Lors de la séance de mardi, les marchés avaient décidé d’un commun accord que dorénavant, la théorie de « j’achète parce que les taux ils vont baisser » serait remplacée par « j’achète parce que la croissance économique est forte et que les chiffres trimestriels vont être excellents et ce qui permettra au marché de monter encore ». Sauf que c’est facile d’admettre (sur le papier) que l’on se fout totalement de la baisse des taux éventuelle qui pourrait intervenir un jour lointain, mais dans la réalité des marchés c’est un peu moins facile. Surtout quand les chiffres trimestriels ne sont pas si bons que ça et que les perspectives annoncées, sont encore moins bonnes.

L’Audio du 18 avril 2024

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Quatrième jour de baisse

Les indices américains viennent donc de conclure leur quatrième séance de baisse consécutive. Le plan qui consistait à oublier le concept de baisse des taux à venir – plan qui était un COUP SÛR au début de l’année – est relativement complexe à digérer. On veut bien se raccrocher au fait que tout va bien dans l’économie US, mais on sent bien que c’est un peu plus délicat que de parier sur le fait que la FED est « dovish » et qu’ils vont bien finir par baisser les taux. C’est plus complexe, parce que la photo que l’on nous donne de l’économie n’est pas toujours très claire et que l’on sait très bien que les chiffres publiés par les autorités ne sont pas toujours très fiables, puisque régulièrement revus à la baisse les mois suivant – lorsque plus personne ne regarde – il ne reste donc plus que les chiffres du trimestre pour se raccrocher à quelque chose de concret.

Et c’est là que ça bloque. Ça coince aux entournures parce que depuis que l’on s’est convaincu d’oublier la baisse des taux pour se concentrer sur les fondamentaux, les fondamentaux sont en train de nous lâcher également. Hier le Beige Book a été publié et il montrait une économie relativement forte, mais également une difficulté assez marquée à combattre l’inflation. Alors vous me direz que ça n’est pas une nouveauté, mais comme nous sommes encore en phase de cicatrisation après l’admission que la baisse des taux, c’est pas pour demain. On n’aime pas trop que l’on nous rappelle que tout ne va pas si bien qu’on l’aurait voulu.

Les chiffres du trimestre

Il ne nous restait donc plus qu’à se raccrocher aux chiffres du trimestre et là, ça coince encore. ASML, Travelers et Abbott ne nous ont pas forcément aidé à y croire. À croire que la croissance économique était parmi nous et que ça allait rigoler ce trimestre. Le chiffre d’affaires et le bénéfice d’ASML ont peut-être été proches des attentes, mais ses ventes ont été inférieures d’environ 21 % à celles de l’année dernière à la même époque. Plus important encore, les commandes de la société – un indicateur important des bénéfices futurs – se sont élevées à 3,6 milliards d’euros, soit près de 28 % de moins que les attentes des traders et 61 % de moins que le trimestre précédent. L’entreprise a néanmoins maintenu sa prévision selon laquelle les commandes augmenteront au cours du second semestre de l’année avant de décoller réellement en 2025. Mais pour être franc, ça fait bientôt six mois qu’on attend que les taux baissent, alors on n’a pas trop le temps d’attendre qu’ASML redresse la barre.

Hier le titre se faisait donc allumer de 6.7% en Hollande et de 7% aux USA. Le problème c’est qu’ASML est le premier membre du SOX – l’indice des semiconducteurs – à publier ses chiffres trimestriels. ASML est également au début de la chaîne de production de semiconducteurs, ce qui aurait tendance à laisser penser que le reste de la chaîne risque bien d’avoir le même type de publication. À savoir : des chiffres plus ou moins en ligne, mais des prévisions qui font un peu froid dans le dos. Dans la foulée des chiffres d’ASML, le SOX terminait la journée en baisse de 3.25%. Et sur les 30 membres de l’indice, 29 étaient dans le rouge et les deux-tiers baissaient de plus de 2%. Autant vous dire que la journée n’était pas extraordinaire pour le secteur de la technologie.

Les chiffres toujours

Dans la série des publications, on notera également que l’assureur Travelers a complètement raté son trimestre et publié des chiffres en-dessous des attentes du marché. L’action dévissait de plus de 7% et prenait la seconde place des pires performances de la séance parmi les membres du S&P500. Le leader de cette liste maudite était d’ailleurs JB Hunt et ça n’était pas très rassurant non plus. Alors, JB Hunt, certains d’entre vous ne connaissent peut-être pas, mais c’est un des plus gros transporteurs par camion aux USA. Actuellement, JB Hunt gère une flotte de plus de 5’500 camions au travers du pays. Autant vous dire que si JB Hunt a foiré son trimestre, c’est que les volumes ne sont pas extraordinaires et si les volumes ne sont pas extraordinaires, il n’y a pas besoin d’avoir fait math sup pour imaginer que l’économie n’est peut-être pas forcément dans la grande forme que l’on veut bien nous faire croire.

On en reparlera, mais force est de constater qu’hier, l’indication fournie n’était peut-être pas forcément la meilleure concernant l’avenir économique des USA – surtout si l’on doit s’appuyer là-dessus pour justifier notre bullish attitude, puisque, je le rappelle, on ne doit plus compter sur la baisse des taux. Aujourd’hui, 16% des experts parient encore sur une baisse des taux en juin, mais on suspecte les 16% en question d’être soit en vacances, soit puissamment alcoolisés quelque part dans les bas-fonds new-yorkais. Et puis s’il en fallait encore, Abbott a publié des chiffres « dans les attentes », mais se sont montrés très prudents pour le RESTE DE L’ANNÉE. Juste ce que l’on avait besoin d’entendre. Bref, on a fini en baisse à New York pour la quatrième fois consécutive et l’addition est de 3.5% sur le S&P et de plus de 5% sur le SOX – Sox qui est connu pour être un indicateur avancé des marchés et de l’économie et l’indice vient de casser violemment la moyenne mobile des 50 jours. Ah oui, j’ai une bonne nouvelle : UNITED AIRLINES sont optimistes pour l’avenir ! Le titre a pris 17%. Tu m’étonnes, la plupart des compagnies n’ont pas assez d’avions pour répondre à la demande, les avionneurs sont à la bourre pour livrer des avions et les prix des billets prennent l’ascenseur.

En Europe on dit merci qui ???

Sur les marchés européens on peut dire MERCI BERNARD ! Parce que c’est clairement grâce aux chiffres de LMVH qui laissaient présager d’un avenir meilleur que les marchés du vieux continent ont réussi à finir dans le vert. LVMH a repris presque trois pourcents et cela malgré quelques voix dubitatives qui trouvaient que les chiffres n’étaient pas aussi « fantastiques » que cela, mais en même temps, comme LVMH détient plusieurs médias financiers, on ne va pas trop dire du mal non plus, histoire de ne pas fâcher le patriarche… Néanmoins, les marchés européens ne s’en sont pas trop mal sortis hier. On ne va pas leur jeter la pierre, puisqu’au moins eux, ils ne viennent pas de se taper 4 séances de baisse.

Nous allons donc continuer de nous concentrer sur les chiffres du trimestre, en espérant que les publications à venir ne seront pas dans la même veine que celles de Travelers, d’ASML ou d’Abbott. Le pire des phrases que l’on n’a pas besoin d’entendre ces prochains jours c’est : « Nos chiffres sont en ligne avec les attentes du marché, mais nous pensons que le reste de l’année va être très compliqué ». Et surtout dans le secteur technologique. Tesla s’est d’ailleurs pris un nouveau downgrade et le titre se trouve pile-poil là où il a fait son plus bas l’an dernier. S’il compte rebondir, c’est maintenant ou jamais. Mais quand on voit les attentes des analystes pour la publication des chiffres de Tesla – chiffres qui sortiront le 23 avril – ça donne juste envie de se barrer en courant. Ou alors de vendre des puts avec un strike 150, histoire de tenter quelque chose.

En Asie et sur les matières premières

Ce matin toute l’Asie est dans le vert. Il semblerait que tout le monde est chaud bouillant sur la publication des chiffres de Taïwan Semi’s qui publiera à 8h du matin – heure de Palézieux – les chiffres de la star des semiconducteurs pour l’IA a annoncé il y a quelques jours que la demande était forte et à l’heure actuelle, les attentes sont élevées. La publication de tout à l’heure pourrait clairement être un moment « ça passe ou ça casse » et pourrait bien déterminer la tendance pour les marchés aujourd’hui. Et pour l’ensemble du secteur tech et AI. Clairement, les ventes seront en hausse, mais on sera aussi très regardant sur les perspectives. À 6h50 du matin, le Nikkei est en hausse de 0.44%, le Hang Seng monte de 1.55% et la Chine progresse de 0.38%.

Du côté du baril, les inventaires publiés hier étaient un peu trop élevés et comme les Israéliens causent beaucoup, mais n’agissent pas encore pour le moment, le pétrole est reparti à la baisse. Techniquement, il peut aller chercher la moyenne mobile des 200 jours autour des 79$, ce qui correspondrait au bas de sa tendance haussière. Mais il faudra du courage pour être short sur le WTI alors que la poudrière est prête à nous péter à la figure. Enfin, si Israël arrête de parler et commence à agir. L’or est à 2389$, le Bitcoin est à 61’000$ et le halving s’approche toujours. Pour être franc, j’ai presque l’impression que ça va être un non-event notoire. Mais bon. Pendant ce temps, le Cacao est à 10’600$ la tonne et le café est proche de faire un plus haut historique. What else ?

Les nouvelles et les chiffres

Pour ce qui est de la journée qui nous attend, on notera que les exportations de pétrole iranien sont au plus haut depuis bien longtemps mais que l’Occident se prépare à mettre en place de nouvelles sanctions. On se réjouit de voir Nono Le Maire annoncer son intention de mettre l’économie iranienne à genoux. On attend les chiffres de TSMC, de Nokia, d’Infosys et de Netflix. Netflix qui publiera ce soir after close et qui sera très attendu du côté des nouveaux abonnés.

Et puis il y a un nouveau courant – en ce qui concerne les taux – certains économistes s’attendent à une baisse des taux en mars 2025. Si c’est le cas, on se sera gouré d’une année. Ça va. Heureusement que le CPI était sous contrôle hier en Europe et que Christine Lagarde pourra sans problème baisser les taux en juin. Pour ce qui est des chiffres du jour, il y aura les Jobless Claims et le Philly FED. Et il y aura surtout une foule de banquiers centraux qui vont parler. Avec un peu de bol, il y en a bien un qui va nous dire un truc d’intelligent.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.28% et on se raccroche à notre optimisme légendaire pour espérer que les marchés US arrivent enfin à inverser la machine. En ce qui me concerne, je vous souhaite une très belle journée et on se voit demain matin !

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Activity is the enemy of investment returns.” Warren Buffett