Aujourd’hui ça fait très exactement 18 ans que j’ai écrit ma première chronique boursière. Bon, c’était un mail qui provenait de l’adresse de la banque chez qui j’étais à l’époque – ce qui m’a d’ailleurs valu pas mal de menus problèmes – 18 ans à me lever aux aurores pour raconter les marchés et je dois dire qu’ils ne m’ont jamais laissé tomber, puisqu’il y avait toujours un truc à dire quelque part. Même quand l’emmerdement était maximum. Aujourd’hui, 7 février 2024, j’en suis à 4'500 chroniques boursières. À raison de 3 pages par jour, j’en suis à 13'500 pages depuis 18 ans. Et je ne suis toujours pas « journaliste ». Quoi qu’il en soit, merci à ceux qui m’ont accompagné tout au long !

L’Audio du 7 février 2024

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Dis, bull market, on fait quoi maintenant ?

Ce matin, en lisant la presse et les commentaires de ces dernières 24 heures, j’ai l’impression que le monde se divise en trois parties. Des parties qui sont habituellement interconnectées mais qui, cette fois, donnent le sentiment d’avoir une vie propre. Tout d’abord nous avons les interrogations sur l’avenir des taux d’intérêt et la baisse imminente qui était censée aller avec. Si l’on doit revenir en arrière de quelques jours, on se souviendra que Monsieur Powell a un peu douché les espoirs de baisse de taux lors de son interview de 60 Minutes dimanche soir. Mais il n’est pas le seul, puisqu’hier il y a encore eu Kashari – qui doit parler bientôt tous les jours – et qui, à chaque fois, trouve un moyen de formuler différemment le fait qu’il ne pense pas que l’inflation soit un problème qui est définitivement derrière nous.

Pour faire contre-feu aux déclarations de Kashkari, il y a eu Loretta Mester qui a dit que la FED pourrait être prête à baisser les taux SI l’économie continuait à se montrer aussi résiliente, mais s’est refusée à parler de date pour cela. Résultat, les marchés restaient un peu sur leur faim et se concentraient sur les deux autres parties qui sont censées mettre l’ambiance. Il fallait donc revenir sur le sujet des chiffres trimestriels qui continuent d’être pas trop mal – puisque plus de 81% des sociétés ont fait mieux que les attentes – ce qui n’est pas forcément un exploit si l’on tient compte du fait que les attentes en question ont été abaissées régulièrement ces derniers temps. Mais peu importe, ça fait toujours bien de se rassurer sur le fait que les sociétés vont bien dans une économie qui va bien, tout en licenciant massivement du personnel – ce qui n’impacte pas le marché de l’emploi (bien sûr), pendant que l’inflation ne baisse pas vraiment.

SNAP dans les dents

Hier soir nous avons eu donc à nouveau droit à notre avalanche de chiffres publiés et les choses vont plutôt pas mal – même si ça n’est pas le cas de tout le monde – du côté des gentils, on notera que Eli-Lilly a publié de bons chiffres et se montraient optimistes pour l’avenir – mais le titre ne faisait rien – bon, il faut dire qu’on en avait largement profité avant. Et puis autrement on retiendra que Ford a publié de bons chiffres, une bonne guidance et des intentions de faire du mal à Tesla avec un modèle qui pourrait concurrencer le nouveau modèle 2 de Tesla. Le titre prenait 6%, pendant que Tesla essuyait son premier dowgnrade de la part de chez Daïwa – downgrade qui est surtout dirigé contre Musk plutôt que contre l’entreprise.

Pendant ce temps, UBS a dévoilé une perte au Q4 mais aussi un bénéfice annuel net de près de 30 milliards, merci au rachat du Crédit Suisse. La banque annonce également un nouveau programme de rachat d’actions. Le marché semblait avoir été surpris ou déçu et le titre reculait de 4.4%. Au chapitre de l’éternelle intelligence artificielle, qui est la troisième partie du marché qui occupe nos journées, il y avait Palantir qui prenait 30% pendant que Dan Ives de chez Wedbush venait encenser la valeur qui est – selon lui – un diamant brut dans le secteur de l’IA. En tous les cas, une chose est sûre, c’est qu’il ne se passe pas UN JOUR sans qu’un des grands médias financiers nous fasse une double page spéciale sur la thématique qui semble être une révolution 10 fois plus énorme que toutes les révolutions présentées par Apple à l’époque de Steve Jobs. Et puis on ne peut pas survoler ce chapitre « publications du jour » sans parler de SNAP. Snap a donc publié des chiffres de merde – comme le laissait présager la vague de licenciements annoncé la veille et pour couronner le tout, leur guidance fait état d’un business difficile pour les mois à venir. Ce qui – pour les analystes – est incohérent quand on voit les guidances de Google ou de Meta – ce qui revient à dire que SNAP est une daube et que le business model ne fonctionne pas. La performance intraday parle d’elle-même : 30% de baisse pour Snap, c’est pas une prise de profits, c’est une capitulation.

L’immobilier commercial fait les premières pages

Autre sujet qui préoccupe les marchés, mais pas les autorités fédérales américaines : l’immobilier commercial. Après le « writedown » qui a été fait par New York Community Bancorp il y a quelques jours, voici que Moody’s a abaissé la note de crédit de la banque sur « JUNK ». Du coup, tout le monde reparle de la problématique des bureaux vides et du coût que cela pourrait représenter en cas d’emballement de la crise. Les montants ne sont pas aussi importants que ceux qui ont mené à la crise des subprimes – mais ça pourrait quand même piquer à un certain moment – néanmoins, tout comme Powell l’avait dit dimanche soir, Madame Yellen a repris ses mots pour dire que les autorités surveillaient la chose et « feraient le nécessaire ». Il est vrai que comme le gouvernement a réussi à se mettre un accès au crédit sans aucune limite, ça ne sera pas bien compliqué de trouver les fonds pour sauver le cul des banques qui auront besoin d’être sauvées – c’est un grand classique de l’économie de ces 20 dernières années.

Néanmoins, New York Community Bancorp s’est tout de même fait déglinguer encore une fois. Le titre est en baisse de 72% depuis le top du mois d’août. C’est tout de même rigolo de voir que le secteur est incapable de passer une année entière sans aller taper dans la caisse pour s’en sortir. Enfin, quoi qu’il en soit, le sujet est à nouveau sur la table et l’ensemble de la communauté financière semble vouloir faire comme si ça n’existait pas et s’en remettre aux banques centrales qui finalement, sont quand même nos amies, ne l’oublions pas. Bref, hier les indices n’ont rien fait mais terminaient quand même en hausse et les marchés européens continuent d’osciller autour de leurs plus hauts historiques.

L’Asie

Ce matin l’Asie est partagée, pendant que la Chine grimpe encore de 0.7% avec le mot « rebond » qui est de plus en plus présent dans la presse people financière, le reste, Hong Kong et le Japon sont en baisse de 0.2%. On à l’air plutôt content de voir que New York ne baisse toujours pas malgré le fait que les taux ne semblent pas prêts à baisser, sans compter que l’on voit bien que les marchés ne subissent pas les mauvaises nouvelles.

Le pétrole est à 73.42$ après les commentaires de l’EIA qui parle de « baisse de production à venir aux USA », l’or est à 2049$ et le Bitcoin est à 43’000$. Dans les nouvelles du jour, on ne peut pas passer sous silence le fait que Biden est en train de partir en vrille et que les médias font comme si de rien n’était. Le Président Américain devient complètement sénile – hier encore il racontait sa rencontre avec le Président Allemand François Mitterrand en 2021. Autant dire qu’à ce rythme-là, on ne sait même pas comment il va tenir jusqu’à l’élection de novembre surtout si d’ici-là, il compte rencontrer Gandhi, JFK et le Général de Gaulle. La rencontre à quatre est encore possible, mais ça ne tient qu’à Biden.

Mais encore…

Il faudra encore noter que Tom Lee de chez Fund Strat – le bull parmi les bulls – estime que la correction des marchés est IMMINENTE. Cela fait quelques semaines qu’il parie sur une violente baisse très rapide qui fournira de magnifiques opportunités d’achat avant de rebondir pour atteindre les 5’400 à Noël. Encore un plan parfait que l’on se réjouit de voir. Il est également rejoint par Paul Tudor Jones qui pense que le marché et surtout certaines valeurs sont sous stéroïdes et que ça va mal se finir. Et pendant ce temps, on a appris hier que, selon la Fed de New York, les taux d’impayés des cartes de crédit ont bondi de plus de 50 % en 2023 pour atteindre leur niveau le plus élevé depuis 2008. Rien qu’au dernier trimestre, la dette totale des cartes de crédit aux États-Unis a augmenté de 50 milliards de dollars pour atteindre le chiffre record de 1130 milliards de dollars. Les taux d’impayés des prêts automobiles ont également grimpé à 8 % pour la première fois depuis la Grande Récession. Tout cela alors que les taux d’intérêt sur les cartes de crédit ont atteint un niveau record de 25 %.

Combien de temps les consommateurs pourront-ils tenir ? On peut se poser la question, mais là tout de suite, on n’a pas trop envie, c’est tellement plus sympa l’optimisme exacerbé ! N’oublions pas non plus que la dette totale des ménages américains a augmenté de 212 milliards de dollars au quatrième trimestre 2023, pour atteindre un nouveau record de 17’500 milliards de dollars.

Avec une répartition qui est la suivante :

1. Dette hypothécaire : +112 milliards de dollars à 12’250 milliards de dollars.
2. Prêts automobiles : +12 milliards de dollars à 1’610 milliards de dollars
3. Prêts étudiants : + 2 milliards de dollars à 1’600 milliards de dollars
4. Dettes de cartes de crédit : +50 milliards de dollars pour atteindre 1’130 milliards de dollars

L’endettement total des ménages américains a augmenté de 23 % en trois ans et progresse rapidement. Et je ne vous parle même pas de la dette du gouvernement qui est totalement hors de contrôle. En gros, les Américains combattent l’inflation par l’endettement, mais ça va bien se passer, puisque les banques centrales sont nos amies !!!

Les chiffres du jour

En ce qui concerne les chiffres du jour, il y aura la production industrielle en Allemagne, le Trade Balance aux USA, les inventaires pétroliers, Bowman de la FED qui parlera, ainsi que Bruno Ridicule Le Maire qui continue de faire tour de plateaux télé pour dire que les prix à la consommation vont baisser la semaine prochaine ou celle d’après. À voir le temps que ce clown passe à la télé on se demande s’il ne reloue pas son bureau au Ministère pour arrondir les fins de mois et compenser l’inflation.

Côté trimestriels, il y aura Total qui publiera ce matin en France – les bons chiffres de BP sont de bonne augure et puis il y aura Alibaba et UBER avant l’ouverture et puis Disney et Paypal ensuite. Pour le moment, les futures ne font rien, la volatilité ne fait rien et la confiance est à son apogée, pour autant que vous soyez « long IA et short Immobilier Commercial ».

Pour le reste, merci de m’avoir accompagné ces 18 dernières années, j’espère que ça vous a plu ! Moi je me suis éclaté, pourvu que ça dure ! À l’année prochaine pour le 19ème et à demain pour la suite des aventures de Biden qui devrait rencontrer Martin Luther King et Michael Jackson d’ici la fin de la semaine..

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« And Mitterrand, from Germany – I mean, from France – looked at me and said, said ‘You know, what – why – how long you back for?' »

Joe Biden, Président des États-Unis sur PlayStation