Le plan était pourtant intégré dans la tête des investisseurs depuis l’intervention de Jerome Powell à la fin du mois d’octobre. Le patron de la FED avait laissé entendre qu’éventuellement peut-être, si les choses se passaient comme prévu, la FED pourrait être amenée à baisser les taux. À partir de là, les marchés avaient pris les commandes. On s’attendait à une baisse des taux en mars, puis à une succession de baisses des taux jusqu’à Noël. Dès lors la hausse n’était plus une option, mais une évidence. La croissance prenait le dessus et l’on commençait à intégrer que l’inflation n’était que transitoire et surtout : parfaitement sous contrôle.

L’Audio du 6 février 2024

Télécharger le podcast

Mais.. parce qu’il a toujours un « MAIS »…

Mais hier les chiffres de l’ISM ont été publiés aux USA et ils nous montraient que l’activité dans le secteur des services a non seulement progressé en janvier. Et ce, pour le 13ème mois d’affilée. Mais qu’elle a aussi progressé plus vite que prévu et à un rythme qui a plutôt tendance à s’accélérer au cours de ces 4 derniers mois. Pas vraiment la description d’une économie qui frise la dépression et qui a besoin d’un coup de main pour se relancer. Du coup, si vous rajoutez à cela le fait que Powell ne s’était pas non plus montré trop « dovish » lors de son interview de 60 minutes, il n’en fallait pas plus pour voir quelques prises de profits ici et là.

Alors non, bien sûr, la baisse d’hier n’est pas non plus le début d’une nouvelle tendance et encore moins le début de l’acceptation du fait que nous n’irons jamais à 5’000 sur le S&P500 (je n’ai pas encore renoncé à faire imprimer mes t-shirts), mais disons qu’à force de nous donner des indications comme quoi l’économie va bien et que l’inflation ne semble pas vouloir aller en direction des 2% là tout de suite, les intervenants sont en train d’admettre que la baisse des taux risque bien de pas être pour tout de suite. Et quand je dis « pour tout de suite », je parle du mois de mars.

Le sondage qui pique

Selon le dernier sondage en date – les intervenants estiment que désormais il n’y a plus que 14 % de chance de voir la FED baisser les taux au mois de mars. Nous étions encore à 20 % vendredi et 96 % il y a un mois. Autant dire que nous sommes proche de commencer à admettre qu’il faudra (dans le meilleur des cas) attendre jusqu’au mois de mai. Et encore, c’est même pas sûr.

Pourtant, lorsque l’on creuse un peu dans les sentiments et les opinions des stratégistes de Wall Street, on a tout de même l’impression que l’on ne veut pas renoncer à notre série de baisse des taux. Même si la FED continue de marteler qu’ils ne baisseront les taux « QUE » trois fois cette année, la communauté des experts continue d’insister sur le fait que « trois fois » ne serait pas suffisant que ça serait une grosse connerie de la part de la FED et de Powell. Ce à quoi, la FED oppose le fait que l’économie va trop bien et n’a pas besoin d’un « coup de main », que l’emploi ne faiblit (pour l’instant) pas d’un iota et qu’une baisse des taux pourrait avoir des effets dévastateurs sur l’inflation. Et ceci, même si le clown qui sert de Ministre des Finance en France n’a rien trouvé de mieux que de passer sa journée sur les chaînes d’infos pour venir dire qu’il SAIT QUE LES PRIX VONT BAISSER en France. Un peu comme quand il a expliqué qu’il allait mettre l’économie russe à genoux à lui tout seul et comme quand il a été incapable d’expliquer ce qu’est un « hectare », en balbutiant intelligemment :

« ben un hectare, c’est un hectare »…

Pauvre cloche. Bref. Les prix à consommation vont donc baisser selon Le Maire, mais pendant ce temps, le cacao est au plus haut de tous les temps et les chiffres publiés aux USA montrent que l’économie va bien et qu’il va quand falloir faire gaffe avec l’inflation – c’est en tous les cas le message que Powell essaie de faire passer à demi-mot. Hier le rendement du dix ans a touché les 4.15% et pour mémoire, on rappellera qu’il était à 3.83% le 1er février. La hausse du rendent est de 8.5% ces derniers jours, laissant supposer que les espoirs de baisse des taux, c’est pas pour tout de suite…

En conclusion : économie trop forte, baisse des taux repoussée à « plus tard », nombre de de « baisse des taux » à revoir à la baisse et patron de la FED un peu trop « hawkish », il n’en fallait pas plus pour faire baisser les marchés. Bon, ça reste une baisse homéopathique, on s’entend bien, mais ça baissait quand même un peu et un peu partout. Visiblement, la théorie du « oui, mais les taux finiront bien par baisser un jour » ne suffisait plus pour motiver le marché à très court terme. Bien que la panique vendeuse soit encore loin d’être parmi nous, l’indice de la volatilité remontait quand même un peu, on a quand même frisé les 14.5% hier, ça sent l’emballement des acheteurs de puts !

En Asie

Ce matin en Asie, le Nikkei est en baisse parce que, selon la presse, les intervenants ont « peur que les taux ne baissent pas si vite » – sans blague ? Le Nikkei recule de 0.26%. De l’autre côté, en Chine, on entend dire qu’un fond souverain serait sorti du bois. Le fonds souverain Central Huijin Investment Ltd a déclaré qu’il continuerait à acheter des ETF’s afin de soutenir les marchés boursiers locaux. Hong Kong est en hausse de 3.2% et la Chine reprend 1.55% – serions-nous en train de trouver un fond grâce à un fonds souverain ? On peut rêver.

Pour ce qui est des matières premières, le pétrole est à 72.92$ et comme l’expliquait le CEO d’Occidental Petroleum : « L’offre excédentaire de pétrole maintient les prix à un niveau bas, mais la situation est sur le point de s’inverser », on s’attend à la même chose de la part de chez Goldman Sachs, alors c’est dire si c’est une certitude de voir remonter le baril. L’or est à 2041$ et le Bitcoin se traite à 42’792$ et oui, le cacao est au plus haut de tous les temps. Le chocolat chaud du matin ne va pas tarder à coûter aussi cher que la bouteille de Pinot Noir des grisons du soir.

Les nouvelles du jour

Du côté des news, on notera que McDonald’s a publié des chiffres trimestriels qui n’ont pas plu. Le titre a perdu 3.5% durant la séance d’hier, mais c’est pas grave, ils vont renverser la tendance. Mais j’avoue que j’ai adoré la déclaration du management qui disent que la société a beaucoup souffert de la guerre entre le Hamas et Israël. Oui, on compatit, ça n’a pas dû être facile. On espère que ça ira mieux le trimestre prochain. Autrement, il y aussi Boeing qui a de nouveaux problèmes avec leurs 737 Max, apparemment, cette fois cela viendrait du fuselage. Bon, en même temps c’est pas très important le fuselage. En tous les cas, on peut se demander s’il n’est pas temps, de recommencer à zéro et de construire un avion qui s’appellerait le 738 Max et qui serait basé sur des Airbus.

Hier soir Palantir a battu les attentes et continue de surfer sur la vague de l’intelligence artificielle – comme quoi ça fonctionne mieux avec les boîtes qui ne font pas 1’000 milliards de capitalisation boursière – à 22h15 le titre se traitait en hausse de 20%. On retiendra encore que l’on parle beaucoup de Tesla (en mal) et qu’en plus des histoires de bonus et de droits de vote, maintenant des membres du board auraient été forcés de consommer de la drogue. Le titre est tout en bas de son canal descendant s’il venait à casser plus bas, on pourra décrire ce qu’est un « falling knife ». Cependant, en cas de rebond, il y aura deux-trois shorts à mettre sur le carreau. Dans la thématique des licenciements ; Snap va virer 10% de son staff. On a perdu le compte du nombre de vagues de licenciements chez eux, mais par contre on voit bien la boîte qui se désintègre petit à petit. Comme quoi les filtres avec un nez de cochon, ça ne suffit pas pour faire un business de folie. Ça tombe bien, ce soir ils vont publier leurs chiffres du trimestre.

Chiffres du jour

Pour les chiffres du trimestre, avant l’ouverture, nous aurons l’UBS, Eli-Lilly, Spotify, BP et Toyota. Et puis après la clôture, il y aura Ford, Amgen, Gilead, SNAP et Chipolte. Côté macro, il n’y aura pas grand-chose. Les Allemands vont publier leurs « factory orders » et aux USA, on écoutera Mester et Kashkari qui vont tous deux parler de baisse des taux, mais plus tard dans l’année. Oui, parce qu’il n’y a pas le feu au lac !

Actuellement, les futures sont en hausse de 0.07%, pour le reste, passez une très belle journée et on se retrouve demain ! Soyez forts !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Act as if what you do makes a difference. It does.” —William James