Avant d’entamer la semaine, il va falloir revenir sur la semaine précédente. Semaine qui s’est donc terminée par le discours tant attendu de Powell. Alors vous savez quoi ? – J’ai donc passé le week-end à lire et relire la presse pour essayer d’en tirer quelque chose. De bien comprendre et de bien assimiler tout ce qui a été dit, en ayant l’espoir de m’endormir moins bête dimanche soir et d’avoir complètement absorbé ce que Powell a dit. En fait, j’ai perdu un temps fou parce dès la fin de son discours, dès que nous eûmes la certitude qu’il n’avait pas dit qu’il allait monter les taux, tout le monde est passé à autre chose et nous nous sommes concentrés sur l’avalanche de la semaine à venir.
L’Audio du 28 août 2023
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Un discours lisse et sans bavure
Personnellement, je ne suis pas un ordinateur quantique – loin de là – et je suis incapable de reprendre l’ensemble des derniers discours de Powell afin d’essayer d’y retrouver les similitudes entre eux. Je me suis bien abonné à Chat GPT, mais malheureusement sa mise à jour date de 2021. Résultat, il m’est assez difficile de dire que Powell radote, mais une chose est certaine, j’aurais tendance à dire que la quasi-totalité de ses speechs qui ont été écrit en 2023, ont tendance à utiliser massivement le copié/collé – ou pour ceux qui préfèrent : le CTRL-C + CTRL-V.
Comprenez que lorsque j’ai entendu Powell dans le hall de l’hôtel à Jackson Hole, dès les premiers mots, je me suis demandé si c’était bien du « live » et si ça n’était un logiciel quelconque d’intelligence artificielle qui nous jouait des tours en mettant les mots du discours post-meeting de la FED du mois de juillet et qu’ils avaient simplement collé des images de Jackson Hole par-dessus. Mais que nenni. Il semblait que les images diffusées par les télés américaines étaient des vraies et qu’il n’y avait aucune raison de tourner complotiste. En tous les cas, pas dans l’immédiat.
Des répétitions et des convictions
Non, je dis ça parce que globalement on n’a pas l’impression d’avoir appris grand-chose et si l’on doutait de la quantité de nouveautés dans les mots de Powell, il suffisait de regarder le marché : il a à peine bronché, il a terminé légèrement en hausse et la volatilité s’est effondrée de 9%. De là à dire que l’on a passé la semaine à attendre ce discours pour rien, il n’y a qu’un pas que je serais assez tenté de franchir, mais je ne le ferais pas pour ne pas trop retourner le couteau dans la plaie.
Mais comme il faut tout de même en parler, on pourra rapidement revenir sur le fait que le patron de la FED a déclaré que « le message est le même : il incombe à la Fed de ramener l’inflation à notre objectif de 2%. Nous sommes prêts à augmenter encore les taux si nécessaire, et nous avons l’intention de maintenir notre politique à un niveau restrictif jusqu’à ce que nous soyons convaincus que l’inflation se rapproche durablement de notre objectif. »
Je crois que c’est clair. Mais prenons les choses dans l’ordre :
1) Il commence par dire : « le message est le même » – ce qui veut clairement dire que rien n’a changé par rapport au précédent message. On pourrait donc s’arrêter-là et passer à autre chose. Mais non, il fallait donc expliquer pour ceux qui n’avaient pas écouté ou pire ; pas compris.
2) Il a donc ensuite expliqué : « il incombe à la Fed de ramener l’inflation à notre objectif de 2% » – on sent immédiatement que la suite ne va pas plaire, parce que nous savons tous que l’inflation est bien au-dessus des 2% et que pour le moment, elle refuse de baisser plus bas. Ce qui repousse du même coup la possibilité d’une politique de détente des taux tant que les 2% ne sont pas dans le rétroviseur. Pas très « dovish » comme suite de discours. Après, il a fallu enfoncer le clou pour expliquer une bonne fois pour toutes que l’idée, c’est vraiment de faire baisser l’inflation…
3) Powell a donc conclu en disant : « nous avons l’intention de maintenir notre politique à un niveau restrictif jusqu’à ce que nous soyons convaincus que l’inflation se rapproche durablement de notre objectif ». CON-VAINCUS. Si l’on fait bien attention à ce que nous entendons, ça veut tout simplement dire que NON SEULEMENT il veut voir l’inflation à 2%, mais EN PLUS il veut être bien sûr qu’elle ne va pas remonter à partir de là. On ne peut pas dire non plus que ce genre de conclusion laisse supposer que le patron de la FED est impatient de recommencer à baisser les taux.
Quoi de neuf doc ?
Voilà. À partir de là on peut largement dire qu’il n’y a rien de nouveau, puisque selon ma mémoire ça fait des mois qu’il nous dit que son but c’est de faire baisser l’inflation sous les 2% coûte que coûte – et que même si cette stratégie doit déclencher une récession, il estime que gérer une récession est plus simple que se battre contre une inflation hors de contrôle. Le discours de Jackson Hole aura donc été un remake d’à peu près tout ce que Powell a dit depuis le 1er janvier et qu’à partir de là, il n’y avait vraiment pas de quoi s’exciter. Du coup, les marchés se sont dit que l’on allait se concentrer sur l’avalanche de chiffres économiques qui nous attendent cette semaine et qu’à ce moment on pourrait spéculer sur le sujet de la baisse des taux. Si l’on voulait résumer tout ce qui s’est dit vendredi et les autres jours à Jackson Hole, on dira que pour le moment, Powell nous dit : « TAUX ÉLEVÉS » et le marché entend : « ÉCONOMIE SOLIDE ».
Mais là tout de suite, les experts sont en train de se dire que si on arrive à se faire une baisse de 0.5% sur les taux directeurs américains en 2024, ça sera déjà un miracle et de plus en plus de monde est en train de se persuader que nous sommes dans un environnement de taux élevés pour un bon moment. J’ai même réussi à trouver une prévision qui dit qu’en 2025 on sera encore à 4%. Mais ça n’impressionne plus personne. Après avoir attendu tellement de grandes choses du discours de Jackson Hole, le marché est comme anesthésié en attendant la suite. En conclusion, nous avons passé notre semaine à attendre des choses qui étaient censées changer notre vie d’investisseurs et on se retrouve ce matin en se disant que l’été est fini, que l’on n’en sait pas plus sur l’avenir des taux, de l’économie et que Nividia, le SOX et le Nasdaq n’arrivent plus en avant.
En Asie
Ce matin nous sommes lundi et c’est le début de semaine. Comme tous les débuts de semaine, on s’occupe de la Chine. La semaine dernière on se posait pas mal de questions sur la Chine et ce week-end encore on entendait deux ou trois stars de la finance qui nous annonçait l’Apocalypse financière et économique en Chine, estimant que le ralentissement économique, la crise immobilière et le chômage qui augmentent étaient le mélange parfait pour nous faire un « Lehman Moment » à la chinoise. Et comme par hasard, au moment où les experts commencent à dire que ça va mal se finir, il y a quelques heures le gentil gouvernement chinois a annoncé tout un train de mesures pour, je cite : « restaurer la confiance et à attirer à nouveau les investisseurs sur ses marchés boursiers ». Tout de suite, vous avouerez que ça donne envie. Rien que du point de vue marketing.
Ces mesures proposent notamment de réduire de moitié le droit de timbre sur les transactions boursières. Les bourses locales ont également abaissé leurs exigences en matière de financement par marge, ce qui est censé contribuer à faire revenir les investisseurs après près d’un an à se faire démonter la tête sur le marché chinois. Et ça marche. En tous les cas à court terme, puisque ce matin l’ensemble de l’Asie est en plein délire haussier. La Chine prend 2.45%, Hong Kong s’envole de 2.08% et le Japon suit le mouvement par sympathie et progresse de 1.68%. L’effet de manche fonctionne donc très bien en cette dernière semaine d’août, je me demande simplement si baisser les frais de transactions boursières et encourager les gens à emprunter pour investir en bourse sont deux stratégies qui vont régler à elles seules les problèmes économiques que traverse actuellement la Chine. Mais je peux me tromper et loin de moi l’envie de jouer les corbeaux sur ce coup-là.
Pour le reste
Mis à part la Chine qui se réveille avec une pêche d’enfer en se basant sur pas grand-chose, on sait que nous sommes à l’aube d’une semaine que l’on qualifiera de spectaculaire au niveau macro. Maintenant que la saison des trimestriels est terminée nous allons donc pouvoir nous concentrer sur l’analyse pointue des chiffres économiques qui vont sortir et en tirer les conclusions qui s’imposent sur les conclusions que la FED elle-même va tirer de ces chiffres. Et ça tombe bien parce que tout ce qui va nous tomber dessus entre lundi et vendredi sont LES CHIFFRES préférés de la FED et on va pouvoir se chauffer en attendant le 20 septembre. Oui, parce que le 20 septembre, il y aura le FOMC Meeting et que là, cette fois, on saura vraiment ce que Powell veut faire avec les taux.
Ou pas.
Donc, si l’on doit parler chiffres, c’est demain que ça va commencer avec la confiance du consommateur aux USA. On sait que c’est le moteur de la croissance et c’est un chiffre qui va devenir de plus en plus important, histoire de voir si Joe American n’est pas en train de craquer sous ses problèmes de dettes – que ça soit du côté des cartes de crédit, ou que ça soit du côté des dettes hypothécaires et du marché immobilier. Toujours mardi, il y aura également les JOLTS. Les JOLTS c’est le « Job Openings and Labor Turnover Survey” – en gros c’est un sondage qui demande à un échantillonnage d’entreprise américaines ce qu’elles comptent faire au niveau de l’emploi ces prochains temps. C’est le chiffre préféré de Madame Yellen pour prendre la mesure de l’état de l’économie. Ensuite, mercredi, il y aura les chiffres de l’inflation en Allemagne et comme j’en reviens, je peux vous dire que c’est pas bon marché. Bon, c’est pas encore les prix de Verbier en février, mais ça s’en rapproche largement.
Et c’est pas tout
Après le CPI germanique, il y aura aussi les chiffres de l’emploi ADP – antichambre des NON Farm Payrolls – chiffres qui seront suivit par le PIB américain. Ensuite jeudi nous aurons le CPI en Europe et en France, ainsi que les Jobless Claims et le FAMEUX PCE adoré de la FED – meilleure mesure de l’inflation devant l’éternel. Et puis vendredi nous conclurons la semaine avec un feu d’artifice avec les NON FARM PAYROLLS du mois d’août. Autrement dit, cette semaine, tout peut arriver et nous sommes capables de tirer à peu près n’importe quelle conclusion et son contraire lors de chaque séance de la semaine, sauf peut-être aujourd’hui. Parce qu’aujourd’hui c’est lundi et qu’on n’a peut-être pas franchement envie d’y retourner.
Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.08% – c’est de la folie. Le pétrole est à 79.86$, l’or est à 1943$ et le Bitcoin est à 26’000$. En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter un très bon début de semaine (quand même) et nous on se retrouve demain à la même heure et au même endroit ! Excellente journée à tous.
Thomas Veillet
Investir.ch
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– Clint Eastwood