En mille sept cent quatre-vingt-neuf les Français avait pris la Bastille. Apparemment, cette après-midi François Bayrou va se prendre la Bastille dans la tronche. C’est une figure de style, bien sûr, mais toujours est-il que dès ce soir, l’actuel Premier Ministre français devrait avoir à peu près autant de valeur que le quotient intellectuel de la classe politique française réunie dans sa totalité. Bref, le vote de confiance devrait remettre en question, l’avenir de la France et le niveau d’implication des autorités européennes et du FMI. La dette pourrait devenir un problème et tout ça pour deux jours fériés. Mais pendant que Bayrou fera ses valises on va reparler de l’inflation.

L’Audio du 8 septembre 2025

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La France et le reste du monde

Alors oui, du côté de chez nos voisins la préoccupation première sera évidemment le vote de confiance. Pas sûr que cela perturbe pour autant les réflexions de nos amis Américains qui ont quand même d’autres soucis bien plus importants. Des soucis comme des chiffres de l’emploi qui sont à peu près aussi qualitatifs que les deux mandats d’Emmanuel Macron, ou encore le fait que les taux vont baisser le 17 septembre, oui, mais qu’en attendant on va encore avoir les chiffres du CPI et que ça pourrait quand même poser quelques problèmes de réflexion, histoire de savoir si on baisse de 0.25% ou alors si Powell va se lâcher et baisser de 0.5%. Et il y a même un membre de la Fed, Austan Goolsbee, qui a même lâché ce week-end qu’il ne fallait quand même ne pas faire n’importe quoi et qu’on devait AUSSI considérer l’aspect de l’inflation.

Un discours fin et délicat qui risque bien de faire de lui le prochain ennemi juré de Trump qui a tendance à ne pas trop aimer les gens qui sont membres de la FED ET QUI NE LUI lèchent pas les bottes. On peut déjà imaginer que Goolsbee sera probablement le prochain membre de la FED à être impliqué dans un scandale immobilier ou d’avoir envie de retourner enseigner dans une école au fin fond du Minnesota. Et puis, pendant que nous vivrons le suspense insoutenable de l’attente des chiffres du CPI et que Macron sera en train de passer des coups de fil à Pole Emploi pour savoir s’ils ont quelqu’un qui est globalement incompétent, avec pour expérience d’avoir vécu au crochet de l’État pendant toute sa vie et qui aurait envie de se faire haïr par 70 millions de personnes qui pourrait éventuellement remplacer François Bayrou pendant une petite quinzaine, il va aussi falloir composer avec la nouvelle affaire Google qui pourrait bien foutre un joli merdier en Europe si Trump décide de s’en emparer à bras le corp… Ce qui – entre nous soit dit – à l’air d’être le cas.

Google et le braquage américain

Vendredi dernier, vous l’avez peut-être vu entre deux bouteilles de Côtes-Rôties ; Google-Alphabet se sont pris une amende de la part de Bruxelles. On leur reproche d’avoir abusé de leur position dominante du côté de la pub digitale… Le montant de l’amende est de 3.5 milliards. Presque ce que vous risquez de payer pour un excès de vitesse dans notre merveilleux pays depuis que les génies qui nous dirigent ont inventé via sicura. Ce montant gigantesque est une goutte d’eau dans la mer pour Google. Surtout qu’ils ont 110 milliards de cash. Ils pourraient largement faire livrer le montant de l’amende en billet de 5 euros, juste pour faire rigoler l’administration européenne qui va devoir recompter. Mais le problème c’est plutôt une question d’ego.

Le Président Trump n’a pas du tout aimé l’amende et il l’a pris personnellement. Il estime que c’est injuste et que c’est du racket anti-américain et que tout cet argent aurait pu être utilisé pour investir aux USA et créer des jobs aux USA. Il a donc immédiatement répliqué qu’il allait étudier le problème et que ça pourrait bien se terminer en « nouvelles taxes douanières pour l’Europe ». Alors oui, je sais, ça n’est pas une nouvelle surprenante venant de Trump. Mais disons que je crois sincèrement que là tout de suite, l’Europe aurait pu s’en passer. Pour l’instant on n’en sait pas plus, mais disons que ça pourrait nous revenir comme un boomerang durant la semaine. Ça nous fait donc un sujet de discussion supplémentaire en attendant le CPI…

L’emploi au fond du bac..

Comme nous sommes lundi matin et qu’on ne s’est pas encore parlé depuis les chiffres de l’emploi, il faudra quand même se souvenir que déjà après les chiffres de l’ADP de jeudi dernier, on avait bien compris que c’était pas l’euphorie du côté des jobs, avec 54’000 jobs créés, pendant qu’on en attendait 75’000. Mais les NFP’s étaient pire encore. C’est d’ailleurs un chiffre qui aurait normalement dû faire flipper les marchés. Mais pas cette fois. Oui, parce qu’en ce moment, toute publication d’un chiffre merdique voudra dire que Powell n’a plus d’autre choix que de baisser les taux. C’est devenu tellement caricatural que ça en est risible.

Les NFP’s étaient donc catastrophiques. Il n’y a rien d’autre à dire en termes de description.
Seulement 22’000 jobs créés, contre 75’000 attendus. Et le chômage qui grimpe à 4,3 %. En clair : l’économie américaine est officiellement en mode COVID long.

Le plus drôle –– ce sont les révisions.

• En juillet, on pensait avoir 79’000 jobs créés. Finalement, un petit coup de baguette magique et hop, révisé un poil à la hausse.
• Et puis en juin, alors alors là… c’était mythique. On en est à la troisième révision, et cette fois ça finit en terrain négatif : MOINS 13’000 emplois.

Franchement, je ne sais pas ce que les mecs du BLS s’injectent dans le sang, mais à côté de ça, la méthode Lance Armstrong, c’était de l’homéopathie. En résumé, la tendance est claire. Le marché de l’emploi US est en train de caler. Mais du côté du marché, on s’en fout complètement parce que qui dit emploi pourri dit Powell obligé de couper les taux le 17 septembre. Les futures pricent 100 % de chances d’une baisse… et même 12 % d’un geste plus gros. C’est officiel : « mauvaises nouvelles = baisses de taux = youpie ».

Et puis, on notera au passage que c’était le premier rapport depuis que Trump a viré la patronne du BLS, jugée « trop négative ». À sa place on a mis un fidèle du boss. Résultat : on nous sert des chiffres qui ressemblent plus à un flingue braqué sur la tempe de Powell qu’à de la statistique. Le message est clair : « Tu baisses les taux ou tu prends la balle. » L’inflation ? On verra plus tard. En conclusion, le marché du travail est en train de caler, on ne parle pas encore de récession ou de stagflation, mais disons que ça se rapproche à grand pas. Pas sûr que le coup de cutter magique du 17 septembre suffise à sauver le soldat emploi.

L’indépendance de la Fed en question

Pour essayer d’être complet, la semaine qui commence va être chargée en information économique et politique et d’ici la fin de la semaine, on devrait peut-être y voir un peu plus clair. Mais en plus de ces échéances, on essayera de ne pas oublier non plus que les droits de douanes made in Trump sont toujours considérés comme illégaux et que l’on attend toujours l’avis de la cour suprême. À ce propos, ce week-end, Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a déclaré qu’il était certain que les tarifs vont tenir à la Cour suprême. Mais si ça saute, il faudra rembourser jusqu’à 1’000 milliards de dollars de droits de douane. En résumé ; soit Trump gagne, soit on assiste au plus gros remboursement de l’histoire fiscale américaine.

Et puis il y a aussi l’indépendance de la FED qui est toujours sous la loupe. On connait le chapitre Lisa Cook, on connait l’histoire de l’arrivée de Miran, mais hier il y a Kevin Hassett, grand conseiller économique de Trump (et favori pour remplacer Powell en mai), qui a juré sur CBS que la Fed doit rester totalement indépendante – même de Trump. Il a rappelé que partout où les politiques mettent la main sur la Banque centrale, ça finit en inflation et pauvreté. Mais derrière la belle phrase, il a lâché le doute : « La Fed actuelle est-elle vraiment indépendante ? » Traduction : Powell n’est plus intouchable et n’est pas si « clean » que ça. Trump n’a jamais arrêté de lui tomber dessus depuis son retour à la Maison Blanche et il avait même envisagé de le virer en direct live, avant de reculer devant la panique des marchés. Résultat : Powell va probablement finir son mandat, mais Hassett se voit déjà en short-list pour la succession. Mais le plus formidable, c’est que ce gars fait partie de la garde rapprochée de Trump et il OSE nous laisser entendre que s’il est élu, la FED restera indépendante ??? Alors bon, moi je sais bien que les « politiques » ont tendance à vouloir nous prendre pour des cons. Mais j’avais AU MOINS l’impression que les mecs essayaient de faire ça discrètement. À l’ère de Trump, ils ne s’en cachent même plus, ils le font ouvertement…

En Asie

Les marchés asiatiques ont démarré la semaine en vert après les chiffres de l’emploi US, qui renforcent l’idée que Powell va couper en septembre. Le Japon cartonne avec +1,5 %, de hausse sur le Nikkei, presque au plus haut de tous les temps. Le PIB du 2eme trimestre a été révisé à la hausse, les exportations sont solides et la consommation privée tient le coup. D’ailleurs, dans la foulée, la BoJ semble moins chaude pour resserrer les taux (ça change d’avis comme de kimono en ce moment). Mais le gros coup de théâtre du week-end, c’est le Premier ministre Ishiba qui démissionne. Et ce, quelques jours seulement après avoir signé un deal commercial avec les US. Résultat, nous sommes donc dans l’incertitude politique à Tokyo, avec des successeurs potentiels beaucoup moins conservateurs fiscalement. Mais dans le doute, autant monter… Côté Chine, c’est plus mitigé : exportations en berne, importations molles, la demande interne reste faible. La Chine et Hong Kong sont légèrement en hausse.

Du côté du baril, l’Opep+ a relevé encore sa production. Depuis avril, Riyad, Moscou et cie ont déjà remis 2,2 millions de barils/jour sur le marché, et jusqu’à 1,65 million de plus pourraient suivre. Le problème c’est que la demande devrait ralentir au T4 et le marché est fatigué, de quoi pousser le Brent sous les 60 $, contre 65 $ vendredi.
Mais la géopolitique brouille les cartes : Moscou a besoin de prix hauts pour financer sa guerre, pendant que Trump veut étrangler le pétrole russe et fait pression sur l’Europe et la Chine. Le baril est à 62.60$. L’or est à 3625$, le Bitcoin vaut 111’000$.

Conclusion

Bref, on attaque une semaine qui ressemble à un menu dégustation : Bayrou en amuse-bouche politique, le CPI US en plat de résistance et le suspense Powell en dessert… avec supplément douanes made in Trump en digestif. Entre une Fed soi-disant « indépendante » (mais avec un flingue sur la tempe), un marché du travail américain qui est malade, et l’Opep+ qui balance du baril comme si le pétrole était gratuit, on a de quoi s’occuper. Les prochaines heures vont se résumer à un seul truc : savoir si Powell va baisser de 0.25 % ou s’il va oser 0.5 % pour montrer qu’il sert encore à quelque chose. En attendant, les marchés font semblant que tout va bien, comme d’habitude, parce que dans ce monde merveilleux : plus ça pue, plus ça monte.

Passez-une excellente journée, un très bon début de semaine et on se revoit demain à la même heure !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Everything you’ve ever wanted is on the other side of fear.” – George Addair