Je me dis qu’à la place d’essayer de comprendre l’économie pour mieux appréhender les marchés, il faudrait que je me mette à la psychologie, puisque visiblement, il n’y a plus que ça qui fonctionne sur les marchés. Ou alors il reste peut-être « scénariste chez NETFLIX » qui vaudrait la peine d’être exploré, parce qu’en ce moment ça n’est pas tant ce que nous vivons ou ce que nous attendons de l’économie, qui nous fait avancer, mais plutôt les histoires qu’on nous raconte. D’ailleurs, l’épisode d’aujourd’hui s’appelle : « si vous avez aimé attendre les taux qui baissent, vous aller encore attendre un moment ». Alors asseyez-vous confortablement dans un fauteuil et profitez du voyage.

L’Audio du 17 avril 2024

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Powell a effacé Netanyahou

Si vous vous souvenez de là où je vous avais laissé hier, vous n’avez pas oublié que l’on était à fond dans la théorie de l’embrasement au Moyen-Orient, tout ça parce que Netanyahou était sur le sentier de la vengeance et n’avait pas l’intention de tendre l’autre joue et qu’il préférait nettement démolir l’Iran avec tous les risques que cela comporte. Le Premier Ministre Israélien l’a encore répété hier et mis à part lui injecter des calmants très très forts, on voit mal comment il pourrait changer d’avis. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les marchés européens se sont fait déglinguer hier. Ça et aussi le fait qu’ils avaient raté les baisses de vendredi et de lundi pour cause de mauvais fuseau horaire, mais ils n’ont pas échappé au rattrapage du mardi matin.

Mais, alors que les marchés de l’Union Européenne prenaient la direction du Sud avec le même esprit d’angoisse et de panique que les Américains depuis deux séances, les traders de Wall Street étaient déjà passés à autre chose. On avait mis deux semaines pour oublier qu’il y avait la guerre en Ukraine il y a deux ans et là, on risque bien de mettre deux jours pour oublier que les dissensions entre les deux plus grosses puissances militaires du Moyen-Orient pourraient éventuellement nous péter à la figure. Quoi qu’il en soit et tant que rien ne bouge du côté de Tsahal, les marchés US sont passé à autre chose. Et cet « autre chose » s’appelle Jerome Powell, il est patron de la Réserve Fédérale Américaine et hier soir il nous a bien fait comprendre – surtout à ceux qui croyaient que les taux baisseraient en juin – que l’on pouvait toujours rêver. Apparemment, les taux élevés sont là pour durer parce que notre amie l’inflation a bien l’intention de rester encore un peu.

Se battre contre des moulins à vent

Jerome Powell a fait un discours en toute décontraction. Il a pris le temps d’expliquer que les mesures misent en place pour lutter contre l’inflation n’avaient pas eu grand effet ces derniers mois et qu’elle se révélait un peu plus bornée que prévu et que, du coup, les taux allaient devoir rester haut pour « un moment encore ». En gros, les chiffres qui sont sortis ces dernières semaines n’ont pas donné suffisamment confiance aux responsables de la banque centrale pour opérer sous peu une diminution des taux d’intérêt. C’est drôle parce qu’en même temps, à chaque chiffre pourri qui est sorti, on nous a systématiquement trouvé une excuse sur le moment pour nous dire que « finalement, ils n’étaient pas si pourris que ça »…

Ben en fait oui, ils étaient aussi pourris que ça !!! Il ne servait à rien de les réécrire avec un stylo de couleur rose pour faire passer la pilule, puisque selon les commentaires de la FED, l’inflation ne baisse pas assez et la baisse des taux en juin on allait pouvoir se la mettre…
… Enfin, il n’y aura pas de baisse des taux en juin aux USA. En Europe c’est autre chose, mais pas aux USA. D’ailleurs les EXPERTS à Wall Street n’ont pas perdu de temps, puisque visiblement, dorénavant on s’attend à une première baisse des taux agendée pour NOVEMBRE… – surtout ne pas rire – penser à quelque chose de triste – et puis il y a même les stratèges de l’UBS qui pensent qu’il n’y aura pas DU TOUT DE BAISSE des taux en 2024. Je crois que c’est les mêmes stratèges qui pensaient que les taux pouvaient baisser une douzaine de fois en 2024. Mais je pense qu’ils parlaient de 2124, ils s’étaient juste trompés de siècle.

Résistance

C’est donc officiel, Powell est HAWKISH à nouveau. Même s’il ne s’est pas montré trop agressif hier soir, on retiendra quand même – pour l’histoire – que c’est pas tout à fait le même discours qu’au mois d’octobre quand il s’est présenté en conquérant et que l’inflation a déposé les armes devant lui. Visiblement l’inflation avait bossé sa stratégie militaire et était prête à lui planter un couteau dans le dos à la première occasion. C’est chose faite. Mais au milieu de tout cela, ce qui est le plus impressionnant, c’est quand même le fait que le patron de la banque centrale américaine vienne nous couper l’herbe sous le pied sur le sujet de taux et que les marchés – qui sont montés là où ils sont À CAUSE DE LA THÉORIE de la baisse des taux à venir – ont à peine bronché et n’ont terminé qu’en légère baisse.

Hier, même si le rendement du dix ans US repartait à l’assaut des 5% de rendement en terminant sa journée à 4.66%, on ne peut pas dire que les marchés se sont montrés très « déçus » des paroles de Powell. Au moins on ne termine pas en hausse de 3%, ce qui aurait un affront total, mais entendre que les taux ne baisseront pas et ne baisser que de 0.2% et finir même en hausse sur le Dow Jones, c’est juste une preuve pour nous faire comprendre que le narratif n’est plus le même. Non, aujourd’hui nous ne sommes plus en train de nous prendre la tête pour savoir quand est-ce que les taux vont baisser, nous nous contentons de trouver fabuleux le fait que l’économe aille si bien. Souvenez-vous en !! NOUS NE NOUS PRÉOCCUPONS PLUS DE LA BAISSE DES TAUX, NOUS NOUS CONTENTONS DE NOUS EXTASIER DEVANT LA FORCE DE L’ÉCONOMIE AMÉRICAINE.

Comme vous le voyez, tout est une question de point de vue. À un certain moment on va retrouver notre obsession liée à l’inflation, mais pour le moment, la seule chose qui nous intéresse, c’est que l’économie US cartonne. Parce que comme disait je ne sais plus quel membre de la FED : « Avec une économie aussi forte et un marché de l’emploi aussi résilient, pourquoi voudriez-vous que l’on baisse les taux ??? ». Du coup, on va se concentrer sur les chiffres du trimestre qui vont nous montrer Ô combien l’économie elle est belle au pays de Biden et de ses amis. Et puis si le chef de guerre israélien reste confiné dans sa planque et ne réplique pas contre l’Iran, on pourrait bien retourner aux plus haut de tous les temps… SI L’ÉCONOMIE NE NOUS JOUE PAS DES TOURS ENTRE-DEUX…

En Asie

Ce matin, ça va dans tous les sens en Asie. Le Nikkei est légèrement en baisse, tout comme le Hang Seng. Apparemment, on n’a pas trop apprécié les commentaires de Powell, mais comme les USA semblaient vouloir regarder les choses sous un angle différent et refusaient de baisser, on ne peut pas dire que la panique s’est emparée des marchés asiatiques. Au contraire. Puisque la Chine est même en hausse de plus de 1%. Le sentiment à l’égard de la Chine s’est amélioré récemment, merci au PIB qui était nettement meilleur. Toutefois, la baisse de la production industrielle et des ventes au détail pour le mois de mars a suggéré que cette dynamique était en train de ralentir. Mais, ce qui est paradoxal, c’est que cette « faiblesse » a également renforcé les attentes selon lesquelles Pékin continuera à mettre en œuvre de nouvelles mesures de relance pour l’économie. Le gouvernement chinois a également déployé davantage d’efforts pour soutenir le marché boursier au cours des dernières séances. Comme quoi, encore une fois, tout est une question de « COMMENT ON VOIT LES CHOSES ». Je pense sincèrement que les commentaires de Powell dans un autre environnement auraient pu déclencher un sell-off majeur – mais là, comme le marché est sous LSD, tout semble se passer pour le mieux, l’optimisme est presque de mise.

Du côté du baril, ça rebaisse à nouveau – tant que pas de bombardements, pas d’embrasement – les vendeurs sont donc de retour et ce matin le baril est à 84.73$. L’or est 2’398$ et je ne peux plus ouvrir un journal ou un site internet financier sans tomber sur un article qui nous explique que l’or va aller à 3’000$ ou à 4’000$. On dit souvent que le Bitcoin est l’or numérique, mais là c’est l’or qui est en train de se comporter comme le Bitcoin. Bitcoin qui est d’ailleurs en grande difficulté, puisque la cryptomonnaie qui attend son Halving pour dans 2 jours 12 heures et 43 minutes, n’arrive plus à monter. Il y a même de plus en plus d’experts en cryptos qui disent que ce Halving est dans les prix et que ça ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau. Pour l’instant, on est 64’000$ et on attend un miracle pour l’emmener à 100’000$. Au moins.

Les nouvelles neuves

Du côté des nouvelles – on va faire abstraction de la guerre – puisque visiblement tout le monde s’en fout (déjà) – abstraction de Powell, parce que tout a déjà été dit. On peut donc revenir à ce qui va VRAIMENT nous intéresser ces prochains temps : « les chiffres du trimestre ». Hier nous avons eu droit à un remake de Goldman Sachs, puisque Morgan Stanley a publié de bons chiffres trimestriels grâce à… – je vous le donne en mille – SA DIVISION BANQUE D’AFFAIRES ! Le titre terminait en hausse de 2.5%. En revanche, comme je vous le disais hier, c’était moins drôle chez Bank of America qui souffraient du même type de problème que JP Morgan – c’est le côté taux d’intérêts qui pêche et hier Bank of America a annoncé que ses pertes non réalisées sur un portefeuille de 587 milliards de dollars d’obligations classées comme « détenues jusqu’à l’échéance à des fins comptables » ont augmenté de 11 milliards de dollars pour atteindre 109 milliards de dollars au 31 mars, contre 98 milliards de dollars à la fin de l’année 2023. C’est à peu près la seule chose qui a retenu l’attention des marchés. Mais le titre de la grande banque américaine baissait comme s’il avaient annoncé qu’ils installaient leur quartier général dans la grande banlieue de Téhéran, juste pour baisser les coûts.

Dans le reste des nouvelles, nous avons Yardeni qui pense que les indices pourraient corriger de 10% et que ça serait sain. Il y a aussi Microsoft qui a investi 1.5 milliard dans une boîte d’intelligence artificielle en langue arabe aux Emirats Arabes Unis. La société G42 est également connue pour avoir des liens assez étroits avec la Chine, mais tout est sous contrôle selon Microsoft. Le FMI a également parlé hier et ils ont revu à la hausse la croissance mondiale à cause de la bonne santé de l’économie américaine. Et puis, dans la foulée de l’investissement de Microsoft, nous avons également eu droit à pas mal de commentaires positifs sur la thématique de l’intelligence artificielle, des upgrades sur Nvidia, Super Micro ou encore AMD. On voit que bon nombre d’analystes surfent encore sur la vague de l’IA qui reste le meilleur moyen de jouer le rebond du marché – quand le marché rebondira. Pendant que Powell mettait les derniers clous sur le cercueil de la baisse des taux, Lagarde était sur CNBC pour nous dire qu’à la première occasion, au premier signe d’une baisse de l’inflation, elle couperait les taux. Mais elle a aussi ajouté qu’elle faisait très attention au pétrole – content que cela soit précisé. Et pour terminer, on notera que LVMH a publié des chiffres en ligne avec les attentes. Ça n’a pas l’air facile du côté de la Chine, mais le Japon est en folie. Le titre était en hausse aux USA hier soir – on verra ce qui se passe tout à l’heure à Paris.

Les chiffres du jour

Côté chiffres du jour nous aurons les chiffres du trimestre d’ASML qui vont nous tomber dessus tout soudain. Et puis il y aura aussi CSX, Abbott, Alcoa et bien d’autres. Pour ce qui des chiffres économiques, il y aura le CPI en Europe et ensuite, Lagarde va reparler… Autant vous dire que selon les chiffres du CPI, le discours de Lagarde sera très écouté.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.23% et on sent que tant que ça ne pète pas au Moyen-Orient, on est capable d’aller chercher le rebond. Que votre journée soit belle, c’est visiblement une belle journée de décembre qui se prépare, alors sortez couverts et on se revoit demain à la même heure et au même endroit !

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Most people get interested in stocks when everyone else is. The time to get interested is when no one else is. You can’t buy what is popular and do well.” Warren Buffett