S’il y a une chose que j’ai retenu à propos de la séance d’hier, c’est que l’on ne doit plus dire « baisse des taux », mais RECALIBRAGE. Powell était de sortie hier soir et visiblement, le coup du recalibrage n’était pas juste un changement de « wording » exprès pour le meeting de la FED, c’est un nouveau mode de vie. Lors de son intervention, le Messie de la finance a utilisé plusieurs fois le mot « recalibrage » en expliquant longuement qu’il en envisageait deux de moindre ampleur d’ici la fin de l’année. En bon français, ça veut dire qu’il va baisser les taux de DEUX FOIS 0.25% avant 2025. La nouvelle n’était pas forcément excitante, mais comme d’habitude : à la fin ça monte.
L’Audio du 1er octobre 2024
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Pas que du bon, mais c’est bon
La dernière séance du mois de septembre n’aura pas été la plus passionnante du mois. Déjà c’est un lundi et en plus, mis à part Powell, il n’y avait pas grand-chose à dire. On continue à se motiver sur la Chine, les volumes acheteurs constatés dans l’Empire du Milieu ont continué à être monstrueux, un peu comme si le stimulus avait déclenché une folie acheteuse chez chaque Chinois, puisque même certaines plateformes de trading semblaient patiner dans la semoule. C’est marrant parce qu’on était convaincu que le stimulus allait pousser les Chinois à claquer du pognon chez Hermès et Vuitton, mais en fait ils veulent d’abord faire fortune en bourse si l’on en croit les chiffres des volumes boursiers. À moins qu’ils se soient enfin rendus compte que le sac à main à 5’000 balles vendu chez Vuitton est fabriqué chez eu pour moins d’un dixième du prix. Mais cela est une autre histoire.
L’Europe – en revanche – a assez mal vécu ce dernier jour de septembre. Il faut dire qu’après les mauvaises nouvelles du secteur automobile annoncées ces dernières semaines en Allemagne, c’était le tour de Stellantis. Le conglomérat automobile a donc coupé massivement dans ses prévisions et les perspectives ne sont pas très bonnes. Le titre a donc entrainé le CAC40 à la casse et a emmené le reste du secteur automobile avec lui, Renault et Valeo en faisaient également les frais. Et puis, pendant que la France tentait de panser ses plaies, l’Allemagne a également annoncé une inflation en-dessous des attentes. Alors là, on est en train de vivre un truc exceptionnel ; depuis des mois et des années les pays occidentaux tentent de freiner l’inflation (avec un certain succès au bout d’un moment) et là, on se retrouve carrément avec des chiffres en-dessous des attentes (alors qu’auparavant c’était plus fréquent d’avoir des chiffres AU-DESSUS des attentes) et en plus : EN-DESSOUS de l’objectif cible des 2%. Hier l’Allemagne a annoncé une inflation à 1.8%.
Une victoire ou pas ?
De deux choses l’une : soit c’est une victoire de la part des autorités qui ont réussi à ramener les choses à la normale. Soit, nous vivons un effondrement économique en Allemagne et un ralentissement massif de la croissance, laissant supposer que les Allemands se sont serré la ceinture et ont drastiquement réduit les dépenses. Personnellement, j’aurais tendance à favoriser la seconde option. Du coup, cette bonne nouvelle, cette inflation plus que maitrisée aura au moins permis à l’indice allemand de baisser moins que les autres. Ça et le fait que dans le secteur automobile, les profits warnings ont été fait il y a déjà quelques semaines. En tous les cas, la bonne nouvelle dans tout cela, lorsque l’on voit que l’inflation est dans le coma, c’est que la Banque Centrale de Madame Lagarde n’aura pas d’autre choix que de baisser les taux le 17 octobre – et peut-être même de 0.5% puisqu’il serait bienvenu de tenter de stimuler l’économie avant qu’elle aussi tombe dans un coma profond.
Bref, tout ça pour dire que l’Europe n’a pas vécu sa meilleure vie hier, puisque l’industrie automobile est au fond du bac et heureusement qu’il reste Ferrari, puisque c’est visiblement la seule marque qui fonctionne encore à peu près. En revanche, l’économie semble tourner au ralenti, même si on n’a pas trop envie de le dire parce que sinon, il va falloir recalibrer nos ambitions. Et puis l’inflation semble définitivement vaincue, même si l’on attendra encore le chiffre agrégé pour l’Europe qui sortira tout à l’heure pour commencer réellement les danses de la victoire. Et puis souhaitons quand même qu’elle va s’arrêter de baisser un jour, parce que sauf erreur, je crois que la déflation n’est pas top non plus comme modèle économique.
Powell on stage
Les marchés américains quant à eux, ont commencé la semaine en se félicitant d’avoir enfin réussi à finir un mois de septembre en terrain positif, bien que le début de la séance new-yorkaise se sera principalement déroulée dans le rouge. Les interrogations sur la durabilité du rallye chinois et l’avalanche de chiffres liés à l’emploi ne poussaient pas les traders à vouloir prendre des risques inconsidérés. Mais c’est probablement les mots de Powell qui auront permis à la bourse américaine d’inverser la tendance et terminer dans le vert, contrairement à leurs collègues du Vieux Continent.
Par contre, il faut être honnête, le patron de la FED a plus ou moins répété ce qu’il avait déjà dit lors du FOMC meeting d’il y a deux semaines. Pour lui l’économie reste forte et il n’y a pas de questions à se poser là-dessus, le ralentissement de l’emploi était prévu par la FED et reste sous contrôle. Selon Powell, en baissant les taux tranquillement le marché de l’emploi devrait repartir sans problème. Il est d’ailleurs assez hallucinant de constater que le mec à l’air tellement sûr de lui que l’on a l’impression que c’est lui qui valide les engagements et les licenciements pour tout le pays. Mais pour résumer au plus simple : de l’emploi à l’inflation, tout est sous contrôle, l’économie US se dirige vers un SOFT LANDING sans le moindre doute et la FED va encore recalibrer les taux en novembre et en décembre, mais ça ne sera pas des « JUMBO RATE CUTS ».
Le verre à moitié plein
Ces quelques mots de Jerome Powell ont suffi à inverser la tendance et ont permis au S&P500 de clôturer au plus haut de tous les temps, tout comme le Dow Jones. On notera quand même que c’est toujours aussi dur pour le Nasdaq et le SOX de continuer de grimper. Et puis, à propos de records, il y a aussi Apple qui finissait sa séance au plus haut de son histoire après de bons commentaires sur les ventes d’iPhones.
Néanmoins, mon côté prudent me pousse quand même à me méfier ; le marché s’est montré « satisfait » des déclarations de Powell alors que ce dernier a été très clair sur l’amplitude des prochains recalibrages. On parle de 25 bp et pas de 50 comme on avait tendance à espérer depuis quelques jours. Nous aurions donc été en droit de montrer une once de déception sur ces déclarations, surtout après la publication des chiffres du PCE de vendredi dernier. Cependant, j’ai comme l’impression que le marché attend tellement des chiffres de l’emploi, qu’il n’ose pas bouger en attendant d’y voir plus clair.
L’Asie
Ce matin la Chine et Hong Kong sont fermés. Non parce que si vous cherchez un nouveau rallye de 8% sur vos écrans, ça n’est pas là-bas que ça se passera. On parle toujours énormément de ce giga-stimulus chinois qui a totalement redistribué les cartes depuis la semaine dernière. Il semblerait que tout le monde est en train de sauter dans le train en marche, sans trop savoir où cela va nous mener. Il est clair que d’un côté le gouvernement a fait de telles déclarations que l’on imagine assez mal qu’il laisse le soufflé retomber – sinon ils ne seront pas élus aux prochaines élections… Ah mais non, je suis con, de toutes façons ils ne seront pas élus, puisqu’ils s’auto-élisent et qu’ils foutent au trou ceux qui ne sont pas d’accord. Mais quand même, on a quand même de la peine à imaginer que le soutien s’arrête là. Cependant, si l’on observe le comportement des obligations chinoises, on peut quand même se dire que tout le monde ne croit pas au miracle du stimulus et qu’il y a encore du travail à faire pour motiver les consommateurs et nous publier des vrais chiffres économiques qui vont dans la bonne direction.
Du côté du Japon, le Nikkei, lui était ouvert et entame la remontée après la déconfiture d’hier. Actuellement, l’indice est en hausse de 2%. Pour le reste, l’or s’échange à 2659$, le Bitcoin revient dans son range et se traite à 63’800$ et quant au pétrole, il remonte légèrement autour des 68$ – l’excuse facile serait de dire que les « tensions au Moyen Orient » ou « les risques d’embrasement au Moyen Orient » font que les traders se méfient. Mais pour être franc, pour le moment on dirait que peu importe ce que fait Israël, tout le monde s’en fiche et personne ne dit rien et que les quelques menaces qui proviennent d’Iran ont l’air d’être plus diplomatiques qu’autre chose. Et puis pour être franc, ça fait bien longtemps que les marchés se foutent pas mal de la guerre et c’est presque un peu trop calme sur le baril compte tenu de la situation.
Les nouvelles du jour
Du côté des news du jour, on notera que les « dockers » américains sont en grève à partir d’aujourd’hui. Ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord avec les syndicats et c’est environ 14 des plus grands ports américains qui vont être bloqués pour une durée indéterminée. Il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps, parce que l’impact sur l’économie US va se ressentir rapidement. Pour ce qui est du Moyen Orient, Israël a commencé à faire quelques incursions au Sud Liban et il semblerait qu’ils aient également bombardé le Yemen.
Autrement, on parle beaucoup des chiffres de ventes de Tesla. Le chiffre sera publié ce mercredi et il y a énormément de spéculations sur le fait que ce chiffre serait une « surprise à la hausse ». On parle de 20’000 véhicules de plus que les attentes et ça s’excite dans tous les sens, d’autant plus que le titre est sur une zone de résistance à 260$ qui pourrait déclencher un envol spectaculaire. Après, on parle de 20’000 voitures, pas 20 millions, mais le marché ne demande pas forcément des chiffres fabuleux en termes de volumes, mais surtout des chiffres qui montrent que ça va mieux que les autres. Que Tesla est plus comme Ferrari que comme BMW ou Mercedes…
Chiffres
Pour ce qui est des chiffres de la journée, nous allons commencer à rentrer dans le « dur » avec les premières données de l’emploi américain. C’est les JOLTS qui vont ouvrir le bal cette semaine. On attend un chiffre de 7’640’000 offres d’emplois. Autrement il y aura aussi le CPI en Europe et les Manufacturing PMI’s un peu partout dans le monde, surtout aux USA, puisque ce même chiffre le mois dernier n’avait pas énormément plu au marché, puisque cela donnait le sentiment que l’économie se contractait. Aujourd’hui on attend un rebond à 47.6 contre 47.2 le mois dernier. Il y aura aussi un wagon de banquiers centraux qui parleront, histoire de mettre un peu d’ambiance.
Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.10% et on est en position d’atterrissage d’urgence, parce que le Soft Landing, on veut bien y croire, mais on n’est jamais trop prudents.
Passez une excellente journée que votre café fasse son office et vous maintienne éveillé jusqu’aux chiffres des NFP’s de vendredi. À demain, si vous le voulez bien !
Thomas Veillet
Investir.ch
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