Si vous avez « un peu suivi » les marchés ces derniers jours et que vous avez « un peu » ouvert des journaux, vous savez que le mois de septembre est statistiquement pourri et qu’historiquement parlant, les prochains 30 jours ne jouent pas avec nous. On vient de finir l’été et on a encore les doigts plein de crème solaire et on se souvient que les bourses mondiales ne peuvent pas monter au ciel et que tout ne va pas AUSSI bien que voudraient nous le vendre certains politiques et certains chiffres économiques magouillés par les mêmes politiques. Donc début septembre, on vend, les indices se plantent, on veut liquider ses actions pour acheter des obligations, mais là aussi, ça coince…
L’Audio du 3 septembre 2025
Les taux qui nous échappent
Oui, parce que le vrai sujet du moment, c’est la remontée des rendements obligataires. On n’est plus dans une petite poussée de fièvre au début de l’hiver parce qu’on n’avait pas encore sorti les écharpes, mais carrément dans un accès de tachycardie généralisée : le 10 ans US à 4,3%, le 30 ans à 5%, le français à 3,60% sur le 10 ans et 4.63% sur le 30 ans – merci à François Bayroufakis qui a réinstauré la confiance – même le 10 ans allemand montait à 2.78%. À ce rythme, on dirait presque que les obligations veulent se venger de 15 ans de maltraitance monétaire. Mais alors pourquoi ça monte si vite ? Parce que spoiler alerte : ce n’est pas “juste l’inflation”. C’est un cocktail explosif qui se compose de déficit public délirant, de politiques monétaires malmenées, d’investisseurs qui perdent confiance, et de Trump qui continue de prononcer le mot « droits de douane » toutes les 12 secondes.
Wall Street : ça commence mal, mais ça finit “moins pire”
Les Américains sont donc revenus de week-end et on se sont soudainement souvenus que nous étions en septembre. Ils ont éteint leurs écrans vendredi, on était en août, c’était l’été et on parlait piscine et barbecues. Ils sont revenus mardi, il pleuvait, il faisait gris et on se demandait où était rangé ce foutu parapluie ! Et en plus ils avaient trop bu pour fêter le travail la veille. Un cocktail idéal pour commencer une semaine de merde. Semaine qui va se finir par les chiffres de l’emploi et on se disait que finalement, on avait quand même connu des premières semaines de septembre plus tranquilles. Enfin, sauf quand Lehman a glissé sur ses positions optionnelles, a perdu le contrôle et que le reste du monde merveilleux de la finance a suivi le mouvement.
Bref, bonne ambiance à l’ouverture de New York : le Nasdaq s’effondre dès l’ouverture : Nvidia, Tesla, Amazon, tout le gratin de la tech se prend une claque. On a eu droit à un petit -1.7% en quelques heures et en regardant la gueule de taux on s’est dit : « Oups, mais que se passe-t-il ? Le Krach serait-il en marche et nous aurait-on rien dit ??? ».
Et puis, on s’est souvenu que ça faisait 91 séances qu’on n’avait pas baissé de plus de 2% sur les indices américains, que nous étions pas loin de la moyenne mobile des 50 jours et du coup, on s’est dit que ça ne serait pas ce soir – LE KRACH et qu’on allait quand même passer de 91 séances sans correction de plus de 2% à 92 séances sans correction de plus de 2%. Et on a appliqué la bonne vielle stratégie qui dit que quand l’Europe ferme au fond du trou, il est temps d’appliquer le BUY THE DIP !!!
Résultat : le S&P 500 termine en baisse de 0,7% (au lieu du -1,7% de l’après-midi), le Dow à -0,55% et le Nasdaq à -0,8%. Le VIX, lui, a fait son show : +25% en intraday avant de retomber, mais quand même +11% au compteur. En résumé ; la peur est un peu revenue, mais on est encore loin, mais alors très loin de la panique généralisée. En revanche, ce qui est intéressant, c’est de chercher la raison du malaise d’hier. Non, parce qu’il ne suffit pas de me dire que tout le monde a vendu parce que c’est le mois de septembre. Non. Cette fois on a quand même des réactions sur les taux qui ne sentent pas le parfum de la bière fraîche à côté de la côte de bœuf qui grille doucement sur les braises du barbecue. Oui, on l’a vu hier, les obligations mondiales ressemblent à un bateau qui prend l’eau de partout. Et forcément, quand les rendements s’envolent, les actions perdent un peu de leur superbe…
Europe : la politique refait surface
Côté vieux continent, c’était pas mieux hier. Le CAC limitait la casse avec 0.7% de baisse et après avoir suffisamment cotisé la semaine dernière, tout en étant conscient que lundi prochain le gouvernement allait exploser à moins que Bayroufakis trouve le moyen de faire un miracle. Mais franchement, je crois qu’il est plus probable de voir le Premier Ministre remporter le marathon de Paris devant les Kényans, plutôt que de le voir encore Premier Ministre mardi prochain. En attendant, le marché limite la casse, mais se bourre de Xanax pour préparer la semaine prochaine. Le DAX s’est pris la GROSSE BAFFE du jour : -2.2%, ça tapait tellement fort sur le DAX que pendant un instant, on a cru que Macron avait demandé l’asile politique à Berlin. Bref, je ne vais pas vous gâcher le suspense, l’Italie, l’Espagne, la Suisse, et donc, le Stoxx 600, se sont tous fait la laminer. Et pourquoi ? Ben parce que de ce côté-ci de l’Atlantique, tout le monde flippe sur la dette AUSSI. La France est en mode roulette russe avant son vote de confiance du 8 septembre. L’Assemblée pourrait bien exploser façon puzzle, Marine et Jordan rêvent dissolution express, et Mélenchon continue de penser qu’il est le Roi de France et personne n’a encore pensé à l’interner. Résultat : les obligations françaises s’écroulent, et les investisseurs se disent que la politique européenne, ce n’est pas juste des politiciens inutiles et trop payés qui passent du temps à Bruxelles, mais c’est aussi un vrai merdier budgétaire.
Et puis alors, comme si ça ne suffisait pas, comme si notre réflexion de début septembre n’était pas encore poussée à son paroxysme, l’inflation en zone euro est remontée à 2,1%. Pas de quoi paniquer, mais assez pour se poser des questions sur les devoirs de la BCE lors de cet automne. Là tout de suite, les taux directeurs de la BCE ne vont pas bouger, mais je suis certains que la nébuleuse qui gravite autour de Christine ont pris note du chiffre d’hier et qu’il sera mis à l’agenda du prochain meeting de la Banque Centrale Européenne, juste après le chapitre « conséquences et emmerdements générés par l’effondrement politique de la Macronie ». Meeting qui est d’ailleurs prévu le 10 septembre. Juste avant le CPI américain…
Après les incendies de forêt cet été, voici les incendies sur les taux
Au vu de la photo globale d’hier et de la préoccupation principale des intervenants, il y a donc une question qui se pose et c’est la suivante : Pourquoi les taux flambent ?
Voici donc une petite liste qui n’a l’air de rien si vous prenez chaque point individuellement, mais qui ressemble au dernier bouquin de Stephen King si l’on réalise que tout ce qui se passe là, c’est maintenant et en même temps !
Le premier point, c’est les déficits publics américains qui sont un gouffre sans fond
Le Trésor US, c’est devenu une machine à imprimer des bons du Trésor comme une photocopieuse qui s’est emballée. Déficit 2024 : environ 1’700 milliards de dollars. Déficit 2025, ça sera pire encore, avec Trump qui balance des baisses d’impôts promises à ses électeurs et qui refuse de couper dans les dépenses. En gros : on dépense comme des rockstars qui fêtent la fin de leur tournée mondiale tout en n’étant pas très sûrs que le public continuera d’acheter les tickets.
Le problème c’est que quand l’offre d’obligations explose (parce que l’État doit emprunter toujours plus), il faut trouver des acheteurs. Et pour convaincre les investisseurs, il n’y a qu’une solution : payer plus. D’où la hausse des rendements.
Second point, la Fed est piégée entre Trump et Powell
On en a beaucoup parlé ces derniers temps : la vie de Powell n’est pas simple en ce moment et il y a peu de monde sur la planète qui échangeraient leurs vies contre la sienne. Oui, la Fed est coincée. Powell sait qu’il doit baisser les taux pour calmer l’économie et rassurer les marchés, mais il doit aussi checker l’inflation pour ne pas qu’elle reparte comme une balle magique. Mais Trump le menace à chaque discours et est en train de gangréner la FED de l’intérieur. Résultat : la Fed souffle le chaud et le froid, annonce une baisse “prochaine” mais laisse filer les rendements longs. Les investisseurs commencent à avoir l’impression que Powell est complètement largué et qu’il est dans le poste de vigie du Titanic : il voit l’iceberg, mais la communication ne passe pas auprès du commandant de bord.
Et là, c’est le chaos : si la Fed coupe les taux courts trop vite, le marché obligataire voit ça comme une preuve de panique. Si elle attend, on hurle à la récession. Dans les deux cas, les taux longs montent, parce que les investisseurs exigent une prime de risque pour compenser l’incertitude. Et avec les taux longs qui montent trop, les actions deviennent fébriles.
Le troisième point, c’est justement l’inflation qui n’est pas vraiment sous contrôle
Officiellement, l’inflation est “maîtrisée”. Dans la vraie vie, les prix du pétrole repartent, l’alimentation reste élevée, et les salaires continuent de grimper. Les investisseurs n’y croient plus : ils exigent une protection contre le risque que l’inflation reparte. Et qui dit protection dit taux plus élevés.
Quatrième point : la confiance des investisseurs qui s’effrite
Autre problème : la demande obligataire. Avant, la Chine, le Japon et l’Europe achetaient des tonnes de Treasuries. Aujourd’hui, la Chine se désengage (merci la guerre commerciale), le Japon doit soutenir son yen en vendant du dollar, et l’Europe a ses propres déficits à financer. Résultat : moins d’acheteurs “naturels”, donc les États-Unis doivent séduire des investisseurs privés, qui eux… demandent un rendement beaucoup plus gras.
Cinquième point : les droits de douane de Trump : le grain de sable qui grippe tout
Et puis il y a BIEN SÛR, la politique commerciale. Une cour d’appel a jugé que les tarifs douaniers de Trump étaient illégaux, mais maintenus jusqu’au 14 octobre. Trump veut pousser le dossier à la Cour Suprême. Ces taxes, c’est un jackpot pour le Trésor (des dizaines de milliards chaque année). Si elles disparaissent, le déficit se creuse encore plus, donc… il faut emprunter encore plus, à taux plus haut. Vous voyez venir la boule de neige ???
Et puis y a la France…
En France, on appelle ça la routine : un gouvernement en crise, un déficit qui explose, des hausses d’impôts en embuscade, et la France qui sera paralysée le 10 septembre et en plus, sans gouvernement pour gouverner. Mais cette fois, certains commencent à dire que ça pourrait mal se finir. Et si la France était le prochain Lehman Brothers ? La mèche qui va enflammer l’économie mondiale.
François Bayrou, parachuté Premier ministre par Macron pour “sauver le budget”, joue sa survie politique avec un vote de confiance le 8 septembre. Ses réformes sont symboliques : gratter deux jours fériés, ralentir la croissance des dépenses. Bref, un sparadrap sur une hémorragie. Résultat : il est déjà à deux doigts de finir comme son prédécesseur Barnier, dans la poubelle de l’Histoire. Et si l’on en croit les chaînes d’infos françaises, c’est pas les consultations de cette semaine qui vont y changer quelque chose.
Le problème de fond est simple : la France vit au-dessus de ses moyens.
• Dépenses publiques : 58% du PIB.
• Impôts : 47% du revenu, record quasi mondial.
• Déficit prévu : 5,7% du PIB (probablement 6%).
• Dette : 113% du PIB, et plus si on rajoute la part européenne.
Tu prends ça, tu mélanges avec une croissance molle et une population déjà surtaxée, et tu comprends pourquoi les marchés commencent à sentir le roussi. Les taux français dépassent déjà ceux de la Grèce et du Portugal – joli CV pour la deuxième économie de la zone euro. Le ministre des Finances, Eric Lombard, lâche même le mot “FMI” du bout des lèvres. Rien que ça, ça fout la trouille aux investisseurs.
Et c’est là que ça devient mondial. Trois bombes potentielles :
Les banques françaises
SocGen -10% en une semaine, BNP -8%. Les hedge funds ont flairé l’aubaine : shorter les banques françaises, c’est le “France is bust trade”. Pourquoi ? Parce que les dettes d’État français représentent 3% des actifs bancaires et 71% de leur capital de base. Si l’État déraille, les banques trinquent. Et si les banques trinquent, vous connaissez la suite : panique, retraits massifs, bref, on se rejoue la Grèce en 2010 mais en version XXL.
La contagion
Souvenez-vous de la Grèce : une petite économie qui a failli dynamiter tout l’euro. Là, on parle de la France, troisième dette mondiale derrière les US et le Japon. Si Paris tombe, les marchés vont chercher la prochaine victime. L’Italie ? L’Espagne ? Le Royaume-Uni déjà fragile ? L’effet domino peut partir très vite.
Le spectre du Frexit monétaire
Tout le monde fait semblant d’aimer l’euro, même Le Pen. Mais dans un coin de la tête, une idée germe : sortir de l’euro, revenir au franc, dévaluer massivement. Résultat : exports dopés, dette étrangère divisée par deux (en valeur réelle), inflation en prime. Tentant politiquement, mais cauchemardesque pour la zone euro et les investisseurs mondiaux. Parce qu’un défaut déguisé de la France, c’est un séisme pour toutes les banques et fonds exposés.
Conclusion
Dit autrement : la France n’est pas juste un problème français. Avec 3,35 trillions d’euros de dette, elle est assise sur une bombe nucléaire financière. Et si Bayroufakis saute le 8 septembre, si les banques craquent, si les marchés paniquent… ce ne sera pas “la crise française”, mais le déclencheur d’une crise globale.
C’est ça le vrai risque : on croyait que le danger venait des US, de la Chine ou de la dette émergente. Mais le prochain cygne noir pourrait porter un béret et manger des croissants. Alors oui, ça fait pas mal de « si » et la France n’est pas la Grèce. On pourra facilement trouver des contre-arguments à tout cela. Mais le problème n’est pas tant la France elle toute seule, c’est le reste PLUS la France qui font que les rendements s’envolent et que l’odeur de la peur réapparaît..
Quand même d’autre news…
Alors oui, je sais, c’est long ce matin. Mais c’est pas ma faute si y autant de trucs à dire !!! On continue donc en passant rapidement sur le sujet des sociétés qui étaient à la mode hier et qui pourraient l’être encore aujourd’hui.
• Kraft Heinz se coupe en deux : une partie globale (Philadelphia, sauces, Mac & Cheese), une partie US (Oscar Mayer). Le marché panique : -7%.
• Pepsi voit le fonds Elliott Investment Management entrer dans son capital avec 4 milliards avec la ferme intention de secouer le cocotier. Elliott, c’est Paul Singer derrière.
• Apple dévoile l’iPhone 17 le 9 septembre : version “Air” ultra-fine. Suspense : le prix en Chine, si c’est mal calibré ça sera un flop et aussi fou que ça puisse paraître, tout le monde s’en fout. Du nouvel iPhone.
• Google respire : Chrome est sauvé, pas de démantèlement. +7% en after-hours. Mais attention à la chute des moteurs de recherche : l’IA grignote déjà une partie du business selon le Barron’s.
• Broadcom publiera jeudi soir : croissance IA prévue à +60%. Tout le monde attend la surprise après les déceptions relatives de Marvell et Nvidia.
• Tesla a vendu seulement 600 voitures en Inde depuis début juillet. Musk, lui, préfère rêver de robo-taxis IA au Texas, mais le titre est en dépression et sa thérapie n’avance pas.
En Asie la couleur est rouge
Les marchés asiatiques sont tous en baisse ce matin. Évidemment dans le sillage de la faiblesse de Wall Street et plombés par l’incertitude autour des droits de douane américains.
En Australie, l’ASX 200 recule de 1% : la croissance plus forte que prévu du PIB réduit les espoirs de nouvelles baisses de taux. En Chine, les indices CSI 300 et Shanghai Composite cèdent près de 1%, victimes de prises de bénéfices après un mois d’août euphorique malgré des PMI solides. On continue avec la même thématique qu’hier. Le Hang Seng perd 0,4%, tandis que les valeurs technologiques et semi-conducteurs chinoises marquent le pas. Et finalement, Le Japon recule de 0.7% et creuse ses pertes depuis l’ouverture, pendant que la Corée du Sud résiste avec un KOSPI à +0,3%, mais l’ensemble de l’Asie reste dominé par la prudence.
Du côté du pétrole, ça continue de monter. Le baril est à 65.40$, l’or est à 3’600$, c’est THE PLACE TO BE. Et pendant ce temps, le Bitcoin est à 111’000$ et le rendement du 10 ans US est à 4.28%, ça se replie UN PEU. Mais un peu seulement…
Conclusion : quand les taux mènent la danse
On l’oublie parfois, mais la Bourse n’est pas une bulle déconnectée : elle est esclave des taux.
Si les rendements obligataires continuent de monter, c’est tout le modèle qui craque :
• Les valorisations tech explosent (parce que les cash-flows futurs valent moins),
• Le financement des entreprises coûte plus cher,
• Les États s’endettent dans le vide,
• Et les investisseurs préfèrent des obligations à 5% “sans risque” plutôt que de courir après des actions à PER 40.
Le vrai danger c’est que ce mouvement de taux ne soit pas un simple accident de rentrée, mais le début d’un cycle de défiance durable. Parce que la dette mondiale n’a jamais été aussi lourde, et qu’il suffit d’un petit décrochage de confiance pour transformer un marché tendu… en krach obligataire. Et là, il faudra oublier septembre, oublier la FED, oublier la réunion de la BCE, oublier les droits de douane à 39% : ça sera Halloween avant l’heure.
Désolé d’avoir été aussi long et encore je vous ai fait grâce du discours de Xi-Jinping qui pense que le monde fait face à la paix ou à la guerre en fonction de ce que fera Trump. Je ne sais pas si on doit se sentir rassuré que le leader chinois mentionne la paix, ou terrorisé parce que tout repose sur Trump !
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Thomas Veillet
Investir.ch
“Le temps n’est plus où les ministres claquaient du doigt, et ça obligeait tout le monde à changer. (…) Ce n’est pas au ministre de décider des méthodes de lecture.”
François Bayroufakis, futur ex-Premier Ministre de la Macronie