Pour être franc avec vous, j’ai l’impression d’être dans un jour sans fin. Chaque matin est le même et chaque séance boursière est la même. On parle des mêmes choses encore et encore, rien de concret n’en sort vraiment, mais en même temps rien ne nous fait peur et on continue à trouver du bon dans tout ce qui se passe. Le SHUTDOWN est donc terminé, c’est Trump qui l’a dit et comme c’était tout de la faute des Démocrates, on peut ressortir de chez nous et reprendre nos activités habituelles. Le seul petit couac, c’est qu’il semblerait que nous vivions une rotation de secteur « out of MAG7 » et « in value ». En gros on veut bien encore acheter, mais on n’est pas sûr pour l’IA.

L’Audio du 13 novembre 2025

Télécharger le podcast

Combien de temps

Reste juste à savoir combien de temps tout ce cirque va durer. Mais il vrai que depuis quelques temps, on voit des titres que plus personne ne voulait qui sont en train de se réveiller et le plus étrange c’est que c’est l’Europe qui en profite. Si l’on prend le temps de regarder le marché avec peu plus de recul ; depuis que les intervenants sont debout sur la table pour fêter la fin du Shutdown, c’est surtout les marchés du vieux continent qui en profitent. La France est en hausse de 3.5% depuis le début de la semaine et c’est sûrement pas à cause de son gouvernement, la Suisse est en hausse de 4%, l’Italie fait de même et même si l’Allemagne n’est pour une fois pas la locomotive de la hausse, il est assez frappant de voir que les USA ne montent pas tant que ça pour fêter la fin de la fermeture du gouvernement.

Ou alors il faut regarder le Dow Jones qui frise les 3% de hausse depuis lundi et qui vient d’afficher deux records historiques de suite, pendant que le Nasdaq et le S&P (dans une moindre mesure), sont à la traîne. Alors oui, il semblerait que pour célébrer la fin du SHUTDOWN, ça soit devenu la mode d’acheter des valeurs défensives. Je ne sais pas s’il y a une logique rationnelle dans ce changement d’attitude ou si c’est juste le fait qu’il y a encore des gens qui sont restés bloqués sur les nombreuses déclarations qui circulent dans les couloirs et dans les médias et qui disent que la Tech c’est trop cher et que l’IA c’est encore plus cher que trop cher. Mais une chose est sûre, soudainement il semblerait que la qualité d’une boîte qui paie des dividendes soit devenu plus attrayant qu’une boîte qui construit et qui investit dans des datas centers comme si ça ne coûtait rien. Là tout de suite. À l’heure où je vous parle, j’ai l’impression que la « valeur » des choses est redevenue à la mode pendant que nous sommes moins réceptifs aux promesses de croissances délirantes offertes par certaines sociétés.

Pas la fin du monde non plus

Cependant, ne me faites pas dire ce que j’ai pas dit. La tech et l’IA ne montent plus POUR LE MOMENT, mais en même temps, ils ne baissent pas vraiment non plus. C’est juste que les mouvements explosifs auxquels nous étions habitués semblent moins nombreux ou moins dynamiques. Cependant il reste quand même des titres qui s’amusent dans cette ambiance de retour à la gestion de grand-papa et qui sont quand même dans le domaine de la Tech de l’IA et des puces qui font des miracles. Prenez AMD, on en a parlé hier. L’autre boîte qui fait des semi-conducteurs pour l’IA et qui court derrière Nvidia. Eh bien mardi soir ils ont fait une présentation devant les analystes du monde entier pour annoncer qu’ils révisaient leurs objectifs à la hausse pour l’année prochaine. Et pas qu’un peu. Sur l’annonce, le titre a baissé de 2.7%, comme si les intervenants n’avaient pas compris la déclaration d’AMD et qu’ils préféraient quand même acheter du Colgate et du Pepsi pour mettre dans le portefeuille.

Ensuite, after close, le titre a repris 2.5%. Probablement que quelqu’un avait dû lire le communiqué de presse jusqu’au bout. Et puis soudainement, hier c’était l’émeute et AMD a pris 9%. Comme quoi en ce moment, le monde merveilleux de la finance comprend super-vite, faut juste lui expliquer longtemps. Bref, tout ça pour dire qu’au milieu de toutes ces actions défensives, de tous ces « value stocks » qui retrouvent subitement leurs lettres de noblesse, il y a encore de la tech qui s’offre des belles journées. Ceci dit, on voit quand même clairement qu’on est à la recherche d’actions plus défensives, ce qui profite nettement à l’Europe et à la Suisse, et hier, encore une fois, c’était frappant. Les indices européens étaient en folie pour la troisième séance consécutive pendant que les indices américains patinaient dans la semoule comme s’il ne voulaient pas croire à la fin du SHUTDOWN. À moins que soit parce que plus personne ne veut de la tech et comme aujourd’hui si t’achètes pas la tech, le S&P500 ne monte plus, ceci explique cela. Oui, parce qu’il est vrai que si plus personne n’achète de Magnificent Seven, c’est pas loin de 40% de l’indice qui ne fout rien… Ceci explique peut-être cela. Bref, la Suisse est une place de bourse défensive et si – pour une fois – on en bénéficie, on ne va pas se plaindre de voir Roche revenir vers les 300 balles et LVMH casser sa tendance baissière. Pourvu que ça dure…

En Asie

En Asie on se pose des questions et les indices vont dans tous les sens. Comme les investisseurs ont décidé que les valorisations tech, dopées à l’IA depuis des mois, commençaient à sentir le souffre. La rotation de secteur se fait sentir, comme aux USA et en Europe. KOSPI et Hang Seng sont sous pression, logique, leur ADN est ultra-tech. Le Nikkei fait du surplace, mais le TOPIX (moins chargé en tech) grimpe légèrement. Au Japon nous avons également eu l’inflation des producteurs qui était plus forte que prévu, juste de quoi rappeler à tout le monde que la BOJ devra bien finir par bouger un jour ou l’autre. Et pendant ce temps-là, les marchés chinois, eux, vont à contre-courant, ils sont légèrement moins exposés à la tech et ils profitent de la rotation et remontent et remontent gentiment. En gros, là aussi, la tech n’est plus la star du moment, reste à voir combien de temps ça va durer.

Du côté du pétrole, lui qui était en bonne forme depuis quelques jours vient de se prendre une baffe en quelques heures. Avant on jouait la réouverture des USA avec le retour de la consommation qui va avec et depuis hier, avec la publication d’un rapport de l’OPEP qui mentionne des craintes de surplus de stocks, c’est la débandade. Le baril est à 58$ ce matin. Vu que tout ce qui est défensif est à la mode, l’or repart à la hausse et se traite à 4’218$. Le Bitcoin est à 103’000$ et le rendement du 10 ans américain est à 4.07%.

Les sujets chauds du moment

Dans les sujets d’actualité, inutile de vous dire que la signature de Trump qui annonçait la réouverture du gouvernement prend un peu de place dans les médias. Après 43 jours de shutdown, le plus long de l’histoire, Washington a enfin retrouvé le bouton “ON”. La Chambre a voté, Trump a signé, et tout le monde peut retourner faire semblant de gouverner pendant que les fonctionnaires réouvrent leurs bureaux et font la poussière sur la machine à café. C’est donc officiel, la bourse n’en n’avait strictement rien à foutre du SHUTDOWN, mais on est quand même content que ça se termine. Le S&P500 a pris 2.4% sur la période et est même passé par la case « plus haut de tous temps » à la fin du mois d’octobre. De là à dire que Wall Street préfère quand les fonctionnaires ne bossent pas, il y a un pas que je ne franchirais pas.

Côté économie réelle, le shutdown a probablement sabré 1 à 1,5 point de croissance sur le trimestre, les compagnies aériennes vont mettre des semaines à remettre les vols en ordre et les économistes se préparent à une avalanche de statistiques retardées, ce qui risque de faire l’effet d’un réveil un lundi matin après trois mois sans avoir eu accès à sa boîte mail. D’ailleurs à ce propos, on est déjà en train de débattre sur les chiffres qui vont sortir et c’est là que ça sera le plus drôle. Pour l’instant, il semblerait que toutes les données de septembre sont plus ou moins prêtes et on devrait se les prendre sur la gueule dans les jours à venir et en ordre dispersé. En revanche, on a déjà entendu dire que – peut-être – il n’y aurait carrément pas de chiffres économiques pour le mois d’octobre. Ce qui serait super pratique parce que ça fait moins de boulot à rattraper pour ces pauvres gars du BLS et en plus ça permettra de ne pas trop montrer tout de suite l’état de délabrement du marché de l’emploi. En tous les cas, on espère qu’on en saura un peu plus avant le meeting de la FED du 9-10 décembre.

Suite de sujets chauds

D’ailleurs à propos de la FED, ça cause beaucoup en ce moment. On entend dire de plus en plus que les membres votants sont de moins en moins convaincus de l’urgence de baisser les taux en décembre – sauf Stephen Miran – il y a aussi Bostic qui a annoncé qu’il quitterait son poste en début d’année 2026 et à demi-mot, il a tout de même exprimé que l’ingérence pesante de la Maison Blanche ne le poussait pas à rempiler. Et c’est d’ailleurs – au-delà de la problématique des taux – un sujet qui va revenir sur la table ces prochaines semaines. On sait que le remplaçant de Powell sera un homme de Trump et à partir du printemps prochain, ça risque de swinguer sur les taux et à la FED. Et on sait que Wall Street n’est pas trop fan quand la FED est en mode bordel total. On en reparlera ici-même, mais une chose est sûre, les six premiers mois de 2026 vont être intéressants…

Enfin, pour l’instant, le SHUTDOWN est fini, on va profiter de l’effet d’annonce tant qu’il fait de l’effet et attendre jusqu’au 30 janvier, histoire de voir s’ils referment tout encore une fois parce qu’ils ne sont pas foutus de se mettre d’accord.

Passons au chapitre publications du trimestre, Cisco a décidé hier soir de rappeler au monde qu’elle n’était pas qu’une vieille boîte de Networking. Ils ont publié des chiffres canon au-dessus de tout : bénéfices au top, revenus qui surprennent et guidance qui met tout le monde d’accord. L’action s’est envolée de plus de 7% après bourse, portée par un chiffre magique : 1,3 milliard de commandes liées à l’IA. Apparemment, dès que tu prononces “intelligence artificielle”, ça fonctionne encore, même si les gens veulent des défensives. Le networking, son business historique, galope à +15%, et Cisco s’est carrément offert un flirt assumé avec Nvidia via un nouveau switch “full silicone californien”. Les autres branches – sécurité et collaboration – font un peu la gueule, mais personne ne regarde ces chiffres pour le moment. La star, c’est l’IA, et Cisco s’en sert comme d’un projecteur. Après quatre trimestres de croissance et des prévisions qui dépassent ce qu’attendait les experts, la boîte prouve qu’elle peut encore surprendre dans un monde obsédé par les GPU. Résultat : +25% depuis le début de l’année. Pas mal pour un géant que l’on croyait rangé au musée des antiquités technologiques. Et puis, petite histoire croustillante, à l’ouverture ce soir, Cisco traitera à 2$ de ses records historiques à 82$ l’action. Record qui avait été atteint en l’an 2000. Si Cisco était un titre de film, ça serait le retour de la momie…

Les chiffres

Côté chiffres du jour, nous aurons le PPI en Suisse, la production industrielle en Europe et pas encore de chiffres économiques américains. Côté trimestriels, nous aurons Tencent, AliBaba, Siemens, Disney, Applied Material, Deutsche Telekom et Rolls Royce.

Pour le moment les futures sont orientés à la hausse – en hausse d’un quart de pourcent – mais c’est pas la folie non plus. Bref, le shutdown, c’est fini on peut reparler d’autre chose et le thème du moment c’est les titres défensifs, mais on ne sait pas combien de temps on va être défensif. Peut-être le temps qu’on oublie que Michael Burry a accusé les « big techs » de manipuler leurs chiffres pour faire paraître l’intégration de l’IA moins chère qu’elle ne l’est réellement..

Il me reste à vous souhaiter une excellente journée, un très bon café (ou deux) et que votre bircher muesli soit à votre goût. Pour le reste, on se voit demain pour boucler la semaine !

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The essence of strategy is choosing what not to do. »

Michael Porter