Nouveau trophée de guerre
Trump a limogé McEntarfer, la patronne de l’une des plus importantes institutions économiques américaines, quelques heures après la publication de données sur l’emploi décevantes. Le Bureau of Labor Statistics a indiqué que les employeurs n’avaient créé que 73’000 emplois en juillet, chiffre bien inférieur aux attentes. Il a également revu à la baisse les créations de mai et juin, faisant état de 250’000 emplois de moins. Il s’agit de la plus forte révision à la baisse des chiffres de l’emploi, hors Covid. Il n’est pas rare de corriger ces chiffres. Sous la présidence de Biden, les statistiques sur 12 mois (2023-2024) ont été rétroactivement revues à la baisse de 818’000 emplois. Cette variation était bien plus forte que d’habitude.
Licencier le directeur d’une agence gouvernementale clé parce qu’on n’apprécie pas les chiffres qu’elle publie, issus d’enquêtes utilisant des procédures établies de longue date, est le propre des pays autoritaires. Lorsque les dirigeants d’autres pays politisent les données économiques, cela détruit la confiance du public dans les statistiques et dans le gouvernement.
Trump a nommé à ce poste E.J. Antoni, ancien économiste en chef de la Fondation conservatrice Heritage et contributeur à son manifeste, le Projet 2025. Antoni a récemment proposé de supprimer le rapport mensuel sur l’emploi du BLS au profit d’un rapport trimestriel. Il envisage de meilleures méthodes de collecte, de traitement et de diffusion des données. Cette tâche incombera au prochain responsable du BLS. Seule la fourniture régulière de données précises et ponctuelles permettra de rétablir la confiance perdue. Le travail de l’agence, tout comme celui des autres bureaux statistiques américains désormais sous le contrôle de Trump, jouit d’une réputation de référence mondiale en matière d’indépendance politique – une réputation que beaucoup craignent désormais comme menacée.
McEntarfer a été nommée par Biden à la tête du BLS en 2023. Sa nomination a été confirmée à la quasi-unanimité par le Sénat américain, notamment par l’ancien sénateur de l’Ohio J.D. Vance. Il s’agit d’un nouveau virage autoritaire.
Fiabilité des données gouvernementales
Powell a récemment averti que la faiblesse des données économiques pourrait compromettre la capacité de la Fed à prendre des décisions éclairées. Or, c’est déjà le cas. Les taux de réponse aux enquêtes ont diminué depuis la pandémie.
Une enquête Reuters menée auprès de plus de 100 économistes et experts politiques confirme que la fiabilité des données économiques se dégrade rapidement. 90% se disent préoccupés par la qualité des données, les agences étant confrontées à de graves pénuries de personnel. Des centaines de statistiques ont été supprimées.
Les implications sont considérables. Sans données de qualité, même les institutions les plus sophistiquées sont contraintes de prendre des décisions dans l’ignorance. La qualité des données constitue un risque systémique qui a des conséquences sur la crédibilité des politiques publiques, la confiance des marchés et la confiance du public.
À titre d’exemple, pour calculer l’inflation, le BLS collecte chaque mois 90’000 prix couvrant 200 catégories d’articles différents. Lorsque les données ne sont pas disponibles, le BLS établit des estimations pour environ 10% d’entre elles. Cependant, la part des données estimées a considérablement augmenté ces derniers mois, dépassant désormais les 30%.
Des statistiques fiables sont essentielles pour guider l’économie. Leur valeur repose sur des principes tels que l’impartialité et la transparence, qui préservent la confiance du public. Les changements institutionnels soulignent la nécessité de protéger l’indépendance technique et la précision méthodologique pour des données utiles et crédibles. Sans mesures fiables, l’économie navigue à vue. Des principes tels que l’impartialité et la précision préservent la confiance du public. Les révisions statistiques font partie intégrante de l’engagement en matière de transparence. Les changements institutionnels exigent une continuité méthodologique. L’indépendance technique est essentielle pour des données crédibles.
Les États-Unis ont toujours été la référence en matière de données économiques. Il y a lieu de s’inquiéter de la baisse de la qualité des données.
Bessent : un soldat loyal
Bessent affirme que les États-Unis traiteront désormais la richesse de leurs alliés comme un fonds souverain américain, selon ses propres termes, leur indiquant, en grande partie à la discrétion du président américain, comment utiliser leur argent pour construire des usines et relocaliser les industries aux Etats-Unis. Même le présentateur de Fox News n’en a pas cru ses yeux, qualifiant cela d’appropriation offshore, un autre terme pour vol. C’est exactement ce qu’était le pillage colonial.
Incapables d’extraire des richesses ou de gagner des guerres contre le Sud global de plus en plus puissant, les US se replient sur eux-mêmes pour racketter leurs propres alliés, qui ne peuvent résister précisément parce qu’ils dépendent de leur tuteur pour leur protection militaire. Ils sont aussi démunis face à l’extraction de richesses américaines que n’importe quelle colonie du XIXe siècle l’était face à son protecteur colonial.
Bessent a également fait un rare commentaire sur la Banque du Japon. Il a publiquement critiqué la BoJ, déclarant à Bloomberg TV qu’elle était à la traîne et qu’elle devrait relever ses taux, précisant avoir discuté de la question avec le gouverneur Kazuo Ueda. En évoquant le maintien de l’inflation japonaise à un niveau égal ou supérieur à l’objectif de 2% depuis plus de 3 ans, les propos de Bessent rompent avec les normes diplomatiques. Cette pression inhabituelle vise à affaiblir l’USD.
- Les États-Unis de Trump se permettent tout. Bessent, étonnamment, n’est pas indépendant; c’est un fidèle lieutenant.
- La baisse de la qualité des données macroéconomiques, voire de leur fréquence, contribuera à une volatilité accrue.