Bon. D’accord. On ne va pas non plus s’emballer parce qu’hier soir c’était pas VRAIMENT un record EN CLÔTURE. Mais on peut quand même s’exciter un peu parce qu’on a quand même tapé des niveaux que l’on n’avait jamais vu sur le S&P500. Hier, pendant un bref instant, nous avons fait notre propre rendez-vous en terre inconnue. Alors les raisons de ces marchés en plein délire sont diverses et variées – on va d’ailleurs en faire le tour dans les prochaines minutes – mais ce qui est surtout phénoménal, c’est d’être là où nous sommes après ce que l’on a vécu en avril, tout en n’ayant absolument RIEN RÉGLÉ DU TOUT, puisque le 9 juillet le moratoire va imploser si rien n’est signé.
L’Audio du 27 juin 2025
Télécharger le podcast
FO-Formidable !
Mais frachement ; peu importe. La rationalité n’existe plus dans ces marchés et il ne sert à rien de se rouler par terre pour s’en plaindre, il faut simplement suivre le mouvement et surfer la vague. Donc, jeudi soir, le S&P 500 a été voir ce qui se passait au-delà du PLUS HAUT de tous les temps, flirtant avec les 6’144,66 points en séance. Il n’a pas clôturé au-dessus, mais franchement, il s’en est pas fallu de grand-chose : 6’141,02 à la cloche. L’indice a rebondi de 23 % depuis le point bas du 8 avril. Oui, on a frôlé le bear market, oui, tout le monde paniquait… et maintenant, tout le monde fait comme si de rien n’était. Je me souviens encore d’une émission de radio dans laquelle j’étais invité où le présentateur m’avait demandé hors antenne – le matin du 10 avril : « Alors, on doit liquider nos fonds de pension parce que Trump va tout détruire ??? »
Aujourd’hui nous sommes au plus haut de tous les temps – on va faire comme si – et quand on écoute les murmures du marché, la confiance semble à son paroxysme et plus personne n’a peur de rien. Je ne sais pas si on doit parler de « CONFIANCE » ou d’euphorie, à ce stade – je laisserai Sir Templeton en juger – mais disons que rien ne semble pouvoir arrêter la machine. Les raisons de ce dernier mini-rallys qui nous a – ou qui va – nous permettre de passer l’épaule, sont diverses et variées. Du côté des chiffres économiques il y avait à boire et à manger. Un PIB qui se contracte un peu plus que prévu aux USA – mais tout le monde s’en balance parce que si ça se trouve, ça va faire baisser l’inflation. Et des chiffres de l’emploi qui donnent des infos un peu dissonantes. Les nouvelles demandes de chômage plongent à 236’000, mieux qu’attendu. Mais en coulisses, le nombre de personnes déjà au chômage grimpe à presque 2 millions — pire niveau depuis fin 2021. En clair : ça embauche encore, mais ça galère à recaser les sortants. Mais pour être franc je crois sincèrement que ça n’est pas ce genre de chiffres qui nous motivent.
À la recherche de la justification de la motivation
Pour être franc, quand je regarde la hausse d’hier et ces derniers jours, je peine à comprendre tant de sérénité et de confiance. Alors oui, je veux bien admettre que Trump a adouci le ton sur les tarifs douaniers (pour l’instant). Que l’inflation de mai est plus « COOL » que prévu – même si on n’a pas encore vu le PCE prévu cette après-midi et même si on n’a pas encore intégré les mouvements du pétrole dedans. Le pétrole qui est d’ailleurs bien revenu ces derniers temps, depuis que l’Iran et Israël ont rangé les missiles – temporairement du moins. Mais est-ce que tout ça suffit à justifier le RETOUR À LA VIE DES MARCHÉS ??? On va dire que oui…
En plus il faut se rendre à l’évidence : les marchés ONT REPRIS goût à la vie, surtout les techs. Le Nasdaq a fait un joli +30 % depuis avril. En comparaison, le Dow Jones est à la traîne avec +14 % (c’est ce qui arrive quand on n’a pas Nvidia dans son portefeuille…). Côté contexte macro, tout le monde a les yeux rivés sur le PCE de mai (l’inflation préférée de la Fed), qui sort ce vendredi. Un petit +0.1 % est attendu, ce qui porterait l’inflation annuelle à 2.3 % en global, 2.5 % en core. Si c’est moins, c’est champagne. Si c’est plus, on remballe les espoirs de baisse des taux. La baisse des taux, c’est d’ailleurs ça qui nous occupe beaucoup – à l’intérieur de nos têtes – on espère toujours. À moins que ça soit : ON ESPÈRE TOUJOURS PLUS, puisqu’hier on entendait parler de TROIS BAISSES POTENTIELLES EN 2025. Je ne sais pas trop sur quoi on se base, mais il faut dire qu’en ce moment on n’a pas besoin de grand-chose pour être convaincu :
– Le pétrole baisse, ça veut dire que l’inflation va baisser, BAM ! BAISSE DES TAUX à venir
– Powell va se casser un jour et être remplacé par un type qui sera à la botte de Trump, BAM ! Baisse des taux à venir.
– Trump va trouver un deal pour les droits de douane et ça ne créera pas d’inflation (enfin, on espère), BAM ! Baisse des taux à venir.
En résumé, c’est : peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Et il est assez simple de convaincre le marché : un peu de narratif, un optimisme chevillé au corps, un peu d’enfumage et c’est gagné. Tenez, prenez les taux. Hier, soudainement les taux se sont « détendus ». Le rendement du 10 ans a baissé à 4.25% et le 30 ans à 4.81% – et tout ça parce que, je cite : « les marchés se détendaient à l’idée de voir arriver un patron de la FED plus accommodant suite à l’annonce des 4 papables selon Trump». Donc, si j’ai bien tout compris, le marché s’est détendu parce que Powell sera remplacé par un type plus cool dans UN AN ??? Il y a des gars qui ont sérieusement pris des décisions sur le marché obligataire parce que Kevin Warsh pourrait éventuellement peut-être devenir patron de la FED dans 11 mois ??? J’admire les capacités d’anticipation.
À la fin ça monte et c’est tout ce qui compte !
Pour faire simple, il n’y a pas eu de nouvelles majeures sur les marchés hier. Par contre on sent un vent de détente du côté de la Maison Blanche et de plus en plus d’experts sont en train de se montrer optimistes au sujet des droits de douane. Oui, parce que vous vous souvenez, c’est pas encore réglé… ? Vous vous souvenez ou vous avez déjà oublié parce que Nvidia c’est trop chouette comme action ??? Bref, on parle d’un accord à venir avec l’Europe, sur le même modèle que l’Angleterre et qu’au pire, Trump pourrait même se décontracter et offrir une prolongation du moratoire, histoire de se laisser le temps de faire les choses correctement. BEN OUI, ÉVIDEMMENT, c’est le parfait scénario hollywoodien, on va sauver le cul du monde libre une seconde avant que la bombe n’explose. Donc voilà, si vous mettez bout à bout ces quelques petites nouvelles sans grande importance et, pour certaines, sans confirmations officielles, vous avez l’explication du pourquoi et du comment le marché est au plus haut de tous les temps. Oui, c’est pas encore fait sur le S&P500, mais ça sera fait ce soir – à moins que le PCE soit merdique, mais franchement, ça m’étonnerait que dans notre scénario Netflix, les choses tournent au vinaigre à la dernière seconde.
Et puis, comme il faut encore un peu d’incitation à la hausse, hier soir après la clôture, Howard Lutnick, Secrétaire au Commerce de Trump (et clone assumé du Président), a confirmé que l’accord commercial entre Washington et Pékin a été signé il y a deux jours. Cet accord, basé sur les négociations de Genève, repose sur une promesse simple :
La Chine livre des terres rares, et en échange les États-Unis lèvent leurs contre-mesures (restrictions sur export de logiciels, composants d’avions, etc…).
Mais attention, rien n’est automatique : pas de livraison, pas de levée. Les Américains attendent que les containers bougent avant de bouger eux-mêmes. Et côté chinois, silence radio pour l’instant — TOUJOURS pas de commentaire à l’ambassade ni au ministère des Affaires étrangères. Pendant ce temps – toujours selon Lutnick, Trump prépare son prochain coup : finaliser 10 deals commerciaux avant le 9 juillet, date limite qu’il s’est lui-même imposée. Il trie les pays dans des « seaux » (des buckets en américain) : ceux qui jouent le jeu, ceux qui trainent, et ceux qui recevront une lettre façon parrain pour négocier sous pression. Bref, l’accord avec la Chine est un petit pas, pas une révolution. Toujours aucune avancée sur les vrais sujets qui fâchent (fentanyl, accès au marché chinois pour les exports US, etc.) et toujours rien du côté des puces Nvidia, mais des nouvelles suffisamment positives pour rester positif ; personne ne saute de joie, mais au moins on ne se tape plus dessus.
Et maintenant ?
Ce matin les marchés asiatiques montent, menés par le Nikkei en hausse de +1,6 %. Le Nikkei qui signe un plus haut de 5 mois, porté par la tech japonaise. Mais l’inflation de Tokyo, plus molle que prévu, jette un doute sur les hausses de taux à venir de la BoJ. En parallèle, la trêve commerciale USA–Chine étant confirmée, avec d’autres deals internationaux “imminents”, ça soulage tout le monde, même si les Chinois sont toujours silencieux. La Chine reste calme : le CSI 300 gagne à peine 0,1 % et Shanghai fait du surplace. Hong Kong grappille +0,4 %, pendant que l’Asie retient son souffle et surveille Trump, la Fed et la géopolitique au microscope. Comme tout le monde d’ailleurs. Par contre, tout à l’heure, on a publié les profits industriels chinois qui ont plongé de -9,1 % en mai, plus forte baisse depuis octobre dernier. Un signal clair que la relance made in Beijing ne prend pas, les usines, mines et services publics continuent de galérer. C’est un thermomètre direct de la santé économique réelle, et pour l’instant, il affiche fièvre et sueurs froides. Mais vous savez quoi ? Tout le monde s’en fout parce que ce qui nous intéresse, c’est les BONNES NOUVELLES !
Du côté du pétrole, le baril est à 65.63$, l’or est à 3’306$, le Bitcoin vaut 107’550$ et le rendement du 10 ans US est à 4.258%, ça remonte un peu par rapport à hier, mais il faut dire que Powell ne s’est pas fait virer dans la nuit. Pour le reste, on notera que Nike a publié des résultats Q4 pas glorieux (CA -12 %, BPA à 0,14 $), mais moins pires qu’attendu. ET LE MOIN SPIRE, en ce moment, c’est de l’or en barre. Ça a LARGEMENT suffi pour faire exploser le titre de +10 % after close. Le management reste prudent pour le premier trimestre mais les commandes sont en hausse par rapport à l’an dernier. La marque veut liquider son surplus de Dunk et Air Force 1 à coups de rabais, et recentrer l’e-commerce sur du haut de gamme. Digital en baisse à deux chiffres prévu, mais le focus revient sur les athlètes, les femmes et les retailers partenaires (Urban Outfitters en tête). Côté production, Nike réduit sa dépendance à la Chine (de 16 % vers moins de 10 % d’ici 2026) pour esquiver les 1 milliard de coûts liés aux tarifs US – dont on ne sait toujours pas grand-chose, il faut le dire. Des hausses de prix “chirurgicales” ont été appliquées, mais la boîte ne veut pas dégoûter ses clients avec des baskets à 300 balles. Malgré -17 % en bourse depuis janvier, certains analystes pensent que le pire est passé. En clair c’est “Just buy it.”
Mais encore
On notera que Nvidia a battu un nouveau record – encore – et que sa market cap est encore plus grosse. Toujours dans le secteur des semiconducteurs, après ses magnifiques chiffres de la veille, Micron a tout de même réussi à terminer en baisse. Mais mis à part ça, le secteur des semi’s est toujours très recherché et se noie dans l’euphorie et l’optimisme. Il n’y a qu’à regarder le SOX – l’indice du secteur – qui est en train de casser ses résistances et qui est en hausse de 63% depuis le 8 avril… 63% – tu parles d’une euphorie. En France, Carrefour s’est effondrée de près de 8 %, tombant à son plus bas niveau intraday depuis 1993, à 11,58 €.
La raison est à chercher du côté d’une note très négative de JPMorgan, qui a abaissé son objectif de cours à 9 € et s’inquiète du risque global sur le titre. Carrefour déplore une analyse déconnectée des réalités de terrain, et rappelle que ses objectifs ont été confirmés en avril. Peu importe l’avis du management le marché panique, et le seuil symbolique des 10 € devient un point de rupture psychologique pour les investisseurs.
Du côté des voitures électriques, Xiaomi cartonne en Bourse et monte au plus haut de tous les temps après le lancement de son SUV électrique YU7, qui a récolté 200’000 commandes en 3 minutes. Objectif affiché : démolir Tesla avec un prix 10’000 yuans plus bas que le Model Y. Le YU7 surpasse le Model Y sur plusieurs spécifications (sauf l’assistance à la conduite – mais qui voudrait de ça), et tourne avec une puce Nvidia Thor. Citi table sur 30’000 ventes mensuelles et jusqu’à 360’000 à l’année si la cadence suit. Xiaomi confirme qu’il ne fait plus que des téléphones : il roule désormais sur les plates-bandes d’Elon Musk. Et pendant ce temps, Tesla affiche une chute de 28 % de ses ventes en Europe sur le mois de mai – soit 13’863 voitures – alors que le marché EV européen a bondi de 25 %. Et puis, CoreWeave revient à la charge pour racheter Core Scientific, selon le Wall Street Journal.
Le deal avait capoté l’an dernier, mais les discussions ont repris — et Core Scientific a bondi de +33 % à 16,36 $. Pendant ce temps, CoreWeave a légèrement reculé (-0,9 %), le marché digérant le potentiel coût de l’opération.
Du côté des chiffres
Pour ce qui est des chiffres du jour, nous aurons le CPI en France et la confiance du consommateur de l’Université du Michigan qui est le chiffre le plus con que l’on puisse trouver dans le trousseau macroéconomique américain, mais pour être franc nous allons surtout attendre le PCE – chiffre préféré de la FED pour jauger l’inflation ! D’ici-là, les futures pointent en hausse et parient sur un record historique du S&P500 en clôture !
Et Voilà ce que l’on pouvait raconter de cette journée qui encore une fois, semble avoir ni queue ni tête, puisque les intervenants ont l’air de regarder uniquement les choses qui vont bien. Mais bon, on ne va pas s’en plaindre, c’est le week-end, les marchés grimpent, même si plus personne ne sait trop pourquoi — mais tant qu’il y a de l’optimisme, on fait semblant d’y croire et on encaisse. On est dans une époque où les rumeurs font plus bouger les indices que les chiffres, et où un froncement de sourcils de Powell peut valoir un rallye de 3 %. Et si vous voulez vraiment voir jusqu’où peut aller l’absurde en Bourse, allez voir ma dernière vidéo sur Zonebourse : « Le Stripper Index : Quand les clubs prédisent la récession avant Wall Street ! » — vous allez apprendre quelque chose… et sourire en prime.
Excellent week-end à tous et à lundi !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Les BULL MARKET’s naissent dans le pessimisme, grandissent dans le scepticisme, mûrissent dans l’optimisme et meurent dans l’euphorie. »
Sir Templeton