Nous avons donc commencé la semaine en se disant que ça allait directement secouer avec ce nouveau downgrade de la dette US. Ça tombait bien, parce que la semaine s’annonçait calme et qu’il fallait bien un truc pour nous occuper et le dernier TRIPLE A qui disparaissait avait de quoi nous donner un peu de grain à moudre. Les futures ont entamé à la journée à la cave, mais le subterfuge n’a pas pris et les vendeurs ne sont pas venus. Il n’aura pas fallu longtemps pour effacer l’impact du downgrade de Moody’s et passer à autre chose. En toute fin de journée le S&P500 terminait même dans le vert, comme un gigantesque doigt d’honneur au négativisme affiché de l’organisme par rating…

L’Audio du 20 mai 2025

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La géopolitique qui domine à peu près tout

Lorsque l’on regarde les performances de la journée d’hier, on se dit qu’il n’y a pas non plus de quoi s’exciter. Le Nasdaq reprend 0.02%, le S&P500 est en hausse de 0.09% et terminait dans le vert pour la sixième fois de suite. Même le Dow Jones faisait mieux avec une performance de 0.34% sur la séance. En Europe, l’Allemagne battait de records d’altitude et la France ne faisait strictement rien pendant que Macron alignait les milliards d’investissements qui allait rendre la France Great Again avec le succès de son sommet pour chefs d’entreprises et politiciens à l’égo surdimensionné. Une chose est sûre, les investissements à coups de dizaines de milliards va rapidement effacer la dette laissée en plan par Bruno Le Maire. Mais là n’est pas le sujet de la séance d’hier. Le sujet de la séance d’hier c’est qu’on a failli paniquer et qu’en fait, on est resté dans le rouge une demi-heure avant de repartir à la hausse parce qu’en fait, on se dit qu’il suffirait que la Chine et les USA trouvent un moyen de fonctionner main dans la main et TOUT… Je dis bien : TOUT LE RESTE sera immédiatement oublié…

La réflexion est donc assez simple ; ça fait dix ans que Moody’s aurait dû virer ce rating triple A. Ses concurrents l’ont d’ailleurs fait depuis des années. On ne va donc pas nous faire avaler que « c’est une surprise ». Moody’s a donc certainement fait ça pour des raisons politiques ou simplement parce qu’ils avaient complètement oublié qu’ils étaient encore TRIPLE A sur les USA. Résultat : le marché s’en cogne, parce que finalement le risque de voir exploser le marché en cas de deal avec la Chine reste bien plus grand que de le voir VRAIMENT BAISSER à cause d’un DOWNGRADE à deux balles que personne ne prend au sérieux. Hier, les intervenants ont donc pris le parti de classer le downgrade aux oubliettes et de se concentrer sur la « possible » hausse à venir. D’ailleurs, si l’on prend le temps d’écouter un peu « les gens qui savent », et quand je dis gens qui savent, je veux parler des économistes qui travaillent dans les banques, on n’a pas l’impression que l’annonce de ce week-end les a réellement fait douter ou même paniquer. Sauf Ray Dalio qui est venu nous peindre le diable sur la muraille pour la 243ème fois depuis qu’il a pris sa retraite.

Des opinions sereines mais tranchées

Chez JP Morgan, on a sorti la calculatrice et un flegme typiquement britannique, ce qui était assez étonnant pour des Américains. Les hommes de Dimon ont dit : “Oui bon, on a connu pire, et puis franchement, on s’y attendait.” Même son de cloche chez Bank of America et puis, du côté d’UBS et de Morgan Stanley, on lève les yeux au ciel. “Le marché actions a baissé ? Non, bon alors ça va… » Ce qui les inquiète surtout, ce n’est pas la note de Moody’s, c’est les tarifs douaniers de Donald. Parce que oui, pendant que tout le monde s’extasie devant une notation qui ne sert plus à rien, Trump continue de menacer et de peser sur la planète avec ses taxes made in MAGA. D’ailleurs dans la foulée, on notera quand même que la commission européenne a revu ses prévisions de croissance à la baisse. Malgré le sommet « Choose France » de Macron. Et puis, on ne serait pas complet si l’on ne parlait pas deux secondes de l’avis de Ray Dalio. Oui, non, parce que quand le marché fait preuve de résilience et refuse de baisser quand il aurait TOUTES LES RAISONS de le faire, il faut toujours que Ray Dalio vienne dans l’arène pour nous expliquer, ou tout au moins pour expliquer au marché qu’il est complètement con de réagir comme ça.

Hier, le gourou de Bridgewater, qui toujours aussi optimiste que le croque-mort qui ramasse les cowboys morts après un duel à OK Corral, nous a balancé que Moody’s ne va pas assez loin. Il semblerait que le vrai problème, ne soit pas le défaut, mais plutôt la planche à billets. Traduction : si tout part en vrille et que les USA veulent tout de même payer leurs intérêts, ils vont mettre en marche la planche a billet. Et par capillarité, avec l’arrivée de tous ces nouveaux dollars dans le marché, le dollar lui-même vaudra bientôt la même chose que les billets de Monopoly. Donc, les créanciers seront remboursés, mais en monnaie de singe et c’est là qu’on comprend : Moody’s parle de la qualité du papier. Dalio, lui, parle de l’encre. Et puis il y a aussi la Maison Blanche qui pense que la dette US n’a jamais aussi « safe » – mais bon, là il faut quand même admettre que ça sent le mauvais marketing et le team de communication qui n’a pas trop eu le temps de bosser sur le sujet.

En conclusion de la séance d’hier, on peut dire que Moody’s a parlé. Que les marchés ont écouté et ont décidé de s’en foutre comme de leur premier stop-loss.

Autre sujet et autres préoccupations

Si l’on reprend le fil de la séance d’hier on peut se dire que l’on a beaucoup parlé du DOWNGRADE, un peu des tarifs douaniers et qu’il ne s’est pas passé grand-chose. Surtout au vu de la performance en clôture. Pourtant, si l’on creuse un peu dans les opinions des uns et des autres et dans la manne infinie d’articles qui sont publiés chaque jour, il y en a quand même deux ou trois qui méritent d’être lus, histoire de nous donner un peu de grain à moudre au-delà des messages que Trump poste sur les réseaux sociaux et hier, il y en a un qui m’a poussé à me poser des questions : « est-ce que l’on doit vraiment craindre l’inflation ?

SI l’on part du précepte de base qui dit que la mise en place des tarifs douaniers vont inévitablement faire monter les prix puisque tout sera plus cher en arrivant aux USA, forcément, on voit mal comment nous pourrions éviter la chose. Cependant, lorsque l’on regarde les chiffres, on se rappellera quand même que le CPI, le PPI et le PCE ont tous montré que les choses étaient en train de se calmer. Sans compter que le prix de l’essence a baissé de plus de 10% sur un an. Alors oui, les ménages sont toujours en stress complet, les sondages montrent qu’ils s’attendent à revivre 1981 avec une inflation à 7,3% selon la dernière enquête de l’Université du Michigan. D’accord mais n’oublions pas non plus que cette enquête date d’avant la fameuse “pause de 90 jours” entre Trump et la Chine. Depuis, c’est détente commerciale (enfin, en théorie). Et puis, il ne faut pas non plus oublier que le gros de l’indice des prix, c’est pas la barbie made in Shenzen mais… le logement. Et là, les loyers stagnent, voire baissent à même un peu. Résultat : la Fed pourrait bien avoir encore un peu de mou pour garder son calme. Et pendant ce temps, Trump s’en prend à Walmart qui ose dire qu’ils vont monter les prix : “Ils ont fait des milliards ! Qu’ils se serrent la ceinture et qu’ils arrêtent de pleurnicher !”, a vociféré le Président. En gros, il veut que ce soit les marges qui trinquent, pas le consommateur. Parce que le consommateur, c’est un électeur. Bon, le patron de Walmart aussi c’est un électeur, mais il est moins nombreux. Bref, tout ça pour dire que la FED qui refuse de desserrer l’étau des taux pourrait bien se retrouver dans une situation qui ne lui laisse plus trop le choix. Il est peut-être un peu tôt pour en parler, mais disons que vu l’ambiance obsessionnelle autour Moody’s, je cherche des sujets de conversation pour lorsque plus personne ne parlera du downgrade, ce qui ne devrait plus prendre très longtemps.

En Asie, la Chine sort les griffes

Ce matin c’est la fête au village en Asie. En Chine, les marchés avaient envie de croire à une éclaircie. Pékin vient de baisser son taux de référence. Une nouvelle tentative pour relancer une économie qui fatigue. On est désormais à des niveaux historiquement bas, autrement dit : on creuse le sol en espérant trouver de la croissance. Le message est clair : la Banque populaire de Chine est prête à dégainer encore du stimulus si besoin. Une main tendue aux marchés, on essaie de calmer les esprits. Sauf que les investisseurs, eux, en veulent plus. Parce que les taux bas, c’est sympa, mais ce qu’ils attendent, ce sont des vraies mesures fiscales. De la relance, du concret, des plans de consommation qui donnent envie aux ménages d’acheter autre chose que des nouilles instantanées avec de la poudre à mettre dessus. Là tout de suite, Hong Kong monte de 1.35% pendant que Shanghai avance de 0.38%. Tokyo progresse de 0.44% alors que tout le monde parle de récession au pays du soleil levant.

Et puis patatras. Alors que la bourse chinoise commençait à relever la tête, Pékin sort un communiqué qui rappelle que le deal USA-Chine n’est pas encore signé. Un coup de gueule pas content parce que les Ricains veulent mettre des restrictions sur les puces Huawei. La Chine estime que c’est une provocation. Un sabotage. Une trahison de la trêve commerciale signée la semaine dernière à Genève. Bref, les Américains jouent aux cow-boys pendant que la Chine tend l’autre joue. Trump et ses sbires n’ont pas encore répondu à la complainte du chinois pas content, mais ça devrait venir. On espère que la réaction sera modérée, parce que si l’accord de temporisation nous pète à la figure après 6 jours, on risque de devoir parler instabilité et retour de la volatilité. Et l’idée d’une vraie désescalade commerciale repourrait repartir direct au frigo. Pendant ce temps, le pétrole est à 62.16$, l’or est à 3’213$ et le Bitcoin qui a brièvement tapé les 107’000$ hier, se traite à 105’700$.

Ce qu’il faut retenir aussi ce matin

Puisque l’on parle des taux et du fait que les rendements prennent l’ascenseur encore un peu plus avec les annonces de Moody’s, on notera aussi (même si on n’en parle pas) que le taux fixe pour les hypothèques à 30 ans vient de taper les 7.04% aux States. Son plus haut depuis très longtemps. Résultat : entre des taux qui font très mal, des prix de l’immobilier toujours perchés dans la stratosphère et des salaires qui font du surplace, le rêve américain se transforme en Airbnb à la semaine. Les ventes de maisons sont au plus bas depuis 30 ans et même au printemps, qui est censé être « la saison des fleurs et des compromis de vente », c’est le calme plat. Les promoteurs dépriment, les acheteurs disparaissent, et pour essayer de racoler un peu, un tiers des vendeurs bradent les prix ou offrent des bonus genre « frais de notaire offerts ». Mais attention, même avec des rabais dans tous les sens, n’oublions pas qu’à 438’500 dollars la maison médiane, faut quand même un portefeuille solide – surtout à 7% sur 30 ans. Pour l’instant, l’Américain moyen regarde les annonces comme on regarde une Bugatti en vitrine. Joli mais tellement inaccessible.

Et puis, dans les autres choses que l’on peut noter, après Ray Dalio qui veut nous vendre des billets de Monopoly, on a Jamie Dimon qui est venu – encore une fois – tirer la sonnette d’alarme. Selon le patron de JP Morgan, les marchés sont en mode “tout va bien madame la marquise”, alors que les droits de douane de Trump sont toujours là. Même allégés, ces tarifs sont « extrêmes », selon Dimon, et le vrai choc économique n’a pas encore
Frappé à nos portes. Il compare la situation à 1971 : à l’époque, 10% de taxe sur tous les partenaires commerciaux. Résultat ? Inflation, ralentissement et ambiance orageuse. Aujourd’hui ? Pareil, sauf que tout le monde fait semblant de rien pendant que des boîtes comme Walmart, JetBlue ou GM flippent et retirent leurs prévisions de bénéfices.
Les marchés, eux, continuent de rebondir. Dimon trouve ça lunaire. Pour lui, un bon -10% de correction ne serait pas du luxe. Il ajoute que le crédit, actuellement, c’est un terrain miné : les boîtes surendettées risquent de se prendre un mur sans airbags. Et, cerise sur le gâteau : les banques centrales sont, selon lui, complètement à côté de la plaque. Elles pensent qu’il suffit de bouger les taux courts pour gérer l’économie. “Omnipotentes mais déconnectées”, dit-il. On sent le type qui ne croit plus au Père Powell. Et pour finir : personne ne sait encore comment les autres pays vont répondre à Trump. Ce qui est sûr, c’est que le monde commence à dealer dans le dos de Trump. Bref : les marchés sont sereins, mais Dimon se méfie de ce qui pourrait se produire. Retenons quand même que ça fait au moins 3-4 ans qu’il nous dit que ça va mal se finir. Alors je vous en parle, mais ça ne veut pas dire qu’il faut tout vendre et quitter le navire d’ici 11h00 ce matin. C’est juste Dimon qui a parlé.

Les autres choses

La société CATL – spécialiste chinois des batteries pour voitures électriques – vient de faire son entrée en bourse à Hong-Kong. Le titre est en hausse de 17% par rapport à son prix d’émission et les « presque 5 milliards » qui ont été levés vont être utilisés pour se développer en Europe. Contemporary Amperex Technology fourni des batteries à tous les grands constructeurs, à commencer par Tesla. D’ailleurs à propos de Tesla, on notera que cette semaine on attend des updates sur les chiffres de ventes en Chine. Et on a peur parce que Tesla vend moins, beaucoup moins. Les chiffres d’avril sont mous, et les livraisons du Q2 sont déjà en danger. Les ventes en Europe chutent de 49%, aux US de 13%. La faute à quoi ? La faute à qui ? À Elon Musk qui joue trop à la politique ou au Model Y « mise à jour » qui ne fait pas rêver ? Sûrement un peu des deux. Musk jure qu’il va passer plus de temps chez Tesla qu’à Washington — ça tombe bien, y a urgence. Bon, peu importe, parce que, l’action a pris 47% depuis les résultats, parce que Wall Street préfère rêver à des robotaxis et à des cyborgs. Mais là tout de suite, il va falloir commencer à délivrer, sinon ça va mal se finir. Sans compter que depuis deux jours, on nous dit que les Cybertrucks ne se vendent plus et que Tesla se retrouve avec 10’000 caisses sur les bras et une perte de 800 millions à venir. Heureusement que Tesla ça n’est pas que des voitures.

Il y a aussi Novavax qui a bondit de 15% parce qu’ils ont reçu l’approval final et définitif de leur vaccin anti-COVID. Ok. Ils ont le droit de le vendre, mais il y a encore des gens qui achètent ça ? En tous les cas, le marché était content. Et puis, toujours dans la médecine, Pfizer va payer 1,25 milliard de dollars à la biotech chinoise 3SBio pour un traitement expérimental contre le cancer, avec jusqu’à 4,8 milliards en bonus selon les résultats. Le géant américain obtient une licence mondiale (hors Chine) sur le SSGJ-707, médicament en test contre plusieurs types de cancers. Un essai de phase III va démarrer en Chine cette année, et le médicament a déjà reçu le feu vert de la FDA pour avancer aux États-Unis. Pfizer prévoit aussi d’investir 100 millions en actions dans 3SBio et de produire le médicament aux États-Unis. L’action 3SBio s’envole de 35 % à Hong Kong et vaut désormais près de 6 milliards. Pfizer n’a pas bronché.

Côté chiffres…

Du côté des chiffres économiques, c’est pas la folie, il y aura Bostic de la FED qui parlera et le PPI en Allemagne. Pour l’instant les futures sont en baisse de 0.28% à cause des tensions avec la Chine au niveau des puces Huawei. Pour l’instant le marché est solide, et rien ne semble pouvoir faire dérailler la machine – à moins que Trump se fâche avec les Chinois.

Nous on se retrouve demain à la même heure et au même endroit, d’ici-là soyez forts et pas de folies, très belle journée !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The stock market is designed to transfer money from the active to the patient.” — Warren Buffett