Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais hier à 14h30 il y avait la publication des chiffres de l’inflation américaine. Et je ne sais pas si vous étiez au courant non plus, mais ces chiffres étaient TOUT SIMPLEMENT MERVEILLEUX parce qu’ils baissaient encore. 4.9% annualisé sur l’inflation, c’est limite de la chute libre. Le plan de la FED se déroule comme prévu et personne n’aurait rêvé que ça se passe aussi bien. Nous, qui sommes des visionnaires et des investisseurs à très long terme, avons immédiatement repéré les bonnes affaires en nous jetant sur la tech, puisque comme maintenant, c’est sûr les taux vont baisser, la technologie en sera le premier bénéficiaire.

L’Audio du 11 mai 2023

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Question de point de vue

Vu sous cet angle, ça paraît assez facile et assez logique. On ne s’est d’ailleurs pas privé de faire monter le Nasdaq qui était clairement le grand vainqueur de la veille. Le S&P500 a suivi comme un seul homme, puisque même s’il n’est pas encore un vrai indice tech, les 5 plus grosses pondérations de l’indice de référence américain sont quand même plus proches de la technologie que du secteur des chemins de fer ou pire, des banques. Du coup, tout le monde est en train de faire des calculs pour savoir quand est-ce que les taux vont baisser.

Bon, en fait ça n’est pas exactement ça. En fait, on s’est rendu compte que comme l’inflation baissait, il n’y avait pas de raison. Ou plutôt PLUS de raison de monter les taux. La probabilité d’une hausse de taux lors du FOMC Meeting du 14 juin est d’ailleurs passée à 5%. Autant dire : que dalle. De ce fait, comme nous sommes des visionnaires à la limite de l’extra-lucidité, on s’est dit que si les taux ne pouvaient plus monter, c’est qu’ils ne pouvaient donc plus que baisser. Les mêmes gars qui ont fait les calculs pour dire qu’il y avait 5% de chance que les taux montent en juin, en sont donc arrivés à la conclusion qu’il y avait 45.9% de voir les taux baisser dès le mois de juillet.

Sourd ou aveugle

Ce qui nous ramène au meeting de la FED d’il y a 10 jours. Meeting durant lequel, le patron de la FED, Jerome Powell, a bien précisé qu’il n’était pas question d’envisager une quelconque baisse des taux avant 2024. Je ne l’ai pas rêvé, c’était écrit dans le communiqué de presse et je crois pouvoir dire – sans me tromper – que je l’ai même écrit ici-même dans cette colonne. Sauf que oui, bien sûr, le 3 mai c’était il y a une éternité et que depuis les chiffres d’hier, tout est différent. L’économie est différente. L’emploi est différent et même Biden est différent puisqu’en plus du plafond de la dette à gérer, il a aussi une nouvelle casserole qui vient de lui tomber dessus. Décidemment, les grands de ce monde ont un rapport très étroit avec les casseroles. Pourtant les casseroles raisonnent, elles…

Toujours est-il que le marché est donc convaincu que les taux vont baisser. Peu importe ce que dit ou pense Jerome Powell, après tout ça n’est que le Président de la FED et c’est lui qui décide. La logique de la séance d’hier était donc toute trouvée : taux qui baissent ; tech qui monte. Alors après, bien sûr, les détracteurs diront : « oui, mais en même temps, la tech est déjà beaucoup montée à cause d’une éventuelle baisse des taux, est-ce que nous ne serions pas en train de mettre la charrue avant les Bulls ? » – Ce à quoi les investisseurs avertis d’aujourd’hui répondront : LALALALALALALALALALALALALALALA !!! Je t’entends pas, je t’entends pas… En se mettant les mains sur les oreilles, bien sûr.

L’inflation baisse.. mais…

Comme dans tout chiffre économique, on retiendra donc que tout le monde n’est pas d’accord sur le « bon chiffre de l’inflation ». Si l’on creuse un peu à l’intérieur, on voit que ça n’est pas non plus une chute libre et que l’on doit encore compter sur pas mal de choses qui doivent baisser pour que l’on se sente vraiment à l’aise comme à l’époque où l’inflation était transitoire et sous contrôle. Des choses comme les loyers ou comme le plein d’essence. Il n’y a donc pas QUE des Bullishs convaincus là-dehors. Et d’ailleurs si c’était le cas, avec un chiffre pareil on serait déjà parti casser les 4’200 sur le S&P, alors qu’on en est loin et qu’à chaque fois que l’on se rapproche, on dirait que le marché se fait dessus.

Et puis comme à chaque fois qu’un chiffre que l’on qualifiera d’important sort, il y a toujours un génie de la finance qui vient donner son avis. Hier soir c’était le tour du prof de la Wharton School, Jeremy Siegel. Il était visiblement dispo entre deux cours d’art plastique et il est venu expliquer que ; si la FED baissait les taux au plus vite – style s’ils organisent un Zoom ce soir pour baisser les taux de 2% – le marché pourrait facilement prendre 15% d’ici la fin de l’année. Moi je dois vous avouer que suis de plus en plus halluciné de voir que l’on donne la parole à ce genre de mecs qui viennent systématiquement raconter n’importe quoi.

Comme disait l’autre, c’est en faisant n’importe quoi, qu’on devient n’importe qui…

Non, parce que si l’on va par-là, moi aussi je peux venir faire des théories sur le plateau de la RTS et déclarer que si l’on interdit aux gens de vendre des actions et que l’on oblige tous les habitants des États-Unis à mettre 25% de leur salaire en action Apple chaque mois, il y a de fortes chances que le marché monte. Sauf que dire n’importe quoi sachant que ça ne se produira pas revient à se passer soi-même de la pommade dans le dos pour convaincre les autres que ce que l’on a à dire est vraiment important.

Bref, tout ça pour dire qu’hier les marchés sont montés parce que l’inflation est sous contrôle et que c’est bien pour la tech. L’Europe a terminé dans une belle harmonie de rouge parce qu’on a quand même des doutes sur le fait que ces chiffres soient VRAIMENT positifs et aussi parce que le CPI en Allemagne a quand même toutes les peines du monde à baisser. Pendant ce temps, il y a Stanley Druckenmiller, Hedge Fund manager de son état qui est venu déclarer que la récession était à nos portes. Timing parfait. Juste au moment où tout le monde s’arrosait de champagne en tartinant du caviar sur des fraises Haribo. Personne ne l’a écouté et puis, comme plus personne n’en parle, il y avait de nouvelles pressions vendeuses sur les banques régionales, alors que personne n’est vraiment convaincu que la « crise des banques » est vraiment terminée mais que tout le monde s’en fout quand même. Des voix commencent à s’élever pour dire que ça serait bien de laisser couler le secteur et de tout intégrer dans les grosses banques, comme ça le jour où l’une de ces 4 banques méga-systémique va nous péter à la figure parce qu’ils auront un produit structuré sur la panse de brebis farcie qui va leur revenir dans les dents (parce que ça arrivera forcément un jour, pas FORCÉMENT sur la panse de brebis farcie, mais ça arrivera), eh bien on se réjouit de voir comment les clowns de Washington vont gérer la crise.

L’Asie

Ce matin l’Asie est légèrement dans le rouge un peu partout, mais dans une belle harmonie. Des signaux économiques chinois plus faibles que prévu en sont probablement la cause. L’inflation de l’indice des prix à la consommation chinois a à peine augmenté en avril, tandis que l’inflation de l’indice des prix à la production s’est contractée jusqu’aux niveaux les plus bas de 2020, alors que le rebond économique du pays s’essouffle, ce qui devient quand même un peu le thème du moment dans la région. Le Nikkei est en baisse de 0.08%, le Hang Seng abandonne 0.19% et Shanghai recule de 0.11%.

Du côté du pétrole, hier soir il y avait la publication des inventaires et la forte baisse des stocks aux États-Unis a également montré que la demande de carburant augmentait à l’approche de la saison estivale, très connue pour faire monter la demande. Du coup, le brut est à 73.10$. Oui, c’est bon, vous pouvez vous rassoir, ça n’est pas non plus 85$, mais c’est pas grave parce que les distributeurs pétroliers sont en train de reconstruire leurs marges et qu’à vous, de toute manière, ça vous coûtera plus cher. C’est ça l’inflation sous contrôle. Pendant ce temps, l’or est à 2038$ et le Bitcoin est à 27’477$. À propos du Bitcoin, il faut tout de même signaler qu’il s’est fait déglinguer de 5% durant la nuit et en 30 minutes. Probablement Biden qui prend les profits avant de s’enfuir demander l’asile politique en Afghanistan.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour on notera qu’hier Google a fait sa présentation de SON intelligence artificielle. Et que cette fois, ça a fonctionné. Non, je dis ça parce qu’en février tout le monde lui avait vomi dessus parce que la présentation sur l’AI était ratée. Le titre avait perdu 15% et se traitait à 89$. Hier soir, après la présentation de Google, l’action traitait à 112$ – de là à dire que certaines réactions du marché sont complètement connes, il y a un pas que je ne franchirai pas. Tout ça pour dire que la nouvelle intelligence artificielle fera tout ce que Google fait aujourd’hui, mais mieux. On ne sait pas si l’on pourra avoir un café directement en tapant Starbucks dans la barre de recherche, mais en tous les cas ils ont fait la démonstration du nouveau Google Maps Powered avec de l’AI, c’est impressionnant. C’est tellement immersif et qu’en plus il tient compte de la saison et de la météo, qu’une fois que vous avez lancé le mode simulation, vous n’avez même plus besoin d’aller où vous vouliez aller tellement c’est bien fait.

Pendant que Google se faisait une belle séance, Disney a attendu la clôture pour sortir des chiffres tous pourris et envoyer le titre en baisse de 5% after close. Les critiques sur la stratégie du CEO qui vient de revenir sont déjà en train de fuser et le nombre d’abonnés sur Disney+ était en-dessous des attentes. Et puis il y avait Robinhood qui publiait ses chiffres également. Des chiffres meilleurs que les attentes et qui donnent l’impression que la société se transforme en vraie banque et qu’elle fait plus d’argent avec l’argent de ses clients investis en bons du trésor qu’autre chose. Sauf qu’eux semblent ne pas s’être vautré dans la gestion du cash – contrairement à d’autres. Le titre prenait 3% after close et l’on notera qu’ils veulent lancer un système qui permettra de traiter les actions durant le week-end. C’est parfait. Cinq jours c’est déjà super-long, mais maintenant on veut faire du 7 sur 7. Vous ne comptez pas sur moi pour écrire des chroniques boursières le dimanche matin.

Pour le reste

Autrement on notera que Trump encourage les Républicains à forcer le défaut de la dette, à moins que les Démocrates acceptent des coupes budgétaires massives. On voit tout de suite que ce débat sur le plafond prend toute sa saveur, surtout en période électorale. En tous les cas, depuis 48 heures, la plupart des articles dans les médias financiers sont consacrés à la chose. Étonnant comme on s’en foutait il y a dix jours à cause de la FED et que c’est devenu obsessionnel pendant le week-end. En tous les cas, je vous passe les descriptions des courbes des rendements en fonction des différentes échéances, mais je peux vous dire que les gens sont quand même un peu tendus, même si le CPI est sous contrôle.

Côté chiffres économiques, c’est le jour du PPI. PPI qui pourrait encore nous annoncer de bonnes nouvelles, puisque la légende dit que « si le PPI baisse le CPI du mois prochain baissera aussi ». Pour l’instant les futures sont en hausse de 0.2% et la résistance des 4’200 est toujours là et bien là.

Je vous souhaite une excellente journée dans ce monde merveilleux où l’inflation est en baisse, la croissance et l’emploi se portent bien et que les bourses sont euphoriques. Bienvenue dans le monde de Wall Street. Pour ce qui est de Main Street, c’est un peu différent… Moi je vous retrouve demain ! Si tout va bien !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Technology is dominated by those who manage what they do not understand. »

Murphy’s laws of technology