La journée d’hier pourrait assez facilement s’appeler « supercore contre supercon ». On a l’impression que l’on n’avait pas eu assez peur avec les chiffres de l’inflation de mardi, il fallait ABSOLUMENT en remettre une couche ce jeudi. Allez savoir pourquoi, mais on dirait que les gens veulent absolument se raccrocher au fait que « ça va bien se passer et que les taux y vont baisser ». Sauf qu’à force de se faire taper dessus, au bout d’un moment, on commence quand même à se demander si les taux vont VRAIMENT baisser et si nous ne nous sommes pas fait balader par le marché depuis bientôt 5 mois. Hier ceux qui croyait à 3 baisses de taux en 2024, sont en train d’envisager une cure de Prozac.

L’Audio du 15 mars 2024

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PP – Aïe !

Donc, si je récapitule depuis le début ; le CPI et le PPI de décembre – publiés en janvier – nous ont montré que ça ne baissait plus et que ça avait tendance à repartir à la hausse, mais on nous a vendu le fait que ça n’était qu’un effet de manche à cause de Noël, la neige, l’hiver et chansons de Maria Carey. On est resté sur nos intentions de voir les taux baisser 6 à 7 fois en 2024 et les plus instruits, restaient même convaincus que les taux baisseraient quand même en mars. Ensuite, le CPI et le PPI de janvier – publiés en février – nous ont montré que la hausse de décembre n’était pas un effet de manche, que Noël était passé et que ça commençait à être une inflation un peu collante qui ne voulait pas baisser comme la FED aurait aimé que ça se produise. Fondamentalement, ça n’était « pas grave », parce qu’on se disait que la baisse des taux serait « au pire » repoussée au mois de mai (ou en juin pour avoir un filet de sécurité), mais que L’IMPORTANT, c’était quand même le fait que les taux allaient baisser en 2024. D’accord, d’accord : peut-être pas 6 ou 7 fois. Mais en tous cas 3 ou 4.

Et puis Powell a parlé plusieurs fois pour dire qu’il était résolument convaincu que les taux allaient baisser, mais une fois que l’emploi aurait ralenti et UNE FOIS QUE L’ON SERA certains que l’inflation va VRAIMENT aller à 2%. Du coup, là on s’est senti rassurés, parce qu’il avait confirmé que les taux baisseraient et on s’est donc conforté dans l’idée de voir AU PIRE 3 baisses en 2024, mais que ça baisserait quand même. Et puis CE MARDI le CPI de février – que l’on publie traditionnellement en mars – est sorti. ENCORE UNE FOIS, il était plus fort que les attentes et montrait carrément que l’inflation, non seulement elle ne baissait plus, mais en plus ELLE MONTAIT CARRÉMENT !!! Et ça a commencé à faire un peu mal. En fait c’est comme quand tu montes sur un ring de boxe après avoir vu tous les Rocky en boucle et que tu penses que tu maitrise le sujet. Et puis tu te prends une droite et tu te dis que ça va, tu gères. À la 4ème droite et au cinquième uppercut, tu commences à appeler ta mère et tu commences à te dire qu’à la place de regarder Rocky, t’aurais mieux fait de regarder la rétrospective de la carrière d’Hugh Grant.

Supercore à la rescousse

Mais juste au moment où l’on pensait que les chiffres de mardi dernier allaient commencer à faire TRÈS MAL, on nous a inventé un nouveau membre des DC Comics : le SUPERCORE. Un truc bricolé qui te dit en gros que si tu ne dépenses rien, que tu n’as pas de loyer à payer, que tu ne consommes pas d’énergie et que tu apprends la méditation et la pratique du jeûne sous une cascade d’eau glacée, l’inflation ne peut pas t’atteindre. Donc après avoir appris que le SUPERCORE existe et que c’est notre meilleur ami, les marchés se sont rassurés en se disant que OUI, les taux ils vont baisser et que c’est quand même ça le plus important. Même si cette fois on s’est convaincu que ça ne sera « que trois fois », mais que trois fois, c’est bien quand même. Bref, on s’est quand même fait un plus haut de tous les temps pour fêter le SUPERCORE.

Mais hier par contre, on a commencé à croire que le sort s’acharnait contre nous. Le PPI de février est sorti et ENCORE UNE FOIS, il était plus fort que les attentes. Et pas qu’un peu. Le marché attendait 0.3% et c’est sorti à 0.6%. Ouch. Mais c’est pas grave, sur la nouvelle le marché montait quand même parce que même si la probabilité de voir les taux baisser en juin a pris un nouveau coup dans les parties génitales, on restait « pratiquement certain » que les taux baisseraient au moins DEUX FOIS en 2024. Non, parce que trois fois ça paraît tout de même difficilement explicable dans cet environnement qui démontre que l’inflation repart. Oui, parce que SI LE PPI explose, sachant que PRODUCTION VIENT AVANT CONSOMMATION, le prochain CPI sera probablement encore plus fort. Les marchés ont donc « bien pris la nouvelle » avant de se dégonfler lentement et de finir dans le rouge – sauf le CAC40, parce que le CAC40 ne baissera plus jamais parce que sinon, c’est la faute à Poutine – mais l’ensemble des marchés finissaient dans rouge et dans une vague de doute naissante.

On y croit toujours (on est bornés, mais on y croit)

Par contre alors, selon les experts, la bonne nouvelle c’est que dans les chiffres du PPI, la plus grosse composante qui fait monter les chiffres, c’est l’énergie. Ce qui veut dire qu’il suffirait que l’énergie faiblisse pour que le PPI soit un peu plus alléchant et encourage la FED à (quand même) baisser les taux en juin. Bon, ça tombe mal parce que le baril est en train de casser à la hausse. Mais admettons que le baril arrête de monter et qu’ensuite, il baisse, ça serait carrément une bonne nouvelle pour l’inflation, le PPI, le CPI et tout ce qui finit en AÏE… Tout ça pour dire que nous sommes en train de nous accrocher à un rêve : voir les taux baisser. Et qu’à chaque fois que notre rêve est remis en question, on essaye de se trouver une excuse en se disant que « finalement, c’est pas si mal, tant que les taux baissent ». C’est un peu comme si tu commandes la dernière Ferrari Purosangue chez ton garagiste au début de l’année et quand le gars te la livre, tu reçois une Renault Zoé et que la seule chose que t’arrives à dire c’est : « ah ben c’est pas si mal, elle a 4 roues et elle roule quand même »…

En résumé, le magnifique scénario des taux qui baissent 12 fois et de l’économie qui finit en soft-landing qu’on nous a vendu pour nous faire acheter le marché depuis le 1er novembre est en train de transformer en vieux truc tout pourri qui commence à sentir la même odeur que la caisse du chat qui n’a pas été nettoyée depuis 6 semaines. Nous sommes passé de 12 baisses de taux à « peut-être une ou deux » et le marché est bientôt 30% plus haut avec une inflation qui repart de manière plus qu’évidente. En plus hier, les ventes de détails étaient en hausse, mais en-dessous des attentes – ce qui montre aussi que ça n’est pas l’euphorie dans le portemonnaie du consommateur américain. Sans compter qu’hier les Semiconducteurs étaient en baisse – entrainés par Nvidia qui perdait plus de 3%, alors si même l’Intelligence Artificielle ne fait plus recette, où allons-nous !!! En tous les cas, je me réjouis d’avance du FOMC Meeting de la semaine prochaine et surtout du discours de Powell juste après…

L’Asie et la nuit qui porte conseil

Ce matin les futures américains sont en baisse et l’Asie aussi. Le Japon recule de 0.06%, Hong Kong plonge de 2% et la Chine abandonne 0.18%. Et pour le moment, tout le monde parle du PPI et de l’inflation qui pourrait potentiellement repartir à la hausse (comme si les derniers chiffres ne le montraient pas encore assez). Il y a même Apollo, société de gestion alternative bien connue pour ses avis tranchés, qui estiment qu’un changement de cap de la Fed au niveau des taux pourrait être dévastateur, puisque depuis que la Fed est devenue dovish, les conditions financières se sont considérablement assouplies. Le S&P 500 a atteint de nouveaux sommets, les IPO’s sont en hausse, les spreads de crédits se sont resserrés et les fusions-acquisitions sont de retour. Les consommateurs ont bénéficié d’une hausse des prix des actifs et les investisseurs se sont rués sur les actions.

Selon Apollo, cette situation est similaire à celle que nous avons connue dans les années 1970, lorsque l’inflation a rebondi pour atteindre plus de 10 %. Et la question que l’on peut donc se poser est la suivante : « Si nous sommes vraiment sur la voie d’un « soft landing », pourquoi avons-nous besoin de taux plus bas ? ». En résumé, plus les chiffres montrent de l’inflation, mois les baisses de taux seront probables et même souhaitées. Qu’allons-nous faire lorsque l’on va se rendre compte que nous sommes montés jusque-là sur des arguments qui ne tiennent plus la route ? ça rappelle quand même furieusement les dessins animés du « Beep-beep contre le coyote » où à chaque fois que le coyote se retrouve dans le vide, il ne tombe pas TANT QU’IL ne se rend pas compte qu’il est dans le vide. Le pouvoir du mental est stupéfiant. Surtout dans les dessins animés. Notons encore que le baril est en train de casser à la hausse – je ne ferai pas de commentaires sur le lien de cause à effet avec l’inflation – actuellement le brut se traite à 81.12$, l’or est à 2164$ et le Bitcoin se replie sous les 70’000$, sûrement pour mieux rebondir à 150’000$.

Les nouvelles neuves

Sur le front des nouvelles du jour, il y avait les chiffres d’Adobe qui étaient publiés hier soir. Grosso modo, ils étaient très bons et le CEO se montrait très satisfait, mais c’était sans compter que les analystes étaient déçus par les revenus du « digital » – ils pensaient que ça serait mieux que ça – même s’ils ne l’avaient pas dit – et du coup, le titre perdait 11% after close. Autrement, on continue de tirer sur l’ambulance – mais l’ambulance électrique, puisque c’est une nouvelle baisse qui attendait Tesla au coin de la rue. L’analyste de l’UBS a baissé ses attentes sur 12 mois pour Tesla et il a réduit son price target à 165$ – l’objectif précédent était de 225$ et du coup, Tesla se plante encore une fois de 4%. Et ça tombe bien, parce que comme le prix de clôture de Tesla est de 162$, on peut imaginer que le downgrade de l’UBS est presque une bonne nouvelle, puisque l’objectif est plus haut. Et comme si Musk n’avait pas assez de trucs à gérer – en plus de sa fusée – un des gros actionnaires de Tesla estime que Musk doit changer de comportement ou laisser la place à un VRAI CEO. La vie ne doit pas être simple en ce moment pour Elon Musk, heureusement qu’il a un peu de cash devant lui pour ses loisirs.

Aujourd’hui c’est également la triple échéance des options. Et c’est un nouveau record, puisque pour la première fois depuis 2021, le volume des options va dépasser le volume des actions. L’échéance devrait représenter 5’000 milliards et les « EXPERTS » disent que ça pourrait secouer le marché. Alors je vais le répéter pour la 212ème fois depuis que j’écris cette chronique : à chaque triple ou quadruple échéance, on nous sort la théorie du complot comme quoi les volumes-ci, le short-interest ça et à la fin, la marmotte elle met le chocolat dans le papier et il ne se passe rien. Mais AU CAS où il se passe un truc, je vous l’aurais dit. Mais il ne devrait rien se passer. Autrement, JP Morgan estime que la stratégie de Microstrategy – celle d’emprunter de l’argent pour acheter des Bitcoins, pourrait se retourner violemment contre eux en cas de retournement du Bitcoin – oui, tout comme JP Morgan pourrait faire faillite si plus personne ne veut bosser avec eux.

On notera encore que Steven Mnuchin, ex-Secrétaire du Trésor, est en train de monter un pool d’investisseurs pour acheter Tik-Tok – Je ne sais pas si ça intéresse quelqu’un, mais au mois j’aurais gagné 45 caractères dans mes statistiques. Et puis à côté de ça, Macron a brassé de l’air à télé hier, j’ai bien essayé d’écouter ce qu’il avait à dire pour pouvoir en tirer quelque chose. Mais force est de constater que je préfère nettement me péter les genoux à coup de marteau, plutôt qu’écouter ce… Enfin, de l’écouter. Tout ce que j’ai retenu, c’est que pour le moment, il ne va pas envahir Moscou (la trouille peut-être) mais que l’armée française se tient prête au combat avec un vrai projet et un seul porte-avion qui ne marche pas très bien et la moitié des tanks qui sont au garage et qu’on ne peut pas réparer pour manque de pièces. En gros, après 4 minutes d’interview, j’ai éteint et je suis allé jeûner sous une cascade d’eau glacée pour ne pas être atteint par l’inflation.

Les chiffres du jour

Et puisque l’on parle de la France, ce matin il y aura les chiffres du CPI et il faut donc s’attendre à voir Bruno Rocco Siffredi Le Maire venir à la tribune pour s’auto-congratuler et expliquer pourquoi c’est un visionnaire génial. Ensuite, il y aura la production industrielle aux USA, puis le New York Empire State Manufacturing Index et la confiance du consommateur version Michigan.

Pour le moment, les marchés sont stables et nous sommes en train de digérer lentement la mauvaise nouvelle d’hier et chercher par tous les moyens où est-ce qu’il y aurait un truc de bien dedans – mais pour l’instant, pas de SUPERCORE à l’horizon, ni de baisse des taux d’ailleurs. Il me reste donc à vous souhaiter une excellente journée, un très bon week-end et à lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

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