Durant ces prochains jours, peu importe ce qui va se passer dans l’économie américaine, peu importe les annonces des différentes sociétés, peu importe les chiffres économiques qui vont tomber ou ce que les déclarations qu’un banquier central pourraient provoquer. La seule chose qui va nous intéresser et qui va obséder le marché ; c’est le plafond de la dette et les négociations qui ont lieu entre un type de 80 ans qui vient de faire le tour du monde pour filer des F16 à l’Ukraine et un Républicain qui veut que le prochain Président ne soit pas Joe Biden.
L’Audio du 22 mai 2023
Pas plus avancé qu’avant
Vendredi dernier, le S&P500 a encore échoué dans sa tentative de casser les 4’200 points. On y a cru jusqu’au dernier moment, mais finalement c’était encore raté. Il faut dire qu’en fin de journée, les Républicains avaient quitté la table des négociations parce que les divergences étaient trop grandes. Les mêmes Républicains qui avaient laissé entendre qu’un deal pourrait être trouvé et signé en début de semaine. Les marchés étaient même montés la plupart de la semaine pour se féliciter de cette information de première bourre. Il est d’ailleurs assez fou de voir que nous sommes montés de plus de 2% lorsque l’on nous annoncé que l’on s’autorisait à penser qu’éventuellement peut-être un accord serait signé dans une semaine. Mais en revanche, lorsque l’on nous dit le contraire trois jours plus tard… Les futures ne baissent pas la moindre. Comme si l’on se foutait totalement des mauvaises nouvelles.
Vous l’aurez donc compris, on ne va parler plus que de ça et les marchés ne vont fonctionner que sur base d’un éventuel accord. Je dois dire que tout cela devient totalement clownesque. Comme à chaque fois que l’on se retrouve dans cette situation, tout le monde se prend très au sérieux sur le sujet et tout le monde semble avoir une théorie sur l’avenir et les conséquences de la chose. On joue la montre et on fait croire que l’on a réellement peur d’un défaut de la dette. Et puis, à la dernière minute, on nous sort un accord bricolé à la va-vite qui autorise le gouvernement à augmenter la limite de la dette, tout en se disant que l’année prochaine on fera attention de dépenser moins.
Sauf qu’on s’en fout
Sauf que dès que l’accord pour réhausser le plafond sera signé on aura oublié les bonnes intentions et que l’on recommencera les mêmes conneries jusqu’à se retrouver dans la même situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui et le mouvement perpétuel recommencera. Le seul truc qui importe pour les politiciens (et Biden en particulier) c’est que les USA ne fassent pas défaut tant qu’ils sont là et comme Biden ne sait même plus ce qu’il a mangé au petit déjeuner, on imagine assez mal que cette histoire l’empêche de dormir. Il l’avait d’ailleurs dit ce week-end – « il n’est pas du tout inquiet sur le plafond de la dette ».
Donc, si l’on reprend les choses depuis le début :
– En milieu de semaine, on nous dit que l’accord est presque signé et le marché explose de joie
– En fin de semaine, on nous dit qu’ils ne se comprennent pas et que les opinions sont diamétralement opposées et les Républicains se cassent de la table des négociations – les futures perdent 0.2% sur la nouvelle
– Durant le week-end, les deux parties se reparlent et se disent qu’il y a moyen de moyenner
– Et en ce lundi matin, on nous dit que le Président a parlé à McCarthy depuis Air Force One et que les discussions étaient très productives, même si les deux parties disent que l’autre VA DEVOIR FAIRE DES CONCESSIONS
Cette histoire devient totalement pathétique. S’il y a des extra-terrestres qui nous observent, on comprend qu’ils ne veulent pas prendre contact avec nous, nous sommes visiblement à un niveau de bêtise jamais atteint dans tout l’Univers. Et Biden et McCarthy font tout pour faire encore mieux, sachant que si on trouve un accord d’ici le 1er juin, on se retrouvera devant le même problème dans 18 mois. Avec les mêmes arguments, sauf que le plafond sera 3 ou 4’000 milliards plus haut. Cela fait 78 fois depuis les années 60 que le Congrès vote la hausse du plafond et ça fait 78 fois que les politiciens se disent préoccupés par ce qui se passe, mais en fait dès que c’est signé, ils s’en tapent complètement dès l’heure suivante et l’on recommence à dépenser des milliards pour installer des parkings à trottinettes électriques et à fabriquer des tunnels pour faire migrer les grenouilles.
Du réchauffé
En fait, le plafond de la dette aux USA, c’est comme les primes d’assurance maladie en Suisse. Chaque année on se fout de notre gueule ouvertement et chaque année on râle pendant trois jours pour faire bien, mais après on paie quand même nos primes, histoire que les CEO’s des assurances touchent leurs bonus comme prévu. Et ça recommencera l’an prochain, un des clowns du Conseil Fédéral reviendra nous dire qu’il faut faire attention aux dépenses et on comprendra que c’est de notre faute finalement… La dette aux USA, c’est pareil. Ils brassent de l’air pour trouver une solution et à la fin on augmente le plafond, on ne résout strictement rien, mais on fera comme si on est préoccupé par la chose dans 18 mois. En attendant les marchés ne peuvent plus rien faire sans parler du plafond de la dette et je crois que la semaine qui nous attend sera encore plus obsessionnelle que la précédente.
Pour vous dire à quel point on se fout du reste ; Powell a parlé vendredi soir et si vous ouvrez un journal ce matin, vous trouverez un entrefilet à la page 28, à côté des chiens écrasés et pour le reste, vous aurez tous les détails de ce que Biden à fait ou dit dans Air Force One depuis qu’il a décollé d’Hiroshima en lâchant encore pas loin d’un demi-milliard à Zelensky. Pour ceux que ça intéresse, Powell a fait un discours qui laisse à penser qu’il y a MOINS de chance qu’avant de voir une hausse des taux en juin. Le sondage d’avant son speech, faisait état d’une probabilité de 36% de voir une hausse de 0.25% et maintenant, nous sommes à 13% de chances. Moi je vous dis, quand on voit ce genre de chiffres, ce genre de données, je me dis qu’on fait vraiment un métier passionnant. En tous cas en ce moment.
Bref, tout ça pour vous dire qu’en ce lundi matin, on sait que les taux ne devraient plus trop monter – ou alors c’est qu’on n’a vraiment pas de bol et que les chiffres du PCE qui sortiront vendredi sont vraiment merdiques – on sait que l’on va vivre au rythme des discussions entre McCarthy et Biden – qui doivent d’ailleurs se voir aujourd’hui – et qu’autrement, l’Allemagne est au plus haut de tous les temps malgré une économie qui est au bord du gouffre, une inflation qui est au meilleur de sa forme et un PIB qui est presque aussi excitant qu’un livre pornographique écrit par Bruno Le Maire.
En Asie ce matin
Ce matin l’Asie ne fait rien. On peut supposer qu’ils sont tous suspendus aux lèvres des politiciens américains et que ça en devient désespérant. En Chine on attendait un geste de la banque centrale au niveau des taux – comme chaque matin depuis une semaine – mais toujours rien de nouveau et les taux sont toujours inchangés. Le Nikkei est en hausse de 0.03%, le Hang Seng avance de 0.36% et la Chine progresse de 0.14%. On sent toute la passion et toute l’énergie que nous envoient les marchés financiers en ce moment, c’est bluffant.
Côté matières première, on notera que les paris « bearishs » sont toujours plus nombreux sur le baril. Selon les statistiques, cela fait bien longtemps que les niveaux de shorts n’avaient plus été si haut. Les experts sur le sujet estiment que c’est un signe comme quoi les traders ont peur de la récession qui arrive. Je ne sais pas si c’est ça, mais en tous les cas, ça fait plaisir de voir qu’il y a des gens qui prennent des paris sur des autres sujets que sur celui du plafond de la dette. Le pétrole est à 71.19$. Pendant ce temps, l’or est à 1979$ et le Bitcoin n’intéresse plus personne depuis que l’intelligence artificielle va sauver le monde, la cryptomonnaie se traite à 26’600$.
Nouvelles du jour
Côté nouvelles du jour, il faut savoir que Biden et McCarthy vont se rencontrer en personne aujourd’hui. Si vous savez ça, vous savez à peu près tout ce qu’il faut savoir ce matin. Le reste n’est que détail et poudre aux yeux. On notera cependant, dans les choses qui sont « susceptibles » d’avoir un effet sur autre chose que le plafond de la dette, que Micron n’aura plus le droit de vendre ses produits en Chine. Le gouvernement chinois craint des problèmes de sécurité. C’est aussi la réponse du berger à la bergère et ce juste au moment où Papy Biden déclarait que les relations avec la Chine allaient se « dégeler ». Visiblement, ils ne sont pas tous d’accord au niveau de la température des relations.
Et puis on retiendra aussi que Madame Yellen qui est principalement engagée pour tenir les comptes du gouvernement US et tirer la sonnette d’alarme, a aussi pris le temps de parler aux CEO’s des banques en leur disant que le gouvernement verrait d’un assez bon œil de nouvelles fusions dans le secteur. Il est clair que voir des banques fusionner à la place de les voir partir en faillite, ça reste quand même la meilleure des solutions. Une chose est certaine, la « crise des banques » n’est pas encore complètement terminée, les gens continuent de retirer leur argent des banques régionales et la confiance est au plus bas.
Chiffres du jour
Pour ce qui est des chiffres du jour, nous aurons la production industrielle en Suisse, la confiance du consommateur en Europe et des banquiers centraux comme Bullard ou Bostic qui parleront. En ce qui concerne les chiffres du trimestre, il y aura encore pas mal de retailers cette semaine et surtout NVIDIA le 24 mai. Aujourd’hui, il y aura surtout les chiffres de ZOOM after close.
Pour l’instant, les futures sont en légère baisse (0.12%) et tout le monde attend des nouvelles du plafond de la dette. À l’heure où je vous parle, ce que l’on sait c’est qu’ils vont se parler aujourd’hui et que Biden estime que les positions des Républicains sont inacceptables et que McCarthy pense que les positions des Démocrates sont délirantes. Mais ça va bien se passer. À voir le niveau de la volatilité, personne n’a peur. À voir le niveau des CDS, c’est pas pareil…
Je vous souhaite un excellent début de semaine et on se revoit demain pour parler… plafond de la dette et recettes de cuisine, histoire d’épicer l’ambiance.
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Anything that can go wrong will go wrong. »
Murphy’s laws