Ce matin je me suis levé plus tôt que d’habitude. Et j’ai lu plein d’articles. J’ai passé pas mal de temps sur « X » et après tout ça, j’en arrive à la conclusion qu’il y a deux choses qui intéressent VRAIMENT le marché depuis lundi ; c’est la destinée de taux si on les interpole avec la montagne de chiffres économiques qui nous tombent dessus tous les jours et la destinée de Tesla qui fait le grand écart entre les excessivement optimistes et les excessivement pessimistes. Pendant ce temps, Musk reste quand même le troisième homme le plus riche du monde et Powell déclare que les taux vont baisser, mais pas tout de suite ! Ah, mais ils vont baisser quand même alors ???

L’Audio du 4 avril 2024

Télécharger le podcast

Un monde d’interprétation et de spéculation

Avant d’aller plus loin dans la merveilleuse histoire de la séance de bourse du 3 avril 2024, il faudra noter que les performances globales des bourses mondiales étaient à peu près aussi excitantes qu’un film qui vient de remporter la palme d’or à Cannes. En regardant la clôture des principaux indices, on pouvait clairement se dire que s’il se passe quelque chose, c’est surtout dans la tête des intervenants qui sont en train de mettre tout ce qu’ils savent sur la macro-économie de ce dernier mois dans un grand bol et de tout mixer ensemble en espérant que ça donnera quelque chose qui pourrait nous donner un peu plus d’information sur la suite des évènements. Alors que le Dow Jones était en baisse de 0.11%, les autres indices terminaient pratiquement tous en hausse, mais une hausse plus qu’homéopathique puisque personne n’affichait de « plus haut de tous les temps » – chose qui n’est plus arrivée depuis au moins une semaine.

Quoi qu’il en soit, hier la priorité était la chasse aux informations. Plusieurs banquiers centraux devaient parler et il y avait une quantité folle de chiffres économiques qui étaient censés nous donner la clé pour les semaines à venir. Même des chiffres qui généralement n’intéressent personnes devenaient soudainement presque aussi important que la publication du PCE de la semaine dernière ou pire, presque aussi important que la publication des chiffres des NFP qui seraient annoncés par Powell et Lagarde EN MÊME TEMPS ! Bref, hier on a pris les choses comme elles venaient et on en a tiré les conclusions qui s’imposaient.

Le CPI en Europe

Tout d’abord, si l’on doit prendre les publications dans l’ordre, nous avons commencé par le CPI en Europe. Je crois d’ailleurs que celui-là pourrait largement ramasser le titre du chiffre économique dont tout le monde se fout le plus dans le monde de la finance. Et c’est ballot, parce lorsque l’on regarde le CPI et le CORE CPI, tous deux étaient en-dessous des attentes et plus bas que le mois dernier. On aurait donc presque eu envie de croire que le plan de marche de Madame Lagarde fonctionne comme prévu. Bon, on n’est pas encore à 2% d’inflation, mais on pourrait presque dire que ça va mieux qu’aux USA. Après, on peut se poser des questions sur le « comment ils arrivent à dire que l’inflation baisse avec le baril de BRENT qui a pris 7% au mois de mars ? » – Mais se poser des questions, c’est mal et c’est mettre en doute les compétences en calcul de la grande Europe et ça, en 2024, c’est un péché mortel qui peut valoir de coups de fouets sur la place publique. On retiendra donc que le CPI européen était en baisse. De 0.1%, mais en baisse quand même. Mais par contre, on retiendra aussi que l’impact sur les marchés était proche de zéro.

L’économie US

Ensuite, nous avons eu droit à un festival d’interprétations en live avec les chiffres américains. Ah oui, parce qu’il y avait foule pour donner son avis sur la question et il y avait largement de quoi dire n’importe quoi et avoir l’air intéressant. Il faudra surtout retenir que l’ISM Non-Manufacturier – autrement dit « l’ISM des services » est sorti en-dessous des attentes ! Et c’était GÉNIAL, parce que la veille on était tout chafouin parce que l’ISM Manufacturier était EN-DESSUS des attentes et que ça pourrait empêcher Powell de baisser les taux. Mais là tout de suite, quand tu as l’ISM des services qui représente tout de même deux tiers de l’économie qui est en-dessous des attentes, TU PEUX SÉRIEUSEMENT COMMENCER À BOMBER LE TORSE ET TE DIRE QUE LA FED N’AURA ÉVIDEMMENT PAS D’AUTRE CHOIX QUE DE BAISSER LES TAUX. Oui parce qu’en fait l’économie est pas si forte que ça.

Et puis ensuite, quand on regardait le chiffre en détail, on voyait qu’effectivement il était EN-DESSOUS des attentes, mais qu’il était quand même EN-DESSUS des 50 – ce qui signifiait qu’il y avait tout de même de la croissance – mais moins que ce que les Dieux de l’analyse financière attendaient. Du coup, quand on connait la valeur des DIEUX en question, on se disait que ça n’était quand même pas certain que Powell prenne une décision basée UNIQUEMENT sur CE CHIFFRE-LÀ. À partir de là et aussi du fait que les chiffres ADP de l’emploi étaient nettement plus forts que prévu (probablement faux et bidonnés, mais nettement plus fort quand même), on s’est dit qu’on était quand même un peu revenu à la case départ et que même avec toute la bonne volonté du monde, dans les chiffres d’hier, il n’y avait rien qui nous garantissait la certitude de voir baisser les taux dans les trois prochains mois, d’où un manque de motivation évident. Il ne nous restait plus qu’à nous tourner vers les banquiers centraux qui devaient parler hier.

La voix de son maître

Alors en ce qui concerne les banquiers centraux, il y avait du monde qui était agendé, mais on en aura retenu que deux.

1) Bostic, patron de la FED d’Atlanta. Qui est bien connu pour repousser ses attentes de baisses de taux à chacune de ses interventions. Chose qu’il n’a pas manqué de faire hier, puisque selon lui, les taux devraient bien baisser en 2024, mais PAS AVANT le quatrième trimestre. Je crois me rappeler que si l’on reprend ses 4 dernières interventions à chaque fois il a repoussé la baisse de taux de 1 ou 2 mois. J’ai peur qu’il parle avant l’été. Non, parce qu’encore deux speechs comme ça devant la presse et le gars nous dit que les taux baisseront – mais pas avant le PREMIER TRIMESTRE 2025 – pour fêter la réélection de Trump et la hausse des taxes à l’importation aux USA.

2) L’autre banquier central que l’on attendait hier, c’était LE BANQUIER CENTRAL ÉTALON, le banquier central numéro un , le patron des patrons, Jerome Powell. Alors il n’y a est pas allé par 4 chemins, il est allé droit au but et nous a dit que « le taux allaient baisser… » – à ce moment très précis, le marché a entamé une « hola » dans tout le stade et les gens du premier rangs ont commencé à défaillir, les adolescentes prépubères ont commencé à hurler « JEROOOOOOME », on se serait presque cru à un concert de Patrick Bruel. Et puis, on s’est rendu compte qu’il n’avait pas terminé sa phrase. Jerome Powell a donc recommencé et il a dit : « les taux vont baisser (moment de silence et roulement de tambour pour respecter les trois petits points)…mais PAS TOUT DE SUITE ».

Voilà. Toute l’excitation d’une journée de bourse résumée en une phrase. PEU IMPORTE les ISM’s, peu importe les PMI’s et autres ADP, NFP, CPI, PPI ou aïe tout court, il suffisait que Powell vienne nous dire que les taux baisseraient mais pas tout de suite pour clore le chapitre de la séance du 3 avril 2024. Nous nous retrouvions donc à la case départ. On se demandait toujours si l’inflation constatée en janvier et en février était là pour durer ou pas et on se rendait compte que mis à part botter en touche et repousser nos espoirs à plus tard, les banquiers centraux n’en savaient pas plus que nous. Il y avait même des statistiques qui laissaient penser que le nombre de baisses de taux attendues en 2024 étaient clairement en train de se diriger vers DEUX plutôt que TROIS.

Je ne sais pas que penser et je ne sais pas où nous en serons en décembre, mais par moment j’ai peur que 2024 reste dans les annales comme l’année où l’on a passé le plus clair de notre temps à regarder le marché monter en repoussant nos attentes à plus tard. C’est comme si tu avais réservé tes vacances pour aller ne rien foutre aux Maldives et que tous les trois jours ton patron repousse ton départ d’une semaine. J’ai peur qu’en AVRIL 2025 on se dise encore : « bon, cette fois c’est sûr, il va baisser les taux en juin ! On va l’avoir cette première baisse !!! ».

En Asie et ailleurs

Ce matin la Chine et Hong Kong sont en vacances pour cause de Ching Ming Festival. Pendant ce temps, le Japon est en hausse de 1.65%, principalement à cause un « rebond technique » selon les experts. Il faut savoir qu’en bourse, quand on ne sait pas pourquoi ça monte, on dit toujours « c’est un rebond technique » et si on est vraiment un vrai pro, on dit : « c’est un rebond technique parce qu’il y a plus d’acheteurs que de vendeurs ». Mais en fait on n’en sait rien…

Par contre ce que l’on sait, c’est que le pétrole ne s’arrête plus de monter et que ça commence à parler dans les chaumières. À l’heure où je vous parle, le WTI est à 85.77$ et le BRENT est à 89.69$. On est au plus haut depuis le 27 octobre et hier soir Bank of America estimait que le baril pourrait facilement monter ENCORE de 10% avant l’été et que si la FED baisse les taux, ça va encore pousser le baril un peu plus haut !!! NOUS Y VOILÀ ! ça fait des semaines que je vous dis qu’un matin on va se rendre compte que le baril est monté de 20% depuis le début du mois de février et que ça va finir par se voir. D’abord dans nos portemonnaies, mais aussi dans les calculs des stratèges de Wall Street. Bank of America sont les premiers à ramener le pétrole sur le devant de la scène, on attend les suivants. Je parie sur Goldman avant un semaine et avec un target à 130$.

Par contre ce qui est intéressant dans le rapport d’hier, c’est que l’analyste estime que « SI LA FED BAISSE LES TAUX », ça va encore faire monter le pétrole plus haut. Mais si le pétrole monte plus haut, ça va pas freiner l’inflation, bien au contraire… Et si l’inflation repart à la hausse à cause du baril, ils ne pourront pas baisser les taux. Je crois que les prochains mois vont être fun à souhait ! Pendant ce temps, l’or est indestructible et se traite à 2319$ – j’ai d’ailleurs commencé à en enterrer un peu partout dans le jardin et le Bitcoin, qui lui n’est pas dans le jardin, est toujours à 66’000$.

Le reste de ce qu’il faut savoir

Comme on ne croule pas sous les news – mis à part la macro – hier on s’est pas mal occupé de Tesla. Le titre ne baisse plus, mais les analystes sont en train de tirer dessus à boulets rouges. Sur Musk aussi. Bon, Musk il doit s’en foutre, parce que quand t’as 190 milliards sur ton compte en banque, tu te fous pas mal du reste. Toujours est-il que depuis la publication des chiffres d’il y a 48 heures, tout le monde a son mot à dire sur Tesla et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y a à boire et à manger. Entre Katie Wood qui réitère son objectif à 2’000$ et un hedge fund manager qui est short sur Tesla depuis la nuit des temps qui estime que le titre peut « encore perdre 91% », on a vraiment de quoi rigoler. Mais ce qu’il faut surtout retenir c’est que presque tout le monde est en train de downgrader Tesla ; JP Morgan parlait de 32% de baisse à venir et que le titre ne baisse plus. Par contre ce qui est fou, c’est QU’AVANT, Tesla était un OVNI, une Start-up nation à elle toute seule, la plus grande société du monde en devenir, elle était TOUT sauf une marque de bagnoles. Et depuis mardi, ça n’est PLUS QU’UN VENDEUR de voitures. Et électriques en plus.

Autrement, il y a Google qui envisage de faire payer de nouvelles fonctionnalités « premium » alimentées par l’intelligence artificielle, ce qui constituerait le plus grand chamboulement jamais opéré dans son business model. Ce projet de réorganisation de son moteur de recherche, véritable vache à lait, serait une véritable révolution pour Google, mais aussi pour le reste des business « gratuits » sur le net. À quand le Facebook payant ou l’instagram « premium ». Si ça se trouve, je vais bientôt vous faire payer pour lire cette chronique ! Après bientôt 20 ans de gratuité !!! On parle aussi d’Apple qui veut se lancer dans les « robots domestiques », d’Amazon qui vire des « centaines de personnes » dans le business du Cloud, de Janet Yellen qui part en balade en Chine et d’Intel qui s’est fait encore une fois défoncer de 8% après avoir annoncé des pertes à venir du côté de ses chaînes de production. Et puis, on conclura avec une petite nouvelle qui fait toujours plaisir :

« Selon les options et les futures sur les taux, de plus en plus de traders sont en train de prendre le pari que le prochain mouvement de la FED sur les taux directeurs se fera À LA HAUSSE ».

Je vous pose ça là et je vous laisse méditer.

Les chiffres, toujours les chiffres

Pour ce qui de la journée à venir, force est de constater que nous sommes toujours en mode « macro ». Ce jeudi ne sera pas LA PLUS GROSSE JOURNÉE de la semaine, mais il y aura le CPI en Suisse (comme c’est excitant), plein de PMI’s en Europe et aux USA, nous aurons les Jobless Claims qui nous donneront un peu de grain à moudre en attendant les NFP’s de demain et puis ensuite, il faudra attendre pour savoir s’il reste une petite chance de voir les taux baisser en juin.

Actuellement les futures sont en hausse de 0.3%, poussés par les commentaires de Powell qui est toujours notre ami (mais jusqu’à quand) et puis en ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une très belle journée, on se revoit demain comme d’habitude, même heure, même endroit. Soyez forts !

Thomas Veillet
Investir.ch

“I think markets will never be efficient because of human nature.” Seth Klarman