Cette fois nous y sommes. Ça fait depuis lundi qu’on attend que le discours de Jerome Powell commence. Ça ne sert à rien de se voiler la face : le marché était en mode ATTENTE et d’ailleurs, il le sera toujours jusqu’à 16h00. Ensuite Jerome Powell sera sur scène et en fonction de ses mots nous pourrons enfin savoir si le rallye d’été va vraiment continuer ou si l’été lui-même va se terminer ce soir, juste avant le week-end. Aujourd’hui le S&P500 vient d’aligner cinq séances de baisse consécutives. 114 points pour un total de 1.76%. Whaou. Impressionnant. Quand je lis la presse, on dirait qu’on vient de perdre 15%. Mais peu importe, la finance est unanime ; ce soir Jerome peut tout changer.
L’Audio du 22 août 2025
L’attente, toujours l’attente
Alors oui, il peut tout changer. Mais avant, il va falloir quand même attendre jusqu’à 16 heures et hier soir les marchés mondiaux étaient toujours dans le doute. Nous sommes totalement convaincus que Powell, s’il montre la moindre empathie pour nous, a le pouvoir de relancer la machine et de nous rappeler que la stratégie du « BUY THE DIP » est parfaitement adaptée pour ce que nous vivons depuis une semaine… Mais en revanche, si le patron de la FED insiste un peu trop sur le concept de lutter contre l’inflation qui n’en finit pas, les cinq séances à la suite pourraient renouveler leur contrat pour la semaine prochaine et cette fin de semaine.
On ne va pas y aller par quatre chemins, la séance qui nous attend sera uniquement concentrée sur le discours de Powell et c’est ce que l’on appelle (aux États-Unis) : un « make or break moment ». En gros, ça peut redonner du jus au rallye où nous mettre au tapis pour le compte. Dans le cas de la première option – dans le cas d’un discours aligné avec les envies de Trump, un discours DOVISH – tout le monde va se ruer ENCORE UNE FOIS sur la thématique de l’Intelligence Artificielle. Un secteur qui a perdu un peu de sa superbe depuis quelques jours et sur lequel on met un peu trop souvent l’étiquette de « spéculative » pour que l’on se sente rassurés. Mais il est certain que si Jerome glisse la phrase « mais bien sûr que je vais baisser les taux en septembre, et peut-être même les mois qui suivent » ; toutes les théories sur les bulles, ainsi que les valorisations lunaires de certaines actions seront immédiatement oubliées et Nvidia reprendra le chemin des 5’000 milliards de capitalisation boursière, pendant le nouvel objectif de Microsoft sera fixé à 1’000$. Au moins. En revanche, dans le cas contraire, il va falloir se renseigner pour savoir où sont les sorties de secours et réécrire le concept du Black Friday appliqué aux marchés financiers tout en insistant sur le fait que l’IA, c’est vraiment une bulle, bordel.
On commence quand même à sentir la fatigue
Quoi qu’il en soit et peu importe ce que Powell va dire tout à l’heure, hier les indices américains faisaient preuve d’une certaine impatience. Les 5 séances de baisse consécutives pour le S&P500 ne sont pas innocentes. On en a marre et il y a une sorte de fatigue qui s’installe. Fatigue qui est générée par une avalanche de questions sur les valorisations actuelles. Si vous ne me croyez pas ; même dans le 20Minutes de ce matin on nous explique que les « EXPERTS » à Wall Street s’inquiètent que l’IA soit dans une bulle spéculative. Ce qui est probablement l’ARGUMENT le plus optimiste que j’aie entendu ces 8 derniers mois. Oui, parce que quand les médias « mainstream » qui s’occupent d’habitude de savoir si Madame Jacotet a retrouvé son chien disparu il y a une semaine, commencent à faire de la stratégie boursière, c’est que ça va forcément aller dans l’autre sens. Mais peu importe. Le marché et ses intervenants ont besoin d’en savoir un peu plus et d’avoir une vision un peu plus claire de l’avenir et ce, même si nous sommes tous parfaitement conscients que l’équation qui permet de connaître l’avenir du S&P jusqu’à Noël n’est pas simple à résoudre.
Hier la tech était toujours sous pression. Même s’il faut bien relativiser le concept du « SOUS PRESSION » quand il s’agit de la tech et des commentaires boursiers. Par exemple, hier Nvidia a perdu 0.24%. Microsoft reculait de 0.13% et Apple abandonnait massivement 0.49%. Il ne faut pas non plus pousser mémé dans les orties, jusque-là ça ne sent pas encore le SELL-OFF massif et la panique générale. Mais bon, la peur ça fait vendre alors si l’on dit que la TECH est sous pression, ça donne des raisons pour se ronger les ongles. Par contre si on dit qu’on se fait chier parce qu’il ne se passe rien en attendant Powell ; c’est moins vendeur et on se demande pourquoi on n’est pas resté à Palavas les flots quelques jours de plus… Mais bon, pendant que la tech était sous pression, on a quand même eu droit aux chiffres de Walmart qui nous auront au moins occupé pendant un petit quart d’heure.
La pression sur Walmart et sur les prix
Walmart a quand même relevé ses prévisions pour l’année et c’est à peu près la seule chose d’optimiste que le marché aura retenu. Globalement, les résultats trimestriels ont déçu les analystes. Le chiffre d’affaires grimpe de 4,8 % à 177,4 milliards et au-dessus des attentes.
Mais le bénéfice ajusté ressort à 0,68 $ par action, contre 0,73 $ attendu. Le problème c’est que les investisseurs attendaient énormément d’un titre valorisé 36 fois ses bénéfices futurs.
Pourtant, les ventes progressent de 4,5 %, c’est mieux que la concurrence et le groupe gagne des parts de marché grâce aux baisses de prix et au e-commerce. Les tarifs douaniers pèsent quand même pas mal sur les coûts. Et surtout – comme d’habitude – surtout pour les ménages modestes. Conséquence immédiate : le titre a chuté de 4,5 %, pire performance du S&P500 et du Dow Jones pour la journée.
On a donc pas trop aimé la tech « sous pression » et Walmart qui déçoit, mais on n’a surtout pas trop aimé entendre que certains intervenants commençaient à avoir peur d’une NON-BAISSE des taux en septembre. Alors ça, autant vous dire que ça serait pas bon du tout du tout. Walmart l’a dit : « les prix montent ». La croissance du secteur privé américain a légèrement accéléré en août, avec un PMI composite à 55,4 qui a été annoncé hier. Son plus haut en huit mois. L’activité reste donc en zone d’expansion, portée par un rythme de créations d’emplois parmi les plus élevés depuis trois ans. Même si les Jobless Claims disaient le contraire hier. Mais cette dynamique s’accompagne d’une inflation des prix de vente qui se trouve au plus haut depuis 3 ans. La confiance des entreprises s’améliore, mais reste nettement en retrait par rapport au début de l’année, les incertitudes liées aux politiques gouvernementales et aux droits de douane pèsent toujours sur les perspectives.
Équation à plusieurs inconnues
On se trouve dans une situation qui résume assez bien le casse-tête face auquel se trouve la banque centrale américaine : vous avez une économie qui montre des faiblesses sur les chiffres fournis par l’État et de l’autre côté, les sondages privés disent le contraire. En l’occurrence, si l’on se base uniquement sur les chiffres du PMI d’hier, l’économie va bien et (trop) baisser les taux serait une connerie qui ne risquerait que de rallumer un peu trop fort le feu qui couve sous les fesses de l’inflation. C’est le genre de nouvelle que l’on n’a pas forcément envie d’entendre à quelque heure du one man show de Powell. Bref, du coup, certains commencent à se demander si baisser les taux en septembre est une TRÈS BONNE idée et si c’est vraiment ce que Powell va faire.
D’ailleurs, pour corroborer tout ça, Beth Hammack, de la Fed de Cleveland, a jeté un seau d’eau glacée sur le « mood » des traders, puisque pour elle, il n’y pas de raison de baisser les taux tout de suite. Résultat, la probabilité d’un geste en septembre s’est effondrée, de 92 % à 74 % en une semaine. Tout ça nous ramène dans le Wyoming où tout va se décider ce soir et le ton de Powell décidera si le marché respire enfin… ou si on prolonge le supplice.
L’Europe fait de la figuration et l’Asie
Pendant ce temps, en Europe, on joue les figurants. Le CAC 40 a terminé dans le rouge, plombé par… les spiritueux. Les négociations commerciales avec les États-Unis n’ont pas permis de sauver le vin et le cognac des droits de douane. Résultat : LVMH trinque avec tout le reste. Même les grands bordeaux deviennent des actifs risqués. Du côté de l’Asie, les marchés asiatiques sont en légère hausse, mais alors très légère, puisque le Nikkei avance de 0.01%, pendant que la Chine progresse de 0.5%. Inutile de vous expliquer que personne n’a envie de prendre le moindre risque alors que tous les marchés de la région seront fermés lorsque Powell prendra la parole… Et puis c’est vendredi soir, c’est soirée karaoké, on a mieux à faire que de rester scotché devant CNBC pour écouter le patron de la FED nous dire qu’il fait très attention aux « datas »… On notera quand même que l’inflation nippone reste au-dessus de l’objectif de la BOJ, ce qui renforce les anticipations d’une hausse de taux d’ici la fin de l’année.
Du côté des matières premières, le pétrole a enchaîné une deuxième séance de hausse, soutenu par une baisse surprise des stocks américains et l’absence de progrès dans la guerre en Ukraine. Un regain de risque géopolitique et le manque de nouvelles ventes spéculatives ont renforcé le mouvement haussier. Le WTI est à 63.45$. L’or est à 3’376$, le Bitcoin vaut 113’270$ et le rendement du 10 ans est à 4.32%.
Nouvelles du jour
Dans les nouvelles du jour, on parle de Micron. Micron qui pourrait devenir l’autre boîte de semiconducteurs dans laquelle Washington réfléchirait à prendre une participation directe. L’État américain qui se rapproche de plus en plus d’une stratégie de “fonds activiste”. Ce qui est super-rassurant, puisque l’on sait tous que lorsque l’on mélange politique et investissement, ça se finit toujours super bien… Si ça se trouve, bientôt, ils vont remplacer Powell par Bill Ackman. Dans le domaine de l’IA qui est toujours has been depuis trois jours mais qui pourrait revenir au premier plan dans 7 heures, Meta a signé un monstrueux contrat avec Google. Plus de 10 milliards pour faire du Cloud. Si les deux compères se foutent sur la gueule à cause de la pub sur le net, dès qu’il s’agit de Cloud et d’IA, il n’y a plus d’animosité, parce qu’après tout : c’est que du pognon.
Et puis on reparle de l’empereur de l’IA, puisque Nvidia qui pensait avoir trouvé la martingale avec ses puces H20 taillées sur mesure pour la Chine… vient d’entendre Pékin leur dire : “Merci, mais non merci.” Officiellement, pour des raisons de sécurité nationale. Officieusement, parce que dépendre des Américains pour l’IA, ça fait mauvais genre quand tu rêves d’autonomie technologique. Résultat : Nvidia demande à Samsung, Amkor et même Foxconn de mettre la production sur pause. Tout ça alors que Washington avait juste fini par donner son feu vert aux exportations après des mois de bras de fer. Beijing, de son côté, soupçonne les puces d’avoir des “backdoors” pour espionner à distance. Jensen Huang jure que non, mais il a surtout l’air de découvrir que dans cette partie d’échecs, Nvidia n’est qu’un pion. Moralité : la puce H20 qui devait être le pont entre Nvidia et la Chine, se retrouve à devenir plutôt le pont de la rivière Kwaï.
Palantir dans le doute de la tourmente de l’IA
Et puis comme c’est vendredi on va se faire un petit retour sur Palantir. Le truc qui vaut super-cher dont tout le monde parle. La boîte d’Alex Karp est devenue l’enfant prodige de l’IA, portée par une hype qui ferait passer les cryptos pour un investissement « value ». Le problème, c’est que les chiffres ne suivent pas. Enfin, pas vraiment. Le célèbre short-seller de Citron Research, Andrew Left vient de balancer la sentence : « C’est devenu absurde. » Selon lui, Palantir, qui s’échange avec des multiples stratosphériques – genre 80 fois les ventes et 290 fois les bénéfices futurs – mérite de se retrouver plus près des 40 dollars, soit deux tiers plus bas. Et encore, il admet que même à ce prix, ça resterait cher pour une boîte comme ça.
Et il n’est pas seul : des analystes d’HSBC ou Jefferies tirent la même sonnette d’alarme. Même Investopedia, rarement agressif, explique que l’action s’est carrément « détachée des fondamentaux ». Et quand on te dit ça dans le jargon feutré de la finance, il faut traduire par : « les gars, on est en plein délire, il faut arrêter de fumer la moquette.»
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : P/E actuel de 640 fois et P/E futur de 225 fois. À ce stade, on n’est plus dans l’investissement, mais dans la dévotion religieuse. Palantir est devenue une secte cotée au Nasdaq : on y croit, ou on n’y croit pas. Et le marché commence à avoir le vertige. Le titre s’est fait démonter ces derniers jours, et tout le monde se demande si ce n’est pas le début d’une vraie « correction mystique ». Et puis alors comme disait un stratégiste il n’y pas si longtemps ;
– Il y a trois choses qui sont certaines dans ce monde :
o La mort
o Les impôts
o Et les déclarations de Jim Cramer qui marquent le TOP DU MARCHÉ…
En effet, la star de CNBC a encore frappé fort ces derniers jours, puisque le 13 août, il avait posté un message sur X qui disait que Palantir allait casser les 200$ à la hausse. Résultat, le titre est en baisse de 17% depuis le 13 août. Jim Cramer est un mythe et il mérite que l’on se penche sur son cas au niveau universitaire. En résumé : Palantir est la parfaite illustration de l’IA-mania. On achète une promesse, une histoire, un storytelling. Mais quand on commence à nous dire que même à 60 % plus bas, ça resterait cher… c’est peut-être le moment de se rappeler que la Bourse n’est pas une profession de foi.
Reste plus qu’à attendre
Alors voilà, on y est. Powell, 16h, le grand moment. Le marché retient son souffle comme si on attendait la sentence d’un juge. Le S&P500 est fatigué, les investisseurs sont nerveux, et tout le monde fait semblant de bosser en jetant un œil à sa montre. Parce que oui, Powell détient la clé. La clé du jour, de la semaine, et peut-être du destin du rallye d’été (et de l’automne). S’il parle doucement, façon DOVISH, le marché repartira en mode buy the dip comme si de rien n’était. Mais s’il sort l’artillerie anti-inflation, ça peut virer au carnage en quelques minutes.
Ce qui est fascinant, c’est qu’on sait très bien que la logique n’a rien à voir là-dedans : quelques mots, un ton, un soupir, la couleur d’une cravate ou des chaussettes trop jaunes, peuvent suffire à déclencher l’euphorie ou la panique. C’est absurde, mais c’est comme ça.
Alors oui, le ton est peut-être angoissé… mais c’est parce que tout peut basculer en un instant. Dans quelques heures, soit on est encore fan de l’IA et de ses valorisations lunaires, soit on cherche la sortie de secours. Je rappelle d’ailleurs qu’il y a 8 sorties de secours, 2 à l’avant 4 au milieu et 2 à l’arrière. En cas d’évacuation de l’appareil, veuillez surtout ne prendre aucuns effets personnels. Bref : Powell, c’est le maître du jeu, et nous, on attend la cloche.
Week-end !!!
Puisque l’on se pose des questions sur l’avenir des marchés et si vous avez envie de vous faire peur tout en apprenant quelque chose au sujet d’un indicateur économique que l’on appelle le Leading Economic Index, histoire de vous rendre compte que ça hurle à la correction massive mais que tout le monde s’en fout, je vous recommande d’aller voir ma dernière vidéo sur la chaîne Zonebourse… vidéo qui s’intitule : 5 fois sur 5 ça a fini en krach. Que va-t-il se passer la 6e fois ?
Pour le reste et histoire de se chauffer avant Powell, il y aura le PIB allemand qui sera publié. Ensuite, bonne chance pour Powell et nous on se retrouve lundi matin pour de nouvelles aventures. Profitez bien, reposez-vous et dites-vous bien que quoi qu’il arrive, à la fin c’est TOUJOURS les BULLS qui gagnent. Même si des fois entre-deux, c’est plus compliqué ! À lundi !!!
Thomas Veillet
Investir.ch
« Stocks aren’t lottery tickets. Behind every stock is a company. »
Peter Lynch