Il faut dire ce qu’il en est ; les marchés sont impressionnants. Je dois admettre que ça fait un moment que je passe mes fins de nuits à commenter les marchés et j’avoue que ça n’est pas la première fois que je suis impressionné. Je suis souvent impressionné par la bêtise de certaines réactions, mais aussi par cette capacité qu’ont les investisseurs de se fier à l’instinct grégaire et de faire comme tout le monde sans se poser de question. Mais là, en ce début de printemps, après avoir passé très près de l’échafaud le mois dernier, je suis une fois de plus impressionné de voir que 6 semaines après avoir flippé sa race pour sa retraite de dans 20 ans, l’investisseurs moyen a tout oublié.
L’Audio du 16 mai 2025
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Effaçage de mémoire
Bref, les marchés sont formidables, le DAX est tout près des plus hauts de tous les temps – comme tous les jours – et c’est grâce à l’armement – sans compter que le nouveau patron de l’Allemagne est venu à la tribune pour dire qu’il voulait avoir l’armé la PLUS PUISSANTE D’EUROPE. Alors bon, je ne sais pas, mais disons que ça fait à peine 2 mois qu’on leur a lâché la bride, bride qui était tenue serrée très fort depuis le débarquement du 6 juin 44 et les gars sont déjà en train de vouloir redevenir champion d’Europe. Je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle, mais c’est pas grave, ça fait grimper Rheinmetal et tout le monde est content. Mais je m’égare parce que mon intention n’était pas du tout de parler de ça. Ce que je voulais dire, c’est que les marchés sont très forts et qu’ils ne veulent plus baisser et ce, même si hier soir les Magnificent Seven étaient sous pression et que le volume de puts achetés sur le secteur – à 24 heures de l’échéance des trois sorcières, était anormalement élevé.
Peu importe, les indices ne lâchent pas le moindre pourcent et le S&P500 a enquillé sa 4ème séance de hausse consécutive, pendant que United Healthcare entamait sa quatrième séance de BAISSE CONSÉCUTIVE, ainsi que son 4ème mois de baisse consécutive. Par contre le Nasdaq terminait en terrain négatif pour la première fois depuis 7 séances. C’est excitant, hein ? Oh et puis c’était des vrais mouvements de bonhomme, le S&P prenait quand même 0.41% pendant que Sir Nasdaq reculait dignement de 0.18%, tout ça à cause des Magnificent Seven qui se dégonflaient pour des raisons diverses et variées, Meta parce que leur moteur d’intelligence artificielle a pris du retard, Amazon, Microsoft et Google parce qu’il y a un Hedge Fund Manager qui annonçait qu’il vendait toutes ses positions sur ces trois-là, plus deux-trois autres. Et puis Apple parce que Tim Cook est en train se faire frotter les oreilles sur Truth Social par le Président Américain. D’ailleurs il est à noter que Trump s’en est pris à Cook et pas à Powell, pour une fois. Pourtant, au sujet de Powell, au vu de son speech inutile comme un bikini au Pôle Nord en plein mois de décembre, il y aurait eu des choses à dire. Mais non, Trump s’est sûrement rappelé la maxime suivante : Une pomme par jour tient le médecin éloigné. Mais seulement si vous lancez la pomme assez fort…
Apple, les Indiens et l’iPhone à 3’500$
Donald Trump – on le sait – voudrait un iPhone « Made in America ». Et visiblement, il commence à en avoir marre que Tim Cook lui réponde : « Oui mais non. » Depuis quelques temps, on a compris qu’Apple prévoit de produire une majorité des iPhones en Inde. Et ça, ça énerve Trump qui l’a exprimé assez vertement hier depuis le Qatar. Le problème c’est que fabriquer un iPhone aux États-Unis obligerait Apple à facturer environ 3’500 $ l’unité à ses clients. Autant dire que même les fans de la Pomme diraient « non merci »… ou alors devrait vendre un rein.
Apple a promis 500 milliards de dollars d’investissement aux US et 20’000 embauches… mais surtout des jobs de techos, pas de monteurs de téléphones. Résultat : la relocalisation, c’est gentil sur le papier, mais même Cook admet que rapatrier la production hors de Chine (vers l’Inde ou le Vietnam) va déjà coûter 900 millions de plus au trimestre en cours. Donc Apple ne peut tout simplement PAS FAIRE CE QUE DEMANDE TRUMP, mais visiblement, ça n’empêche pas le Président d’avoir trouvé une nouvelle tête de turc à qui s’en prendre. Il ne manquerait plus qu’il colle des tarifs de 150% sur les exportations indiennes, histoire de forcer Apple à revenir à la maison. La société de Cupertino était en recul de 0.9% hier, pas de quoi se relever la nuit et de courir acheter un Nokia 6210 pour remplacer vos iPhones 16, mais disons qu’un nouveau front de la guerre commerciale semble s’ouvrir en Californie.
Trump veut relancer l’Amérique avec des iPhones faits maison. Cook, lui, veut juste éviter de ruiner ses marges. Et au milieu : un iPhone qu’on risque bientôt de payer aussi cher qu’une Harley. .
Et Powell a parlé
Pendant que les marchés s’accrochaient dans leur optimisme exacerbé, il y avait également une montagne d’aspects macro à digérer. Mais avant d’entamer une plongée dans le monde fabuleux de l’inflation et des ventes de détail, nous sommes obligés de passer par le discours de Jerome Powell. Ça fait 4 jours qu’on l’attend et qu’on en dort plus, il est donc temps de mettre ça derrière nous. On va commencer par le plus important, Powell n’a ABSOLUMENT RIEN DIT D’IMPORTANT qui aurait pu faire bouger les marchés dans un sens ou dans l’autre. C’est bien simple, si Powell était un médicament, il serait un Lexomil. Si Powell était un animal, il serait un paresseux, un singe qui n’avance pas mais qui s’accroche tellement fort aux branches qu’il peut même dormir sans tomber de l’arbre. Si Powell était une voiture, il serait une Zoé, la voiture la plus chiante de sa génération.
Le patron de la FED a donc ressorti sa boule de cristal et ce qu’il y voit, c’est pas super rassurant : selon lui, on entre dans une ère d’inflation plus volatile, plus dure à contrôler. L’environnement économique a changé depuis 2020, donc la Fed doit revoir sa copie. Taux plus hauts, moins de QE, et plus de turbulences à gérer. Il pense aussi que l’on doit rendre la politique monétaire plus claire, plus symétrique sur l’inflation (on réagit quand ça monte et quand ça descend trop). Oui, je vous avais prévenu c’était chiant et ça ne nous a pas avancé d’un millimètre au sujet des taux et de la baisse de ces derniers. Trump devait être fou de rage à bord d’Air Force One. À la limite de jeter son iPhone par terre et de le piétiner. Sauf qu’il s’est souvenu que dans six mois, ça vaudra 3’500$. Mais peu importe, ce qu’il faut retenir – entre les lignes – c’est que l’on sent que la Fed se prépare à un monde plus chaotique. Et qu’elle ne veut pas juste baisser les taux pour faire plaisir aux marchés. La bonne nouvelle pour Powell, c’est qu’il n’a plus qu’un an à tirer dans ce monde chaotique. À moins que Trump trouve une bonne raison de le jeter dehors pour le remplacer pas Warsh avant.
Le brouillard de la Macro
En plus de Powell, il y a eu une avalanche de chiffres économiques. On a commencé avec les prix à la production – le fameux PPI qui dégringole en surface avec une baisse de 0,5% en avril. Mais qui, en revanche, montre les dents en « core » avec une hausse de 0,4%. Traduction : les prix reprennent des couleurs… et les premières traces d’inflation made in Trump & Tarifs commencent à pointer le bout de leur nez. Mais on est passé dessus la bouche en cœur, puisque le plus important c’est que le chiffre était en-dessous des attentes. Du côté des ventes de détail, elles font du surplace : +0,1%. Les Américains semblent avoir anticipé les hausses de prix en achetant leurs bagnoles avant l’heure. Résultat : avril, c’était calme plat, sauf chez les concessionnaires automobiles qui commencent à trembler. Côté emploi ? RAS. 229’000 demandes de chômage : stable. En Résumé : entre un consommateur US qui commence à tousser, une inflation qui fait le grand écart et un Powell qui parle de chaos permanent, on se croirait dans un remake de « La Quatrième Dimension », mais version économique. Pourtant, à la fin les marchés étaient globalement en hausse et solides. Je vous le dis depuis le début, il y a de quoi être impressionné.
Un peu à l’image des chiffres macro précités, on peut faire la comparaison avec les publications trimestrielles de Walmart. Ils ont fait des chiffres solides au premier trimestre, mais derrière le sourire du CFO, il y a comme un malaise. Résultats au-dessus des attentes, ventes en hausse, guidance confirmée… mais alors POURQUOI le titre a ouvert en baisse de 5 % jeudi matin ? Réponse : les « tarifs douaniers » qui foutent un gros bazar dans les prévisions. Le CFO parle de « grande incertitude » – ce qui en langage corporate veut dire « on n’en sait rien, mais on croise les doigts ». Les importations coûtent plus cher, donc « LES PRIX VONT GRIMPER » surtout sur l’électronique, les jouets, (donc tout ce qui vient de Chine) et même… les bananes (merci la taxe sur le Costa Rica). Walmart fait ce qu’il peut : sourcing local, adaptation des matériaux, hausse discrète des prix – mais avec des marges aussi fines qu’un ticket de caisse, y’a pas de miracle. Si les tarifs reviennent à « full power », ça pourrait faire mal. Reste plus qu’à espérer un miracle sur les négociations avec Xi et ses amis. Le titre s’est quand même bien repris, parce qu’après une bonne ouverture de merde, Walmart terminait la séance inchangé, ou presque. Quand je vous dis que ce marché est « solide », c’est qu’il est vraiment solide.
Et l’Asie ?
Vendredi matin en Asie, c’était ambiance « gueule de bois lendemain d’hier ». Le Japon se prend un -0,7% de PIB dans la tronche (attendu : -0,2%) et forcément, le Nikkei glisse. L’économie n’avance plus, les exports sont KO, la conso locale roupille, et la BoJ va devoir rester molle sur les taux. On parle déjà de récession – c’est un peu comme si Godzilla était à l’entrée de Tokyo, mais pas encore vraiment en ville. À Hong Kong, c’est Alibaba qui fout tout parterre avec un chiffre d’affaires en dessous des attentes et une division cloud en mode panne sèche. Résultat : -5% sur le titre, JD.com suit avec -2%. Heureusement que NetEase sauve l’honneur avec un +15%. En Chine, les indices lâchent un peu de terrain malgré le rebond hebdo dû à la pause tarifaire USA/Chine. Mais les marchés veulent du solide, pas du temporaire. Bref, une Asie en dents de scie avec les yeux tournée vers Washington et la calculatrice bloquée sur « inflation, croissance, tarifs ». Le Nikkei reculait de 0.25%, Hong Kong de 0.94% et la Chine de 0.5%.
Du côté du baril, c’est toujours la même histoire : « on s’autorise à penser qu’un deal entre les Américains et les Iraniens POURRAIT être signé ». Du coup, il y aurait plus de pétrole sur le marché et donc les prix devraient baisser. Le baril est à 61.73$ et on notera encore que les gars de chez Goldman nous ont gratifié d’une nouvelle idée de génie. Ils ont décidé de « décoder » les posts de Trump sur les réseaux sociaux pour savoir quel était le prix espéré du baril pour Trump. Je suppose que l’idée vient de l’IA, c’est pas possible d’avoir des réflexions humaines aussi dingues. Bref, le résultat du brainstorming social de Goldman Sachs, c’est que Trump veut un baril entre 40 et 50$ pour faire plaisir au consommateur, tout en voulant quand même qu’il soit plus cher, puisque les producteurs américains arrêtent de forer quand le baril passe sous les 65$. On n’a pas fini de rire, puisque l’on peut supposer que lors de la prochaine analyse, ils vont aller fouiller les poubelles de la Maison Blanche pour savoir si le Bitcoin va à 150’000$ ou pas. Pendant ce temps, l’or remonte un poil à 3’214$ et le Bitcoin est à 104’000$ en attendant le résultat de la prochaine enquête du lieutenant Goldman Sachs.
Du côté des nouvelles neuves
Autrement, le deal Footlocker/Dick’s Sporting Goods est officialisé. Le Wall Street Journal a quand même des bonnes sources, encore une fois. Et puis Coinbase avait encore mal à la tête après avoir fêté l’entrée dans le S&P500 quand la réalité les a rattrapés. BAM ! Deux bombes en 24h. D’abord une cyberattaque qui pourrait leur coûter jusqu’à 400 millions de dollars et ensuite, une enquête de la SEC pour avoir peut-être un peu trop gonflé leurs chiffres d’utilisateurs. Résultat : -6%, des employés virés, et une image ternie en moins de deux. Et puis franchement ? La SEC n’a pas mieux à faire qu’aller gratter dans les armoires du passé ??? Il y a aussi Trump qui est en train de boucler son périple au Moyen Orient et le bilan est exceptionnel. Le Président Américain a signé des deals dans tous les sens et va ramener des milliards aux États-Unis. C’est tout simplement le plus gros engagement d’investissement étranger jamais obtenu par un président américain. Rien que ça. Même Wall Street en a recraché son café.
UnitedHealth dégringole de 11 %, pire perf du Dow Jones parce que le ministère de la Justice américain fouille dans ses petites affaires de Medicare Advantage. En clair : suspicion de fraude à l’assurance. Le WSJ balance l’info (sans source officielle), et UnitedHealth crie au scandale, parle d’article « profondément irresponsable » et jure qu’ils n’ont rien reçu de Washington. Mais bon… quand le marché panique, c’est souvent qu’il y a un peu de fumée et que visiblement, le DOJ est vraiment sur leur dos. Et puis en Suisse, on le sait ; Holcim fait ses valises côté Amérique du Nord : sa filiale Amrize sera cotée à la Bourse suisse fin juin, tout en visant aussi New York. Dès le premier jour, elle rejoindra le SMI et le SLI, faisant temporairement passer le SMI à 21 membres. Mais Pas de panique, ce sera révisé en septembre. En gros : un spin-off, avec un gros business à 11,7 milliards, piloté depuis Chicago… mais made in Zoug.
Chiffres du jour
Côté chiffres du jour, nous aurons le Trade Balance en Europe, les prix à l’import et à l’export aux USA et puis les chiffres de l’Université du Michigan qui vont nous donner une idée de l’état d’esprit du consommateur américain, même si – je le répète pour la millième fois – ce chiffre est bidon et peu représentatif de la réalité. Mais comme tout le monde le regarde comme si c’était le Messie, je ne vais pas polémiquer ! Côté sociétés, il y aura les chiffres de Richemont ce matin et ceux de Swiss Re. Le reste n’est pas très relevant en ce vendredi de triple échéance optionnelle où la plupart des médias pensent que « au vu du volume qui sera traité aujourd’hui », cela pourrait avoir une influence sur la pérennité du Bull Market. Comme toutes les échéances. On espère surtout qu’en rentrant du Moyen Orient, Trump ne va pas nous faire une crise existentielle sur les réseaux sociaux, c’est surtout ça qui pourrait avoir une influence sur la pérennité du Bull Market.
Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.03% et c’est hyper-excitant. La Volatilité est à 17.83% et le Greed & Fear Index est à 69. Toujours sur le territoire des bulls… Passez une excellente journée – surtout si vous faites de la voile sur le Léman – et un excellent week-end – surtout si vous faites de la voile sur le Léman – et on se retrouve lundi matin, même heure, même endroit !
Soyez forts et à lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
When buying shares, ask yourself, would you buy the whole company? –Rene Rivkin