La météo des places boursières n’est jamais simple à analyser et est souvent encore moins fiable que la version classique des prévisions d’avant le journal télévisé. Il y a quelques années, j’avais eu l’occasion de participer à une conférence durant laquelle j’avais partagé ma vision des marchés pendant qu’un météorologue de la télévision (Philippe Jeanneret), avait partagé les siennes sur la météo. Lors de sa présentation, il avait déclaré que depuis 50 ans, l’exactitude des météorologues était passée de 50% à plus de 80%. Ensuite il m’avait demandé à moi, comment cela avait évolué dans la finance. BEN, il y a 50 ans on était correct une fois sur deux et aujourd’hui… Aussi…

L’Audio du 11 septembre 2023

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La semaine macro (encore)

Le décor étant planté, cette accroche de début de chronique avait pour but de vous mettre dans l’ambiance et vous faire comprendre que cette semaine, nous allons brasser un paquet d’air et surfer de chiffre macro en chiffre macro pour essayer de deviner ce que vont faire les banques centrales ces prochaines semaines. Et surtout ces prochains jours si l’on parle de la BCE. Vous l’aurez donc compris, la semaine va être chargée en chiffres, mais surtout chargée en chiffres qui sont susceptibles de faire bouger le marché et nous remettre en question au sujet de l’inflation.

Il y aura donc le CPI, le PPI et les ventes de détails qui seront censés nous donner le ton et nous donner quelques indices sur la suite des évènements. Pour l’instant, l’ensemble des experts en économie sont toujours persuadés que la FED ne montera pas les taux en septembre, mais par contre, la probabilité de voir une nouvelle hausse en novembre continue de faire son chemin. Les chiffres du CPI de cette semaine devraient définitivement lever le voile sur cette possibilité – surtout que même les attentes pointent en direction d’une nouvelle accélération de l’inflation au mois d’août – sans compter que lorsque l’on voit la tronche du pétrole, on imagine assez mal que tout cela puisse se calmer.

Juge de paix

Néanmoins, nous en saurons plus mercredi et nous aurons largement le temps d’en reparler. Mais en attendant, il faudra aussi noter qu’Oracle va sortir ses résultats trimestriels et que cela nous permettra aussi de revenir sur le sujet de la TECHNO. Alors oui, Oracle n’est pas Nvidia, mais ils auront sûrement à cœur de mettre le terme « intelligence artificielle » dans leur communiqué de presse, puisque les dernières statistiques en date, laissent à penser qu’à chaque fois que le terme « intelligence artificielle » est utilisé dans le discours d’une société, le titre monte deux fois plus que les autres qui ne le mentionne pas.

Cela nous permettra également de voir si la HYPE de l’IA est toujours bien vivante, puisque depuis quelques jours, on sent quand même que le secteur n’a plus la « niaque ». D’ailleurs, il faudra noter que la semaine dernière, nous avons eu la première « décollecte » d’argent dans le secteur de l’intelligence artificielle depuis des mois. En effet, alors que durant la même période, nous avons eu des entrées de 2.2 milliards de dollars dans les actions, dans leur globalité, nous avons pu constater que 1.7 milliards étaient sortis du secteur de la technologie en général. L’affaire d’Apple avec les Chinois n’y est pas pour rien, bien évidemment, mais pas que. On sent aussi une certaine fatigue sur le reste des GAFAM’s qui semblent à bout, sans parler du fait que Nvidia et le qualificatif « surévalué » semblent devenus indissociables dans la presse financière.

Danger ou pas ?

D’ailleurs, lorsque l’on regarde les indices d’un point de vue graphique, on sent qu’il y a quelque chose de cassé dans le rallye qui nous a tenu en haleine depuis le début de l’année. En Europe, nous avons le CAC et le DAX qui sont au bord de nous décrocher une Death Cross, le SMI qui est à « ça » de casser le support qui correspond au bas de sa tendance haussière de 12 mois et si l’on regarde le SOX – en observant le graphique ci-dessous, on se rend compte qu’il y a un gros risque de cassure à la baisse. Et lorsque l’on regarde ce qui s’est passé sur le secteur du luxe depuis que l’on s’est rendu compte que les Chinois ne viendront pas dépenser en Europe là tout de suite, on peut se dire que si la tech rend les armes à court terme, ça pourrait secouer et nous rappeler que le mois de septembre n’est pas un « un bon mois ». Enfin, pas tout le temps.

Graphique du SOX – Source : Tradingview.com – Analyse par James D. Touati (SAMT) – James-SAMT sur tradingview.com

Cette semaine nous aurons aussi les chiffres des ventes des détail – le mois dernier, elles nous avaient fait très peur parce qu’elles étaient trop fortes et que cela pouvait laisser craindre que la FED monterait les taux plus tôt que prévu et qu’attendu par les experts. Sauf que ce mois, avec les déclarations « catastrophistes » de certains « retailers » comme FootLocker ou Macy’s – on pourrait être amené à avoir un chiffre qui ne ferait plus craindre une hausse des taux parce que trop fort, mais pourrait nous forcer à devoir aborder le sujet de la récession – sujet qui, je le rappelle, reste encore très tabou, surtout depuis que Goldman Sachs revoit à la baisse ses « probabilités » de récession à peu près toutes les semaines. Toujours est-il que la hausse du pétrole commence aussi à faire stresser tout le monde.

Toujours plus haut

Oui, si vous ne l’avez pas encore remarqué, vous allez rapidement vous rendre compte que le baril de pétrole ne fait plus que de monter et que les prises de profits sont devenues très rares. Et si vous ne l’avez pas encore bien compris, je vous encourage à NE PAS regarder le prix de l’essence affiché sur les panneaux devant les stations-services. Le risque d’AVC financier devenant beaucoup trop élevé. Toujours est-il que ce matin, le brut se traite à 87$ et des poussières sur le WTI et l’on commence à parler un peu (un peu trop) du fait que les inventaires sont au plus bas.

Imaginez : vous avez les inventaires pétroliers qui sont très (trop) bas. Y compris et SURTOUT, ceux de la réserve stratégique américaine. Ceux-là même qui avaient été utilisés pour garder le prix du baril au moins cher possible durant les élections de mi-mandat. Mais en plus, aujourd’hui, les Saoudiens et les Russes ont décidé de garder leurs robinets ouverts de façon très contrôlée. Du coup, on se retrouve avec une offre qui diminue (parce que moins de production de pétrole) et une demande qui devrait augmenter à l’approche des périodes plus froides et pour couronner le tout, dans leur réserve stratégique, les USA n’ont plus de quoi faire pression sur les prix – au contraire, certaines mauvaises langues disent même qu’il se pourrait qu’ils soient carrément acheteurs pour re-remplir ladite réserve stratégique. Il ne reste ensuite plus qu’à s’imaginer le scénario : moins d’offre, plus de demande, l’hiver qui arrive et le gouvernement US qui doit remplir ses stocks. Si ça ne ressemble pas à une « tempête parfaite », je ne sais pas ce que c’est.

En Asie

Ce matin en Asie, nous avons le Hang Seng qui recule de 1.5%, le Japon qui baisse de 0.19% pendant que la Chine est en hausse de 0.6%. Alibaba est en forte baisse parce que le CEO de la division « cloud » a donné son sac. Et puis autrement, pour le reste on notera que l’or est à 1945$ et que le graphique est en train de nous dessiner une magnifique « death cross » malgré que tout le monde semble être enclin à acheter de l’or. Du côté du Bitcoin et des autres cryptomonnaies, il faudra retenir que les clowns du G20 sont en train de mettre au point de nouvelles réglementations qui devraient voir le jour en 2027 et réglementent beaucoup plus sérieusement les échanges internationaux de cryptos. Le Bitcoin ne bronche pas sur la nouvelle. Bon, en même temps, 2027 en années cryptos, c’est dans 1’000 ans.

C’est Biden qui en a parlé lors du sommet du G20 qui se tient en ce moment en Inde. Biden qui a d’ailleurs été ridiculisé encore une fois ce week-end, puisqu’un des membres de son staff lui a coupé la parole en pleine conférence de presse avant qu’il ne dise trop de conneries. Biden qui a d’ailleurs l’air de plus en plus liquide alors que les médias américains commencent à se demander si le parti démocrate n’aurait pas intérêt à trouver un autre candidat pour les élections de 2024 avant que celui-là leur pète dans les mains à trois jours du scrutin.

Et maintenant ?

Je peux déjà vous confirmer que cette semaine les marchés américains ne sont pas fermés le lundi, même s’il n’y a que très peu de nouvelles et que tout le monde semble avoir les yeux fixés sur le G20. Il n’y aura donc pas de chiffres économiques dignes de ce nom aujourd’hui et il faudra attendre demain pour avoir le ZEW en Allemagne. D’ici-là, on va passer nos journées à tergiverser en attendant mercredi pour pouvoir déclamer nos avis et autres opinions au sujet de l’inflation. N’oublions pas non plus que la BCE tiendra son meeting à elle ce jeudi et que même si nous sommes tous « pratiquement » certains que Dame Lagarde va faire une pause dans son cycle de hausse des taux, on ne peut jamais exclure un changement de dernière minute qui confirmerait le fait que l’inflation ne fait pas toujours ce que l’on veut, quand on le veut.

Bref, s’il faut retenir une seule chose de cette semaine qui nous attend, c’est que ça risque d’être compliqué et que bull market semble être très fatigué. À l’heure où je vous parle, les futures ne font strictement rien Mais avant d’en savoir plus en milieu de semaine, il me reste à vous souhaiter un très bon lundi, un très bon début de semaine et je vous retrouve demain matin en pleine forme et avec l’envie d’en découdre.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“To live is the rarest thing in the world. Most people exist, that is all.”

– Oscar Wilde