On est bien tous d’accord que depuis quelques semaines, voire quelques mois, la finance mondiale s’est arrêtée de vivre et est partie à la recherche de la carte au trésor qui permettra de savoir si la FED va monter les taux, ou ne va pas les monter les taux ou alors va tout simplement attendre encore sans rien faire avant de monter ou de les baisser. Avant, quand les taux étaient à zéro, on avait un peu plus de temps pour se concentrer sur de l’analyse sectorielle, faire des choix sur des sociétés individuelles en fonction de leur secteur d’activité. Mais là, nous en sommes réduits à la chasse aux infos macros ou à trouver la « bonne petite phrase » dans la bouche d’un banquier central…
L’Audio du 6 septembre 2023
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Pile ça on ne fait rien et face on ne fait rien non plus
Et la séance d’hier n’a pas dérogé à la règle. Les intervenants se sont concentrés sur les déclarations de Christopher Waller – membre de la FED qui s’est exprimé en estimant que la FED n’avait (à priori) plus besoin de monter les taux. Les marchés ont aimé les paroles rassurantes prononcées par Waller, paroles qui laissaient supposer que la FED SAVAIT ENFIN CE QUI ALLAIT SE PASSER DANS LE FUTUR DE L’ÉCONOMIE. Personne ne s’est demandé pourquoi ils n’avaient rien vu venir AVANT, mais que là tout d’un coup, ils savaient.
Mais peu importe, l’important n’est pas qu’ils aient été nuls par le passé, l’important c’est qu’ils soient bons et visionnaires dorénavant. Donc, depuis que Waller nous a dit que tout allait bien se passer, on s’est dit que l’inflation était sous contrôle et que les taux ne monteraient plus. Sauf que pendant ce temps, le rendement du 10 ans et du 30 ans ont pris l’ascenseur. Le 10 ans US est à 4.26% et le 30 ans vient de passer à 4.38%. Du coup, on s’autorise à penser dans les milieux autorisés que de plus en plus d’investisseurs se demandent s’il n’est pas plus intelligent de se contenter de 4.26% de rendement sur les 10 prochaines années plutôt que de faire all-in sur une action de voitures électriques vietnamiennes qui pourrait éventuellement peut-être, un jour, prendre des parts de marchés à Tesla et qui vaut déjà plus cher que Mercedes.
Pas rassurés, mais presque
En milieu de séance, les marchés étaient hésitants. Et quand je dis « hésitant », c’est un euphémisme. Lorsque l’on voit comment ça traitait hier, on avait l’impression que c’était encore Labor Day aux USA et que les traders n’étaient pas encore revenus, ou alors qu’ils étaient encore en train de décuiter de la veille. Il n’y a qu’à regarder les performances des indices d’hier, on a clairement l’impression que tout le monde se demande quel sera le prochain « move » important, mais que clairement, on n’a aucune idée de la direction à prendre. La volatilité est en train de se demander s’il ne serait pas plus simple de tendre vers zéro – à savoir un immobilisme total en attendant que l’on « SACHE VRAIMENT » où va l’économie – et les indices ne font pratiquement rien. Hier le Dow Jones reculait de 200 points et j’ai dû recevoir environ 50 messages de différentes plateformes de médias qui me disaient : « le DOW JONES RECULE DE 200 points à la clôture ! » avec 12 points d’exclamation à la fin.
Sauf que personne n’a encore compris que quand t’as un indice qui vaut presque 35’000, 200 points ça fait à peine. 0.56%. Alors oui, en 1987 quand le Dow Jones était à 1’000 et que l’on perdait 200 points, là ça valait la peine d’envoyer un « tweet » – sauf que TwitterX n’existait pas. Enfin bref, le Dow a perdu 0.56%, le S&P500 abandonnait 0.42%, le Nasdaq baissait à peine de 0.08%. En Europe, le Dax reculait de 0.34%, tout comme le CAC. L’Italie passait dans le vert en hausse de 0.02% et la Suisse était la lanterne rouge de l’Europe (même si elle n’est pas en Europe). Le SMI s’est pris 0.86% dans les dents à cause de craintes de ralentissement mondial – visiblement les investisseurs ont plus peur du ralentissement mondial en Suisse qu’ailleurs. Il faut dire que quand t’as Nestlé, Roche et Novartis qui terminent en baisse de 1.5%, c’est pas simple de finir en hausse. Par contre il faut noter que le SMI pourrait revenir sur le support de tous les supports à 10’578 et c’est là qu’il faudra acheter ou mourir.
L’économie qui ralentit et le pétrole qui ne ralentit pas du tout
Ensuite le reste du monde a repris sa concentration et même s’il ne se passait pas grand-chose. Une fois le discours de Waller mis derrière nous, on s’est concentré sur les nouvelles déclarations de Goldman Sachs à propos de la récession. Souvenez-vous, il y a quelques semaines, le stratège de la banque qui sait tout avant tout le monde, avait annoncé que selon leur formule magique, il n’y avait « QUE » 20% de chances de voir la récession nous tomber sur la figure. Sauf qu’hier, le MÊME stratège a revu son calcul et est arrivé avec un nouveau chiffre ; il y a dorénavant :
15% de chances que les États-Unis entrent en récession au cours de 12 prochains mois
Il n’a pas précisé le taux de chances de récession pour dans 13 mois, mais comme ça il y a un peu de suspense pour l’an prochain. Toujours est-il que J’ADORERAIS voir la formule de calcul utilisée pour corriger un risque inflationniste de 20% à 15%. J’imagine le stratège de Goldman Sachs faire un pointage journalier au Walmart du coin pour vérifier le prix des carottes et interroger les gens à la sortie du magasin pour leur demander combien ils gagnent et s’ils comptent acheter un congélateur ou une friteuse dans les 12 prochains mois.
Le bouquet final
Et puis nous avons eu le feu d’artifice final. Alors que tout le monde était en train de se convaincre que l’inflation était sous contrôle et que plus jamais nous n’aurions à nous inquiéter de la hausse du prix du troupeau vivant, du kilo de bacon ou du litre de jus d’orange, il y a les Saoudiens et les Russes qui se sont rappelés à notre bon souvenir. Oui, parce que si vous vous rappelez bien, les Saoudiens et les Russes avaient décidé de couper la production de pétrole jusqu’à la fin de l’été, histoire de garder le prix du baril à un niveau « correct ». Oui, parce que les Saoudiens doivent payer le transfert du footballeur brésilien qui est tout le temps blessé et les Russes doivent juste rappeler au reste du monde qu’ils ne sont pas nos amis, qu’ils ne l’ont jamais été et que c’est quand même eux les méchants dans les films américains.
Et bien hier, les deux compères ont donc décidé de maintenir les coupes de production jusqu’à la fin de l’année. BAM ! Du coup, ceux qui avaient un doute, le baril a clairement cassé à la hausse et si Biden ne fait rien, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres pour retourner à 93$ sur WTI. Quant au BRENT, il n’y a plus rien qui le retient. Du coup, forcément, alors que tout le monde était en train de se dire que l’inflation n’était plus qu’un mauvais souvenir, le stratège de Goldman Sachs a dû entrer un prix du pétrole à 93$ dans son spreadsheet de « risque de récession » et sentir une vague de panique lui couler entre les omoplates.
Bref, à la fin le marché termine au milieu de nulle part et ceux qui pensent qu’on va tous mourir n’arrivent pas à se départager avec les éternels bullishs méga-confiants et nous allons attendre le prochain chiffre ou le prochain discours pour essayer de trouver la direction qui est bonne à prendre.
Ailleurs
En ce mercredi matin la plupart des marché asiatiques sont en baisse sur fond d’inquiétudes persistantes concernant le ralentissement économique en Chine – enfin quand je dis « asiatique », c’est surtout tout ce qui est lié de près ou de loin à la Chine, parce que côté asiatique du Japon, ça surperforme le reste, puisque la BOJ les membres ont réaffirmé la nécessité d’une politique monétaire souple – en gros, ils restent en mode YOGA et vont continuer a soutenir l’économie. Traduction : le Nikkei va à 50’000.
Du côté de notre cher ami le pétrole, comme mentionné plus haut, l’annonce conjointe du couple russo-saoudien a fait monter le Brent et le WTI et ce dernier est à 86.73$ – en ce qui me concerne, je vends mon V6, je vends ma moto et ce matin je vais chez VinFast acheter une voiture électrique et ensuite chez BM pour acheter un scooter qui fait le bruit d’une perceuse anémique – Pendant ce temps, l’or est à 1951$ et le Bitcoin s’effrite lentement en direction des 25’000$… tic-tac, tic-tac…
De la news ?
Côté nouvelles, tout le monde parle de l’IPO de ARM qui devrait être pricée autour des 52 milliards de valorisation avec un premier jour de trading à la mi-septembre. Ça devrait être chaud, puisqu’il y avait AVANT l’IPO, plusieurs requins qui tournaient déjà autour – dont Nvidia – pas certain qu’ARM reste longtemps en bourse. Il y a aussi Sandoz, filiale de Novartis qui doit bientôt venir en bourse et qui a publié des chiffres qui ont fondu de moitié, ça ne va pas aider pour le marketing et ça a pesé sur Novartis hier.
Autrement on retiendra que pendant que le pétrole s’envole, la Maison Blanche a déclaré que Biden va porter le masque ANTI-COVID pour se protéger de sa femme et pour protéger son entourage. On sent le VRAI sens des priorités. Et pour le reste, nous allons passer notre journée à analyser les chiffres du jour : il y aura le trade balance américain, ainsi que le PMI selon S&P et l’ISM Non-Manufacturing aux USA. Les Allemands publieront leurs Factory Orders.
Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.10% et il ne reste plus qu’à jouer à pile ou face pour savoir si le prochain chiffre sera inflationniste ou pas… Et si le pétrole va tout de suite à 93$ ou juste – plus tard… Demain c’est congé pour cause de Jeûne Genevois et de tarte aux pruneaux et on se voit vendredi pour conclure la semaine, bien que j’imagine qu’une partie d’entre vous sera resté en week-end !
À vendredi !
Thomas Veillet
Investir.ch
“The secret of change is to focus all of your energy, not on fighting the old, but on building the new” – Socrates