Hier, les marchés étaient à moitié fermés pour cause de Veteran’s Day et les volumes n’étaient les plus excitants de l’année. MAIS HEUREUSEMENT, on a pu quand même parler du SHUTDOWN encore et encore. Les choses avancent et on parle même de réouverture dès mercredi prochain. Actuellement, ces espoirs de réouverture sont un soutien considérable pour les marchés. Peut-être même plus en Europe qu’aux USA. Ce qui est bien, c’est que le fait de brasser de l’air au sujet du SHUTDOWN, nous permet d’éviter de parler de ce qui ne va pas puisque le retour des fonctionnaires va faire exploser l’économie. La fin du SHUTDOWN est devenue la solution magique qui fait monter les marchés. Pour l’instant.
L’Audio du 12 novembre 2025
Les défensives
Je ne vais pas vous refaire le film au sujet du SHUTDOWN, puisque l’ensemble des médias ne parlent que des ça, en oubliant souvent de mentionner que le plan à deux balles qui a été bricolé par les stars du gouvernement américain ne sera valable que jusqu’à la fin du mois de janvier. Si d’ici-là, les gars n’arrivent pas à se mettre d’accord (ce qui est plus que probable), ça sera rebelote. Ce qui est une bonne nouvelle, puisque dorénavant, nous savons que le marché monte au début du SHUTDOWN, parce qu’on sait que l’économie rattrape toujours le ralentissement économique induit par ce genre d’évènement. Et ensuite, on monte à la fin du SHUTDOWN, parce que « HEY, c’est quand même une bonne nouvelle parce que ça va repartir ». Et bien sûr, tant qu’à faire, autant monter entre les deux aussi…
Bref, le SHUTDOWN est peut-être une solution pour cacher la merde au chat et faire monter les marchés même quand ça va pas. Mais passons. La séance d’hier était intéressante à plus d’un point, parce que la première chose que l’on retiendra, c’est que le Papy Dow Jones a tout de même terminé au plus haut de tous les temps. Nous sommes à 47’927 points et JAMAIS, Ô GRAND JAMAIS dans l’histoire de l’humanité nous n’avions terminé la séance aussi haut ! Je ne sais pas si l’information est hyper-excitante, une chose est sûre c’est que les vendeurs de casquettes doivent être dans les starting-blocks, à l’idée de voir arriver les 50’000 points, mais autrement, ça excite aussi les journalistes financiers qui ont immédiatement tiré des conclusions en estimant que, je cite : « les valeurs défensives » sont en train de damer le pion aux valeurs technologiques, enfin ».
Savoir raison garder
Bon, on va quand même essayer rester calme avant de commencer à croire qu’être long 3M et Procter et Gamble contre Nvidia va changer nos vies les 10 prochaines années. C’est marrant comme aujourd’hui on pense que l’indice Dow Jones c’est l’indice des « valeurs défensives » alors que dans le Dow Jones, tu retrouves quand même du Nvidia, de l’Apple, du Microsoft, du SalesForce, de l’Amazon et du Cisco… C’est quand même pas les valeurs les plus défensives de la planète. Mais bon, peu importe, ça permet de vendre des journaux en écrivant joyeusement que cette fois c’est bon, c’est le tour des défensives et adieu la croissance.
Sur les 24 prochains mois, j’ai des doutes. Mais en ce qui concerne la séance d’hier, admettons. Il faut dire qu’hier Nvidia a vécu une sale journée avec tout le secteur de la tech, ce qui faisait un peu reluire le reste. Alors oui, le Dow Jones est au plus haut de tous les temps et pas les autres, mais par contre, pour la défense « des autres », il faudra quand même retenir que lors de ses publications trimestrielles d’hier matin, Softbank a annoncé qu’ils s’étaient débarrassés de leur participation dans Nvidia. Ô CRIME DE LÈSE-MAJESTÉ… C’est un scandale, je le conçois, mais toujours est-il que le fonds japonais a décidé de prendre les profits de se concentrer sur autre chose. Alors je vous rassure, ils n’ont pas décidé d’acheter du Coca-Cola et du Johnson & Johnson pour limiter la volatilité du portefeuille, puisqu’apparemment ils veulent encore investir massivement dans OpenAI qui est devenu la pompe à fric du monde de la techno depuis 2 mois… Donc la nouvelle du dégagement a instantanément mis la pression sur Nvidia et ses pairs, le titre perdait presque 3% et le SOX quant à lui, il perdait 2.5%. Pour faire simple et pour résumer : Softbank dégage Nvidia de ses portefeuille, Wall Street dégage Nvidia et le reste de la tech, mais comme le SHUTDOWN touche à sa fin, on a voulu quand même acheter des trucs, alors on a pris du Dow Jones parce que c’est plus diversifié et moins volatile… Et puis y avait aussi CoreWeave…
PAN !
Alors CoreWeave, vous connaissez tous, c’est la pépite de l’IA côté serveurs et data centers. CoreWeave c’est aussi l’histoire d’une boîte qui publie des résultats meilleurs que prévu et qui se fait défoncer de 16% dans la foulée. Avant d’aller plus loin, on va se souvenir que la société est cotée en bourse depuis la fin du mois de mars de cette année. Le titre a commencé à traiter à 33$ avant de taper les 186$ en juin. Depuis, c’est un peu moins facile et avec la tôle d’hier, l’action se traite dorénavant à 88.39$. En gros, ils ont été divisés par deux en moins de six mois. Et pourtant si je me souviens bien, il y a déjà eu deux-trois messages d’alerte durant l’été, histoire de dire que les valorisations étaient un peu « hors-sol », mais bon, faut comprendre, CoreWeave sont dans le cercle de proximité de Nvidia et puis surtout : C’EST DE L’IA, bordel…
Pourtant, si on prend le temps d’observer les chiffres publiés lundi soir, tout allait bien. La société a annoncé une perte de 22 cents par action alors que les « experts » tablaient sur 40 cents, le chiffre d’affaires était au-dessus des attentes. Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. SAUF QUE… Un de leurs partenaires en charge du développement des data centers a pris du retard — problèmes de chaîne d’approvisionnement, de béton, de transformateurs électriques, bref, la totale. Tous ceux qui ont eu à faire avec des corps de métier du bâtiment connaissent le concept. Du coup les clients finaux doivent attendre, et les revenus 2025 sont désormais attendus entre 5,05 et 5,15 milliards, en dessous du consensus de 5,28 milliards. Les marchés ont donc fait ce qu’ils font toujours quand ils voient le mot “retard” dans un communiqué : ils ont paniqué et le titre s’est fait défenestrer. Du côté des analystes on a révisé les targets à la baisse et on commence à se rendre compte que la nouvelle variable qu’il faut commencer à intégrer dans l’IA, c’est les chaînes d’approvisionnement et le coût du béton. De là à qu’Holcim prenne 200% les six prochains mois parce que finalement c’est une boîte qui fait de l’IA indirect, il n’y a qu’un pas.

D’ailleurs, le boss de CoreWeave, Michael Intrator l’a dit lui-même : « les retards seront réglés d’ici au premier trimestre 2026 et que la demande reste “plus forte que jamais” – le vrai défi, ce n’est pas les puces, c’est le béton et l’électricité. On commence donc à être dans un boom de l’IA où la pénurie, ce n’est plus les GPU, c’est le courant pour les faire tourner et le béton pour les héberger.
L’Asie en bref
Les marchés asiatiques ont retrouvé le sourire ce matin, emmenés par Hong Kong qui a bondi de 0.66%, dopé par les technos locales — Xiaomi en tête, parce que la YU7 vient de battre la Tesla Model Y en Chine. Le Hang Seng repasse au plus haut depuis un mois.
Au Japon, l’ambiance était moins festive : SoftBank s’est effondré de 10 % après avoir vendu toute sa participation dans Nvidia (5,8 milliards de dollars), plombant le Nikkei.
Heureusement, Sony a sauvé la mise avec de bons résultats et une révision haussière de ses prévisions. Les futures du S&P 500 gagnent 0,2 %, signe que Wall Street croit encore à la fin du cirque.
Côté pétrole nous sommes à 60.79$ et l’argumentaire tourne autour du shutdown, l’or est à 4’113$, le Bitcoin à 103’400$ et le rendement du 10 ans est à 4.08%.
Les news et le shutdown (encore)
Dans les trucs à retenir, on notera que la patronne d’AMD a annoncé que la boîte compte croître de plus de 35 % par an sur les 3 à 5 prochaines années — bien au-delà des prévisions de Wall Street. Elle vise dorénavant un chiffre d’affaires de 34 milliards dès 2025, et un bond spectaculaire du segment IA Data Center : +80 % par an. AMD promet une marge opérationnelle à 35 % et un bénéfice supérieur à 20 $ par action d’ici 2028, soit deux fois les attentes actuelles. Mais les marchés, eux, ont boudé la grand-messe : le titre a chuté de 2,7% pendant la présentation avant de se reprendre en after-close. Et puis, puisqu’on parle d’IA, Michael Burry refait parler de lui. Le héros du Big Short accuse les géants de la tech — les “hyperscalers” comme Meta, Oracle et compagnie — de trafiquer leurs profits IA en jouant avec la durée de vie de leurs puces et serveurs.
En clair : ils prolongeraient artificiellement la “durée utile” de leurs machines pour réduire les amortissements et gonfler les bénéfices. Burry parle d’un trucage comptable à 176 milliards de dollars d’ici 2028 — et estime que les profits d’Oracle seraient surestimés de 27 %, ceux de Meta de 21 %. Le tout pendant qu’il parie contre Nvidia et Palantir avec près d’un milliard de dollars de puts. Mais attention quand même. La dernière fois qu’il nous a expliqué aussi clairement ce qui se passait et que ça ne pouvait pas fonctionner, tout le monde s’est foutu de sa gueule et il parlait du Subprime…

La Fed vole à l’aveugle. Littéralement.
Pour conclure cette chronique nous allons rapidement revenir sur la fin du SHUTDOWN – oui parce que c’est apparemment le sujet du moment et que l’on se demande à quel moment et comment nous allons procéder avec tous ces chiffres économiques qui nous mentent… euh, pardon… qui nous MANQUENT. Pas qui nous mentent ! Depuis plus d’un mois, les agences statistiques américaines sont à l’arrêt à cause du shutdown. Résultat : plus de chiffres, plus de données, plus de repères. Powell et ses copains de la Fed pilotent l’économie américaine à tâtons et au feeling. Le Bureau of Labor Statistics (le BLS pour les intimes) et les autres agences — celles qui pondent les chiffres sur l’emploi, l’inflation, les ventes de détail, etc. — n’ont rien publié depuis septembre. Et même si le gouvernement rouvre cette semaine, ils vont mettre un moment à rattraper le retard. En clair : la Fed tiendra son FOMC Meeting le 9 et 10 décembre sans les données clés d’octobre et peut-être même sans celles de novembre.
Bref, ils vont devoir décider des taux… à l’instinct.
Les chiffres de septembre sont quasi prêts. Dès que Washington rallume la lumière, on devrait voir tomber les stats sur les emplois, salaires, chômage, heures travaillées. Pareil pour les ventes de détail et les données commerciales. Ça, ça va aller vite. En revanche,
les données d’octobre et de novembre, elles, risquent d’être un peu plus compliquées à obtenir. Les équipes n’ont pas pu faire leurs enquêtes, ni vérifier les prix, ni collecter correctement les infos. Donc soit ça prendra un temps fou, soit ce sera bourré d’estimations. En gros, on va devoir faire confiance à des chiffres “à la louche”. On parle d’obtenir les chiffres de l’emploi d’octobre éventuellement peut-être le 8 décembre, mais c’est même pas sûr. Et tout le reste pourrait arriver le 18 décembre. Trop tard pour que Jerome puisse s’appuyer dessus. La FED est donc dans le brouillard complet, et elle pourrait bien le rester. Ça ne sera donc pas simple de prendre une décision, surtout avec Trump et Miran qui gueulent sans arrêt pour baisser les taux d’au moins 0.5%.
La Fed va devoir décider de sa politique monétaire sans chiffres clés. Et ça, pour une institution qui se dit « dépendante des datas », c’est un cauchemar éveillé. Le marché, lui, va devoir interpréter des signaux approximatifs, des estimations et des modèles privés souvent moins fiables. Bienvenue dans l’économie du labrador, autrement dit : “à l’aveugle”. La prochaine réunion de la Fed ressemblera plus à une séance de spiritisme qu’à une décision rationnelle prise en leur âme et conscience. Amen.
Et maintenant
Côté chiffres de la journée – toujours rien du côté US, parce que rien n’est encore signé – mais on aura le CPI Allemand. Je sais pas, peut-être on peut interpoler la chose, le filer à l’IA et elle pourra en tirer des conclusion utiles pour les 24 prochaines minutes sur le marché US. Autrement, il y aura plein de banquiers centraux qui vont parler – la plupart pour ne rien dire, mais on n’est pas à l’abri d’un dérapage de langage qui pourrait faire patiner le marché.
Du côté des sociétés qui publieront, nous aurons : Cisco, Infineon, EON, Swiss Life, Alcon, RWE, On Holding et Abn Amro.
En résumé, tout le monde s’accroche à la fin du shutdown comme si c’était la solution miracle à tous les maux économiques — alors qu’en réalité, c’est juste une pause avant le prochain round de chaos budgétaire. Le Dow Jones est au plus haut de tous les temps, pendant que la tech se fait secouer et que Powell tente de piloter la Fed sans instruments et au milieu des nuages. L’IA continue de faire rêver (et dérailler) les marchés entre les promesses d’AMD, les accusations de Burry et les déboires de CoreWeave. On aligne les contradictions, on célèbre des records sans conviction et on attend que les chiffres reviennent pour redonner un peu de réalité à tout ça.
Excellente journée à tous, profitez du soleil automnal et on se retrouve demain pour de nouvelles aventures avec de l’émotion, du rire et de l’IA dedans !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Eighty percent of success is showing up”
Woody Allen