Nous nous retrouvons donc devant un problème ubuesque. On aimerait bien que les banques centrales arrêtent de monter les taux, parce ce que ça la fout mal au niveau de la consommation et que l’on risque de se retrouver en récession à un moment ou à un autre – Goldman Sachs vient d’ailleurs de monter sa probabilité de récession avant la fin de l’année de 25 à 35% – mais si l’on arrête de monter les taux et que le pétrole explose, le risque d’inflation revient au galop et du coup, il se pourrait que les banques centrales révisent une nouvelle fois leurs copies. Et si les taux remontent encore, on va se poser des questions sur les raisons de la hausse de la tech et sur le fait que le poids de la dette du citoyen moyen risque de peser un peu plus lourd encore… Et encore une fois, je ne suis pas un surdoué en économie, mais je ne suis pas certain que ce genre de situation soit optimals pour une économie florissante et des marchés qui montent. Finalement, la seule chose à laquelle on peut se raccrocher, c’est le fait le mois d’avril est généralement un « très bon mois » pour les bourses mondiales – juste avant le « SELL IN MAY AND GO AWAY » et puis que ces derniers temps, lorsque tout paraissait évident que ça allait partir en cacahouète, c’est à ces moments-là que les marchés se sont montrés les plus forts. Et là, nous sommes exactement dans un de ces moments…

Si tout est aligné pour que ça n’aille pas bien, il y a bien des chances que ça se passe plutôt pas mal. Et c’est sur ces bonnes paroles qui sont pleines d’ambiguïté et de sous-entendu que nous allons interrompre cette analyse qui ne sert pas à grand-chose pour se concentrer sur les faits du jour et de l’instant présent.

L’Asie en bicolore

Ce matin l’Asie est partagée, le Japon est légèrement en hausse, tout comme la Chine et Hong Kong est en baisse de trois fois rien. La croissance du secteur manufacturier chinois s’est ralentie en mars selon les dernières données économiques. Pendant ce temps, la production est restée médiocre en raison de la faiblesse de la demande internationale et alors que le boom économique post-COVID semble s’essouffler. Salutations amicales au secteur du luxe européen depuis la Chine. Le PMI chinois est sorti à 50 en mars, restant à peine dans la zone de croissance et reculant par rapport au pic de 51,6 atteint au mois de février. Les attentes étaient placées bien plus haut à 51.7. Bref, le rebond post-COVID n’a pas l’air de se prolonger plus que ça.

Pour le reste, le sujet du jour est évidemment le baril qui revient sous les 80$ à l’instant et se traite à 79.91$ – mais préparez-vous à que l’on vous parle du sujet dans les prochaines heures, même si récemment on avait complètement oublié l’existence du pétrole, le thème revient en force ce lundi matin. L’or est en repli à 1967$ n’ayant toujours pas réussi à s’établir durablement au-dessus des 2’000$ et ne parvenant toujours pas à s’imposer comme valeur refuge contre l’incapacité des banques à faire correctement leur job. Pendant ce temps, le Bitcoin se traite à 27’760$.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on commencera par les ventes de Tesla qui ont été publiées cette nuit. Le fabricant de voitures électriques à vendu 423’000 voitures pour le premier trimestre 2023. C’est en-dessous des attentes. Le consensus se trouvait autour des 432’000, mais la plupart des analystes bullishs sur le sujet sont déjà sortis du bois pour annoncer que le consensus de 432’000 n’était pas le vrai consensus parce qu’il y le consensus non-officiel qui lui est plus « exact » qui s’attendait à 421’500 véhicules vendus. Du coup, à 423’000 c’est mieux que les vraies attentes mais moins bien que les « fausses » attentes. Non, je sais, ce que je dis peut paraître complètement con, mais je vous assure que visiblement, dans le monde merveilleux de chez Tesla, on a réussi à créer deux types d’attentes :

1) Celles qui ne nous arrangent pas
2) Et celles qui nous arrangent

Bon, en même temps, on peut comprendre les analystes qui s’accrochent aux rideaux pour ne pas que le soufflé retombe, puisque Tesla est quand même en hausse de 68% depuis le début de l’année, ça serait ballot se s’arrêter en si bon chemin.

On notera aussi un article du Wall Street Journal qui annonce que McDonald’s devrait annoncer des licenciements importants, mais principalement dans les bureaux. On voit que les restructurations n’existent pas QUE dans la technologie et que l’ensemble de l’économie commence à être touchée. Ça tombe bien, on est à 4 jours des publications des chiffres de l’emploi US – ça va nous donner un sujet de conversation. Autrement on parle de plus en plus de la problématique du plafond de la dette. Oui, maintenant que la crise des banques est terminée, va bien falloir trouver autre chose pour se faire peur et à voir comment les politiques ont ENVIE d’en parler, le sujet risque de piquer un peu. Pour le moment, les intervenants et autres investisseurs ne semblent pas vouloir croire que l’on ne puisse pas trouver de solution, mais qui sait ? Un non-accord et un défaut de la dette US pourrait être marrant, juste avant la saison du SELL IN MAY AND GO AWAY !!!

Nouvelles du jour (bis)

Du côté de la série Netflix UBS/Crédit Suisse, le procureur fédéral a ouvert une enquête sur la fusion d’il y a deux semaines. Le procureur bernois examinera, je cite : « les violations potentielles du droit pénal suisse par des fonctionnaires, des régulateurs et des cadres des deux banques, qui ont convenu d’une fusion d’urgence le mois dernier » – ce qui paraît totalement irréel. Comment imaginer que tous ces gens d’une intégrité intègre phénoménale puissent avoir violé la loi ne serait-ce qu’un tout petit peu. J’en tomberais de ma chaise.

Et puis, pour terminer, comme tous les deux jours, Nouriel Roubini a publié un article qui nous explique que l’on va tous mourir de stagflation ou d’étouffement à cause de la dette et qu’ensuite, le S&P va perdre 30%. À ce stade, je crois qu’il n’est plus nécessaire de détailler ses dires, c’est toujours la même chose et à la fin ça finit mal et c’est les Bears qui gagnent. Pour le moment, les médias se concentrent principalement sur la brutale hausse du pétrole que personne n’avait vu venir, mais les analystes sont déjà de sortie et mettent en garde les intervenants face à l’inévitable menace de la hausse du baril et du fait qu’il pourrait « bientôt aller chercher les 100$ ».

Chiffres du jour

Côté chiffres nous aurons le CPI en Suisse, des PMI’s un peu partout et des ISM Manufacturier ou des ISM Manufacturier PMI aux USA. Il y aura aussi les dépenses liées à la construction et on attendra vendredi avec impatience pour voir si les créations d’emplois ont enfin chuté drastiquement pour que l’on puisse dire et voir que la FED fait du bon boulot.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.34%, parce que « chuuuut », ne le dites à personne : le pétrole monte !!!

Je vous souhaite une très belle journée ainsi qu’un très bon début de semaine et je vous retrouve demain, comme d’habitude !

Thomas Veillet
Investir.ch

“As you get older, three things happen. The first is your memory goes, and I can’t remember the other two.”
—Sir Norman Wisdom