Nous sommes donc officiellement rentrés dans la phase « bad news is good news and good news are bad news”. Le marché, les investisseurs, le monde merveilleux de la finance, sont tous devenus complètement fans des nouvelles déprimantes, puisque toute nouvelle bien pourrie qui pourrait nous tomber dessus va immédiatement rassurer tout le monde sur le fait que la FED ne montera pas (ou plus les taux). Ne cherchez pas, on ne vit plus que pour ça. La seule chose qui semble nous préoccuper, c’est d’avoir la certitude que l’atterrissage se fera vraiment en douceur, vu que tout le monde sait qu’il n’y aura jamais plus de récession aux États-Unis. Enfin… En théorie.
L’Audio du 31 août 2023
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Encore la Macro et c’est pas fini
Après les JOLTS et après la Confiance du Consommateur qui nous avaient rassurés sur le fait que – dans ces conditions – l’inflation ne POUVAIT pas progresser et que la FED serait complètement rassurée et ne monterait plus jamais taux, hier c’était au tour des chiffres ADP et du PIB d’apporter leur pierre à l’édifice pour que Powell ne vienne pas tout gâcher cet automne avec cette foutue obsession à vouloir monter les taux pour FREINER L’INFLATION ! NOUS ON NE VEUT PLUS VOIR MONTER LES TAUX – PLUS JAMAIS ! Nous en avons donc fait notre priorité et dorénavant, tout le monde est à la recherche de la « mauvaise nouvelle qui rassure ».
Et hier, nous avons été servis – côté mauvaises nouvelles – on même réussi à donner de l’importance aux chiffres de l’emploi ADP, alors que depuis des années, tout le monde s’en tape « parce que les NFP c’est quand même plus important ». Mais, étonnamment, depuis trois mois tout le monde a redécouvert ce chiffre oublié. Un peu comme les cuisiniers modernes qui tout d’un coup te ressortent des carottes violettes ou des gratins de topinambours. Soudainement, Wall Street se passionne pour les chiffres ADP. Alors bon, c’est pas parce qu’on se passionne soudainement pour ces chiffres que l’on est meilleurs en termes de prédictions – au contraire – mais toujours est-il qu’hier les « empereurs de la prévision économique » avaient passé le marché de l’emploi au peigne fin et étaient arrivés avec une prévision autour des 195’000 créations d’emplois dans le domaine privé.
Caramba, encore raté !
Bon. Pas de bol, c’est sorti à 177’000. Alors oui, vous me direz que l’on ne s’est gouré « que » 18’000 personnes et que c’est quand même vachement mieux que la fois où on s’est trompé de 200’000 personnes. Mais on s’est raté quand même. Mais c’était pas grave. Même plus que « pas grave », c’était même carrément excellent pour l’esprit du bull market, puisque les intervenants ont donc appliqué la nouvelle méthode d’investissement par la déprime qui est basée sur le principe que tant que les nouvelles sont pourries, la FED ne monte pas les taux. Et comme mentionné plus haut, actuellement la seule chose qui nous permet de vivre et d’acheter le marché, c’est que les taux ne montent plus.
Donc hier, les 177’000 créations d’emplois qui étaient en-dessous des attentes, était une mauvaise nouvelle qui montre que l’économie ralentit – mais était finalement une bonne nouvelle parce que les taux ne monteront plus et que l’on se dirige de plus en plus vers un soft-landing. Bon, le problème du soft-landing, c’est que l’on ne sait pas si l’atterrissage sera vraiment « soft » tant que l’on n’a pas complètement atterri. On ne sait jamais. À la dernière minute le train d’atterrissage peut se briser, un réacteur peu exploser ou même tous les réacteurs en même temps. Du coup, un soft-landing se transforme en CRASH-LANDING et l’inflation sous contrôle par le principe de la hausse des taux se transforme en récession. En vilaine récession que l’on n’a pas envie de voir. Mais je m’égare. Je m’égare parce que pour le moment – à l’instant T – tout va bien et nous nous nourrissons de mauvaises nouvelles, c’est elles qui nous font jouir de la vie et du Bull Market…
GDP – raté aussi
Et ça tombe plutôt bien, parce qu’en plus des chiffres ADP qui étaient plus faibles, on nous a fait un combo « ADP-GDP » déprimant. En effet, le GDP (ou PIB) américain – qui était attendu à 2.4%, est sorti à 2.1%. Alors vous me direz que 0.3% sur des chiffres qui sont bricolés dans tous les sens et dont on ne connaît pas trop la provenance, c’est pas la fin du monde. Et vous aurez raison. Dans un marché normal, on aurait pu prendre la nouvelle de travers et craindre un ralentissement économique induit par une hausse des taux excessive qui impacte le financement des entreprises – surtout des entreprises de croissance – mais là tout de suite, encore une fois, c’est pas trop notre tasse de thé, le négativisme.
Oui aujourd’hui, à l’approche de l’automne 2023, saison des prix de l’électricité qui montent et des ruptures de stocks de cols roulés, on aime définitivement bien quand les nouvelles sont pourries, puisque cela nous rassure au niveau des taux. Pour faire donc très simple pour résumer la séance d’hier : les chiffres macros étaient en-dessous des attentes, dénotant d’un ralentissement marqué de l’économie et ça fait trop plaisir. Pour le moment en tous les cas. Du coup, le S&P grimpait de 0.38% et le Nasdaq de 0.54%. Ce qui fait qu’à l’approche de la fin du mois d’août, les indices américains ne sont pas très loin du terrain positif pour le mois. On n’aurait pas forcément parié là-dessus si l’on se base sur les statistiques de performances mensuelles. Manquerait plus que cette après-midi le PCE soit plus faible que les attentes et on pourrait même finir le mois en hausse.
En Europe la macro a mal aux pattes
Pendant que les USA se délectaient de leurs mauvais chiffres économiques, la macro européenne communiquait un message un peu différent. L’inflation repartait en Espagne, les chiffres en Allemagne ne sont pas terribles et tout pointe en direction d’un nouveau tour de vis monétaire de la part de Madame Lagarde. Les indices du vieux continent terminaient en ordre dispersé avec l’Angleterre à peine en hausse, la France et l’Allemagne en très légère baisse, l’Italie qui se calquait sur l’Angleterre et l’Espagne qui accusait le coup sur l’inflation et reculait de 0.3%. Bref, pas la journée la plus extraordinaire de l’année, mais en même temps, on n’oubliera pas non plus que la FED a commencé son cycle de hausse de taux bien avant celui de la BCE. Enfin, quoi qu’il en soit, si l’on ne doit retenir qu’une chose des chiffres d’hier, c’est que plus c’est pourri mieux c’est. Pour le moment en tous les cas.
En Asie ce matin on se concentrait sur les chiffres du PMI chinois – au cas où il y aurait un signe d’amélioration – ou mieux un nouveau signe de détérioration qui nous pousserait immédiatement à envisager un stimulus de la part du gouvernement chinois – selon les médias et l’interprétation qu’ils en font Le PMI s’est contracté à un rythme plus lent que prévu durant le mois d’août, ce qui laisserait supposer que les récentes mesures de relance du gouvernement semblent porter (UN PEU) leurs fruits en soutenant l’activité économique. C’est pas non plus l’euphorie, que l’on se rassure. Le PMI est sorti à 49.7 – ce qui est supérieur aux attentes qui étaient de 49.5 et à celui du mois dernier, à 49.3. Du coup, la Chine est en baisse de 0.25%, Hong Kong progresse de 0.5%, tout comme le Japon. Là tout de suite à 4 heures du matin, les chiffres « moins pires » en Chine ne semblent pas générer une euphorie débordante.
Ici et ailleurs
Pour le reste, on retiendra que le pétrole est à 81.62$ et que BFM TV a réussi à trouver une station-service en France qui fait payer 2 euros 80 le litre – je rappelle qu’à 1.40, les gilets jaunes sont descendus dans la rue, mais qu’aujourd’hui on est bien plus occupé par la coupe du monde de rugby qui commence dans 9 jours. L’or est à 1975$ et le Bitcoin est à 27’000 et des poussières en attendant qu’on annonce une fois pour toute l’arrivée de cet ETF. Autrement on retiendra que Salesforce a publié de bons chiffres et ont EN PLUS déclaré qu’ils aspiraient à devenir les leaders de l’intelligence artificielle dans le CRM. Je sais même pas ce que ça peut vouloir dire – mais le marché a bien aimé, puisque le titre prenait 6% after close. Toujours dans la thématique de l’IA, Crowdstrike a battu les attentes du marché GRÂCE à la traction générée par….l’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE – oui parce qu’aujourd’hui si t’es une tech, c’est comme Nabilla : t’es une fille et t’as pas de shampoing ?? Ben chez les techs c’est : « t’es une tech et t’as pas d’IA ??? ».
Hier soir il y avait aussi Okta qui surprenait à la hausse parce que la « faiblesse attendue » du marché ne s’est pas matérialisée. Le titre prenait 10% pour fêter ça. Et puis, pour parler d’autre chose il faudra retenir que la Corée du Nord a annoncé avoir tiré deux missiles de courte portée pour simuler, je cite : « une frappe nucléaire tactique ». C’est vraiment le genre de simulation dont on adore entendre parler. Surtout que le type qui a accès au bouton nucléaire et un des pires cinglés de la planète qui en plus, a étudié en Suisse. Je ne sais pas ce qu’on lui a fait, mais ça devait pas être terrible. Pendant que Kim Jong Un Dos Tres jouait à la guerre, il y a Mitch McConnell – chef des Républicains au Sénat qui s’est encore une fois figé devant les caméras en plein interview. C’est le second épisode de ce style qui se produit en 2 mois et l’opinion publique est en train de monter aux barricades, estimant qu’à 81 ans ça serait quand même mieux si McConnell partait à la retraite. Cette affaire met également en lumière l’explosion de l’âge moyen des membres du gouvernement américain – à commencer par le grabataire en chef qui a oublié son nom de famille depuis des mois. Les statistiques sont effarantes puisque plus de 25% des politiciens de haut niveau ont plus de 70 ans – alors qu’au début du siècle nous n’en étions qu’à 10%. Bon, en même temps les Français ils ont un Président jeune en relatif, pourtant ça ne l’empêche pas d’être nul.
Source : Twitter (ou X)
Chiffres économiques
En ce qui concerne les chiffres économiques du jour, nous sommes donc toujours en plein suspense puisque cette après-midi, nous aurons le PCE – dois-je rappeler que le PCE c’est LE CHIFFRE QUI MESURE L’INFLATION QUE LA FED PRÉFÈRE ? Non, je ne pense pas. Toujours est-il que l’on attend un PCE à 3.3% sur l’année, sachant que le mois dernier, nous étions à 3%. Il y aura aussi le personal spending, le Chicago PMI et les Jobless Claims. Comme vous le voyez, il y a plein de chiffres qui sont susceptibles d’être complètement pourris et de faire monter le marché. En Europe on notera quand même que nous aurons les Minutes de la BCE – Minutes qui sont plus ou moins la copie de celles du FOMC Meeting – mais avec un autre logo sur le communiqué de presse. Et puis il y aussi les ventes de détails en Allemagne, le PIB en France, le chômage en Allemagne. Et en Europe nous aurons chômage et CPI.
Pour le moment, tout est calme. Les futures sont légèrement en hausse et sur un malentendu, on serait presque capable de finir le mois en hausse. En ce qui me concerne, je vous souhaite une excellente journée et souvenez-vous qu’en bourse, tout ce qui est positif ne l’est pas forcément et tout ce qui est négatif, n’est pas obligatoirement une mauvaise nouvelle.
À DEMAIN !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Wise men speak because they have something to say; fools because they have to say something.”
– Plato