En l’absence des Européens, les indices américains ont sauté sur l’occasion pour aligner leur huitième séance de hausse consécutive. Le Nasdaq termine même sa séance plus haut que le niveau qui était le sien le 2 avril. Le fameux LIBERATION DAY a été effacé des tabelles et le recovery est encore une fois spectaculaire. On peut se demander combien de temps tout cela va encore durer : rebondir massivement alors que l’ensemble des chiffres économiques pointent en direction d’une récession, ça risque forcément de devoir se payer un jour – sauf que le marché à l’air d’en savoir plus que ce qu’il veut bien dire, comme si l’on anticipait « quelque chose » de la Chine et « quelque chose » de la FED.
L’Audio du 2 mai 2025
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La fête du travail qui appelle la hausse
Les Jobless Claims qui ont été publié hier montraient que les demandes d’inscriptions au chômage sont en hausse, l’ISM montrait une contraction plus importante que le mois dernier, mais c’était pas grave parce que c’était une contraction « moins pire » que ce que les économistes attendaient – ouf, l’honneur est sauf – vous ajoutez à cela les chiffres de mercredi et il n’y a pas besoin d’être astrophysicien pour comprendre que l’économie retient son souffle et que ça devient très dur. Cette après-midi nous aurons les chiffres de l’emploi aux States, le marché attend 133’000 créations d’emplois contre 228’000 le mois dernier. Le taux de chômage est attendu inchangé à 4.2%. Mais attention aux révisions, parce qu’il ne faut pas oublier que le Bureau of Labor Statistics a un QI nettement inférieur à la moyenne et est souvent capable de se rater de manière phénoménale.
Mais, au-delà des attentes, il faut bien comprendre que le marché semble déjà se diriger dans une direction bien différente de celle que la logique nous dirait de prendre. Oui, car il faut bien comprendre que dans un monde normal, si vous avez une avalanche de chiffres économiques comme nous avons cette semaine, tout le monde va paniquer en se disant que la récession est à nos portes et que l’on va tous mourir dans d’atroces souffrance. Mais voilà, nous ne sommes pas dans un monde normal. Les USA sont dirigés par un gars qui s’amuse à faire des expériences économiques en temps réel et qui peut changer d’avis comme de chemise en fonction de son score sur le 18 trous d’hier et depuis son arrivée au pouvoir nous vivons au rythme du grand-huit dans lequel nous sommes tous sanglés pour les 4 prochaines années. Et dans cet environnement, le marché ne peut plus fonctionner rationnellement.
Les taux ou l’étau ?
Aujourd’hui, les chiffres économiques qui pointent en direction de la récession ne font plus peur à personne, puisque la seule chose que nous lisons dans cette dégradation, c’est que la FED VA DEVOIR BAISSER LES TAUX ET PUIS C’EST TOUT ! N’oubliez jamais que nous sommes dans un marché qui se nourrit de baisse de taux et de commentaires DOVISHS de la part de la FED. N’oubliez jamais qu’entre octobre 2023 et septembre 2024 – nous avons fait monter les indices de 40% en se basant sur le fait que la FED ALLAIT BAISSER les taux – 40% de hausse sur des attentes avant d’avoir FINALEMENT une baisse. À l’heure actuelle, on voit l’économie US qui était en train de s’effriter devant nos yeux et la seule chose que l’on trouve à dire, c’est : « SUPER, la FED va devoir baisser les taux ». J’en arrive à croire que cette relation entre le marché des actions et les taux directeurs de la FED est en train de tourner à la relation toxique.
Toujours est-il qu’hier, alors que l’Europe était fermée parce qu’il fallait fêter le « TRAVAIL » en ne foutant rien, les USA ont réussi à terminer encore une fois en hausse et ce, avec des chiffres économiques qui continuent de hurler à la mort. Sauf qu’hier, même si nous restons très branchés baisses des taux, les regards étaient tournés ailleurs. Ils étaient tournés en direction de Microsoft et de Meta. Les deux mammouths de la tech ont donc sorti des chiffres canons et les intervenants se sont donc concentrés sur ces deux bonnes nouvelles qui ont emmené Microsoft en hausse de plus de 7% et Meta de plus de 4%. Microsoft en a même profité pour reprendre la place de « plus grosse capitalisation boursière mondiale ». Et puis, en fin de séance, alors QU’ENCORE UNE FOIS, IL N’Y AVAIT PAS DE NEWS, NI AUCUN TWEET OU AUTRE PUBLICATIONS OFFICIELLE, le marché a commencé à dévisser rapidement pour terminer toujours en hausse – mais moins. Et tout ça, juste avant les publications d’Amazon et d’Apple qui n’étaient – vous l’aurez compris – pas terrible. On n’en n’est pas encore là, mais disons que ces mouvements de marché basé sur rien en toute fin de séance et qui « comme par hasard » avaient anticipé la bonne ou la mauvaise nouvelle de l’after close, ça commence à faire bizarre. Mais visiblement, ça ne choque personne, alors pourquoi se priver.
En résumé, nous avons vécu une belle séance de hausse aux USA – pendant que l’Europe était fermée. La fin de séance a été un peu tronquée avec un sell-off un peu étrange et ensuite, Apple et Amazon ont publié des chiffres en demi-teinte et tout ça au milieu d’une économie qui a l’air de gentiment partir en vrille et de McDonald’s qui nous publiait des trimestriels qui laissaient supposer que « MÊME CHEZ EUX », les gens commencent à réfléchir avant de commander un double Big Mac. Et c’est pas à cause du cholestérol, mais à cause de l’argent !!! Mais c’est pas grave, parce que la FED elle va baisser les taux, mais ne nous gâchons pas la fête et conservons ce sujet pour la semaine prochaine !
À l’Est, rien de nouveau
Ce matin en Asie la Chine est fermée pour cause de fête du travail aussi, Sauf que c’est pas la même fête que la nôtre, bien que là-bas aussi le fait de frapper les manifestants est très populaire dans les rangs des forces de l’ordre. Le Nikkei est en hausse de 0.68% et Hong Kong bondit de 1.51% grâce à LA NOUVELLE DU JOUR qui laisse entendre que, je cite :
« La Chine évalue une proposition américaine de dialogue sur les droits de douane »
Et voilà ! que la Chine sort du bois pour dire qu’elle « évalue les avances » des États-Unis pour relancer les négociations commerciales. Traduction : Washington gratte à la porte depuis plusieurs jours et Pékin est en mode « on verra si on te répond… ou pas ». D’après le ministère chinois du commerce – qui ne balance jamais ce genre de phrase par hasard – les Américains auraient tenté plusieurs fois de reprendre contact « par les canaux appropriés », dans l’idée de parler tarifs douaniers. Alors évidemment, tout le monde retient son souffle, parce que si les deux plus grosses économies mondiales se remettent à discuter sérieusement, ça pourrait désamorcer cette guerre commerciale à rallonge qui nous pourrit la vie depuis des semaines, et qui commence sérieusement à plomber l’ambiance à la table du G20.
Mais pour l’instant, on en est au stade de la « réflexion stratégique » côté chinois, donc autant te dire que rien ne se passera ce week-end, à part peut-être une nouvelle déclaration floue ou un tweet bien agressif (ou les deux). Mais pour l’instant, les marchés ont tellement envie d’une réconciliation qu’ils sont prêts à bondir au moindre sourire diplomatique. Même s’il est hypocrite, même s’il est photoshopé. Les futures sont déjà en train de s’envoler ce matin. Et puis il y avait aussi « l’autre nouvelle du jour », puisque Trump s’est lâché sur le baril. Le Président américain, avec tout la diplomatie et l’empathie qui le caractérise, a déclaré que TOUT PAYS QUI ACHÈTERAIT DU PÉTROLE À L’IRAN NE POURRAIT PLUS FAIRE LE MOINDRE BUSINESS AVEC LES ÉTATS-UNIS. Plus le droit de boire un café de chez Starbucks, plus le droit d’importer un iPhone, ou pire : plus le droit de manger McDo… Jamais. Du coup, la disparition de la production iranienne sur le marché de l’or noir a fait mécaniquement bondir le pétrole a près de 60$. Encore une fois, Trump ne veut pas définitivement fermer les robinets du pétrole local, il veut juste les amener à la table des négociations avec le couteau sous la gorge. Et en attendant, le baril se fait balader dans tous les sens. L’or est à 3’262$ et est en train de vivre sa pire semaine depuis bien longtemps, quant au Bitcoin, il se rapproche lentement mais sûrement des 100’000$. Pour le moment la crypto vedette est à 97’000$ et des poussières.
Et maintenant : APPLE ET AMAZON
Donc. Vous n’êtes pas sans savoir qu’hier soir Apple et Amazon ont publié leurs chiffres trimestriels. Voici donc la version édulcorée des chiffres des deux géants qui – je vous le dis tout de suite, n’ont pas fait aussi bien que leurs deux cousins la veille…
Chez Apple, on va commencer par dire que les chiffres étaient bons, MAIS. Oui, parce qu’en ce moment c’est le MAIS qui compte surtout…
• Oui, Apple a sorti 24,8 milliards de bénéfice net sur le trimestre, +5 %, avec un chiffre d’affaires qui monte à 95,4 milliards, largement au-dessus des attentes.
• Oui, l’iPhone se vend toujours, +1,9 %, et les services (Apple Music, TV, iCloud et tutti quanti) cartonnent avec un joli +12 %.
• Oui, ils balancent un rachat d’actions de 100 milliards de dollars et augmentent le dividende.
• Et oui, Tim Cook file des bonbons à tout le monde.
Et puis, après tous ces « OUI !!! », voici donc la sélection des « MAIS » du jour :
• MAIS il y a 900 millions de dollars de surcoût à cause des droits de douane de Tonton Donald.
• MAIS il y a des iPhones qui vont désormais sortir d’Inde et des iPads made in Vietnam, histoire d’éviter de payer 145 % de taxe à l’entrée des USA
• Mais il y a une baisse des chiffres d’affaires en Chine ? -2 %
• Mais maintenant, les Chinois achètent local, Xiaomi leur parle plus que Cupertino
Résultat : l’action perd 3 % après la clôture. Comme quoi, même avec un beau bilan, si t’annonces que t’as le cancer des droits de douane, ça te flingue ta journée.
Chez Amazon, les cartons sont pleins, mais le Cloud est un peu faiblard.
Ils annoncent 155,7 milliards de chiffre d’affaires, très très légèrement mieux que les attentes
• Une guidance Q2 entre 159 et 164 milliards, là aussi au-dessus du consensus.
• Mais là ENCORE, le bonheur aura été de courte durée.
• Leur poule aux œufs d’or, AWS, ne grandit plus comme avant : +17 % « seulement », à 29,27 milliards, alors que le marché attendait 30,9.
Et pendant que Microsoft Azure fait tout juste et que Google Cloud colle au peloton, Amazon Cloud pédale dans la semoule.
Histoire d’en remettre une couche, les vendeurs qui bossent avec Amazon sont en train de flipper : certains boycottent le Prime Day à cause des droits de douane. Traduction : « On veut bien vendre, mais pas perdre un rein à chaque colis. »
Résultat : Amazon -2 % after-close, parce que quand ta division cloud ressemble à une grenouille asthmatique à côté du taureau Microsoft, Wall Street ne pardonne pas.
En conclusion ;
• Apple dépasse les attentes mais se prend une claque à cause des tarifs de Trump, de la Chine qui boude et des produits qui vont venir de Hanoï et Bangalore.
• Amazon rassure sur le retail, mais son cloud patine sévère, et les droits de douane transforment l’e-commerce en champ de mines.
• Marché post-clôture : Apple -3 %, Amazon -2 %, ambiance « c’est pas la fin du monde, mais c’est pas la fête au village non plus ».
Amazon et Apple hier, on aurait dit deux cyclistes qui viennent de monter l’Alpe d’Huez à la vitesse d’une mobylette et qui se prennent une suspension pour dopage juste après la ligne d’arrivée. Les chiffres sont sont bons, mais les marchés s’en foutent : ce qui compte aujourd’hui, c’est combien va coûter la guerre commerciale. Finalement, la plus grosse nouvelle de la journée, c’est peut-être la Chine qui entre-ouvre la porte à Oncle Picsou…
Et maintenant, cap sur les chiffres de l’emploi
Dans quelques heures nous allons savoir si les NFP’s sont aussi à la ramasse que le reste des chiffres économiques, personnellement je suis de plus en plus convaincu que ça va être mauvais « parce que c’est dans l’air du temps » et que comme ça, ça sera plus facile de pouvoir baisser les taux sans que Powell ait l’impression qu’on lui a tordu le bras. En plus des NFP’s, il y aura le CPI en Europe, mais ça je crois pouvoir dire que tout le monde s’en tape, on sait que tout va bien en Europe et que Lagarde est en maitrise totale… On surveillera aussi les chiffres trimestriels d’Exxon et Chevron qui publieront avant de partir en week-end.
Nous sommes donc en train d’entrer pleinement au mois de mai – on ne croit plus vraiment à la théorie du Sell in May and go away, mais on peut quand même le garder dans un coin de nos têtes. Et si l’on devait résumer tout ce que l’on vient de dire en quelques lignes, ça donnerait ça :
La Chine ouvre la porte à Trump pour négocier, pendant qu’Apple souffre de la Chine et des droits de douane de Trump et qu’Amazon a son cloud qui ralenti. Le pétrole iranien est devenu de la kryptonite et en acheter pourrait vous faire perdre vos super-pouvoirs pour faire du business avec les States. Et pendant ce temps, l’économie US se décompose sous nos yeux comme un zombie dans Walking Dead et les NFP pourraient avoir la capacité de lui donner le coup de grâce qui mènera à la prochaine baisse des taux.
Excellent week-end à tous et on se revoit lundi matin pour de nouvelles aventures et pour voir si Trump a craqué durant ces deux jours de repos.
À lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Here’s all you have to know about men and women: Women are crazy, men are stupid. And the main reason women are crazy is that men are stupid. » — George Carlin