Les bourses mondiales viennent de terminer leur meilleur mois depuis plus d’un an. C’est la fête au village, les commentaires de la part des « experts » sont dithyrambiques et les compétences des analystes se sont définitivement substituées aux déclarations de gens de la FED que plus personne n’écoute. Pourtant, alors que l’on ne cesse de sabrer le champagne à CHAQUE chiffre économique pour se conforter sur le fait que l’inflation baisse, que la hausse des taux, c’est terminé et que la prochaine fois que l’on parlera des taux, ça sera pour annoncer LA BAISSE, les marchés ne montent plus.
L’Audio du 1er Décembre 2023
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Elle est où la hausse ?
Wall Street se félicite tellement fort de cette économie MERVEILLEUSE qui va tellement bien que l’on est en train d’oublier que pour que ça monte, il faut aussi acheter des actions. Et pas seulement jouer du tambour pour dire qu’on va bien et que tout va bien. Hier les chiffres économiques attendus étaient encore une fois EXCELLENTS – comme prévu – on était complètement fou de joie parce que l’inflation en Zone Euro était en baisse que le marché surjouait la joie de manière presque gênante. Il est vrai que JOUER la surprise alors que la plupart des CPI’s de chaque pays avaient déjà été individuellement publiés et montraient un ralentissement, ça faisait quand même une peu série télé américaine avec les faux applaudissements derrière.
Néanmoins, cette CONFIRMATION comme quoi l’inflation ralenti et que ça va être trop cool de vivre dans ce monde parfait, dirigé par des gens parfaits qui passent un peu trop de temps à nous expliquer que tout va bien, aura en tous les cas soulagé le marché de ses derniers doutes. Car même si les banquiers centraux continuent de crier au loup en expliquant que l’on ne veut pas mettre la charrue avant les bœufs et crier victoire trop vite – c’était le cas hier de John Williams – les marchés s’en foutent comme de leur première chemise. À partir de dorénavant, c’est nous, les intervenants, les gérants, les traders et autres analysto-économicos-experts qui mènent le bal. ON SAIT CE QUI VA SE PASSER et où l’on va. ON SAIT que les taux vont bientôt baisser et ON SAIT que le marché ne PEUT PLUS QUE MONTER, puisque la seule chose qui motive les intervenants c’est de voir les plus hauts historiques rapidement.
Calé ?
Sauf que ça ne monte plus. Hier – malgré ces extraordinaires nouvelles que l’on n’avait VRAIMENT pas du tout vu venir, la France ne faisait rien et le Dax montait de 0.3%. Et pendant que l’on se passait la pommade dans le dos en se disant qu’on avait quand même été trop forts dans cette économie et que l’on se félicitait de voir un PCE plus faible (OH MY GOD, WHAT A SURPRISE) et qu’en même temps, les Jobless Claims montaient de 7’000 demandes et ne BAISSAIENT PAS – on arrivait même à se dire que l’on a réussi LE TRUC parfait en faisant ralentir le marché de l’emploi (en se basant sur un chiffre qui est du pipeau) – tout en réussissant à faire exploser la croissance, baisser les dépenses personnelles et ralentir l’inflation. Eh bien figurez-vous que pendant ce temps-là, le Nasdaq terminait en baisse, et le S&P500 montait de 0.38%. Alors oui, on se gargarisait de la hausse du Dow Jones parce que Salesforce prenait 10%, mais à la fin ; les indices ne foutaient strictement rien dans ce paradis économique dans lequel nous vivons.
Si c’était un scénario de film qui était proposé à Netflix, je pense qu’ils l’auraient refusé parce c’était quand même un peu trop fleur bleue. Ou alors ils l’auraient classé dans les films de science-fiction. Enfin bref, je crois que l’on peut dire que tout ce que l’on nous annonce et toutes ces certitudes sur l’économie et les bourses mondiales commencent tout doucement à nous faire peur. Non, parce qu’il y a quand même une chose que l’on a tendance à oublier ; lorsque l’on voit que l’inflation n’est PLUS QUE DE 2.3% ou 3.1% et que c’est NETTEMENT MOINS que les 9.1% de l’an dernier, tout le monde est fou de joie, bien sûr, mais à la fin ça veut quand même dire que tout est plus cher aujourd’hui qu’hier et que toute la hausse que l’on s’est prise dans les dents depuis deux ans reste bien présente et, sauf erreur, je ne crois pas que les salaires ont augmenté dans la même proportion. Ce qui revient à dire que la qualité de vie que le salarié lambda possède aujourd’hui et clairement nettement pire qu’il y a deux ans. Mais à Wall Street on s’en tamponne le coquillard parce qu’ON N’EST PAS des salariés de base.
En résumé
Pour faire simple, les chiffres économiques nous disent que tout va bien et le pire, c’est qu’on y croit. Mais pendant ce temps, sur les trois dernières années, le jus d’orange est en hausse de 220%, le gaz de ville de 100%, le fuel de chauffage de 100%, le café est monté de 92%, le sucre a pris 77%, le pétrole est en hausse de 76%, le troupeau vivant a pris 55% et la bouffe pour donner à manger aux troupeaux vivants est en hausse de 55%, le soja a pris 40%, les graines de soja sont en hausse de 15%, l’avoine a grimpé de 28%. Reste encore le riz qui est en hausse de 38%. Puis le maïs qui avance de 15% sur trois ans, même le porc avance de 3%. Alors oui, le Palladium a perdu 57% sur la même durée, mais se nourrir de Palladium c’est un peu lourd. Même fondu.
Donc, si l’on revient sur la liste ci-dessus et que nous la mettons en rapport avec le fait que l’inflation « N’EST QU’À 3% » et que grâce à ça, c’est la fête au village, on peut se demander si on nous prend pour des cons, ou si c’est juste le consommateur de base qui n’a rien compris et qu’il n’est jamais content. Tout ça pour vous dire que les chiffres économiques d’hier étaient GÉNIAUX et que les banquiers centraux sont toujours méfiants mais que comme on ne les écoute plus, c’est pas grave, il suffit de savoir que NOUS les EMPEREURS de la finance, nous savons exactement où nous allons et où le marché va. C’est quand même le plus important. On se réjouit donc de la fête prévue pour les 5’000 sur le S&P500, mais pour ce faire, il faudrait quand même que ça monte et visiblement, le fait que le mot « DÉSINFLATION » soit dans toutes les bouches, ne suffit pas vraiment.
En Asie
La plupart des marchés asiatiques sont en baisse, subissant quelques prises de bénéfices après un mois de novembre fabuleux – bon, fabuleux en Chine, c’est pas le mot qui me vient à l’esprit en premier, mais ce matin, il faut bien justifier le recul de 0.6% à Shanghai et de 0.8% à Hong Kong. Le Japon est en baisse de 0.2%. L’attention va désormais se tourner vers le prochain discours de Powell qui aura lieu ce soir, afin d’obtenir davantage d’indications sur les taux d’intérêt. Comme s’il allait tout nous balancer et pivoter en fin de journée ! À noter qu’en Chine les signaux sont contradictoires, puisque d’un côté ça à l’air de repartir, mais sur d’autres données, le pays est toujours dans le coma.
Du côté du pétrole, le baril est à 76$, même après les communiqués de presse de l’OPEP. Je dis « les communiqués de presse au pluriel », parce c’est surtout cela qui ressort du Meeting d’hier. Les pays membres ont donné leur feed-back séparément puisque visiblement, personne n’est d’accord avec personne au niveau des coupes de production. Dans le doute, on n’arrive pas à trouver une direction pour le baril et pendant ce temps, Goldman Sachs a quand même déclaré que le baril allait se traiter entre 70$ et 100$ en 2024 et qu’il y avait des risques de rupture dans la chaîne de production et de distribution et que, dans ce cas-là, le baril pourrait monter brutalement à 100$. En résumé le pétrole pourrait baisser un peu, ou monter beaucoup, mais on n’exclut pas la possibilité qu’il ne fasse rien. L’or est à 2041$, le Bitcoin vaut 38’100$ et le patron de Microstrategy a annoncé son plus gros achat de Bitcoin – ce qui, selon certains, démontre une nouvelle vague d’optimisme sur la cryptomonnaie. Au moins ça va nous occuper.
Nouvelles du jour
Elon Musk a lancé officiellement son Cybertruck hier. Tout le monde est chaud-bouillant sur ce truc immonde. Il y a des tonnes de vidéos qui circulent et qui montrent que ce machin accélère plus vite que tout le monde, que c’est mieux qu’une 911, que c’est plus efficace qu’un F-150 et que mon chien a déjà produit des choses plus jolies que le Cybertruck avec son arrière-train, mais toujours est-il que c’est LA NEWS du jour et que les analystes sont déjà de sortie pour annoncer que CE véhicule a le pouvoir de faire remonter Tesla à 1’000 milliards de capitalisation. Soit plus ou moins 30% de hausse. Je crois que je vais arrêter de suivre la logique d’investissement sur cette boîte. On notera également qu’ABBVIE a acheté Immunogen pour 10 milliards, soit 80% de prime et que Biden a allumé le sapin de Noël à Washington. Oui parce que nous sommes officiellement entrés dans la période Maria Carey, vin chaud et guirlandes qui clignotent dans tous les sens pour fêter la hausse permanente et définitive des bourses mondiales.
Côté chiffres économiques, nous aurons le PIB en Suisse, les Pmi’s manufacturier en France et en Allemagne et puis Lagarde et Powell qui parleront. En ce qui concerne Powell, la question que tout le monde se pose est la suivante :
« Va-t-il parler de la baisse des taux ???? »
Je suis impatient de voir l’interprétation que nous allons faire de son discours. Vu le niveau actuel de la volatilité, ça pourrait à la limite être drôle. Pour le moment, les future sont légèrement en baisse, mais comme tout va bien, on va sûrement finir en hausse ce soir. Un pas de plus vers les records historiques dans le monde du Père Noël de Wall Street.
Passez une très belle journée, un excellent week-end et à lundi pour parler NFP et futur-meeting de la FED. Je suis IMPATIENT !!!
Thomas Veillet
Investir.ch
“If I cannot do great things, I can do small things in a great way.” —Martin Luther King Jr.