Parfois, la finance c’est les « lendemain d’hier ». Vous savez ce genre de soirée où vous avez un peu trop forcé et que vous vous réveillez avec un train à vapeur qui vous passe juste au-dessus des sourcils et vous vous dites : « cette fois j’arrête » - enfin, jusqu’à la prochaine fois. C’était un peu comme ça que l’on pouvait résumer cette séance du lundi : on a fait la fête vendredi parce que Powell avait laissé entrevoir la possibilité d’une baisse des taux et puis on a un peu réfléchi pendant le week-end, on a relu la transcription du speech – parce que non, presque personne ne l’a vraiment écouté – et on s’est dit qu’il y avait encore un peu trop d’obstacles avant le 17 septembre.

L’Audio du 26 août 2025

Télécharger le podcast

Des remords et des regrets

Alors on ne va pas dire que l’on regrettait la soirée de vendredi – euh pardon, la journée de vendredi – mais pour être franc avec vous, j’ai quand même l’impression qu’on avait quand même deux-trois remords d’avoir couru après le marché sans avoir trop de raisons d’y croire. Alors oui, Powell a été plus DOVISH que HAWKISH, mais entre vous et moi, j’ai quand même connu des colombes un peu plus enthousiasmantes ces dernières années. En résumé, ce qu’il faut retenir c’est qu’en PRINCIPE, les taux vont baisser en septembre – et j’insiste sur le terme « EN PRINCIPE », parce qu’il y a encore des obstacles à franchir. Des obstacles comme le PCE de vendredi qui est attendu à +2,6 % sur un an, stable par rapport à juin. Mais le “CORE” grimperait à +2,9 % – le CORE PCE c’est celui où on enlève la bouffe et l’essence, parce que ça bouge trop, et on mesure la tendance de fond des prix. C’est lui qui sert de boussole officielle à Powell pour savoir s’il doit bouger ses taux – en gros s’il sort à 2.9% ou au-dessus, les 85% de croyants qui ont mis des cierges à l’église pour la baisse des taux, vont se barrer en courant pour aller sacrifier un agneau en style vaudou pour tenter de sauver les derniers espoirs. Ces angoisses faisaient partie du stress latent de la séance d’hier.

Bref, tout le monde a un peu levé le pied hier, en se disant que le patron de la Fed avait peut-être parlé un peu trop vite et que nous avions un peu interprété un peu trop bien. Effectivement à aucun moment de son discours, Powell a offert la moindre garantie. Au contraire, si vous regardez entre les lignes, on a quand même l’impression que n’importe quel chiffre économique qui sera publié entre maintenant et le 17 septembre, a le pouvoir de tout faire capoter dans la direction des faucons. On appelle ça un “hangover trade” : on se fait des illusions le vendredi et le lundi c’est le brutal retour sur terre. Hier les volumes étaient maigres, signe que personne n’osait vraiment se positionner parce qu’en plus de tout ça, Nvidia publiera demain soir après la clôture. Nvidia, le seul titre qui, à lui seul, peut faire bouger le S&P500 comme une boule de flipper. Bon après, je dramatise peut-être un peu beaucoup, parce que la baisse était somme toute mesurée. Mais bon, pour une fois que ça baisse et qu’on n’achète pas tout et n’importe quoi avec l’argent de la tirelire du petit dernier, il fallait le signaler. Le Dow Jones reculait de 0.77%, le S&P500 abandonnait ses niveaux records pour revenir de 0.43%, le Nasdaq baissait de 0.22% et Nvidia – malgré ses publications de demain, parvenait quand même à grapiller 1.02%, à quelques centimètres de son record historique. À noter que Tesla a légèrement avancé de +1,9 % sans raison – si ce n’est le nouveau procès lancé par Musk, Intel a reculé après la confirmation que l’État US prenait une participation (oui, vous avez bien lu : finalement l’État actionnaire, ça sent la soviétisation du chip et on n’aime pas trop la politisation de la bourse, parce que ça ne finit jamais bien – eh oui, sinon la dette américaine ne serait pas de 38’000 milliards). Et côté corporate, Keurig Dr Pepper a chuté de 11,5 % après son deal à 18,4 milliards pour racheter JDE Peet’s. Comme quoi, il y a des cafés qui sont quand même plus chers qu’à la rue du Rhône…

Le rallye de vendredi qui tourne au vinaigre

En Europe, même ambiance : Stoxx600 : -0,4 %, DAX : -0,4 %, CAC40 : -1,6 %. Paris a été la pire, tout spécifiquement plombé par le génialissime Bayrou qui a décidé de mettre son gouvernement au vote de confiance le 8 septembre. On ne sait pas s’il aura le vote de confiance de ses congénères politiciens, mais visiblement, du côté investisseurs c’est pas le mot « confiance » qui vient en premier à l’esprit. Il faut dire que le budget du clown de Matignon n’est pas non plus le budget le plus sympathique de l’histoire pour le Français moyen. Et d’autant plus quand vous avez le Premier Ministre qui vous explique que vous allez devoir faire des efforts pour corriger les conneries d’une bande de tocards qui ont dépensé plus qu’ils gagnaient pendant que l’économiste en chef écrivait des bouquins interdits aux moins de 18 ans. La pilule est dure à avaler et visiblement, le 10 septembre, va pas falloir avoir envie d’aller faire du shopping à Paris. Bref, la France n’avait plus confiance et je serais Bayrou, je commencerais à faire mes cartons.

On notera aussi pas mal de pression sur le secteur éolien, Orsted s’est pris 16% dans les dents après que Trump ait suspendu son projet éolien aux US – quelle surprise – message subliminal : « L’énergie verte ? Pas chez moi. » Forcément, Vestas, Siemens Energy et compagnie ont pris cher et auraient donné cher pour être resté un jour de plus en week-end.
Heureusement, il y a eu quelques survivants : Puma qui bondissait de +16% (elle est facile celle-là) grâce aux Pinault qui envisagent de céder leur participation, et JDE Peet’s qui a flambé de 17 % parce que Keurig Dr Pepper paie la note. On en a parlé. En résumé, l’Europe a ses propres problèmes, mais les angoisses des taux américains et des chiffres de Nvidia ne poussent pas à l’enthousiasme exacerbé en début de semaine. En Suisse on suivait le mouvement, sans grande raison fondamentale, mais comme Novartis et Roche se repliaient tous les deux, la motivation est restée au placard, puisque même les upgrades d’hier n’ont pas été salués à leur juste valeur. Entre autres sur Logitech.

L’inquiétude se propage

Les marchés asiatiques sont aussi dans le rouge ce matin. Ne cherchez pas des justifications ailleurs, la seule et unique raison du dégonflement de l’Asie, c’est encore une fois la même chose qu’aux USA et qu’en Europe. On est un lendemain d’hier et on a la trouille pour demain. La Chine consolide à haute altitude quand même après avoir affiché des plus hauts de plusieurs années, Hong Kong a lâche 0.15%. – c’est pas non plus le sell-off et force est de constater que depuis plusieurs semaines, la région commence à faire preuve d’une résilience assez dingue compte tenu des chiffres économiques. Le Japon recule de 1% à l’heure où je vous parle. Et puis, encore une conséquence du stress induit par les résultats de Nvidia demain soir, Les fournisseurs et investisseurs liés au géant de l’IA, de SoftBank à SK Hynix, ont tous reculé.

Du côté du baril, on est en mode « Pas de deal, pas de paix, mais un baril qui grimpe : la guerre s’enlise ». Le fait que les négociations s’enlisent et que Moscou déclare qu’aucune rencontre n’est prévue, continue de motiver le baril et on reparle des sanctions de Washington sur le pétrole russe. Le WTI est à 64.45$, l’or est à 3’421$, le Bitcoin s’enfonce sous les 110’000$ et le rendement du 10 ans est à 4.29%.

Breaking News – Trump vire Lisa Cook

Et pendant que les marchés baissaient tranquillement, Trump a décidé de publier un nouveau volet de la série “La Maison Blanche contre la Fed”. Il a annoncé, l’air de rien, qu’il virait Lisa Cook, gouverneure de la Fed et première femme afro-américaine à siéger au Board. La version officielle, c’est pour “fraude hypothécaire” (elle aurait déclaré deux résidences principales, ce qui n’est pas légal). Et officieusement, Trump a juste trouvé une nouvelle opportunité de placer un de ses pions à la FED, comme il l’a fait avec Miran – (si vous voulez tout comprendre, y a une vidéo ici : https://youtu.be/MYV8CF99D74 qui vous explique le concept…). Powell va commencer à se sentir vachement seul pour ses derniers mois en tant que Chairman de la FED. Il reste néanmoins un problème à gérer, légalement, le président PEUT virer un gouverneur “pour faute grave”, mais la Fed n’est pas une agence comme les autres et le licenciement n’est pas aussi simple qu’au BLS. Autant dire qu’on part sur un combat judiciaire homérique qui pourrait finir devant la Cour Suprême. Lisa Cook ne compte pas se laisser faire, et Elizabeth Warren a déjà sorti le lance-flammes en qualifiant Trump de “putschiste monétaire”. Et j’ajouterai : pas que monétaire, puisque Trump a quand même réussi à déclarer que « les Américains aimeraient bien avoir un dictateur à la Maison Blanche »… Entre le Kremlin et Washington, on va commencer à trouver que notre Conseil Fédéral est quand même vachement cool, même si parfois on leur reproche leur manque de vigueur.

Sur l’affaire Cook, les marchés n’ont quasi pas réagi. Un petit affaiblissement du dollar, une courbe des taux qui s’est un peu pentifiée… mais rien de dramatique. Comme toujours avec Trump, c’est du bruit de court terme… mais qui, parfois s’accumule dangereusement. Et puis n’oublions pas qu’en virant Lisa Cook, Trump tente de prendre un peu plus le pouvoir à la FED et la mort de l’indépendance de la FED ne sera pas sans conséquence pour les marchés. C’est pas moi qui le dit, c’est Lagarde. Pendant ce temps, Elon Musk est en train de dépenser son pognon en frais d’avocat avec un autre épisode du grand cirque de la finance. Il a lancé deux procès en même temps contre Apple et OpenAI. Pour monopole et entrave à la concurrence. En gros, il accuse Apple de favoriser ChatGPT dans l’App Store, ce qui bloque son propre bébé, xAI, et son chatbot Grok. Résultat : Tesla monte un peu, Apple bronche à peine et OpenAI n’est pas coté et répond que c’est du harcèlement et qu’ils ont d’autres chats à fouetter. Bref, Musk continue son show habituel : quand il ne fabrique pas des fusées, il fabrique des procès et bricole des partis politiques. Autrement, Mercedes veut vendre sa participation dans Nissan, Nissan n’a pas trop aimé ça à Tokyo ce matin. Lutnick promets des updates cette semaine sur les 550 milliards de dollars qui doivent être investis aux USA dans le cadre des accords liés aux droits de douane. Et puis, à propos de droits de douane, Un haut négociateur chinois – à priori Li Chenggang – débarquera à Washington cette semaine pour relancer le dialogue commercial, sur fond de trêve tarifaire prolongée jusqu’en novembre. Au menu : discussions avec la Maison-Blanche, le Trésor et le business US, histoire de calmer le jeu sur les terres rares et la tech. Trump, qui rêve déjà d’un sommet avec Xi, parle même d’un voyage en Chine — parce qu’entre deux menaces de tarifs, il adore promettre une « grande relation type BFF».

Nvidia, le juge de paix

Nous sommes mardi matin et tout le monde a déjà les yeux fixés sur demain soir. Demain soir, Nvidia publiera ses résultats. Et là, c’est simple : soit ça rassure tout le monde et le marché repart en fanfare, soit ça déçoit et tout le château de cartes s’écroule. Quand on sait que Nvidia pèse 8 % du S&P500, on comprend pourquoi les investisseurs sont tétanisés. On pourrait oser parler de « bulle », mais en ce moment c’est très mal vu de dire du mal de l’industrie de l’IA, puisque c’est celle qui va nous rendre très très riches. Alors en attendant, on continue de battre la musique en rythme avec l’orchestre.

Mais demain soir, ça sera chaud – si vous voulez tout avoir ce qu’il faut attendre et surveiller demain soir, voici une vidéo toute prête pour ça et vous aurez la même mercredi soir vers minuit pour débriefer les chiffres du géant de l’IA.

Pour le reste, il y aura les chiffres du Core CPI au Japon dans un moment. Puis cette après-midi, il y aura les Durables Goods aux USA, ainsi que la Confiance du Consommateur. Ça on va en reparler demain ! D’ici-là, passez une excellente journée méditez bien sur Nvidia, prenez des notes et à demain !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“There are only two ways to live your life. One is as though nothing is a miracle. The other is as though everything is a miracle.”

― Albert Einstein