Après les chiffres économiques d’hier et les nouvelles déclarations de Dame Lagarde, il devient de plus en plus compliqué d’imaginer que les taux pourraient baisser en mars. On peut donc dire que le fantasme de la baisse des taux en mars pourrait bien rester un fantasme et que des fois, c’est mieux comme ça. Toujours est-il que, pour la première fois depuis un bon moment nous avons pu observer quelques velléités vendeuses un peu plus insistantes que d’habitude et puis, même si les commentaires ultra-bullishs continuent de foisonner sur l’IA, la volatilité frisait les 15% laissant supposer que le niveau de stress était en train de se modifier.

L’Audio du 18 janvier 2024

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Dans l’ordre

Pour revenir sur la journée d’hier, il faut commencer par les chiffres économiques qui continuent de donner des signaux mitigés et pas facile à inclure dans notre scénario de baisse des taux agendé pour le mois de mars. Tout d’abord, les ventes de détails sont sorties et il semblerait (Ô surprise) que le consommateur américain ait appliqué le concept du Carpe Diem durant la période des fêtes de Noël. Les gars ne se sont pas posés de questions. S’ils avaient de l’argent, ils l’ont claqué sans compter et s’ils n’en avaient pas, c’est la carte de crédit qui a pris le relai. La consommation a donc cartonné durant le mois de décembre et personne ne s’est trop pris la tête avec les taux appliqués sur les cartes de crédit, on verra ça l’année prochaine.

Du coup, c’est encore une BONNE NOUVELLE pour l’économie américaine qui continue de fonctionner sur le mode : « si tu n’as pas d’argent, ne te poses pas de questions : emprunte-le ». Le gouvernement le fait déjà si bien qu’il n’y a pas de raisons de se priver de faire pareil. Le problème, c’est que quand tout une nation consomme comme si de rien n’était et qu’il n’y avait pas de lendemain, ça finit toujours par peser sur la thématique de l’inflation ; pas facile de la ramener à 2% si tout le monde se rue dans les magasins pour acheter n’importe quoi. Premier indice que l’on peut verser à la probabilité que les taux ne baisseront peut-être pas si facilement en mars.

Heureusement, l’emploi et malheureusement : Christine

Avec des chiffres pareils, les marchés ont donc commencé à creuser un peu plus sérieusement que d’habitude et puis en plus, comme hier j’ai fait une vidéo qui disait que « les marchés ne baisseront plus jamais », il fallait bien me faire mentir. Ensuite, dans la foulée, il y a eu Dame Lagarde qui est venu donner son avis sur l’économie. Mais aussi sur la baisse des taux. Enfin, surtout sur la baisse des taux, parce qu’il faut bien reconnaître que l’économie, là tout de suite on s’en fout, mais ce qui nous intéressait vraiment, c’était la baisse des taux et voir si elle était d’accord avec Holzmann de la banque centrale autrichienne.

Alors je vais tout de suite casser le suspense et spoiler la fin de l’histoire : elle n’est qu’à moitié d’accord avec lui. À moitié parce qu’elle pense que la BCE sera ou serait en mesure de baisser les taux à l’été. ET ENCORE, ça dépendra des 214 chiffres économiques qui sont susceptibles de la faire changer d’avis qui seront publiés d’ici-là. BAM, deuxième chose qui n’était pas FORCÉMENT en faveur de notre plan qui devait se dérouler sans accroc et qui nous avait permis de monter pendant le mois de novembre ET le mois de décembre. Alors heureusement, dans la foulée, nous avons quand même eu les chiffres du « Beige Book » qui laissaient à penser que l’emploi était en train de ralentir dans la plupart des états américains. Chose qui nous mettait un peu de baume sur le cœur et qui laissait un encore peu d’espoir au plan de baisse des taux en mars.

On veut y croire

À ce stade, il est temps de faire un petit bilan. Depuis le 1er novembre, nous sommes partis dans un délire haussier qui était articulé sur le fait que la FED allait baisser les taux en mars et que l’inflation était vaincue. Ce qui est tout à fait honorable. Sauf que là tout de suite, on se rend compte que l’inflation n’est pas tout à fait vaincue et que – pire – elle repart même à la hausse un peu partout dans le monde. Et que, si l’on est vraiment objectif, quand on voit la merde qu’ils sont en train de nous préparer en Mer Rouge et au Moyen Orient, on a de quoi se dire que ça n’est pas forcément la meilleure stratégie pour voir baisser les prix que ça soit de l’énergie ou des biens de consommation.

Sauf que, malgré que l’évidence semble insister lourdement pour s’imposer à nous, nous refusons de rendre les armes et on continue de vouloir acheter parce que les taux vont baisser. Bientôt. Reste simplement à que le bientôt ne devienne pas aussi élastique que l’adjectif transitoire qui avait été utilisé à l’époque pour qualifier l’inflation. Il y a quelques jours encore, nous avions enfin trouvé un équilibre entre performance de la tech et rendement du 10 ans. On se disait que quand le rendement était sous les 4%, on achetait de la tech, et lorsqu’il repassait au-dessus, on vendait la tech. Là, le 10 ans est 4.10% et Nvidia est au plus haut de tous le temps. On voit que la confiance est encore bien présente et la seule chose qui semble enfin montrer quelques signes de faiblesse, c’est le fait que la volatilité prenne l’ascenseur… Commencerait-on à avoir UN PEU PEUR ? Réponse dans les prochains épisodes de « Wall Street et l’Intelligence Artificielle fabriquent un BUL MARKET ».

Conclusion

En conclusion, hier nous avons vécu une nouvelle séance de baisse, mais de façon homéopathique. Quand on voit la facilité avec laquelle nous sommes montés, basés sur nos fantasmes de voir les taux baisser en mars et Ô combien c’est difficile d’y renoncer, on se dit qu’il y a quand même une sacrée dépendance et qu’il va falloir frapper fort pour que ça réagisse à la baisse une fois pour toute. Ce matin la Chine continue d’en prendre plein les dents à cause du PIB d’hier qui a déçu tout le monde (sauf le gouvernement qui se montrait tout content et satisfait – probablement pour sauver sa tête) et les indices locaux sont – ce matin – au plus bas depuis 5 ans.

Pour le reste de l’Asie, le Japon et Hong Kong ne font rien. Hong-Kong est en train de tester des niveaux de supports assez importants. Si ça ne tient pas là, il n’est pas exclu que cela puisse faire très mal et que la Chine rende la région à l’Angleterre, pour autant que ça soit encore sous garantie. L’Angleterre qui d’ailleurs se pose également des questions sur son inflation qui repart aussi à la hausse. Du côté du reste, nous avons le pétrole qui est à 72.89$ et qui hésite entre donner un coup de main à l’inflation et lui donner le coup de grâce. L’or est à 2010$ et le Bitcoin est à 42’715$ après le nouveau coup d’éclat de Monsieur Jamie Dimon, patron de Jean Pierre Morgan.

Le reste

En effet, Monsieur Dimon a encore été sollicité sur le sujet du Bitcoin. Alors qu’on lui demandait ce qu’il pensait de l’arrivée de l’ETF Bitcoin, il a soupiré, levé les yeux au ciel et imploré Dieu pour qu’on arrête de lui poser cette question. Il a insisté tout de même pour dire que le Bitcoin ne représentait AUCUNE valeur, qu’il n’était là que pour « bouger » de l’argent et que si on lui demandait conseil et il dirait de ne jamais être impliqué là-dedans, mais comme les USA sont un pays libre (à peu près), les gens font ce qu’ils veulent. Et il a terminé en disant : « S’il vous plaît, arrêtez de me parler de cette merde !!! » – le mot MERDE qualifiant bien sûr le Bitcoin. C’est marrant, quand j’entends ce genre de commentaire exaspérés de la part d’un dinosaure de la finance, ça me donne envie d’en acheter.

Dans la thématique d’un nouveau ralentissement de la croissance en Chine, on notera que les intervenants s’en sont pris à Tesla, Caterpillar et Apple, parce que ce sont eux les plus exposés à la Chine. Bon, Tesla est aussi exposé aux délires d’Elon Musk qui veut plus d’action dans la société, d’ailleurs les conséquences de son « tweet » d’il y a 48 heures continuent de se faire sentir. Certains analystes qui étaient méga-bulls sont en train de pédaler en arrière et se disent que les déclarations de Musk ne sont que du « chantage », ni plus, ni moins. Pas sûr que ça soit une bonne nouvelle pour l’année à venir. Apple vendent moins de montres en Chine et on toujours des problèmes avec la patente pour certains sensors de leurs Apple watch, ça continue dans les mauvaises nouvelles.

La Chine à l’international

Et puis on notera que si la Chine ralentit, elle continue tout de même à faire du mal, puisqu’hier MeyerBurger a annoncé que vu la chute des prix dans le secteur des panneaux solaires, ils envisageaient de fermer leur usine à Freiberg en Allemagne. Le titre a perdu 46% au pire moment de la séance d’hier mais finissait en baisse de « seulement » 31%. Il faudra aussi retenir que l’UBS estime que la folie de l’intelligence artificielle pourrait faire monter les actions jusqu’à la fin de la décennie. Ça n’est plus une bulle c’est une péninsule. J’adore les prévisions à 6 ans des banques qui ne sont pas foutues de nous dire ce qui va se passer la semaine prochaine.

En dehors du fait que Jamie Dimon pense que le Bitcoin c’est de la merde, il s’est encore une fois montré très prudent sur l’économie pour ces deux prochaines années. Que ce soit sur la géopolitique, sur les taux, l’inflation ou la FED. Mais par contre, bonne nouvelle de la journée, Taïwan Semi’s vient de publier ses chiffres du trimestre et ils ont fait mieux que les attentes, que ce soit au niveau des revenus et des profits, reste à voir ce que les experts vont trouver à redire en lisant entre les lignes, mais comme les clients principaux de TSMC sont Apple et Nvidia, c’est rassurant. Il faudra aussi retenir que Bank of America a upgradé son objectif sur Netflix, estimant qu’ils avaient gagné la guerre du streaming et que le titre pouvait aller à 585$. Ça tombe bien, Netflix publie la semaine prochaine et ça ne vaut que 480$.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, nous aurons les Minutes du dernier Meeting de la BCE, Thomas Jordan, le patron du Hedge Fund « BNS » qui va parler, les permis de construire aux USA et les Jobless Claims qui vont être utilisés pour voir si on a encore un espoir de voir baisser les taux en mars. Et puis il y aura aussi Bostic qui va parler. Je rappelle que Bostic est un membre de la FED qui a déclaré il y a une semaine qu’il envisage 2 baisses de taux en 2024 et rien avant l’été. Je dis ça, je dis rien.

Pour le moment les futures sont inchangés, la volatilité est en hausse et on est accroché à la paroi de l’Eiger, face nord, en hiver et nous sommes à la recherche du prochain point d’ancrage pour aller plus haut. Parce que reconnaissons-le : il n’y a que la hausse qui compte vraiment.

Passez une très belle journée malgré un temps de merde (comme le Bitcoin) et on se revoit demain pour boucler la semaine (déjà), c’est fou comme ça passe vite quand on s’amuse !

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“My mission in life is not merely to survive, but to thrive.” —Maya Angelou