Alors que tout le monde était au repos en Europe – même si les places de bourses étaient ouvertes un peu partout sauf en Suisse – c’est aux USA que tous les trucs sympas se sont produits. Le S&P500 termine sa journée au plus haut pour 2023 et s’est arrêté à quelques encablures de la résistance des 4'200 qui sont considérés comme la frontière entre le Bear Market et le Bull Market. Tout le monde n’est pas d’accord sur le chiffre, bien sûr, mais il faut bien tirer la ligne quelque part. On a donc fait une pause ce jeudi et, comme d’habitude, les Américains en ont profité pour nous faire un truc dans le dos.

L’Audio du 19 mai 2023

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C’est pourtant pas compliqué

La raison principale de la hausse, ça sera tout d’abord le Sénateur McCarthy qui a déclaré qu’un accord sur le plafond de la dette pourrait être signé en début de semaine prochaine. Il est clair que ça ne pourrait pas se faire plus tôt puisque le Président est en train de se luger au G7 d’Hiroshima pour nous sortir des grandes théories comme quoi le G7 est solidaire et compte bien maintenir les sanctions contre la Russie. Einstein disait que la folie c’était de faire la même chose encore et encore et d’attendre un résultat différent, mais là c’est pas pareil parce que les sanctions ont tellement bien fonctionné qu’on aurait tort de se priver. On pense fort à l’auteur de romans pornographiques français qui est aussi Ministre de l’économie et des finances, qui comptait mettre l’économie russe à genoux avec lesdites sanctions en question.

Mais là n’est pas le sujet. Ce qu’il faut surtout retenir de la séance d’hier, c’est que la signature d’un accord sur le plafond de la dette est sur le point d’aboutir. Je dois dire que je suis un poil déçu, parce que je pensais que les scénaristes de Washington allaient nous maintenir le suspense un peu plus longtemps que ça. Alors bien sûr, ça n’est pas encore signé, mais on sent que personne n’a vraiment envie de se mettre la responsabilité d’un défaut de la dette sur le dos en ce moment. La trouille sans doute. Du coup, on va continuer à s’endetter encore un peu plus et ça va faire plaisir aux experts en investissements, parce que ça fait une incertitude de moins à supporter dans leurs journées déjà bien stressantes.

Un problème de moins. Ou pas.

C’est donc une bonne nouvelle qui se profile à l’horizon et dans le doute, tout le monde était en monde shopping en attendant la date officielle de la signature et l’impression du fameux T-Shirt : « Debt Ceiling, been there, done that » et la fameuse casquette qui dit « Fuck Debt Ceiling, God Bless America ». Par contre, il ne faut pas non plus oublier que laisser la dette monter au ciel encore un peu plus ne revient qu’à reculer pour mieux sauter. Un jour Congrès ou pas Congrès, God Bless America ou pas God Bless America et Républicain et Démocrates copains ou pas, la dette va leur péter à la gueule et les conséquences d’un défaut de paiement seront désastreuses. Il n’y a pas que moi qui le dit, puisque le Hedge Fund Manager à retraite Ray Dalio a aussi exprimé ses craintes.

Mais pour être franc, le fait que ça nous pète à la tronche un de ces jours n’inquiète absolument personne, parce que c’est « un jour » et que, par essence, un jour c’est dans hyper-longtemps et, si ça trouve le S&P500 sera monté à 10’000 d’ici-là et qu’on aura tous une peau d’ours étalée par terre devant la cheminée. Alors même si rien est encore signé et qu’entre deux, Air Force One peut encore être abattu en plein vol durant le retour du vieillard prodigue à Washington ou même, le Président en question pourrait ne pas se souvenir pourquoi il est rentré à Washington, les marchés étaient soulagés de voir que le scénario catastrophe, agendé pour le premier juin va donc être repoussé aux calendes grecques. Enfin, normalement.

Intelligence encore

En plus du SOULAGEMENT lié au plafond de la dette et aux doux mots de Monsieur McCarthy qui faisaient vibrer nos oreilles (et le reste) de bonheur, on a soudainement ressorti la théorie de l’intelligence artificielle. Oui, hier il y a eu deux banques d’affaires et deux Hedge Funds Managers qui sont venus mettre le feu aux poudres de la thématique encore une fois. Et comme à chaque fois que l’on met le feu aux poudres, le marché explose dans tous les sens avec des investisseurs qui vendraient leurs belles-mères pour acheter des titres dans l’intelligence artificielle ou liés à l’intelligence artificielle, ça n’était que champagne et toasts au caviar dans le secteur de la technologie.

Google, Microsoft, Apple, Meta et Amazon étaient tous dans une vague de hausse entre 1.5 et 2% et Nvidia – qui a pratiquement inventé le concept de l’intelligence artificielle – était en hausse de 5% et de 100% depuis le début de l’année. Hier c’était donc Oppenheimer qui upgradait Nvidia à 6 jours de leurs résultats, Goldman Sachs qui estimait que la croissance de l’IA pourrait booster la croissance des revenus du S&P500 de 30% dans les 10 ans à venir – alors là, je vais juste faire une parenthèse ; parce que ce genre de déclaration à l’emporte-pièce avec un communiqué de presse en pièce-jointe qui a probablement été écrit par ChatGPT (d’ailleurs), me fait HURLER DE RIRE à chaque fois : les mecs sont incapables de te faire une prévisions à trois jours, mais par contre ils viennent te faire des théories sur ce qui va se passer dans le prochain millénaire alors qu’un investisseur de 2023 est incapable de conserver une position plus de trois semaines dans son portefeuille. Et pour conclure le chapitre sur l’IA, on retiendra aussi que Druckenmiller et Ackman sont en train de charger les portefeuilles dans le secteur et que selon le dernier sondage de Bank of America, fait auprès des gérants de fonds, tout le monde achète de la tech et surtout ce qui est lié à l’Intelligence Artificielle. Ça rappelle un peu quand tout le monde achetait des titres avec des POINT.COM à la fin parce que c’était trop cool les POINT.COM à la fin. Et puis après tout, qu’est-ce qui pourrait aller de travers avec l’Intelligence Artificielle ? Tiens, je vais aller demander à ChatGPT et demander à Mindjourney qu’il me fasse un dessin.

La journée du bonheur

Hier c’était donc la journée du bonheur et il n’y avait que des bonnes nouvelles. Bon, d’accord, il y avait des vendeurs sur le Bitcoin et plusieurs banquiers centraux ont déclaré que l’inflation n’était pas encore vaincue et que l’on ne peut pas exclure une hausse des taux en juin au vu des chiffres économiques actuels. Mais comme l’intelligence artificielle et le Sénateur McCarthy allaient sauver le monde, pourquoi se prendre la tête. Ce soir nous serons officiellement en Bull Market et plus rien ne pourra nous arriver. Il ne restera plus qu’à que le Messie d’Hiroshima rentre aux USA pour signer l’accord et pendant trois jours nous serons EUPHORIQUES à l’idée de voir le problème du plafond de la dette repoussé en 2024. Ensuite, on reparlera d’inflation, de récession et de taux qui sont trop hauts et qui vont flinguer l’immobilier et la confiance du consommateur.

Mais une chose après l’autre.

L’Asie et le Japon qui ne s’arrête plus

Si l’on doit parler d’un Bull Market, je vous présente le Japon. Le Nikkei a donc officiellement démarré. L’indice japonais a donc cassé la résistance psychologique des 30’000 et ce matin il est en train de casser son dernier point haut qui avait été fait en février 2021. Et puis, surtout, ce matin les médias américains sont en train de se demander s’il n’est pas trop tard pour rentrer sur le marché japonais, vu qu’ils VIENNENT de se rendre compte que Warren Buffet est déjà LONG JAPON depuis des mois si ce n’est pas plus et que la politique ultra-accommodante de la BOJ continue de nourrir l’économie et ses sociétés qui se portent à merveille ! Si les Ricains commencent à faire des emplettes là-bas et qu’ils arrivent à oublier que c’est les Japonais qui ont attaqué Pearl Harbour, on n’a pas fini de s’intéresser à la bourse de Tokyo.

Pendant ce temps, le Hang Seng est en baisse de 1% parce qu’Alibaba a raté les prévisions des analystes et plonge de 5% quant à la Chine, elle ne fait rien. Il faut dire que depuis que l’on ne parle que de « dead cat bounce » à propos du rebond de l’économie chinoise et que la banque centrale locale ne veut toujours pas donner un coup de main, c’est plus trop l’euphorie. Les gars vont devoir revendre ce qu’ils ont acheté chez Hermès et LVMH directement sur Vinted. Pendant ce temps, le pétrole est à 72$ et des poussières, on ne parle plus de récession ou de ralentissement de la consommation, mais plutôt de reconstruction des stocks et d’inventaires qui sont trop bas. Le Bitcoin est à 26’800$ et l’or est à 1965$, mais l’analyste de l’UBS est hyper-bullish, ça n’est donc qu’une question de temps pour qu’il remonte au-dessus des 2’000$, voir des 3’000$. Soyons patients.

Nouvelles du jour

Dans ce qu’il faudra retenir, je voudrais commencer par la publication des chiffres de Walmart et de Target hier. Grosso modo, Walmart a publié de bons chiffres et montait durant la séance et Target a publié de mauvais chiffres et se sont montrés peu encourageants pour l’avenir et souffrent également d’une augmentation massive de vols dans les magasins. C’est donc très intéressant de s’arrêter 30 secondes sur le sujet. D’abord, ce qu’il faut aussi se souvenir, c’est qu’il y a trois mois, Walmart avait fait des prévisions que l’on qualifiera de merdiques par rapport aux trois mois qui viennent de se terminer. Du coup, les analystes avaient baissé les attentes. Attentes qui ont donc été facilement battues hier. Je vous laisse méditer sur le sujet. Ensuite, lorsque l’on regarde les chiffres de Walmart qui axent leur business sur le low-cost et la bouffe – et ceux de Target qui font dans le « high-end » avec peu de bouffe, on peut rapidement se rendre compte que le consommateur est en train de réduire sa consommation sur tout ce qui est « plaisir » pour se concentrer sur ce qui est essentiel. Et quand vous ajoutez à cela, l’augmentation massive des vols à l’étalage, on peut peut-être se dire qu’une partie de la population est en train d’en prendre plein la gueule au niveau de l’inflation et de la crise économique actuelle et qu’il serait peut-être pas mal d’arrêter de prendre Elon Musk ou Jeff Bezos comme référence du consommateur moyen aux USA.

Autrement le brillant Président Ukrainien que tout le monde adore va se rendre en personne au G7 d’Hiroshima histoire de rencontrer tous ses meilleurs amis et de leur demander encore une fois s’il peut avoir des avions – parce que même s’il n’a pas de pilotes capables de les faire voler, ça serait quand même pas mal. Sur CNBC on nous explique comment Arnault a construit un empire qui est insensible aux récessions et que finalement, ça pourrait bien être le titre qui montera pour toujours sans plus jamais baisser. Et pour terminer, on notera aussi que le DAX est à quelque points de battre ses records historiques. L’inflation cartonne en Allemagne, le chômage aussi, mais le DAX est au plus haut de tous les temps. Comme le CAC d’ailleurs. Je crois que l’on peut commencer à se dire que le fossé entre Wall Street et Main Street n’a jamais été aussi grand et qu’il va probablement grandir encore.

Chiffres du jour

En ce qui concerne les chiffres du jour, nous aurons le PPI en Allemagne et puis c’est tout. Par contre, il y aura plein de banquiers centraux qui vont parler et pas des moindres, puisque dans le tas, il y aura Lagarde et Powell. Une fois n’est pas coutume, Lagarde parlera après Powell, comme ça elle pourra réutiliser le discours du patron de la FED, histoire qu’ils soient bien alignés.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.2% et théoriquement, le S&P500 devrait ouvrir en Bull Market. Quelle émotion, j’en ai les larmes aux yeux. Passez une excellente journée et un très bon week-end, même si j’ai l’impression que j’ai écrit et parlé dans le vide ce matin, puisque tout le monde est en vacances !

Bon week-end et à lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

« If it jams, force it. If it breaks, it probably needed to be replaced anyway. » – Murphy’s Law