On parle de pivot depuis des semaines. Peut-être même depuis des mois. Pivot de la FED qui doit passer de Hawkish à Dovish et pivot des marchés qui doivent – inévitablement arrêter de monter à un moment où un autre. Je veux bien que l’on me dise que l’inflation est terminée que les taux vont baisser et que Nvidia, ils font tout tout juste, mais à un certain moment, on ne peut pas aligner les séances de hausse comme si nous étions dans une hausse permanente, drivés par une économie indestructible, le plein emploi et la paix dans le monde. IL DOIT QUAND MÊME Y AVOIR des journées où l’on baisse ! Surtout pour un marché qui était au bout de sa vie il y a à peine plus de trois semaines !
L’Audio du 22 novembre 2023
Télécharger le podcast
Le pivot c’était hier ? Ou bien ?
Alors je ne sais pas si le pivot des marchés, c’était hier mais en tous les cas, il a semblé qu’à un certain moment, les doutes nous assaillaient à nouveau. Non, parce que récemment NOUS AVONS décidé que l’inflation allait continuer à baisser et que la FED allait également, non seulement arrêter de monter les taux, mais en plus commencer à envisager une baisse de ces mêmes taux. NOUS AVONS décidé qu’il n’y aurait pas de récession et que la FED serait toujours là pour nous aider, pour nous aimer. MAIS à aucun moment nous avons écouté ce que pensait ou ce que disait la FED. Il faut dire que depuis que le CPI a été publié, la Réserve Fédérale n’avait plus parlé d’une seule voix, mais s’était fait entendre individuellement – et ça, c’est pas crédible pour nous, les stars de la finance.
Hier soir les Minutes du FOMC Meeting – qui ont été rédigées AVANT la publication du CPI – ont tout de même montré un visage un peu plus crispé de la part de la FED. Alors que nous imaginions que les gars étaient super-décontractés et qu’ils avaient confiance en eux et en l’économie américaine, en lisant les Minutes on s’est rendu compte qu’ils n’étaient sûrs de rien et qu’ils étaient perclus de doutes jusqu’à l’os. Loin de notre confiance absolue en ces marchés qui ne sont censés plus que monter en direction du firmament.
L’angoisse de l’inflation toujours là
Une chose est certaine, l’équipe à Powell n’est pas encore en « party-mode ». Pour ça il y a encore du boulot, des risques et ils se refusent à vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, de l’avoir empaillé et d’être certains que son fantôme ne reviendra pas nous hanter ces prochains temps. Le message des Minutes pourrait se résumer ainsi :
« chi va piano va sano e va lontano »
Ce qui démontre encore une fois qu’ils ont la peur au ventre. La peur que l’inflation puisse soudainement repartir à toute vitesse. D’où leur intention de garder les taux élevés encore un moment pour être certains qu’elle est morte (l’inflation). Le problème c’est que pendant que la FED se la joue « prudence est mère de sureté », nous, aka « les stars de la finance », ça fait trois semaines que l’on est plutôt :
« On est les champions, on est les champions, on est, on est, on est les champions »
Et qu’on était déjà en route pour fêter ça à Ibiza, quand on a entendu que la FED était un peu moins euphorique et un peu plus timorée. Gros coup de froid. Gros coup de froid, mais pas assez pour que l’on décide de tout vendre et de retourner hiberner devant un feu de cheminée avec grog avec plus de rhum que de grog dedans. Mais toujours est-il que comme nous avions quand même prévu une bonne baisse des taux en juin, on est en droit de se demander si les Minutes d’hier (BIEN QU’ELLES AIENT ÉTÉ REDIGÉES AVANT QUE L’ON CONNAISSE LES TENANTS ET LES ABOUTISSANTS DU CPI D’OCTOBRE), on peut se demander si ces Minutes ne démontrent pas une certaine angoisse de la FED. L’angoisse de se détendre trop vite alors que l’inflation est encore tapie dans les bois avec le goût du sang dans la bouche.
Et soudain le doute
Du coup, on a décidé d’en finir avec la hausse éternelle et se donner le temps de réfléchir. Et puis ça tombait plutôt bien, parce qu’apparemment, il ne va plus rien se passer pendant les trois prochains jours (ou presque) étant donné que les Ricains vont passer plus de temps à bouffer et à picoler qu’à se concentrer sur les désidératas et les craintes de leur banque centrale. Restait plus qu’à se farcir les chiffres de Nividia après la clôture. Et là aussi, c’était PSYCHOLOGIQUEMENT intéressant. Je me dis ça à peu près trois fois par semaine : « j’aurais mieux fait de lire des bouquins de psychologie que des bouquins d’économie, ça m’aurait apporté beaucoup plus professionnellement parlant ».
Et puis je me souviens que je n’ai jamais lu de bouquin d’économie non plus. Ou alors la préface et comme je me suis endormi après, ça ne compte pas vraiment. Toujours est-il qu’hier soir Nvidia a publié des résultats qui ont PULVÉRISÉS LES ATTENTES. Il n’y a pas d’autres mots pour le dire. Ils ont tellement pulvérisé les attentes que j’en suis presque à me demander s’ils ne trafiquent pas la comptabilité. Regardez plutôt :
Le chiffre d’affaires s’est établi à 18,1 milliards contre 5,9 milliards de dollars il y a un an, alors que le consensus tablait sur 16,2 milliards. Les ventes pour le trimestre ont établi un nouveau record, dépassant les 13,5 milliards. Le domaine des Data Centers a vu son chiffre d’affaires augmenter de 279 % par rapport à l’année précédente pour atteindre le chiffre record de 14,5 milliards de dollars et dépasser le consensus qui était de 13 milliards.
Pourtant, le titre – qui était très volatile after close – a tout de même terminé en baisse de 1.7%. Alors vous me direz : « Pour un titre qui a pris 30% en trois semaines, 1.7%, c’est pas la fin du monde » et c’est vrai. Mais il est intéressant de noter que certains intervenants estimaient qu’une bonne partie de toutes ces bonnes nouvelles étaient déjà « pricées » et se reflétait dans le prix de l’action qui était au plus haut de tous les temps avant la publication des chiffres. Et puis il y a une crainte du côté de Nvidia et des analystes qui la couvrent, c’est l’avenir des exportations chinoises. Ou plutôt l’absence de ces dernières, suite aux nouvelles règlementations misent en place par les clowns de Washington. On pourra donc dire que Nvidia a pulvérisé les attentes, mais que la plupart des annonces étaient déjà dans les prix. D’où le fait que ceux qui comptaient sur Nvidia pour donner un second souffle au rallye de fin d’année en sont pour leurs frais. Pour le moment en tous les cas.
En Asie, on était compatissant
Ce matin en Asie on a donc décidé de ne rien faire. Le Nikkei est légèrement en hausse, pendant que le reste est légèrement en baisse. La FED est dans tous les esprits et, ici comme ailleurs on est en train de « processer » le fait que la FED n’est pas tout à fait prête à baisser les taux, mais qu’elle ne devrait pas non plus les monter de sitôt, à moins qu’il y ait un résurgence haussière du côté de l’inflation – ce qui est LA GRANDE PEUR de FED – ils sont devenus « inflatiophobe » – je sais que le mot n’existe pas, mais je crois qu’il le mériterait. Toujours est-il que la confiance absolue de voir baisser les taux avant juin a été mise en doute par les Minutes d’hier. Il n’y a donc pas de raison de tout vendre là tout de suite, mais les raisons de continuer à acheter comme des fous semblent limitées.
Sans compter que demain c’est Thanksgiving, que la plupart des traders vont enfiler leur pull moche avec un renne qui a un nez qui clignote sur le devant et aller voir la famille pendant 5 jours, ce qui devrait réduire considérablement les volumes et l’intérêt pour la finance. Le pétrole est à 77.77$, l’or est à 2’000$ et le Bitcoin se traite à 36’400$.
Les nouvelles du jour
Dans les nouvelles du jour on décortique les chiffres de Nvidia, on se repasse le film des Minutes du FOMC Meeting. Mais en plus on apprend qu’Israël et le Hamas ont conclu un « cessez le feu » en échange de la libération de 50 otages sur les 240 détenus. Que les Américains ont bombardé des positions du Hezbollah en Irak. Que les Hedge Funds qui sont « shorts » ont perdu 43 milliards depuis le début du mois. Que le prix du blé repart à la hausse à cause de la guerre en Ukraine (tiens, ça faisait longtemps), que les infections au COVID repartent à la hausse, mais que c’est pas grave parce que la dernière version du dernier variant à la mode « n’est pas dangereuse » – je ne sais d’ailleurs même pas pourquoi la presse en parle et que comme un con je relaye l’information.
Du côté de la MAGNIFIQUE JUSTICE américaine, on notera que le Patron de Binance – connu sous le nom de CZ va quitter son poste après avoir plaidé coupable devant la justice américaine… coupable de tout ce que la SEC lui reproche. Et que pour éviter la taule, la disgrâce et d’aller casser des cailloux au bord de la route, il a accepté de payer une amende de 4 milliards. Mais on se calme, ne paniquez pas, ne mettez pas en place une cagnotte leetchi pour l’aider à payer, après le paiement de l’amende, il devrait lui rester quelque chose comme 6 milliards d’argent de poche, ça va donc bien se passer. On notera encore l’arrivée d’un nouvel ETF sur le marché pour tirer parti de l’engouement pour la perte de poids suscité par l’Ozempic. HRTS – c’est son nom – se base sur une liste d’entreprises impliquées dans des traitements anti-obésité et cardiovasculaires. Et Goldman Sachs sont bullishs sur la Chine. Bullishs modérés, mais bullishs quand même et puis on terminera avec cette phrase de Lagarde qui disait hier que la BCE n’en avait pas fini avec son combat contre l’inflation. Je ne sais pas comment il faut le prendre, mais dans le doute : pas bien.
Les chiffres et la dinde
Côté chiffres du jour, on est en mode vacances, mais il y aura tout de même les Durables Goods et la confiance du consommateur selon l’Université du Michigan et puis ensuite, ça sera dinde et gravy pour tout le monde. Enfin, par pour nous parce que les Américains n’ont pas encore exporté CETTE TRADITION-LÀ, mais c’est une figure de style.
Pour le moment les futures ne font rien et on n’attend plus rien. Il me reste à vous souhaiter une belle journée, moi je retourne me coucher et on se voit demain pour brasser de l’air et faire comme si c’était vraiment important d’avoir été là aujourd’hui !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“The best and most beautiful things in the world cannot be seen or even touched – they must be felt with the heart.” —Helen Keller