Bon, visiblement c’est officiel, le marché américain peut ENCORE baisser. Non, je vous dis ça parce que je commençais sérieusement à douter de la chose. Néanmoins hier les indices vedettes du marché américain nous ont rassurés : ils peuvent encore le faire. Et mieux, ils arrivent même parfois à douter d’eux-mêmes. Pourtant, il n’a rien eu de spécial qui s’est produit pour faire modifier notre vision parfaite d’un monde parfait qui est le même depuis le 10 avril, jour où nous avons compris que Trump était un « chicken » et qu’il n’allait jamais tenir ses tarifs à la noix jusqu’au bout. À moins que ??? Bref, quoi qu’il en soit, hier on a baissé et on aura bientôt toutes nos réponses.

L’Audio du 2 juillet 2025

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On prend les mêmes et on attend demain

Le mois de juillet débute de manière assez éparpillée à Wall Street. On a vraiment eu à boire et à manger, sans que quelque chose de nouveau se soit fondamentalement produit – sauf peut-être l’effet Trump. Mais en même temps, celui-là, il va falloir commencer à s’habituer. Peu importe, mardi, le Dow Jones a gagné 400 points, porté par des valeurs industrielles et cycliques qu’on croyait bonnes pour le musée. En parallèle, le S&P 500 et le Nasdaq ont perdu pied, pénalisés par une petite purge sur la tech. À moins que ce soit tout simplement une prise de profits. Dans la canicule de cet été, il faut faire très attention au poids des mots, nous ne sommes pas encore en mode panique non plus – après tout, Nvidia n’a perdu que 3%.

Et puis Le NYFANG a glissé de 1,8 %, conséquence d’un excès d’euphorie accumulé sur les mégacaps qui ont surperformé le reste du marché depuis des semaines – NYFANG c’est l’indice des 10 plus grosses cap technologiques – en gros : ce qui fait bouger le marché depuis un moment – Nvidia, Meta, Amazon, Microsoft : tous ont goûté au rappel à l’ordre. Et c’est bien plus qu’un simple « take profit » : les experts ont estimé que l’on assistait à une rotation sectorielle violente, où les titres laissés pour morts depuis six mois reprennent des couleurs. Va falloir être patient pour confirmer ou infirmer cette théorie, sachant que ces derniers temps, les « ROTATIONS SECTORIELLES » n’ont plus la même amplitude que dans le passé et on peut faire une rotation le lundi et en REFAIRE une le jeudi – la magie de l’automatisation des marchés nous a tout de même considérablement aidé à simplifier nos hésitations.

Calme et hésitation

Ce mouvement se fait toujours dans un calme assez impressionnant. La VIX se traîne autour des 16-17% et ne fait pas mine de vouloir repartir et, à mesure que le 10 ans US repart en direction des 4.20% – on a même touché les 4.19% hier, les anticipations de baisse des taux en juillet s’effacent. Le discours de Powell reste le même : « attendre et observer ». Mais la dynamique de l’emploi maintient la Fed dans une posture hawkish par défaut – sans compter que les JOLTS d’hier étaient nettement plus forts que les attentes. En mai, les offres d’emploi aux États-Unis ont connu une hausse inattendue et suprenante, atteignant 7,769 millions, contre 7,395 millions en avril (chiffre qui était d’ailleurs révisé à la hausse). Ce rebond montre que le marché du travail américain reste relativement fort, malgré les incertitudes économiques et géopolitiques. Cette dynamique complique la tâche de la FED, qui espérait un affaiblissement progressif de l’emploi pour justifier une baisse des taux. Sans compter qu’aujourd’hui nous aurons les chiffres de l’ADP et demain les NFP…

Et puis il y avait aussi l’arrière-plan politique : la réforme fiscale massive portée par Trump qui avance et qui va faire péter les déficits, le bras de fer avec Musk, et ce sentiment que la Bourse est désormais gouvernée autant par les tweets que par les chiffres. Ce qui rend l’analyse complexe, c’est la dissonance entre les fondamentaux – pas si mauvais (selon les jours) – et un sentiment de marché schizophrène. D’un côté, des buybacks massifs soutiennent les prix. De l’autre, les investisseurs institutionnels restent sur la défensive. La bulle IA commence à montrer des signes de saturation dans les portefeuilles si l’on en croit les « stratèges » de Wall Street. Résultat, Powell doit faire face à un marché du travail qui semble ne pas aller trop mal – pour autant que l’on puisse considérer ces chiffres comme « fiables » – et puis, de l’autre côté, vous avez une inflation qui ne veut plus baisser. L’équation à résoudre devient complexe, puisque d’un côté on vous dit qu’il faut ramener les taux à 0.5%, dixit l’économiste en chef de la Maison Blanche entre deux parcours de golf et de l’autre, les chiffres économiques vous disent qu’en baissant les taux vous allez faire exploser l’inflation. Le grand écart devient douloureux pour Powell.

L’Europe dans le peloton en train de sucer la roue

L’Europe, elle, elle attend. Et pendant qu’elle attend, elle doute. Mardi, le CAC 40 a perdu 0,04 %, le DAX allemand a lâché près de 1 %, et le SMI a fini en léger rebond (+0,35 %) – contre-courant qui est assez rare en ce moment mais qui, selon les meilleurs analystes du monde, est « une preuve de fuite vers la qualité ». Comme quoi, il faut vraiment avoir envie de raconter des histoires pour sortir des trucs pareils. J’imagine tellement le gars qui arrive au bureau le matin et qui se dit : « Tiens, au vu du chiffre bidon des JOLTS, je vais me repositionner sur de la « qualité en achetant la Suisse », alors que trois jours avant le même gars aurait vendu ses enfants pour acheter du Nvidia à la place. Mais bon, on ne va pas se mentir, de toutes façons, LE vrai sujet, c’est Trump. Le 9 juillet approche, et le président américain martèle qu’il ne prolongera pas la trêve commerciale. Ce qui met Bruxelles en panique. Mais une panique discrète que l’on pas très envie de raconter dans les médias, surtout en pleine période de vacances où plus personne n’en a rien à foutre des marchés financiers – je dis ça par rapport aux chiffres du trafic sur mes chroniques et mes vidéos ; j’ai l’impression d’être tout seul et de me lever pour rien…

Mais revenons à l’Oncle Donald, pour l’instant, aucun deal n’a été signé, à l’exception du Royaume-Uni et d’une soi-disant ébauche de deal bricolé avec les Chinois. Les Européens essaient de négocier un compromis, mais Washington veut des gestes concrets. Le spectre d’un retour des tarifs sur les voitures, les cosmétiques ou les semi-conducteurs flotte au-dessus des têtes. Les 7 prochains jours qu’il nous reste avant le 9 juillet promettent d’être passionnants, entre séance de plage, visite touristiques et crises de panique en lisant les tweets de Trump. Sur le plan macro, l’inflation remonte à 2 % dans la zone euro, comme attendu. Le core CPI reste stable à 2,3 %, ce qui maintient la BCE dans une posture attentiste. Et bam, une autre banque centrale qui ne fait rien et qui observe. L’analyse dominante reste que l’inflation liée au pétrole recule, mais que les services résistent, notamment à cause des hausses de salaires. En Allemagne, le PMI manufacturier est passé de 48,3 à 49. Ce n’est pas encore l’euphorie, mais ça indique une stabilisation. Le rebond du luxe (LVMH, Kering, L’Oréal) montre aussi que certains secteurs restent hors sol, dopés par les révisions de bénéfices. Mais derrière cette façade, l’Europe est paralysée par l’incertitude réglementaire et géopolitique. La Bourse joue à « je t’aime, moi non plus » avec les États-Unis, et le marché redoute un été meurtrier si les taxes tombent brutalement et pas dans le sens qu’on espérait – même si au fond de nous, on a quand même l’impression d’être dans un grand film hollywoodien et qu’on va nous sortir un happy end dont ils ont le secret.

Le dragon retient son souffle

En Asie, les marchés jouent à se faire peur. Ce matin le Nikkei perd 1 %, le Kospi coréen lâche 1,5 %, et les indices chinois (Shanghai, Shenzhen) évoluent en ordre dispersé. L’éléphant dans la pièce : les menaces de Trump sur le Japon. Mardi soir, il a déclaré qu’aucun deal n’était en vue avec Tokyo, et qu’il n’hésiterait pas à imposer des tarifs de 30 à 35 % sur les voitures japonaises. Dans un pays où l’industrie automobile est un pilier stratégique, c’est une vraie bombe. Les constructeurs nippons plongent. Et l’incertitude gagne la Corée, où SK Hynix chute de 4 % à cause des craintes de représailles commerciales. Même la Chine, qui vient pourtant de signer un accord « en principe » avec les États-Unis, reste fébrile et tendue…

Mais tout n’est pas sombre. L’Inde semble proche d’un accord commercial. L’Australie publie des chiffres de consommation corrects et la perspective d’un ralentissement de l’inflation mondiale redonne un peu d’oxygène aux banques centrales asiatiques. Le vrai problème, c’est l’absence de visibilité. L’économie asiatique est complètement otage d’un agenda ET D’UN PRÉSIDENT américain totalement imprévisibles. Entre les tweets de Trump, les revirements diplomatiques et l’incertitude sur les taux US, les investisseurs préfèrent alléger le risque. À court terme, la tendance est fragile. Mais si un accord se profile avec l’Inde ou le Japon d’ici le 9 juillet, les marchés asiatiques pourraient rebondir en mode reflexe. Sinon, attention à la glissade. Autrement, on notera que le pétrole fait preuve d’un immobilisme et d’un stoïcisme assez impressionnant – j’ai le sentiment que ce truc vaut 65.43$ depuis une semaine. L’or est à 3’350$, le Bitcoin est à 106’200$ et le rendement du 10 ans se trouve à 4.25%.

Quand le cirque Trump-Musk distrait les fauves

Impossible d’ignorer le compte à rebours du moratoire, même si ces dernières semaines on a réussi à ne pas trop en parler, le 9 juillet, Trump aura le droit de déclencher une vague de sanctions commerciales. Et il a promis de le faire si aucun accord n’est signé d’ici là. La Maison Blanche a laissé entendre qu’elle pourrait envoyer des lettres officielles à chaque pays concerné, listant précisément les nouveaux tarifs douaniers. Le Royaume-Uni est le seul à avoir signé un deal. Le Japon traîne, l’Europe piétine, l’Inde négocie. Et Trump jubile. Il estime que ces pays sont « pourris gâtés » après avoir profité des États-Unis pendant 30 ans. Les marchés craignent une guerre commerciale éclair, avec des effets immédiats sur les chaînes logistiques, les marges des multinationales et l’inflation importée.

Mais le second feuilleton du moment, c’est la guerre ouverte entre Trump et Elon Musk. Accusé de toucher plus de subventions que quiconque dans l’histoire, Musk a répliqué en promettant de lancer un nouveau parti politique si le plan fiscal passe. Trump, lui, menace de faire couper les subventions, y compris les crédits d’impôt sur les véhicules électriques. Ce clash touche Tesla, SpaceX et toute la sphère techno. Et il montre à quel point l’Amérique 2025 est devenue illisible. Pour le marché, cela devrait signifier plus de volatilité, plus d’incertitudes réglementaires, et un besoin urgent de se repositionner. Certains analystes pensent que Trump et Musk finiront par se rabibocher, car ils ont besoin l’un de l’autre dans la guerre technologique contre la Chine. Mais en attendant, la tech saigne, et personne ne sait jusqu’où ça peut aller. D’ailleurs, dans la foulée, Tesla s’est pris 5% dans les dents… On connait l’action : ça s’en va et ça revient, mais disons que l’on se passerait largement des disputes Trump/Musk en ce moment. Pourtant, c’est ce qui fait vendre.

Pour le reste

Autrement, on notera que Jerome Powell a reconnu (encore une fois) que la Fed aurait déjà baissé les taux si Trump n’avait pas lancé son plan de hausses tarifaires. Comme il l’avait déjà dit lors du dernier FOMC Meeting, les droits de douane ont fait grimper les prévisions d’inflation, poussant la banque centrale à geler sa politique monétaire. Pour juillet, Powell est toujours très flou : « tout dépendra des données ». On dirait un disque rayé. Et pendant ce temps-là, Trump continue de critiquer violemment Powell, l’accusant de freiner l’économie, mais comme mentionné un peu plus tôt, malgré des marchés en hausse, l’incertitude sur le commerce mondial reste un vrai casse-tête pour les banquiers centraux.

Du côté des chiffres du jour, nous aurons le chômage en Europe, les chiffres de l’emploi ADP qui sont attendus 99’000 créations d’emplois – attention aux ratés – et puis il y aura aussi les inventaires pétroliers. Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.3% et on est déjà en train de se demander si hier nous n’avons pas vécu l’opportunité d’achat d’une vie ! En attendant demain, je m’en vais vous souhaiter une très belle journée et je vous précise que sur le site Investir.ch, nous sommes entrés en mode « été » et nous publierons plus ou moins un jour sur deux, selon l’actualité. Alors moi je vous dis : à vendredi et n’oubliez pas de vous hydrater, tout en précisant que les piscines de rosé ne sont pas considérées comme de l’hydratation ! Et si vous ne pouvez VRAIMENT pas vous passez de moi, vous pouvez me retrouver tous les matins en vidéos sur la chaîne YouTube Swissquote en français !

À vendredi !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Ce n’est plus la Bourse, c’est Netflix : on ne sait pas si on regarde une comédie, un drame ou un thriller politique. Et le pire ? C’est que tout le monde continue de payer l’abonnement. »

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