Vous savez quoi ? J’adore ce job ! Non, sérieusement j’adore ce que je fais parce que tous les jours il faut trouver de nouvelles raisons d’acheter. Ou pire. De vendre. La séance d’hier était vraiment l’exemple typique de l’emmerdement maximal. Le genre de journée où l’on a besoin de se réchauffer des trucs que l’on sait déjà alors que l’on sait TOUS que c’est le seul jour où il n’y a rien à attendre. Les quatre autres jours il va y avoir de quoi tout faire péter. Mais hier il n’y avait rien dire. Et on est venu quand même.

L’Audio du 29 août 2023

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Love it

J’adore ça parce que quoi qu’il arrive on a toujours l’impression que la journée dans laquelle nous sommes, c’est LA SÉANCE de l’année et que les décisions que l’on va prendre AUJOURD’HUI, on le potentiel de changer nos vies d’investisseurs. Sauf que 9 fois 10, on ne serait pas venu, on n’aurait rien fait, ça aurait été pas mal non plus. Il suffit d’ailleurs de poser la question à Warren Buffet. Chez lui, on n’est pas trop le genre à tourner 22 fois les portefeuilles par semaine, ni à changer d’avis à chaque apparition de Jerome Powell ou à chaque ajout d’une virgule dans le discours de la FED. Non, chez Warren Buffet on ne fait rien, on attend la prochaine décennie et puis on se demande si on prend les profits et puis finalement, on attend 10 ans de plus.

Alors oui, je reconnais que je caricature un peu le style de gestion de Warren Buffet, mais c’est tout simplement pour faire opposition au style dans lequel nous sommes : celui de l’hyper-consommation d’information et du tournage de veste à la vitesse de la lumière. Sauf des journées comme hier où il n’y a rien à dire. Ou presque. Hier on avait l’Europe qui montait parce que la Chine montait que, tout soudain on trouvait à nouveau très cool que les Chinois soient stimulés par le gouvernement et du coup, on faisait quoi ? Hein, qu’est-ce qu’on fait quand les Chinois sont stimulés par Xi-Jinping à grands coups réduction de taxes boursières ??? Et oui, on achète du luxe ! Puisque dorénavant, on sait tous que toute amélioration des comptes en banques des Chinois est immédiatement transférés dans les comptes de PROFITS de Bernard Arnault. Bref, l’Europe remontait un peu, stimulée par le stimulus chinois.

Stimulus à deux balles

Stimulus qui finalement ne promet pas de stimuler grand-chose, si ce n’est motiver les gens qui ont du cash à l’investir en bourse. Mais faudrait-il encore que le tissu économique reparte et que l’on ait envie d’investir dans une économie qui ressemble actuellement plus à un merdier total complètement ravagée par les mesures absurdes prises par un gouvernement dégénéré en période de COVID. Mais on se fichait pas mal de la réalité économique hier – sachant que notre vision du monde ne se fait qu’au travers de nos smartphones, il suffit d’effacer les applications d’informations et vous avez l’impression que tout se passe très bien en Chine, que l’immobilier cartonne et que les gens sont au top de leur motivation (avec 21% de chômage chez les moins de 25 ans) et que la seule chose qu’ils ont envie de faire, c’est investir en bourse en empruntant de l’argent pour faire monter le marché et donner l’IMPRESSION que ça va bien.

D’ailleurs on ne s’y est pas trompé. Lors de l’annonce des « mesures miracles », le marché chinois a pris 5.5% pour terminer en hausse de 1.3%, je ne suis pas un expert en finance, mais en général, quand ça ouvre en hausse de 5.5% et que ça se dégonfle comme une baudruche en moins de 2 heures, du point de vue de mon expérience extensive à force de prendre des claques dans les marchés, c’est pas forcément de bon augure pour la suite. Même si les marchés asiatiques tiennent encore le coup ce matin avec une hausse de 1.7% à Hong Kong et de 0.6% en Chine, le Nikkei ne faisant pratiquement rien. Mais le Japon c’est pas la Chine, on ne va donc pas mélanger les torchons et les rejets d’eau de réacteurs nucléaires dans la mer. Enfin, tout ça pour dire que les « excellentes » nouvelles en provenance de la Chine, nouvelles qui n’ont ABSOLUMENT rien réglé du problème actuel, ont permis aux marchés d’avoir un truc à dire en ce lundi matin qui aurait été mortel comme une interview de Nicolas Sarkozy sans cela.

Cuisine légère aux USA

Aux États-Unis, on faisait comme si la Chine n’existait pas. De toutes façons la moitié des Américains n’arrivent pas à placer le Canada sur une carte du monde et l’autre moitié pense que le Canada est un état américain et que Trudeau est un mec sympa pour un Sénateur Républicain. Alors imaginer une minute que les stimulus chinois intéressent vraiment les gars de Wall Street serait un peu utopique. Toujours est-il qu’hier à New York, l’ensemble des titres chinois traités là-bas étaient en hausse à cause de LA RÉDUCTION DES TAXES boursières en Chine. Pas parce que c’est des super-boîtes. Pour le reste, on s’est surtout éclaté avec 3M qui prenait plus de 5% parce qu’ils ont accepté de payer 5.5 milliards de dollars de dommages et intérêts aux soldats américains qui ont eu les tympans endommagés à cause de bouchons d’oreilles défectueux de chez 3M. L’annonce de l’accord juridique a soulagé les intervenants et le titre qui est dans le coma depuis des mois et des mois a soudainement retrouvé goût à la vie.

On ne sait pas si l’on vient de vivre une situation de « turnaround » sur le titre, mais disons qu’après une longue période de descente aux enfers et une phase de consolidation, 3M devrait prochainement croiser ses moyennes mobiles à la hausse et avec un rendement du dividende de 6% – on aurait tendance à croire que ça pourrait être intéressant dans un fond de portefeuille. À surveiller, mais en tous les cas, il est intéressant de voir que 3M revient un peu à la vie. Pour le reste, franchement, je vous l’ai dit dès le début de cette chronique ; on a connu des séances plus intéressantes que celle que nous venons de vivre. Les investisseurs étaient encore en phase de digestion du discours de Jackson Hole et on essayait d’en tirer des conclusions inutiles, puisque l’on sait que dès ce mardi, on va se prendre tellement de chiffres économiques en pleine figure, que l’on pourrait bien devoir passer les quatre prochains jours à interpréter ce que POURRAIT bien faire la FED. On va même tellement interpréter que je pense que d’ici vendredi soir, on aura même oublié qu’il y avait le symposium de Jackson Hole et que l’on se dira : « c’est quand la dernière fois qu’il a parlé Powell ??? Et il a dit quoi déjà ???? » – et ça sera encore une fois un coup de notre mémoire de poisson rouge.

Ce qu’il faut retenir encore

Pendant que la Chine surfe sur sa vaguelette d’optimisme suite à son stimulus homéopathique et qu’ils se prennent la tête avec le Japon pour des raisons écologiques – comme quoi l’hôpital chinois est aussi capable de se foutre de la charité – mais au moins pendant ce temps, ils ne tournent pas autour de Taïwan… Eh bien il ne se passe pas grand-chose puisque notre job principal est d’attendre les chiffres du jour. Cette après-midi, il y aura les JOLTS et la confiance du consommateur et ça sera donc l’ouverture des feux pour la réflexion sur les taux et les futures décisions de la FED à venir. Ça faisait d’ailleurs un bon moment qu’on n’avait plus abordé le sujet et ça fera du bien de se remettre en selle. Les économistes attendent 116 sur la confiance du consommateur – en baisse de 1 point sur mois et les JOLTS devraient sortir à 9.46 millions de jobs contre presque 9.6 le mois dernier. Une confiance du consommateur trop basse ou un chiffre au-dessus des 9.7 millions pour les JOLTS pourraient nous permettre de faire un peu remonter la volatilité des marchés. Volatilité qui est retournée à des niveaux que l’on pourrait presque comparer à un électrocardiogramme plat.

Pendant ce temps, le pétrole s’accroche aux 80$, l’or est à 1953$ et est presque aussi passionnant que de lire « Guerre et Paix » en serbo-croate, écrit en arial 4 et à l’envers. Et le Bitcoin ne fait pas mieux, parce qu’il se traite au même endroit qu’hier et que vendredi dernier. On a presque l’impression qu’il est figé dans l’espace-temps en attendant qu’il se passe un truc ou qu’Elon Musk annonce que l’on peut payer Starlink en Bitcoin, même si son réseau de satellites fonctionne aussi bien qu’un troupeau de pigeons voyageurs qui se seraient bourré la gueule avant de partir bosser.

News, news et news

On retiendra aussi que Goldman Sachs a vendu sa division « advisory » à une boîte qui s’appelle Creative Planning. Cette annonce survient après des commentaires faits dans les médias la semaine dernière. Des commentaires qui faisaient état de l’envie du géant de Wall Street d’arrêter de s’occuper des petits clients et de revenir se centrer sur son business de base qui est de fournir des informations de première bourre aux clients très très riches afin qu’ils deviennent encore plus riches et qu’ils puissent leur facturer des « fees » tellement élevés que dans 12 mois les gars de Goldman Sachs pourront racheter les yachts de leurs clients très très riches lorsqu’ils achèteront le modèle d’au-dessus avec DEUX piscine à bord. Et pendant ce temps, les « petits clients » qui avaient ouvert un compte chez Goldman Sachs, se retrouvent gérés par une boîte que personne ne connaît et qui n’ont même pas une salle de trading au Sud de Manhattan.

Il faudra aussi noter – au chapitre Intelligence Artificielle – que Brad Smith, le Chairman de Microsoft, a déclaré que l’IA, comme toute autre technologie, a « le potentiel de devenir à la fois un outil et une arme ». Et il a ajouté : « C’est pourquoi nous avons besoin d’un contrôle humain pour ralentir ou éteindre les choses ». Il est rassurant de voir que même chez Microsoft, on en a conscience. Cependant quand on voit ce que l’homme a déjà fait comme conneries ces 2000 dernières années, on peut quand même se demander si c’est vraiment à lui qu’il faut confier la supervision de l’Intelligence Artificielle. Je pense que mon Golden Retriever est nettement plus compétent pour cette supervision, mais ça n’est qu’un avis personnel. Il y a aussi Toyota qui vient de fermer toutes ses lignes de production au Japon pour un problème informatique. On n’en sait pas plus pour le moment, sauf que la société « ne pense pas que c’est une cyber-attaque ». Mais c’est même pas sûr.

Côté chiffres

Aujourd’hui nous aurons donc, en plus des JOLTS et de la confiance du consommateur, les perspectives économiques de la BCE et le climat de la consommation en Allemagne. Et ça n’est qu’un échauffement pour la suite de l’avalanche qui continuera encore mercredi, jeudi et vendredi. Au moins j’aurais des trucs à raconter et on pourra faire plein de spéculations sur ce que va faire Powell en septembre. Je piaffe d’impatience.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.07% et on se retrouve demain à la même heure pour parler encore un peu de ce qu’est le monde merveilleux de la finance et de pourquoi j’adore ce job…

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

« I guess I’m living in the present more than the past. »

Clint Eastwood