Il y a des jours où l’on se fait une mission de brasser de l’air pour raconter n’importe quoi. N’importe quoi comme arguments pour justifier une baisse, une hausse ou tout autre comportement du marché. Surtout que l’on sait que la performance de toute une semaine pourrait se jouer sur un chiffre qui sortira dans quelques heures. Hier les marchés mondiaux ont rebondi surtout parce que les choses étaient « moins pire » que la veille, le repli de 0.04% sur les rendements du 10 ans a soulagé les intervenants, tout comme le prix du baril qui plongeait dans le sillage des prévisions de certains. Tout ça pour se retrouver à attendre 14h30 cette après-midi.

L’Audio du 29 septembre 2023

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Peur du vide

Peu importe si vous croyez aux théories de l’analyse technique, le S&P500 se trouve à des niveaux qui laissent à penser que soit, nous allons avoir un rebond de folie, soit la cassure des supports va faire très très mal. Et ça tombe bien, parce que les chiffres du PCE qui seront publiés tout à l’heure, pourraient – dans l’hypothèse où ils sont trop loin des attentes, déclencher une réaction violente du marché. Je dis bien « pourraient » parce qu’actuellement, nous sommes capables d’absolument tout et n’importe quoi tellement notre vision est à court terme.

Si l’on regarde la séance d’hier, c’était pas trop mal. Bon, c’était pas l’euphorie, mais c’était moins pire que ce que nous avions vécu depuis le début de la semaine. Pourtant étant donné les nouvelles que nous avons dû avaler, ça n’était pas gagné d’avance. Tout d’abord le pétrole était super-fort et il donnait VRAIMENT l’impression qu’il allait casser les 100$ là tout de suite, pour la fin de la semaine. Surtout que LE STRATÈGE de Goldman Sachs l’a annoncé hier. En effet, Jeff Currie, patron des matières premières dans la banque d’affaires américaine a repris la rengaine que l’on connait depuis des semaines, pour nous dire que ça ne peut pas aller ailleurs qu’au-dessus des 100$, étant donné que les stocks sont au plus bas et que les Saoudiens et les Russes ne veulent rien entendre. Le WTI a payé au-dessus des 95$…Et s’est immédiatement pété la figure juste derrière. Ce matin l’or noir se traite à 91.83$. On sent bien que l’on attendait juste une annonce du genre pour tout vendre.

Soulagement

Le repli du baril a donc, semble-t-il, calmé les marchés qui commençaient à avoir peur d’un éventuel ralentissement économique. C’est d’ailleurs le repli de deux assets qui nous offraient des hausses verticales récemment qui ont permis aux marchés de finir la séance un peu mieux que ce à quoi ils nous avaient habitués depuis lundi. En effet, la baisse relative du pétrole et le très léger effritement des rendements du 10 ans ont un peu soulagé le stress des marchés. Rien n’est encore gagné, ce vendredi est jour d’échéance des options et comme à chaque échéance, on nous dit que « vu le nombre d’options ouvertes cela pourrait générer des tonnes de volatilité sur le marché » et comme à chaque fois qu’on nous sort ce commentaire : il ne se passe rien.

Le fait que deux indicateurs de danger se repliaient hier soir a donc calmé le marché qui a pu s’offrir un timide rebond et assister un peu plus sereinement aux publications des Jobless Claims hebdomadaires qui ENCORE une fois étaient en-dessous des attentes et qui, ENCORE une fois, laissaient à penser que le marché de l’emploi va bien. Par contre, hier soir nous n’avons pas « paniqué » comme nous le faisons une semaine sur deux, sous prétexte que l’emploi est trop fort et que ça va pousser Powell à monter les taux. Encore. Powell qui était d’ailleurs attendu comme le loup blanc après la clôture, puisqu’il devait faire un discours public au sujet de l’économie.

Fin de séance optimiste

À l’heure de la clôture, les intervenants semblaient assez confiants et à voir les futures, ils le sont encore ce matin. Hier soir Nike a publié des chiffres plus ou moins en ligne avec les attentes. Ils ont annoncé des revenus plus faibles qu’attendus, une compression des marges et des chiffres que globalement nous pourrions qualifier de « timides », mais ils ont annoncé qu’ils s’attendaient à une année 2024 très très forte. Et je crois pouvoir dire que c’est surtout grâce à ces commentaires que le titre prenait 9% after close. Ce sont des promesses et rien de concret – surtout si le consommateur américain décide de rendre les armes dans les prochaines semaines, mais hier soir nous avions besoin d’entendre des paroles rassurantes et de croire à des jours meilleurs.

La journée aura donc été bonne, mais malgré cela, on craint toujours de voir monter le pétrole à des niveaux stratosphériques – des niveaux qui pourraient tuer l’économie – parce que le stratège de Goldman l’a bien dit le pétrole VA aller AU-DESSUS des 100$ et au-dessus des 100 ça peut aussi vouloir dire 200$, ben oui, techniquement c’est au-dessus de 100. Toujours est-il que nous craignons un ralentissement induit par le pétrole ou que l’inflation refuse de baisser selon le PCE de cette après-midi. En tous les cas, ceux qui sont restés debout après la clôture pour écouter Jerome Powell en espérant qu’il nous éclaire la voie de ses paroles en ont été pour leurs frais. Le Président de la FED n’a strictement rien dit qui pouvait laisser supposer ou même penser quoi que ce soit. Résultat ; il ne reste plus qu’à attendre les chiffres du PCE de tout à l’heure. En résumé, je me suis tapé deux pages de chroniques et 4 jours de trading pour en être réduit à attendre 14h30 cette après-midi.

L’Asie

Ce matin la Chine est fermée pour cause de festival de la Lune, Hong Kong remonte un peu, boosté par les techs et le Japon ne fait rien. La Corée est également fermée, la région est donc plutôt calme, surtout que les Japonais ne bougeront pas tant qu’ils n’en sauront pas plus sur les chiffres de l’inflation US et comme ils seront fermés lors de la publication, on en reparlera lundi matin. Pour le moment, le pétrole est à 91.79$, l’or est à 1881$ et le Bitcoin frise les 27’000$.

Du côté des nouvelles, on notera que les tensions sur le marché obligataire se font sentir alors que l’Italie va emprunter encore un peu plus et que les budgets partent en sucette. Hier l’Allemagne a publié une chute verticale de l’inflation qui est passé de 6.5% à 4.3% en l’espace d’un mois. Je ne sais franchement pas comment ils ont fait pour réussir à faire baisser ce chiffre alors que le pétrole et la bouffe n’arrêtent pas de monter, il faut croire que les gars sont super-balaises pour jouer avec les tableurs excel et leur faire dire ce qu’ils ont envie.
Le reste et le PCE

Autrement, il paraît que les flics de l’anti-trust français auraient fait des perquisitions chez Nvidia. Il est vrai que ça faisait longtemps que l’on n’avait plus entendu parler de monopole chez l’un des 7 magnificent seven. Il y a aussi Bill Ackman qui voit le rendement du 10 ans à 5% « très bientôt » et Ray Dalio qui pense que les USA vont tout droit vers une « crise de la dette ». Bref, tout ça pour vous dire que cet après-midi seront publiés les chiffres du PCE qui est attendu à 3.5% sur l’année et à 0.5% sur un mois. Et pour le reste, il y aura le KOF en Suisse, le CPI en France et en Europe – et puis nous terminerons avec la confiance du consommateur version Université du Michigan qui ne veut strictement rien dire, mais que tout le monde regardera quand même.

Pour l’instant les futures sont en hausse de 0.08% et le destin de la semaine et peut-être même du mois, se décidera à 14h30. Ou alors il ne se passera rien et on se retrouvera lundi pour s’exciter sur autre chose, mais c’est encore trop loin pour savoir sur quoi. D’ici-là, il me reste à vous souhaiter une excellente journée et un très bon week-end.

On se voit lundi pour parler PCE et performances du mois d’octobre.

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“If you don’t make mistakes, you’re not working on hard enough problems.”

– Frank Wilczek