La semaine se termine et pour le moment, le mois de septembre mérite bien sa mauvaise réputation, puisque le S&P500 a terminé les trois premières séances dans le rouge. Hier soir encore. Les interrogations se sont encore et encore concentrées sur le même sujet : l’emploi et malgré le fait que nous avons encore eu des chiffres qui démontraient que l’emploi était au bout de sa vie, il y a toujours une donnée quelque part qui permet de sauver les miches des indices et leurs éviter des corrections plus sévères. À moins que ce soit simplement le fait que cette semaine il n’y a qu’un chiffre qui compte et qu’il sortira dans quelques heures…
L’Audio du 6 septembre 2024
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Bis repetita
Je vous l’avoue platement, depuis mardi j’ai l’impression de me répéter encore et encore. Et je vais le faire encore une fois : actuellement les intervenants ont compris que les taux allaient baisser, mais on ne sait pas de combien. Selon le ralentissement de l’emploi qui sera affiché cette après-midi, nous saurons si la FED va baisser les taux de 0.25% ou de 0.5%. Si la baisse probable devient de 0.5%, cela voudra aussi dire que la FED est un peu sous pression pour éviter une explosion du chômage et une entrée en récession qui peut aller avec. Donc nous nous retrouvons dans une situation inconfortable, parce que l’on attend une baisse des taux depuis près de 11 mois. Et nous sommes d’ailleurs monté de plus de 30% en anticipant cette dernière et puis maintenant que ça va baisser, on a – au fond de nous – une trouille terrible. Une trouille terrible qui nous ferait trembler de peur que soudainement la FED ne baisse plus les taux parce que l’inflation est vaincue, mais parce que la récession se réveille.
La séance d’hier aura donc été principalement « Macro », on a bien constaté un regain d’intérêt sur les Magnificent Seven qui ont probablement été les artisans du « rebond » du Nasdaq – Magnificent Seven qui ont été aidé par Tesla qui met en place le système de conduite autonome de ses planches à roulettes en Chine et par Nvidia qui – pour une fois – ne terminait pas la journée en baisse – il faut dire que tous les analystes de Wall Street sont sur le pont pour dire qu’il faut ACHETER !!! Alors forcément, au bout d’un moment, on achète. Mais revenons au fait que la journée était encore une journée « Macro » ; pour entamer la séance, nous avons eu droit aux chiffres de l’ISM des services qui était moins merdiques que son pendant de mardi dernier. Apparemment les services se portent mieux que le reste et ce « bon chiffre » – qui est sorti à 51,5 en août contre 51,4 en juillet, alors que le consensus était de 51,1 – permettait aux intervenants de croire que l’économie continuait de croître et de conserver le spectre de la récession à bonne distance de Wall Street – même si par temps clair, on le voit de mieux en mieux – le spectre de la récession – et il a pas l’air super-content.
Bis repetita sur l’emploi, mais avec un sauvetage des Jobless Claims
Ensuite, plus tard dans la journée, nous avons eu droit aux chiffres de l’emploi ADP – ce qui est plus ou moins la version « privée » des NON FARM Payrolls de tout à l’heure et là encore, la nouvelle n’était pas bonne. Elle n’était pas bonne mais comme ce chiffre n’a que très rarement eu sa place dans la liste des « données économiques qui peuvent tout foutre par terre », le marché a relativement bien tenu le coup, même si l’emploi ADP était parfaitement dégueulasse, au même titre que les JOLTS le furent mercredi après-midi. Et puis il faut dire qu’il y a eu un sauvetage de la part des Jobless Claims qui sont sortis légèrement en-dessous des attentes et ce, contre toutes attentes (justement). Le fait que 5’000 personnes de moins ont demandé l’aide du chômage la semaine dernière à redonné un peu de confiance et d’espoir aux intervenants. Même si, à la fin le Dow Jones et le S&P500 ont tout de même terminé la séance en baisse.
Il faut dire que si l’on prend UNIQUEMENT les chiffres de l’emploi ADP et qu’il n’y avait eu que ce chiffre-là hier, je pense que l’on aurait dû se baisser bien plus bas pour ramasser le marché ce matin. Le marché attendait 144’000 créations d’emplois pour le mois d’août, c’est sorti à 99’000. Non seulement, c’est un ratage spectaculaire pour les économistes qui ont visiblement calculé cela avec des œillères et 2 grammes par jambe, mais en plus le chiffre est sous les 100’000 – psychologiquement, c’est très moche – mais c’est aussi le plus bas depuis janvier 2021. Sans compter que pour couronner le tout, ils ont EN PLUS révisé les chiffres du mois dernier à la baisse. Dorénavant on passe de 122’000 à 111’000. Alors d’accord, c’est pas la fin du monde, ça démontre juste que les gars qui calculent ces chiffres ne savent pas compter, mais il faut quand même reconnaître que le marché de l’emploi a tout de même un problème et que le problème en question ne va pas s’en aller juste parce que ça nous « arrange ». En général, dans l’ancien temps, on disait que si les chiffres ADP étaient merdiques, ça n’était pas de bon augure pour les NFP du lendemain. Eh bien, à ce propos, vous noterez qu’il est intéressant de constater que depuis la publication des chiffres ADP, tout le monde s’est arraché pour modifier (À LA BAISSE), les attentes des créations d’emplois de cette après-midi !!! Il y a encore 24 heures, on attendait 175’000 et on est passé brutalement à 159’000, histoire d’avoir l’air un peu moins ridicules à 14h30 tout à l’heure.
Les signaux d’alerte se font plus précis
L’emploi est donc tout pourri. En tous les cas, c’est un peu l’impression que ça donne. Mais l’emploi, c’est aussi le signal que l’économie va mal – comme je l’ai mis en titre de cette chronique, « l’emploi c’est le canari au fond de la mine », quand le canari meurt parce qu’il n’a plus d’air, ça veut juste dire que nous sommes les suivants sur la liste. Et là, on commence à se dire qu’à force de mettre des gens au chômage et de ne plus offrir de jobs, on va finir par mettre l’économie en hibernation (je dis hibernation, parce que récession c’est déprimant). Le monde merveilleux de la finance est donc en train de se demander ce qu’il faut attendre de la suite. Une chose est certaine, depuis 48 heures, le marché est pratiquement certain que la FED va baisser les taux « d’au moins » 1% d’ici la fin de l’année et la probabilité de voir une baisse de 0.5% dans deux semaines se fait de plus en plus insistante, mais sa « confirmation ou son infirmation » dépendra des chiffres de cette après-midi. De toutes manières, toute la semaine nous n’avons attendu que ça.
Et puis, alors que l’on est méga-concentrés sur l’emploi américain, on notera quand même que le management d’Hermès est en road-show actuellement et qu’ils expriment avec insistance qu’ils constatent un ralentissement dans leurs ventes – et que c’est toujours tendu du côté de la Chine. On voit donc que le « ralentissement de l’économie » n’est pas qu’une figure de style et que la lutte contre l’inflation qui touche à sa fin, n’est pas le seul problème de l’économie. Les déclarations d’Hermès en sont la preuve : tout est en train de ralentir et il faut simplement espérer que les baisses de taux qui arrivent à toute vitesse, ne seront pas trop tardives pour éviter la récession. Actuellement, les banquiers centraux sont convaincus qu’il n’y aura pas de récession – presque aussi convaincus que lorsque l’inflation était transitoire et sous contrôle – mais sur ce coup-là, on espère vraiment qu’ils auront raison. Pour une fois. Mais en attendant on va se concentrer sur les chiffres des Non Farm Payrolls de tout à l’heure et sur le taux de chômage. Je vous rappelle juste les attentes : 159’000 créations d’emploi attendus (nous étions à 114’000 le mois dernier) et un taux de chômage à 4.2%, contre 4.3% le mois dernier. Ensuite on pourra parler… et prendre des paris.
Les marchés asiatiques
Ce matin les marchés asiatiques sont légèrement en baisse et on va dire qu’ils sont en attente d’informations et qu’ils n’ont pas envie de prendre des risques avant le week-end. Week-end qui commencera pour eux dans quelques heures, AVANT les NFP’s. On notera encore qu’hier les marchés européens étaient dans le rouge, le DAX ne veut pas lâcher et ne baisse que de 0.08%, mais le CAC et le SMI reculaient plus ou moins de 1%, le CAC à cause d’Hermès et le fait que la nomination du plus vieux Premier Ministre en France n’a pas redynamisé l’économie et en Suisse, parce qu’on a tapé sur Roche et Novartis. Pendant ce temps-là, le pétrole consolide à 69$ et l’or est à 2548$. Pour ce qui est du Bitcoin, c’est à peu près aussi passionnant que la reproduction des paramécies en captivité et il traite autour de 57’000$.
Pour le reste, vous l’aurez compris, on va attendre 14h30. Mais en attendant, je pense qu’il va quand même falloir surveiller le niveau des 5’500 sur le S&P500. Ce niveau correspond à la moyenne mobile des 50 jours et hier, le marché a bien tenté de casser à la baisse, mais tout le monde est venu racheter sur 5’480 – au cas où cela ne se reproduirait pas ce soir, suite à des chiffres décevants, la porte serait ouverte à toutes les fenêtres pour aller chercher bien plus bas. Autrement, on notera que plusieurs banquiers d’affaires américains commencent à être très méfiants au sujet des baisses de taux. JP Morgan estime que la FED va baisser les taux de 0.5% et que ça n’est pas rassurant, Stifel pense que c’est trop tard pour baisser les taux et qu’il faudra « vendre la nouvelle », et chez Mazars, on s’inquiète également d’une baisse trop massive qui signifierait une inquiétude grandissante.
Mais encore
Et puis il y a Broadcom qui a publié des chiffres que l’on qualifiera de « pas terribles », même s’ils ont confirmé qu’ils faisaient un carton du côté de l’IA. Il y a aussi une petite statistique qui vient de sortir, puisque l’on apprend que depuis 2008, les deux derniers mois AVANT l’élection présidentielle, le marché américain baisse en moyenne de 5.8%. ça tombe bien, on a déjà commencé à baisser un bout depuis début septembre. Politique toujours ; la France a un nouveau Premier Ministre. Après avoir nommé le plus jeune Premier Ministre de l’histoire, Macron vient de nommer le plus vieux. Et le plus vieux qui vient du parti qui a tout perdu depuis 5 ans à chaque élection, qui a été refusé comme candidat à la présidentielle par son propre parti et qui a pour titres de gloire : les négociations sur le Brexit et l’organisation des JO d’Albertville. La question que tout le monde se pose, c’est de savoir quand est-ce qu’il va se faire virer, d’ailleurs sur la nouvelle, le marché a rebondi de trois fois rien, avant de finir plus bas.
Mis à part ça, il y aura une montagne de chiffres économiques en plus des NFP ce vendredi. Il y aura la production industrielle en Allemagne, le SECO en Suisse, puis le PIB européen. Ensuite on passera au juge de paix pour la semaine – les chiffres de l’emploi – et dans la foulée, il y aura des discours de la part de Waller et de Williams, tous deux membres de la FED. D’ailleurs, hier il y a déjà un de leur collègue, Austan Goolsbee, qui estime qu’il est temps de baisser les taux et que la FED est prête à le faire plusieurs fois… Faites vos jeux, rien ne va plus, tout ne sera plus qu’une question d’interprétation…
Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.10% et tout le monde est dans les starting-blocks. En attendant, j’en profite pour lancer une invitation à tous : le 11 septembre, Swissquote organise une conférence dans leurs locaux – conférence qui aura pour thème : les élections américaines et les conséquences sur les marchés financiers. C’est à 18h00, à Gland. Je ferai partie des intervenants et il y aura ensuite un apéro où l’on aura l’occasion de se rencontrer. Le lien pour l’inscription est ici et le nombre de places est limitée, c’est donc du « First In First Serve ». En attendant d’éventuellement vous voir sur place, je vous souhaite un excellent week-end, une très belle journée et on se retrouve lundi pour décortiquer les chiffres de cette après-midi…
À lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Successful investing is about managing risk, not avoiding it.” Ben Bernanke