En commençant la semaine, on savait que ça serait relativement calme au vu du nombre de chiffres économiques qui étaient inscrits à l’agenda. Mais en même temps, on savait que tout pouvait arriver à cause des droits de douane, sachant que la date butoir approchait gentiment et que FORCÉMENT, il allait se passer des trucs, sans oublier le fait que nous sommes en pleine saison des publications trimestrielles. Chose qui a le pouvoir de rajouter une couche de volatilité sur les marchés mondiaux. Du coup, la séance d’hier était la représentation exacte de ce que l’on savait lundi matin à l’heure du café, reste plus qu’à se concentrer sur ce qui nous intéresse au milieu de la torpeur de l’été.

L’Audio du 23 juillet 2025

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Commençons par le commencement

On va donc essayer de commencer par le début et essayer de ne rien oublier d’important. Non, parce qu’il faut quand même bien comprendre qu’au-delà de l’actualité brûlante de la journée d’hier, la moitié des intervenants sont en vacances et donc, ça cogite un max dans les cerveaux, ce qui fait que – j’ai l’impression – que nous avons plein de réflexions sur l’état du marché et sur les constatations qu’il faut en tirer, qui apparaissent dans les médias. On peut donc s’y intéresser, ou laisser tomber puisque de toutes manières la moitié des réflexions qui sont publiées, seront oubliées d’ici au premier août lorsque l’on saura TOUT sur les droits de douane. On peut rêver…

Donc hier l’Europe a terminé dans le rouge. On ne va pas se mentir, ça ne sont pas les publications du trimestre qui ont poussé les intervenants du côté obscur de la force et ça n’est pas non plus la macro qui pesait. Alors oui, on a bien entendu deux ou trois experts qui sont venus parler sur le sujet de la BCE et du fait que lors du DERNIER MEETING de l’été qui aura lieu demain, Madame Lagarde devrait nous faire une « Powell » – à savoir : ne pas bouger les taux directeurs de la BCE. Mais pour être franc, je sais bien que la finance n’est pas une science exacte, mais je doute que ça soit cette réflexion qui ait déclenché des ordres de ventes. Je doute même que ça ait déclenché quoi que ce soit. Vous l’avez sûrement compris, la seule chose qui déprime les marchés, c’est le fait que l’Europe n’ait TOUJOURS pas annoncé de « deal » au niveau des tarifs douaniers.

Compte à rebours

Il reste donc dorénavant 9 ou 10 jours – ça dépend comment on compte et quand est-ce que l’on compte. Toujours est-il que l’Europe, la grande Europe va DEVOIR trouver une solution avant le week-end prochain ou payer 30% de droits de douane sur leurs exportations. Chose qui n’est pas vraiment envisageable économiquement parlant. Et chaque jour qui passe sans annonce, fait monter un peu la pression. Et si on ne trouvait pas d’accord ? Et l’Europe tombait en récession en perdant le client américain ? Et si Trump ne faisait aucun effort ? Et si l’Europe, aussi unie qu’elle veuille bien le laisser entendre ; ne trouvait pas moyen de se mettre déjà d’accord ENTRE EUX ??? Bref, la longue litanie des questions qui ne servent à rien est sans fin et met la pression sur le marché européen de manière assez évidente : ON DOUTE. Et le doute, ou l’incertitude, sont les deux poisons du monde merveilleux de la finance – des cousins très proches qui ne permettent pas de trouver la joie et le bonheur sur les indices du vieux continent. Hier la Suisse a perdu 0.36%, la France reculait de 0.69%, l’Allemagne plongeait sous les 1%, pendant que les Italiens étaient inchangés et que l’Espagne était le seul marché dans le vert.

Pourtant, au vu de l’historique des droits de douane et de la volatilité mentale et intellectuelle du Président Trump, il y a de quoi être optimiste. Jusqu’à maintenant, les droits de douane ont toujours été revu à la baisse et jamais nous n’avons réussi à atteindre la moindre « Deadline », puisqu’à chaque fois la Maison Blanche a repoussé la date butoir en « signe de détente ». Il n’y a qu’à voir dans le cas de la Chine : ils nous ont pris la tête pendant des jours avec des taxes à plus de 200% pour finalement nous trouver une espèce de deal temporaire que personne ne comprend, puisqu’ils négocient encore, et à chaque fois qu’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord, ils repoussent la date butoir. Aujourd’hui encore, Bessent vient d’annoncer que « dans le cadre des négociations avec leurs amis Chinois, il se pourrait bien que le Président Trump repousse encore la date limite, date qui est prévue le 12 août, à une date ultérieure qui sera tirée au sort sur le calendrier de 2027 ». Oui, je déconne sur le sujet du tirage au sort, mais on n’est pas très loin de la réalité.

La stratégie du scénario hollywoodien

Quoi qu’il en soit, hier l’Europe était stressée par la probabilité de NE PAS TROUVER UN ACCORD et de se retrouver avec une montagne de caisses de Bordeaux invendables aux USA, ainsi que 30’000 Renault Zoé sur les bras que personne ne veut. Bon, en ce qui concerne les Renault Zoé, la bonne nouvelle c’est que ça ne changera rien, parce que personne ne veut, ni ne peut avoir délibérément envie d’acheter un truc pareil. Pourtant, autant ce stress est parfaitement justifiable de manière assez rationelle, autant je suis convaincu qu’il est inutile de paniquer parce qu’ils vont nous trouver un accord de dernière minute. Ils l’ont fait sur le Japon cette nuit. Trump vient d’annoncer un deal à 15% all inclusive avec les Japonais et c’est même pour ça que le Nikkei est en hausse de 3% ce matin. J’ose donc imaginer que le Président Trump et sa copine Von der Truc qui dirige l’Europe d’une main de fer et avec le même sourire que Cruella dans les 101 dalmatiens, vont FORCÉMENT trouver un accord de dernière minute pour ne pas gâcher la fête du 1er août aux Suisses.

Le principe du scénario hollywoodien devrait donc s’appliquer aux pays les plus importants d’ici au premier août et puis au pire, si on ne trouve pas de solution, je crois que l’on peut compter sur Trump pour nous décaler la date butoir mais uniquement pour les Européens, parce que les Européens sont ses amis et qu’il adore l’Europe et tout spécialement la France et la vieille dame qui la dirige. Je me suis beaucoup étalé sur l’Europe parce que je crois qu’on parle beaucoup d’un sujet qui va sûrement se régler à la fin. Et du côté de New York, on se pose aussi pas mal de questions sur le sujet de droits de douane, mais ça ne nous empêche pas de monter. Et ce, même si l’on entend dire que l’accord avec l’Inde se compliqué à obtenir et qu’en ce qui concerne l’Europe, on parle plus de rétorsion que d’accord dans les couloirs des banques de Manhattan. Mais bon, trêve de spéculations, à la fin le S&P500 a tout de même battu un nouveau record pendant que le Nasdaq nous expliquait par le menu qu’à l’heure actuelle, ON NE PEUT PAS MONTER si les MAGNIFICENT SEVEN n’y mettent pas du leur.

Le poids de la tech et l’inexistence du reste

En dehors de l’aspect « droit douane » qui commence à les briser menu à tout le monde, il y avait aussi les chiffres du trimestre qui occupaient les gens en attendant d’en savoir plus sur la macro. Hier Powell a parlé, mais comme prévu, il a parlé sans mentionner le moins du monde le sujet des taux d’intérêts – ce qui n’était pas une surprise – en revanche, il y avait à boire et à manger côté résultats. GM a foiré son trimestre et déclare que pour le moment les droits de douane leur coûte plus d’un milliard. Le titre dévissait de 8%. Du côté armement, Lockheed a foiré son trimestre après avoir pris une provision plus importante que prévue pour une histoire de fin de contrat sur un de leurs produits et malgré l’excellente période pour le business de l’armement qui EN PLUS est devenu un investissement responsable, la société s’est fait défoncer de près de 10% également. On notera aussi que Coca-Cola continue de se prendre le dollar dans les dents, mais ça l’empêche pas de livrer des résultats qui pétillent. Bénéfice net en hausse de 58% et un « pricing power » qui sauve les meubles malgré des volumes en baisse. Ils confirment leurs objectifs annuels, avec un patron qui reste zen… et qui annonce un Coca au sucre de canne. Mais ça n’a pas suffi aux intervenants : ils n’ont pas parlé d’intelligence artificielle dans leurs canettes. Le titre était en baisse de 0.6% à la clôture.

Mais au-delà des quelques chiffres qui ont été publié et qui ont une importance toute relative, puisqu’ils dépendent surtout de l’interprétation qu’on en fait, on notera surtout que les intervenants commencent à prendre conscience du fait que le marché ne peut plus vraiment monter quand les Magnificent Seven et deux-trois autres qui les entourent, n’arrivent plus à monter non plus. Et hier c’était flagrant : Microsoft était empêtré dans ses histoires de hacking et de Share-Point (et ça continue ce matin puisque les hackers chinois – sponsorisés par le gouvernement chinois selon les milieux autorisés) ont réussi à pénétrer une des agences nucléaires américaines, Oracle était sous pression parce qu’ils vont devoir investir encore plus dans l’IA pour continuer à bosser avec OpenAI et le reste, Google, Nvidia, Broadcom, ou encore Amazon, étaient dans le rouge parce que – je cite : « les intervenants ajustent leurs positions avant les publications trimestrielles ». Alors cette phrase, croyez-en mon expérience, c’est celle qu’on utilise quand on ne pas pourquoi ça baisse. Mais peu importe, on est en train de se rendre compte que sans les stars de la tech, le marché ne peut plus en avant.

Breadth

Dans ma vidéo d’hier, je suis revenu sur le concept du BREADTH – en gros sur le rapport entre les titres qui montent et ceux qui baissent. Au cas où vous voulez revenir sur le chapitre du « Breadth », vous pouvez vous rendre sur la chaîne YouTube « Swissquote en français », il y a une vidéo qui a pour titre : « Un marché qui meurt à petit feu… mais qui bat des records quand même » et après 4 :20, on parle du Breadth… Mais ce qu’il faut retenir, c’est que lors du précédent record – celui de lundi soir, 50 titres étaient en hausse sur le S&P500 alors que le reste était dans le pâté. On ne peut pas dire que c’est un marché qui profite d’une « large participation ». On peut donc en déduire qu’en cette période de publications trimestrielles, nous sommes debout sur une planche savonneuse. Ce soir Tesla et Google vont publier leurs résultats et en cas de « déception » – ou pire ; d’interprétation négative, le retour de manivelle pourrait être désagréable. Nous sommes donc sur le fil du rasoir ; positifs comme jamais à cause de la tech et de l’avènement de l’IA, mais à risque de se prendre une volée de bois vert en cas de déception. Et les signes de fatigue du marché ne manquent pas. Je pourrais en faire une chronique de 12 pages, mais tout le monde me reprocherait d’être trop négatif.

Alors on va se contenter de faire passer un message de prudence et on en reparlera à la rentrée scolaire, après les publications de Nvidia qui sortiront le 27 août. Là, on devrait y voir plus clair – surtout que nous serons à quelques semaines de la NOUVELLE BAISSE des taux attendue de la FED – à l’heure actuelle, 60% des « experts », pensent que Powell va baisser les taux – enfin, s’il est encore là. Mais à ce sujet, les choses ont l’air de se calmer, puisque Bessent a donné une interview hier pour expliquer que le gouvernement ne veut pas virer Powell et que c’est lui qui doit décider s’il veut rester « jusqu’à la fin ». Ça paraît bienveillant comme message, mais ça veut aussi dire : « tu fais ce que tu veux, mais si l’économie part en vrille, c’est sur toi qu’on va tout mettre »…

Et maintenant quoi ?

Pour le reste et pour ce qui est des nouvelles du jour, on va donc se concentrer sur le deal qui a été signé et annoncé entre le Japon et les États-Unis. Trump a annoncé un accord avec le Japon, fixant des « droits de douane réciproques » à 15 %. Le Japon investira 550 milliards de dollars aux États-Unis, et selon Trump, les États-Unis toucheront 90 % des bénéfices. Le Japon s’engage aussi à ouvrir son marché aux produits américains, y compris les voitures, les camions, le riz et d’autres produits agricoles. Quand on voit le partenariat : j’investis 550 milliards et sur les profits : je te donne 90% – on sent bien que le concept de « partenariat » est une notion toute relative. Là tout de suite, ça donne plutôt l’impression que c’est du racket, mais c’est mon avis personnel. Enfin, peu importe, c’est une bonne nouvelle et c’est de bon augure pour la suite. Reste à voir qui sera le prochain.

Du côté macro, même si y a rien, y a quand même des trucs : L’indice avancé de l’économie américaine (LEI – Leading Economic Index) a chuté de 4% sur un an en juin, marquant sa 38ème baisse sur les 40 derniers mois. Sur le premier semestre 2025, il a plongé de 2,8%, soit deux fois plus vite qu’au second semestre 2024 où la baisse était de 1.3%. C’est aussi le troisième mois d’affilée que le LEI envoie un signal de récession. Il faut chercher la raison de la baisse dans les commandes industrielles qui sont en berne, le moral des consommateurs qui est au fond du bac et les premières demandes d’allocation chômage qui sont en hausse. Résultat : le LEI est maintenant à son plus bas niveau depuis 11 ans.

En aparté, retour sur les bancs de l’école

Pour ceux qui veulent savoir ce qu’est le LEI – Le Leading Economic Index, c’est un peu la boule de cristal économique du Conference Board. C’est un panier de 10 indicateurs censés prévoir où va l’économie US à 6-9 mois.

Parmi ces indicateurs il y a :

• Les nouvelles commandes de l’industrie
• Les inscriptions hebdos au chômage
• Le moral des consommateurs
• Les permis de construire
• Les écarts de taux obligataires
• Les heures travaillées dans l’industrie
• Et d’autres joyeusetés du même genre

Quand le LEI baisse de façon prolongée, c’est souvent le préambule d’une récession (historique à l’appui). Et quand il chute aussi violemment que depuis 2022, ça sent pas le champagne pour l’économie, même si les marchés, eux, sont parfois sur une autre planète. En bref : le LEI clignote rouge. Mais pour l’instant, Wall Street fait la sourde oreille… Mais bon, moi je vais arrêter de ne trouver que des trucs négatifs, ça devient fatigant, j’en suis conscient.

Conference Board Leading Economic Indicator US – Source : DoubleLine

Mais encore

On peut encore parler des quelques nouvelles à retenir, même si je vais en zapper quelques-unes au vu de la masse du jour. Dassault Aviation a publié hier soir et voit son bénéfice net plonger de 30% à 334 millions, plombé par une surtaxe fiscale exceptionnelle en France – UNE SURTAXE EXCEPTIONNELLE EN France ??? MAIS NOOOON !!!!! – on voit que l’enfer fiscal continue de faire son boulot comme un chef…mais passons… Le business reste en plein boom : chiffre d’affaires +12%, carnet de commandes record à 48,3 milliards, et carton plein pour le Rafale, notamment avec l’Inde. L’ombre au tableau ? Les menaces de droits de douane US à 30% BIEN SÛR (on ne s’en lasse pas), qui pourraient casser les ailes des Falcon aux États-Unis. On notera surtout que 533 Rafale ont été commandés depuis le début du programme, dont 26 Rafale Marine signés par l’Inde ce semestre — un tournant stratégique pour Dassault.

Chez SAP on a également publié, ils explosent les compteurs au premier semestre avec un bénéfice net de 3,48 milliards d’euros contre… 60 millions l’an dernier. Le chiffre d’affaires grimpe à 18 milliards (+10%), porté par la croissance du cloud qui reste la priorité absolue pour 2025. Le groupe vise jusqu’à 21,9 milliards d’euros de revenus cloud cette année, preuve que l’Allemand a bien réussi son virage numérique. On retiendra surtout que le Bénéfice été multiplié par 58 en un an. Oui CINQUANTE-HUIT !!! Par contre, l’interprétation qu’on en fait et discutable, hier soir le titre perdait 3% after close. Autrement, Philip Morris a déçu sur son trimestre – apparemment les ventes de sachets de tabac qu’on se colle entre la lèvre et la gencive ont déçu les analystes – et moi je ne pensais pas écrire ça un jour – le titre perdait 8%. Et puis on terminera avec Texas Instruments qui a sorti des résultats corrects mais des prévisions molles, plombées par une demande faiblarde en puces analogiques et un contexte géopolitique bien pourri. Le marché n’a pas aimé : -12% % en after-hours, malgré des ventes Q2 au-dessus des attentes. Les perspectives du T3 déçoivent, les marges sont sous pression, et les droits de douane à venir foutent le bazar dans les chaînes d’approvisionnement. TI prévoit de dépenser 60 milliards $ pour booster sa production US, mais en attendant, les marges stagnent, les clients hésitent, et l’environnement tarifaire rend tout le monde nerveux.

En conclusion

Pour boucler cette grosse chronique, trop grosse chronique, on retiendra que le Japon est en hausse de 3% grâce à Trump, que le reste de l’Asie suis le mouvement dans une moindre mesure. Hong Kong est au plus haut depuis 2021… Le pétrole est à 65.55$, faiblard à cause d’un éventuel ralentissement économique dû aux droits de douane, l’or est au plus haut de tous les temps, l’argent et le cuivre aussi. Le Bitcoin est à 119’000$ et le rendement du 10 ans est à 4.367%. Aujourd’hui on attend les nouvelles ventes de maison et les inventaires pétroliers. Et puis côté sociétés, on citera : Alphabet, Tesla, IBM et Chipolte et ça sera ce soir… Et puis en Europe, on regardera Thales, l’égérie de l’investissement responsable, parce que quoi de mieux que d’investir dans l’armement quand on est vraiment responsable au sujet de la planète.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.25% et on attend le prochain deal annoncé par Trump. Passez une excellente journée – j’ai déjà été beaucoup, beaucoup trop long, je vous laisse vaquer à vos occupations et je vous vois vendredi pour une chronique estivale passionnante, je n’en doute pas !

À vendredi

Thomas Veillet
Investir.ch

« Les marchés détestent l’incertitude, sauf quand elle leur permet de battre des records sans raison valable. »

Un chroniqueur boursier