On aurait tendance à dire « ça devait arriver » et c’est étonnant de voir le nombre de commentaires de gens « qui savaient que ça finirait par baisser ». La question qui va nous occuper cette semaine, sera de savoir si « ça va continuer à baisser » ou si sept séances consécutives de baisse, ça suffit ! Si vous lisez la presse de ce week-end, c’est comme d’habitude : « pile ça va rebondir et face, c’est un « falling knife » et faut pas toucher sinon ça va faire bobo. Enfin, toujours est-il que – pour le moment – notre stratégie de : « on ne compte plus sur la baisse des taux, mais on se concentre sur la croissance économique et les chiffres trimestriels », n’est pas au mieux de sa forme.

L’Audio du 22 avril 2024

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Souvenez-vous !

Avant de faire le point sur ce qui s’est passé la semaine dernière, il faudrait juste que l’on se souvienne que le premier janvier 2024 – c’est-à-dire : il y a 113 jours – nous étions archi-convaincus que la FED allait baisser les taux 6 à 8 fois et que ça allait commencer en MARS. C’était un « coup sûr » et si vous aviez l’outrecuidance de penser que c’était un peu tiré par les chevaux et qu’il fallait savoir raison garder, vous risquiez de vous faire allumer par l’ensemble du marché qui vous aurait taxé de pessimiste ou qui aurait estimé que « vous n’avez rien compris ».

Toujours est-il que 113 jours plus tard, la baisse des taux se rapproche plus d’un fantasme d’investisseur et si vous êtes vraiment optimiste, on peut espérer voir une première baisse en septembre. Mais comme à chaque nouveau chiffre économique lié à l’inflation ou à chaque discours de Powell, on repousse la date d’un mois, il y a bien des chances que d’ici les vacances d’été – en supposant que l’été arrive un jour – la baisse des taux sera BIEN prévue pour septembre, mais septembre 2025. Nous voici donc à l’aube d’une nouvelle semaine durant laquelle nous allons assister à une avalanche de publications trimestrielles qui ont de multiples raisons de nous faire très peur au cas où ils seraient « prudents » pour le reste l’année. Et une semaine qui se terminera plus ou moins par les chiffres du PCE – jauge préférée de l’inflation selon la FED – le chiffre devrait être moins pire que les derniers CPI et PPI, parce que mieux calculés et plus tolérant dans sa façon de faire, mais lorsque que l’on voit la tronche des matières premières à l’heure actuelle, l’inflation n’est visiblement pas prête de rendre les armes, même avec des méthodes de calcul arrangeantes !!!

La semaine qui se termine de la pire des manières

On ne va pas passer la matinée à revenir sur ce qui s’est passé vendredi dernier, mais disons que comme nous avions décidé de ne plus se prendre la tête avec les taux d’intérêts qui ne baisseront pas de sitôt, il fallait que l’on se raccroche à autre chose. Mais alors même que nous étions en train de nous convaincre que de « bons chiffres trimestriels » allaient faire l’affaire, les choses ont commencé à aller de mal en pis. Et ça a commencé très tôt dans la semaine avec les chiffres d’ASML. Le fabricant de semiconducteurs néerlandais aura été le premier à nous sortir les mots infâmants : « le reste de l’année sera compliquée, mais ça ira mieux en 2025 ». Sachant que 2025 c’est dans une éternité et que nous avons une vision à 24 heures, la façade de confiance affichée depuis des mois a commencé se fissurer.

Entre les commentaires de Powell qui nous avait plus ou moins laissé entendre qu’il était trop tôt pour envisager une baisse des taux parce qu’il fallait plus de « preuves comme quoi l’inflation allait aller à 2% », le fait que le cacao, le café, le cuivre et le prix de l’essence prennent l’ascenseur et t’as quand même de la peine à y trouver des preuves comme quoi ça va baisser. Et puis quand on ajoute les boîtes qui étaient censées nous soutenir en tant que remplaçants de la baisse des taux, afin d’assurer le BULL MARKET, et que ces dernières commencent à craquer nerveusement de tous les côtés en laissant entendre que 2024, c’est pas la meilleure année du siècle… ça devient quand même pas simple de trouver les arguments pour acheter. Surtout quand la géopolitique s’en mêle et que tu rends compte gentiment que mis à part pendant la crise des missiles de Cuba, ça a rarement été aussi moche depuis que les Allemands se sont fait botter le cul en Normandie.

Il manquerait plus que l’IA lâche…

Au milieu de cet océan de doutes qui commençait à peser sur le moral, il ne restait plus que l’intelligence artificielle pour nous rassurer et nous laisser croire que l’avenir était rose et que tout allait bien se passer. C’est alors que Super Micro – qui avait préannoncé leurs chiffres du trimestre dernier à la manière de Nvidia – c’est-à-dire en disant que le Q4 2023 serait tellement énorme en termes de croissance et de résultats qu’il était impossible d’y mettre des chiffres dessus. Pré-annoncement qui avait fait décoller l’action comme jamais. La faisant passer de 350$ à 1200$ en l’espace de deux gros mois. Eh bien ce même Super Micro a convoqué une nouvelle conférence de presse vendredi dernier. Tout le monde s’est donc dit qu’ils allaient nous faire le même type d’annonce dithyrambique pour le trimestre dernier et que le titre allait monter à 2’400$, au moins.

Et Super Micro est arrivé pour nous dire qu’ils allaient publier leurs résultats trimestriels le 30 avril. Et puis c’est tout. Pas un superlatif sur les chiffres qui seraient extraordinaires, pas un mot plus haut que l’autre pour dire qu’ils étaient les meilleurs et qu’ils allaient gagner tellement de fric qu’ils envisageaient de racheter Microsoft ou Apple et peut-être même les deux. Non. Rien. Juste une date. Inutile de vous dire que la déception a été totale et que la première idée qui est venue dans la tête des investisseurs fût de tout vendre. Super Micro s’est pris 23% dans les dents et la thématique de l’intelligence artificielle s’est (momentanément) effondrée. Nvidia a suivi le mouvement avec 10% de baisse sur la séance et a même embarqué avec elle l’ensemble des Magnificient Seven… La destruction de capitalisation boursière lors de la séance de vendredi dernier aura donc eu des dimensions bibliques. Il n’en fallait donc pas plus pour déclencher une vague de commentaires du style : « c’est comme en l’an 2000 !!! » ou encore : « la bulle vient d’exploser, ça n’est que le début ».

Ça reste à prouver

Avant de commencer à parler de krach boursier ou de correction massive, il va quand même falloir attendre un petit peu et voir si les choses sont vraiment comparables. On notera effectivement qu’il y a pas de mal de similitudes et que la situation économique qui paraît indestructible peut faire peur. Le prix de certaines matières première également, sans compter que l’inversion de la courbe de taux – inversée depuis plus de 500 jours – ainsi que l’endettement délirant des privés et des gouvernements, peut faire très peur. Il est d’ailleurs assez intéressant de voir que depuis quelques jours, absolument tous les points négatifs qui existent depuis des mois, sont soudainement revenus sur le devant de la scène, alors qu’il y a trois mois, lorsque l’on abordait le sujet, on se faisait insulter « parce que les taux ils allaient baisser alors on s’en foutait !!! »…

Nous sommes donc dans une situation très délicate. La baisse a déjà été très violente, les moyennes mobiles des 50 jours sur les graphiques ont cédé de toutes parts et on a l’impression que la moyenne des 200 jours pourrait rapidement être à portée de main. Et puis il y a la situation géopolitique. Ce matin l’Asie remonte un poil parce que – je cite : « la situation au Moyen Orient ne dégénère pas ». Ils se détestent toujours autant, ils sont toujours prêts à se foutre sur la gueule à la première occasion, mais pour l’instant les deux pays belligérants sont simplement en train de faire des discours chacun de leur côté en disant qu’ils sont les meilleurs et que s’ils le voulaient, ils pulvériseraient l’autre. On sent donc que l’on est bien dans un monde de paix et d’amour. Mais pour l’instant, cela nous suffit amplement pour se dire que – sur un malentendu, ça pourrait rebondir.

Ce matin

L’Asie est donc majoritairement dans le vert. La Chine vient de repasser dans le rouge il y a quelques instants, mais rien à voir avec la performance de Super Micro la semaine dernière. On se base surtout sur le fait que chaque fois que la Chine monte, c’est parce que l’on attend une intervention du gouvernement et à chaque fois qu’elle baisse, c’est parce que le gouvernement n’est pas ENCORE intervenu. Du côté des matières premières. Le pétrole baisse à nouveau « parce que ça va mieux au Moyen-Orient » – bien qu’il ne soit pas vraiment monté quand « ça n’allait pas bien au Moyen-Orient ». L’or rebaisse en provenance de ses plus hauts historiques, parce que les gens – je cite : « n’ont plus besoin de valeur refuge parce ça va mieux au Moyen-Orient ». Le pétrole est à 81.53$ et l’or à 2386$. Le Cacao a tapé les 12’000$ avec une hausse de 20% sur une semaine, la dernière fois que le cuivre s’est échangé à ce niveau, l’inflation était à 9% et pour le reste, le Bitcoin est à près de 66’000$ et le rendement du 10 ans américain est à 4.66%.

Deux de moins…

Pour le reste pas de nouvelles phénoménales ce matin, on notera que Salesforce et Informatica n’ont pas réussi à trouver un deal pour un éventuel rachat. Chose qui devrait plaire aux actionnaires de Salesforce. Tesla continuent de couper les prix de leurs voitures même en Chine et les intervenants craignent le pire pour les chiffres trimestriels qui seront annoncés demain soir après la clôture. Les chiffres du trimestre qui seront la clé de cette semaine à venir. La liste des publications est longue et comme il y aura cinq des Magnificent Seven qui publieront, tout peut arriver. Pour l’instant, les futures sont en hausse de 0.3% parce que ça va mieux au Moyen Orient et pour le reste, faudra voir les chiffres qui vont nous tomber dessus dans les heures à venir, afin de voir si l’on peut lever ce doute concernant la probabilité d’être dans la même situation qu’en l’an 2000.

On fait le point demain et d’ici-là, je vous souhaite une excellente journée, journée qui s’annonce fabuleuse pour un mois de décembre. À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Great investors need to have the right combination of intuition, business sense and investment talent.” Andrew Lo