Nous sommes le 21 octobre 2025. Il y a dix jours on ne parlait que de terres rares et de conflit commercial avec la Chine. Donald Trump était à deux doigts de fermer les restos chinois de Washington et d’envoyer la garde nationale à Chinatown pour régler le problème, les marchés étaient en panique et les investisseurs respiraient dans un sac en papier. Mais aujourd’hui les indices sont tous plus ou moins au plus haut de tous les temps et le moindre espoir que ce soit sur la Chine, sur le crédit, sur les taux ou sur le Shutdown, fait que les marchés s’envolent sans se poser la moindre question.

L’Audio du 21 octobre 2025

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Wall Street respire (et Apple inspire)

Hier, pendant un instant, si on avait attentivement écouté le « bruit du marché », je pense que l’on aurait pu entendre comme un « aaaaahhh » collectif de soulagement. Oui, du soulagement, parce qu’après pas mal de séances d’hésitations et de séances d’hésitations très volatiles où l’on ne savait pas trop où aller – sauf en haut, bien sûr – on a ENFIN pu profiter d’une séance de hausse. Une vraie séance avec des vraies motivations qui montrent que tout va bien et que la seule direction que l’on doit prendre, c’est la direction de la hausse…

Aux États-Unis, l’ensemble des indices ont terminé en forte hausse, le Dow Jones a pris +1,12%, le S&P 500 +1,07%, le Nasdaq +1,37% et le Russell 2000 a explosé de 1.9%, parce que les taux bas qui arrivent, c’est vraiment trop cool. Bref, tout le monde était content, même ceux qui ne savaient pas pourquoi. Si l’on doit VRAIMENT chercher une raison officielle, on peut aller chercher du côté de la « détente commerciale entre Washington et Pékin » – oui, encore une – il faut noter que c’est tous les débuts de semaine que Trump fait son mea-culpa sur la Chine. Ça fait déjà deux fois de suite et on a l’impression qu’il se répète sans que rien ne change. Mais peu importe, le marché est tellement à la recherche de motivation que même répéter la même chose est suffisant pour faire monter les indices deux lundis de suite. Donc là, aux dernières nouvelles, après avoir menacé la Chine de 100% de surtaxes parce qu’elle exportait moins de terres rares, Donald Trump a finalement reconnu que c’était “pas viable”. En gros Trump a déclaré :

“j’ai aboyé, j’ai fait du bruit, mais je ne vais pas mordre parce qu’ils sont quand même sympas ces Chinois et puis les vapeurs que j’ai magné au Panda Lunatique la semaine dernière étaient quand même pas mal et je ne vais quand même pas me fâcher avec Monsieur PING”.

Les marchés ont retrouvé la foi.

Les investisseurs se sont dit : “Ouf, pas de nouvelle guerre commerciale ce lundi, on peut racheter de la tech.” Je ne cesse d’être étonné, surpris, bluffé, voir même je serais tenté de dire « it’s amaaazzing » comme Wall Street passe en deux jours de la panique thermo-nucléaire à l’euphorie d’un panda sous bambou artificiel. Et puis comme si la décontraction de Trump et de sbires qui veulent trouver des solutions avec la Chine ne suffisait pas, on a aussi entendu dans les milieux autorisés qu’il se pourrait que FINALEMENT, éventuellement peut-être, le SHUTDOWN trouve une issue cette semaine. Alors ça c’est une PUTAIN de bonne nouvelle qui mérite quand même qu’on aille au plus haut de tous le temps avant demain soir. Oui, d’accord j’ironise un peu. J’ironise parce que contrairement au marché, je tente de me rappeler ce que l’on disait et ce que l’on écrivait il y a encore 4 jours. JE CITE :

« Les marchés ne réagissent pas au SHUTDOWN, parce que statistiquement, il sait qu’une fois que le SHUTDOWN sera réglé, le ralentissement induit par ce dernier, sera compensé en quelques jours »

Donc ON N’A PAS PEUR DU SHUTDOWN et il n’a pas d’impact sur les marchés. Mais par contre, dès que y a plus SHUTDOWN, c’est bullish. Des fois je me dis que l’on devrait secouer la tête pour égaliser le sable, mais je crois que ça ne servirait à rien ; quand le marché veut monter, quand le marché est euphorique, il trouvera des signaux bullish n’importe où, que ce soit dans le marc de café ou dans la panse de brebis farcie, ça n’a aucune importance. Concluons donc sur ce sujet : à ce jour les États-Unis sont toujours en “shutdown” : le gouvernement est paralysé parce que Républicains et Démocrates ne sont d’accord sur rien. MAIS il se pourrait qu’un miracle se produise d’ici la fin de la semaine. Pour le moment, vu que tout est fermé, il n’y a pas de chiffres économiques, mais on va quand même publier le CPI vendredi parce que c’est trop important pour la FED de la semaine prochaine. DONC les gars ont été rechercher les mecs du BLS (Bureau of Labor Statistics) qui sont en pyjama devant Netflix depuis 3 semaines ET QUI NE SONT PAS PAYÉS, pour leur demander de VITE nous bricoler un chiffre pour savoir où en est l’inflation. Quand on sait comment ils sont mauvais quand ils bossent et qu’ils sont payés, je n’ose même pas imaginer l’inverse, mais peu importe, on aura un chiffre de l’inflation qui sortira vendredi et qui sera sous contrôle pour que Powell puisse tranquillement baisser les taux la semaine prochaine…

Apple : le retour du Messie

Et puis, dans l’Euphorie d’hier, Apple a refait surface, et cette fois, ce n’est pas juste pour un nouveau câble à 39 dollars. L’action a bondi de 4,6 %, portée par un enthousiasme qu’on n’avait plus vu depuis Steve Jobs. La raison : l’iPhone 17 se vend comme des petits pains, surtout sa version “de base”, qui grimpe de 31 % en Chine. Les consommateurs trouvent enfin qu’Apple offre un bon rapport qualité-prix — comme quoi on n’a pas les mêmes valeurs. Aux États-Unis, les opérateurs financent à coups de subventions, histoire de rendre le luxe abordable à crédit et Apple redevient “cool” même sans inventer grand-chose, ni offrir trop d’innovation. Les analystes, eux, s’emballent : un iPhone pliable pour 2026 à 2’000$, un tout en verre pour 2027, et surtout “Apple Intelligence”, la revanche maison sur l’IA, prévue pour l’an prochain. Un téléphone à 2’000$. On espère qu’il fait autre chose que d’aller sur TikTok, sinon ça fait un poil cher et puis, bonus du jour : en coulisses, on bosse sur des robots domestiques. Super. Certains restent sceptiques, craignant un feu de paille, mais pour l’instant, la Pomme brille à nouveau. Et à Wall Street, ça suffit pour crier au miracle. Apple était au plus haut de tous les temps hier soir et Nvidia n’est bientôt plus seule dans les boîtes qui valent plus de 4’000 milliards.

Pendant ce temps, Amazon s’offrait aussi une hausse de +1,61%, malgré un petit détail : AWS a planté la moitié d’Internet. Fortnite, Airbnb, Reddit, Snapchat, Canva… tous down pendant des heures. Mais bon, quand tu t’appelles Amazon, tu peux planter le web et quand même prendre 1,5% en Bourse. Le privilège des géants sans doute. Mention spéciale à Cleveland-Cliffs, l’aciériste américain, propulsé de +21% après avoir annoncé vouloir se lancer dans la production de terres rares aux États-Unis. Timing parfait : la Chine vient justement de renforcer les contrôles sur ces métaux stratégiques. Et puis dans la catégorie “mauvaises nouvelles qui font du bien”, Zions Bancorp a annoncé une fraude de 50 millions, mais un bénéfice de 222 millions. Résultat, le titre a pris 4.6% hier soir, après s’être pris 15% dans les dents pour une fraude/perte de 50 millions. Zions a tout passé en pertes, déposé plainte, et promis que c’était “un cas isolé”. Et pendant ce temps, Western Alliance (qui avait prêté aux mêmes escrocs) a aussi pris +4 %. Finalement, à Wall Street, tant que la fraude est bien gérée, tout va bien.

Paris, la tour Eiffel et ses musées… et ses nausées

Avant de passer au reste, il faut encore faire un détour par Paris. En dehors du fait qu’ils ont un nouveau gouvernement de clowns qui se prennent pour des stars, qu’un de leurs anciens Présidents part en taule ce matin et qu’il a été invité à bouffer à l’Élysée par le Président actuel et que l’on peut rentrer au Louvre et se servir plus facilement que d’aller piquer une barre chocolatée au supermarché, mais que c’est la faute de PERSONNE et que la dette française a été downgradée, le CAC40 se rapproche de ses plus hauts historiques. Et pour être franc, sans la BNP, ça serait plié depuis hier soir.

BNP Paribas a pris une claque monumentale en Bourse : –7,7 % en une seule séance. Tout ça pour une affaire judiciaire explosive aux États-Unis. La banque française est accusée d’avoir été complice de crimes commis au Soudan sous le régime d’Omar el-Béchir, entre 2002 et 2008, période où le pays était sous sanctions internationales. Des victimes soudanaises affirment que BNP a permis au régime de financer ses opérations meurtrières en contournant les interdictions américaines. Un tribunal fédéral de New York vient de juger que la banque pouvait être tenue responsable civilement — un verdict que BNP conteste vigoureusement. Mais pour l’instant, ils vont quand même devoir payer de dommages et intérêts à trois victimes, laissant la porte ouverte à 20’000 autres victimes qui pourraient venir réclamer leur dû. La défense parle d’une “mauvaise interprétation” du rôle de la banque, rappelant qu’elle avait déjà payé une amende record de 8,9 milliards de dollars en 2014 pour des faits similaires. Le marché, lui, a retenu une seule chose : le risque judiciaire est de retour. BNP affirme que cette décision “n’a aucune portée nouvelle”, mais le marché, lui, entend : “ce n’est pas fini.”

En Asie

Les marchés asiatiques ont démarré la journée en mode euphorie, portés par la paix commerciale (temporaire) entre Washington et Pékin et le coup de boost venu de Wall Street. Résultat : en Asie, tout le monde suit le mouvement — le CSI 300 chinois grimpe de 1,3 %, le Shanghai Composite de 0,8 %. Donald Trump, lui, annonce qu’il s’attend à un accord “très fort et équitable” avec Xi Jinping au sommet de l’APEC. Dans ses mots, il faut comprendre : « on va faire semblant de s’aimer un peu avant de se retaper dessus dans quelques temps ». Et pendant ce temps, au Japon, la Bourse s’envole, dopée par la possible arrivée de Sanae Takaichi, qui pourrait devenir la première femme Premier ministre dans les heures qui viennent. Étant donné que le Nikkei a pris 10% depuis que « l’on espère » qu’elle sera élue, autant vous dire qu’il y a intérêt qu’on ne nous la fasse pas à l’envers. En même temps, si l’on se réfère à la psychologie boursière ; si elle est élue, on vendra la nouvelle « parce que c’était dans les prix » et si elle n’est pas élue, on vendra la nouvelle parce que c’est pas une bonne nouvelle. Mais attention, pas une mauvaise nouvelle qui fait monter les marchés, il reste encore CERTAINES MAUVAISES NOUVELLES QUI SONT VRAIMENT mauvaises, surtout au Japon.

Le pétrole craint l’offre excédentaire et se traite à 56.87$, l’or est au plus haut de tous les temps, comme tous les jours. Là tout de suite, on est à 4’360$, le Bitcoin est dans le coma à 108’000$ et le rendement du 10 ans US passe officiellement sous les 3.98% – ce qui est censé signifier une certaine inquiétude, mais là tout de suite, tout le monde s’en fout parce que Trump est BFF avec Monsieur Ping, le SHUTDOWN est presque terminé et Apple va vendre des téléphones à 8’000$ qui offriront des massages et en prenant l’option ROUES à 48’000$, ça fera une trottinette.

Les trucs du jour à retenir

Ce matin, les actions des groupes miniers australiens ont flambé après l’annonce d’un accord de 8,5 milliards entre Washington et Canberra sur les métaux critiques. L’accord a été signé par Donald Trump et Anthony Albanese et le deal vise à sécuriser les chaînes d’approvisionnement en terres rares et métaux stratégiques. Des titres comme Iluka, Pilbara ou VHM ont littéralement explosé, tandis qu’Alcoa a gagné +10 % grâce à son projet de récupération de gallium en Australie – oui moi non plus je ne sais pas ce que c’est. Les deux pays investiront plus de 3 milliards $ dans les prochains mois, avec jusqu’à 5 milliards $ de financements potentiels. En toile de fond : la volonté de réduire la dépendance à la Chine, qui domine toujours le marché mondial des terres rares. Quelle surprise.

Et puis, comme tout va bien et que rien ne peut nous arriver, on notera quand même que les ETF à effet àlevier explosent littéralement aux États-Unis. On en compte désormais 701, un record historique, soit deux fois plus qu’il y a trois ans. Rien qu’en 2025, près de 200 nouveaux ETF de ce type ont vu le jour,. C’est du jamais vu. Au total, plus de 800 ETF ont été lancés depuis janvier, battant déjà le record annuel de 2024. Résultat : le marché américain compte désormais plus de 4’500 ETF actifs. Donc plus de 20% avec effet de levier. Un chiffre qui n’illustre qu’une seule chose : l’appétit pour le risque est revenu, et il est très fort. On a très faim.

Ce qui nous amène assez logiquement à parler de ce qui ne va pas – et au chapitre tout le monde s’en tape : les premiers signaux d’alerte réapparaissent sur le marché des prêts à effet de levier américain. Il s’oriente vers sa plus forte perte mensuelle depuis 2022, après les défauts de First Brands et Tricolor Auto, révélant des failles dans tous les coins. L’effondrement de First Brands à lui seul a provoqué plus de 4 milliards $ de pertes par contagion, ce qui a touché des stars comme Blackstone, PGIM ou Franklin Templeton. Et pourtant, le marché reste en plein boom : 404 milliards d’émissions au troisième trimestre 2025, un record. Désormais estimé à 2’000 milliards de dollars, ce segment du crédit commence à montrer ses fissures, malgré la frénésie apparente. Mais encore une fois, tout le monde s’en fout parce que : GREED IS GOOD…

Les chiffres

Pour le reste, on continue la saison des résultats avec : L’Oréal, Vivendi, Eurofins, Unicredit en Europe et puis du côté US, ça va commencer à chauffer, GE Aerospace, RTX, Intuituve Surgical, Lockheed Martin, Northrop, 3M, GM, Coca-Cola et Philip Morris et ce soir after close, il y aura NETFLIX ! Enfin du sport. Il y aura aussi Texas Instruments…

Bref, on est en plein délire euphorique. Les marchés montent parce que Trump sourit à Xi, parce qu’Apple vend des téléphones qui coûtent un rein, parce que le shutdown “n’est presque plus un problème”, et parce qu’on adore se raconter que tout va bien. On a des signaux d’alerte un peu partout : le crédit craque, les ETF à levier explosent et je ne parle même pas des autres indicateurs, mais tout le monde s’en fout, parce que le vert sur l’écran, ça rend heureux. Et comme toujours à Wall Street : tant que le trend est ton ami et que Trump il est gentil, ça va bien se passer.

Excellente journée à tous et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

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