Sept mois déjà qu’une majorité de stratégiste attend une correction majeure et dit que nous sommes dans un rallye de bear market. Une correction ? Possiblement, mais dans un marché haussier.

A court terme, le marché manque de force, il n’arrive pas à casser franchement les résistances, la participation en termes de titres est faible (le Breadth) – les techniciens appellent cela un rising wegde, une configuration baissière – et le mois de juin approche, un des mois les moins favorables aux actions en termes de saisonnalité. Bref, on pourrait avoir des bourses plus difficiles en juin, avant une période plus favorable entre juillet et août. En juin, des discussions difficiles sur le plafonnement de la dette américaine pourraient accroître la volatilité des bourses.

2023.05.19.MSCI Monde
MSCI Monde. L’indice bute sur une forte résistance. En même temps, il est proche du support du couloir haussier.

Les indices boursiers ne donnent pas de direction, car tant les indicateurs de sentiment des investisseurs que de momentum (MACD, RSI) sont en zone neutre. Par contre, il y a beaucoup de mouvement sur les titres avec des situations très survendues (Estee Lauder, Enphase, Gilead, Qualcomm, Pfizer, Aptiv, STMicroelectronics) et très surachetées (Eli Lilly, Mondelez, Pepsico, Vulcan, Molson Coors Beverage, PulteGroup, Martin Marietta, Colgate-Palmolive).

Les investisseurs inquiets signalent que quelques valeurs liées à l’Intelligence artificielle ont poussé le S&P 500 ; sans elles, le S&P 500 aurait baissé de 2% en 2023 au lieu des 7.4% affichés. Les sept premières Big Tech ont contribué avec une hausse de 11%.  Nous n’aimons pas cette méthodologie d’exclusion spécifique. On pourrait exclure les financières et à ce moment le S&P 500 aurait progressé de 11%. On assiste à un rattrapage des Big Techs après une division par 3 et 4 des cours en 2022, plutôt qu’à une nouvelle bulle. Les secteurs cycliques ont beaucoup baissé, après une belle surperformance durant les trois derniers mois de 2022. Le S&P 500 Equal-Weighted est stable en 2023 et en hausse de 13% depuis les bas d’octobre 2022, mais pour certains investisseurs, cette performance est exceptionnellement faible si l’on est dans une tendance haussière (bull market) ou alors la pause est atypiquement longue si l’on est dans un marché baissier (bear market), en observant les comportements historiques.

Après la crise bancaire US, les investisseurs se focalisent sur la «X date», le jour où le Trésor américain ne pourra plus payer ses factures. Si ce processus d’augmentation du plafond de la dette est connu, il n’est pas anodin non plus. En 1996 et en 2013, le marché avait connu de tels épisodes, puis les bourses avaient poursuivi leur hausse après un accord. Aujourd’hui, le marché s’inquiète plutôt d’un «remake» de 2011 où les indices avaient reculé de 12% les 2 mois suivant un accord; l’année 2011 avait été même plus difficile avec un pic fin avril, puis une correction de 19% jusqu’au 3 octobre. En 2011, l’agence de notation Standard & Poor’s abaissait pour la première fois, le 5 août, la note de dette US de AAA à AA+.

La fuite des dépôts a diminué, mais les investisseurs se méfient des valeurs comptables des banques régionales US et des profits, attendant une possible nouvelle réglementation et du stress sur le crédit. L’indice des banques US a perdu 38% depuis février, la troisième moins bonne performance en 30 ans après 2008 durant la Grande crise financière et en 2020 avec le Covid.

Une récession? Possiblement, mais à notre avis, cela ne sera pas le facteur qui déclenchera une baisse marquée des indices, car les profits des sociétés du S&P 500 ont déjà reculé de 15% par rapport à leur pic. Le marché le sait depuis quelques mois déjà. L’inflation va continuer de décélérer, ce qui est un facteur positif, en particulier pour le segment Croissance. Les résultats américains du 1T23 se sont avérés plus solides qu’escompté avec un recul de 2.5% contre 6% calculés au début de la publication des résultats ; la marge nette s’est établie à 11.5% contre 12.2% au 1T22. Les entreprises ont délivré leurs meilleures prévisions (>58% des sociétés) pour la fin d’une année depuis 2 ans, un signe que les profits sont dans un bas de cycle et qu’ils se stabilisent.

Rarement, nous avons eu autant d’investisseurs baissiers et les positions short sur les actions sont historiquement élevées. Le résultat est, selon S&P Global, une sous-performance vis-à-vis du S&P 500 et du Dow Jones pour 80% des gérants actifs de fonds en actions. Presque tout le monde attend LA correction.

Alors que de nombreux investisseurs et gérants de fonds se focalisent sur les incertitudes économiques et la crise du système bancaire régional américain, les fonds quantitatifs basés sur les algorithmes et (de plus en plus) sur l’Intelligence artificielle achètent des actions à un rythme soutenu, expliquant la bonne tenue des bourses selon les tables de trading, surperformant ainsi les gérants actifs. Ces fonds détectent très rapidement les nouvelles dynamiques à travers tous les marchés, agissent rapidement et sans émotion. Une récente étude de Bank of America a résumé toutes les vues des investisseurs et a signalé que les « bulls are becoming an endangered species », mais que les fonds quantitatifs expliquaient la résilience des bourses. Sur les 3 derniers mois, les stratégies quantitatives « volatility control » auraient amené $72 milliards sur les actions US, alors que l’exposition aux actions des gérants actifs est au plus bas depuis un an. La volatilité VIX est au plus bas depuis novembre 2021, poussant les fonds quantitatifs à augmenter leurs investissements dans les actions, alors que pour les gérants actifs une VIX basse signale trop de complaisance et refusent donc de s’engager dans cette hausse. A court terme, la gestion quantitative s’approche des niveaux normaux d’allocation en actions, signalant que son impact sur les bourses pourrait devenir moins fort.

A court terme, il est difficile de voir une hausse des actions avec le US debt ceiling et la proximité du mois de juin. Une correction est possible, dans un marché haussier, mais elle nous semble limitée. Toutes corrections représentent des opportunités d’achat, en particulier sur les secteurs industriels et de métaux (transition énergétique, réindustrialisation, défense). Ces prochaines semaines, les Big Tech continueront de bien se comporter grâce à la décélération de l’inflation, attendue en-dessous de 3% en juin pour les Etats-Unis. Nous maintenons une progression de 25% du MSCI Monde en 2023.

 

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