Une autre journée, un autre record. Le S&P500 monte toujours – même si c’est homéopathique – puisqu’on attend TOUJOURS la prochaine annonce tarifaire qui va faire monter les indices encore un peu plus haut. On attend bien sûr l’annonce choc qui concerne l’Europe, mais pour l’instant, rien à l’horizon. Le DEMAIN de Trump annoncé avant-hier risque bien de transformer en « ce week-end », connaissant son talent pour les revirements de situation dans les scénarios. En résumé hier les marchés étaient fatigués et la seule chose qui semblait vouloir intéresser le monde c’était le rendez-vous de chantier entre Powell et Trump à l’intérieur même des bâtiments de la FED.

L’Audio du 25 juillet 2025

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Powell, Trump, Alphabet et les autres

Quand le Président des États-Unis débarque à la Fed comme s’il allait faire un audit surprise on sait que la journée ne va pas être tout à fait normale. Et quand en plus il laisse entendre qu’il aimerait bien foutre Powell dehors pour cause de « chantier trop cher » et « taux trop hauts » ,on comprend que le théâtre politique est devenu un one-man-show. Un show où l’acteur principal écrit le script en direct sur TruthSocial. Mais pendant que Trump se baladait avec Powell dans les couloirs du pouvoir de la Réserve Fédérale Américaine – faisant semblant de s’intéresser à la couleur des murs alors que le vrai sujet était le niveau des taux, Wall Street… s’en foutait royalement. Enfin presque. Parce qu’entre deux déclarations d’amour à l’IA et à Nvidia, on a quand même eu droit à quelques claques dans la figure chez d’IBM, Tesla et Honeywell.

Depuis que Trump a lancé son grand « je veux dse deals ou je vais vous taxer à mort » du 2 avril, les marchés vivent dans une sorte de schizophrénie permanente : d’un côté on panique à l’idée qu’il taxe la planète entière et aux conséquences que cela pourrait avoir sur l’inflation – mais on panique doucement – et de l’autre on s’excite à la moindre rumeur d’accord avec le Japon, l’Europe ou même la Laponie – eh ben figurez-vous que ça aussi, ça aide le marché à tenir le coup, parce que : QUI VA ALLER SHORT ce week-end alors que l’Europe et les USA POURRAIENT annoncer le deal de l’année – ou, autrement dit : le deuxième braquage à main armée de Trump en une semaine si l’on en croit les conditions du deal avec le Japon.

IA toujours

Et puis il y a l’IA. Parce que pendant que la macro donne des signaux contradictoires (PMI dégueulasse mais emploi solide), les investisseurs se collent des œillères pour ne regarder que ce que dit Alphabet : “On va investir 85 milliards dans l’IA en 2025”. Résultat : tout ce qui finit en « DOT-IA » fini par grimper, surtout si c’est un membre du Nasdaq. C’est d’ailleurs très drôle et paradoxal, parce qu’hier on s’angoissait à cause du niveau des dépenses de Google qui passaient de 75 milliards en 2025 à 85 milliards – on trouvait que c’était trop d’argent et que ça allait pas être simple de justifier ces dépenses. Et puis, quelques heures plus tard, on achetait du Nvidia comme si ça coûtait rien en partant du principe qu’il allait bien falloir dépenser ce pognon quelque part… Hier, Alphabet a pris 0.8% sur son EXCELLENT TRIMESTRE et Nividia prenait près de 2% parce que LE MÊME Alphabet aller claquer son fric chez eux… C’est réducteur et paradoxal, mais c’est pas loin d’être la réflexion de base d’hier.

Des records, mais pas pour tout le monde

Hier, c’était la journée des grands écarts. Le Nasdaq et le S&P 500 ont donc à nouveau atteint des niveaux que nous n’avions jamais vu. +0,2% pour le premier, +0,07% pour le second. Alphabet a tiré la locomotive et motivé tout le monde. Ses excellents résultats, au-dessus des attentes, on l’a dit et redit. Et surtout, ses investissements massifs dans l’IA font rêver les investisseurs comme on rêve d’une journée ensoleillée au mois de juillet, mais qu’en même temps on n’ose plus aller diner un soir sur une terrasse, sans prendre sa fourrure polaire. Nvidia monte de 1,8% dans la foulée et Microsoft et Amazon, ils faisaient la même chose sans se poser de question. Mais pendant que l’IA file tout droit vers le ciel, le Dow Jones s’est pris les pieds dans le tapis en terminant dans une correction MASSIVE de…-0,7%.

Oui, je dis MASSIVE, parce que ça fait super-peur et ça rassure un peu les gens qui sont shorts et qui attendent désespérément que ça baisse un jour.

La raison de la baisse de l’indice historique de Wall Street, il faut la chercher dans la longue liste « des boulets du jour » : Tesla, IBM, Honeywell et UnitedHealth. Et il faut donner un MENTION SPÉCIALE à Tesla, qui plonge de plus de 8% après un trimestre complètement raté et un Elon Musk qui nous annonce gentiment que “les prochains trimestres vont pas être faciles”. Rien qu’avec cette phrase, il a tué sa propre action, puisque l’on connaît le marché et on connaît le comportement des investisseurs qui vénèrent Tesla ; ils n’aiment pas l’incertitude, mais ils aiment encore moins la certitude de savoir que ça ne va pas bien se passer. Pourtant, il est intéressant de voir que « du côté des analystes », on n’est pas aussi inquiet que ça pour l’avenir. On n’a pas vu arriver la masse des downgrades. En tous les cas, pas encore. Et puis il y avait aussi IBM, résultats corrects, mais on était trop monté AVANT les résultats et il y avait trop d’attentes. Résultat : -8% aussi. Et puis il y a eu cette superbe annonce de UnitedHealth qui nous annonce être dans le viseur du Department of Justice après avoir démenti pendant des mois – et même si l’on n’attend plus rien de cette boîte qui est devenue presque aussi populaire que les Caisses Maladie en Suisse – surtout au mois de septembre quand ils viennent monter les primes en disant que c’est pas de leur faute si on est trop malade – ce genre d’annonce ne fait pas plaisir. Et pour couronner le tout sur le Dow Jones, nous avons également eu droit aux chiffres de Honeywell : meilleurs que les attentes avec des prévisions revues à la hausse pour l’avenir et le titre se faisait défenestrer de plus de 6%. Il y a des fois, il vaut mieux ne pas essayer de comprendre le cheminement de réflexion de Wall Street…

En Europe : on veut croire au deal

L’Europe est dans une drôle de position : on attend la confirmation d’un accord commercial avec les USA, comme on attend l’arrivée du Père Noël ou de la nouvelle PlayStation. D’après Bruxelles, un deal est “à portée de main”. Traduction européenne : on n’a encore rien signé, mais on a déjà sorti le stylo du tiroir. Les marchés ouvrent dans le vert. Puis les résultats d’entreprises sont tombés. À Paris, le CAC 40 perdait 0,41%, plombé par TotalEnergies (-3,5%), Dassault Systèmes (-8,3%) et surtout STMicroelectronics (-16,6%). Le marché n’aime pas quand on déçoit. Et en ce moment, il pardonne encore moins que d’habitude. En Allemagne, le DAX tient bon avec un petit +0,28%. Merci Deutsche Bank et ses résultats explosifs (+9%) et MTU Aero Engines, même si le carnet de commandes se réduit petit à petit. Et en Suisse, l’ambiance était pas rose, l’ambiance était morose. Le SMI lâchait un petit 0,26%, toujours coincé dans son « range » déprimant, avec un Nestlé qui s’effondrait de 4,5% suite à un trimestre bien fadasse et encore, heureusement que Roche relevait un peu le niveau.

Et pendant ce temps, la BCE a parlé. Christine Lagarde a laissé les taux inchangés – assez logique après huit baisses d’affilée. Elle passe maintenant en mode transat sur la plage et va surveiller de loin, histoire de voir si l’économie s’en sort sans elle. Et pour Trump qui devient fou de rage à chaque fois que Lagarde baisse les taux et qui se voit obligé de trouver une nouvelle liste d’insulte pour envoyer à Powell, c’est pas facile. C’est pas facile parce que l’immobilisme de Lagarde qui ne touche plus à rien et devient aussi « data dépendante » et prévient que l’incertitude règne, surtout à cause des tensions commerciales, laisse supposer que Powell n’a pas complètement tort de réfléchir avant de tout faire péter. Et ça, ça doit pas plaire à POTUS. En Europe l’inflation est pile à 2%, la croissance rebondit (si on en croit le dernier Pif Gadget) alors la BCE joue la montre. Résultat : les marchés ne croient plus trop à une nouvelle baisse cette année. Bref, la BCE fait comme la FED elle attend. La Fed qui n’a pas bougé depuis décembre. Le marché voit d’ailleurs 58% de probabilité d’un cut en septembre, mais aucun mouvement attendu le 30 juillet. Tout le monde retient son souffle. Et Trump, lui, se retient de ne pas casser la gueule à Powell.

En Asie

Ce matin on était en baisse en Asie, mais mollement. Mais la semaine reste en vert fluo, dopée par l’optimisme autour des tarifs US et de la folie IA. Le Japon est en tête de cortège : +4% sur la semaine pour le Nikkei et le Topix, portés par l’accord commercial Tokyo-Washington. Petit hic vendredi : l’inflation recule plus que prévu, mais la CORE INFLATION reste au-dessus des 2%, donc la Banque du Japon ne sait toujours pas si elle doit appuyer sur l’accélérateur ou planter les freins. Il serait temps de demander à ChatGPT. Bon. Pour être franc avec vous, J’AI demandé à ChatGPT ce qu’il ferait s’il était la BOJ et il m’a répondu : « rien ou presque ». Je vous passe toute la tartine, mais il m’a dit : « Je fais le funambule monétaire. J’avance prudemment, sans secouer la corde. Parce que le Japon, aujourd’hui, c’est un équilibre bizarre entre inflation importée, croissance intérieure fragile, et fragilité structurelle. » – en gros, il ne veut surtout pas déranger… En fait, ChatGPT EST SUISSE !!!

Hong Kong baisse de 0.7% vendredi, mais affiche un +3.3% sur la semaine, grâce au rallye des techs et l’espoir de revoir des puces Nvidia. L’IA fait toujours rêver… La Chine est aussi en hausse sur la semaine, malgré une petite baisse vendredi. Tout le monde attend maintenant le Politburo chinois pour savoir s’ils vont enfin faire quelque chose pour l’économie. En résumé : recul technique de fin de semaine sur l’Asie, mais gros rebond hebdomadaire. Pendant ce temps, le baril est 66.14$, l’or est à 3’362$, le Bitcoin S’EFFONDRE à 115’000$ et le rendement du 10 ans américain est à 4.39%.

Les nouvelles du moment

Événement du jour : Donald Trump a mis les pieds à la Fed. Officiellement pour “visiter les travaux”. En vrai ? Pour mettre la pression à Jerome Powell. Il n’a pas viré Powell… encore. Mais il a bien fait comprendre que si les taux ne baissent pas vite, il pourrait trouver une excuse (fraude, chantier, marbre italien trop cher) pour le dégager. Il a même réussi à montrer une liste des dépassements de budgets sur les travaux de la FED pour charger Jerome et s’est fait déglinguer par le même Jerome en direct devant les caméras. Je pense que si avant cette visite, les deux hommes se détestaient, là ils se haïssent. C’est la quatrième fois qu’un président en exercice visite la Fed depuis 1937. Et Trump, lui, a transformé ça en meeting politique. Donald Trump est en mode disque rayé depuis des mois : « Les taux doivent baisser. Beaucoup. Genre 3 points de moins, minimum. » Traduction : on est à 4,375%, il veut un truc proche du plancher. Il l’a encore martelé : « Je veux une seule chose, c’est pas compliqué : les taux doivent baisser. » Les journalistes, eux, ont posé la question qui fâche :

— « Monsieur Trump, vous allez virer Powell, là ? Non parce que vous menacez depuis un moment… »

Et lui, tout sourire :

« Non, pas besoin de faire un grand ménage. Je pense qu’il va faire ce qu’il faut. Donc baisser les taux. »

Sous-entendu : « Je garde l’arme nucléaire dans la poche, mais attention, je sais où est le bouton. »

Intel : des milliards, des doutes, et une hémorragie

Intel a sorti des résultats… complexes. Le chiffre d’affaires dépasse les attentes : 12,9 milliards. Mais derrière, c’est la boucherie. Pertes nettes, charges exceptionnelles, restructuration. Et une décision claire : fini les chèques en blanc. Si un projet n’a pas un client en face, on arrête. Bye bye l’usine en Allemagne, en pause celle en Pologne, et en mode ralenti celle de l’Ohio. Le PDG Lip-Bu Tan veut une Intel plus “disciplinée financièrement”. Mais pour l’instant, les investisseurs retiennent surtout qu’on taille dans les effectifs (-15% de workforce) et que l’IA chez Intel n’est pas encore au niveau des voisins AMD et Nvidia. L’action a fait le yo-yo after close avant de finir à -4,6%. C’est pas encore le come-back que l’on espère tous depuis des années.

Côté frénésie de marché, on peut aussi parler du retour des MEME STOCKS. Kohl’s a offert un revival des années GameStop. +105% en séance mardi, parce que quelques petits malins ont organisé un gamma squeeze à l’ancienne : options, achats massifs, réseaux sociaux, et KABOOOMMM !!!! À poil les shorts… Et si vous voulez LE CHIFFRE DE LA JOURNÉE, ça se passe chez Healthcare Triangle — une biotech totalement obscure — qui a représenté HIER 15% du volume total des échanges aux US. Avec un cours à… 5 centimes. 15% du volume de Wall Street dirigé sur une merde sans nom. Soit y a vraiment pas de volume sur le reste, soit on approche d’un niveau de débilité rarement vu dans l’histoire du monde merveilleux de la finance.

LVMH : Bernard Arnault serre les dents

Chez LVMH, c’est : « il pleut il mouille, c’est la fête à la grenouille, mais on pourra faire des sacs à main avec la peau des grenouilles ». Le géant du luxe a vécu un semestre compliqué. Bénéfice net en recul de 22%, chiffre d’affaires en baisse de 4%, vents contraires partout : Chine, tourisme en berne, guerre commerciale en embuscade. Bernard Arnault multiplie les rendez-vous diplomatiques pour éviter un droit de douane US à 30%. Il espère 10%, voire 15% « seulement ». Et il commence à dégraisser la branche vins & spiritueux, tout en maintenant le cap sur Louis Vuitton, qui va ouvrir un nouvel atelier à Dallas. LVMH baisse de 2% en Bourse durant la séance et encore visiblement 2% de plus lors de la séance américaine. Verdict définitif ce matin à Paris.

Et aujourd’hui, on attend quoi ?

Côté chiffres économiques, on attend l’IFO en Allemagne, les Durables Goods aux USA et aussi le fameux chiffre sur le GDP de la FED d’Atlanta – le GDP NOW ! – on pourra un peu spéculer sur la récession américaine. Et puis autrement, il y a toujours l’attente du deal Trump–Europe sur les tarifs : 1er août approche. Et vu la volatilité du bonhomme, tout est possible. Même un tweet à 3h du mat’ pour annoncer la paix dans le monde (sauf avec Powell). Du côté des chiffres trimestriels, c’est vendredi, c’est donc plus calme… Mais c’est le calme avant la tempête de la semaine prochaine, parce qu’il va y avoir du lourd… Aujourd’hui on regardera quand même : Volkswagen, Eni, Phillips 66 et euh… non, y a franchement rien de sexy. On va attendre la semaine prochaine.

Conclusion

Les marchés veulent y croire. Croire aux deals commerciaux, croire que Trump bluffe, croire que l’IA sauvera tout, même les erreurs de gestion, croire que l’inflation est sous contrôle. Mais les fissures sont là : les résultats mitigés, les pressions politiques, les tensions commerciales, les données macro qui clignotent orange. On bat des records. Mais on sent bien que la corde est tendue. Alors aujourd’hui, on surveille tout ça en buvant son café, et on attend de voir si la fête continue… ou si la gueule de bois commence dès ce soir. Les futures sont en hausse de 0.32% comme il se doit et jusqu’ici, tout va bien.

Bonne journée à tous, très bon week-end et on se voit lundi pour parler des chiffres du « reste » des mag 7… À lundi !!

Thomas Veillet
Investir.ch

« It’s not whether you’re right or wrong that’s important, but how much money you make when you’re right and how much you lose when you’re wrong. »

George Soros