Il reste deux semaines avant 2026. C’est pas qu’il y aura de grosses différences. On va reprendre les mêmes histoires, tourner autour des mêmes sujets, des mêmes secteurs, se passer la pommade dans le dos sur l’IA et trouver que l’économie va mal et que c’est bien parce que ça fera baisser les taux. On va ressasser les mêmes sujets, mais ça sera une nouvelle année et on aura l’impression que ça ne sera pas pareil alors que ça sera EXACTEMENT la même chose. En attendant, on est déjà presque à la moitié de la dernière semaine complète de l’année et on a le sentiment que tout le monde a déjà plié la motivation, rangé l’envie et pris son Xanax. Ces deux dernières semaines vont être chiantes.
L’Audio du 17 décembre 2025
L’emploi qui va pas
Lorsque l’on regarde les performances des indices boursiers, ça donne tout de suite envie de retourner se coucher et je crois que ça ne vaut vraiment pas la peine de trop s’y attarder. Aux USA le S&P était légèrement en baisse et le Nasdaq aurait dû l’être également, mais pour une raison que je peine à comprendre, dans la dernière heure de trading, les Hedge Funds auraient couverts leurs shorts profitant de l’absence de certains gros fonds mutuels. Ce qu’il y a de bien avec ce genre de nouvelle, c’est que ça fait hyper-pro et que ça donne vraiment l’impression que le gars qui t’annonce ça est en totale immersion, en totale symbiose avec le marché, alors qu’en fait c’est quasiment impossible de vérifier la véracité de la l’information.
Mais c’est pas grave hier on était le 16 décembre et on était plus préoccupé à réécrire la liste des courses pour le 24 décembre qu’autre chose, on a donc pris la nouvelle pour ce que c’était : Les Hedge Funds ont couverts les shorts et on est remonté sur le Nasdaq… la clôture américaine d’hier soir aura donc été du pipeau de classe mondiale avec des intervenants qui n’ont plus envie, basé sur de nouvelles qui sont tirées par les cheveux, tenez, j’en ai même trouvé d’autres (de nouvelles) qui justifient un rebond en clôture :
« Plusieurs desks macro auraient reçu une info suggérant que la Fed pourrait “requalifier” certains indicateurs emploi dès janvier, ce qui a déclenché des rachats tactiques de shorts. »
« Un gros quant européen aurait dû rebalancer en urgence ses expositions US après un signal de volatilité mal calibré, forçant des achats en clôture »
« Des banques d’investissement auraient réduit leur VaR avant la clôture, provoquant mécaniquement des rachats de positions short devenues trop coûteuses en capital »
« Un assureur américain de taille systémique aurait discrètement renforcé ses couvertures actions, interprété par le marché comme un signal “risk-on” »
« Des flux passifs inattendus liés à des ajustements d’ETF factoriels auraient frappé le marché à la dernière demi-heure, sans lien avec le fondamental »
« Certains hedge funds auraient préféré neutraliser leur exposition avant la publication CPI de jeudi »
« Un desk dérivés aurait été forcé de hedger en delta suite à un déplacement tardif de volatilité implicite, créant une pression acheteuse artificielle »
« Une rumeur évoquant une réunion informelle Fed–Trésor aurait déclenché des algos headline-sensitive, sans aucune confirmation officielle »
« Certains investisseurs auraient interprété la stabilisation du dollar en fin de séance comme un feu vert tactique pour reprendre du risque sur les indices US »…
Vous voyez… que du pipeau, mais bien enrobé, ça peut justifier la hausse du Nasdaq en clôture hier.
En Europe, la France a perdu 0.21%, l’Allemagne reculait de 0.63% et la Suisse avançait encore une fois de 0.15%, se rapprochant encore un peu plus près de ses records historiques. Le grand gagnant du jour, c’est l’UBS qui a été upgradé par Bank of America et qui termine au plus haut depuis 2008 !!! C’est fou, on a retrouvé les niveaux auxquels l’action était quand je suis parti de l’UBS… Incroyable. À cette époque ça faisait deux ans que j’écrivais cette chronique et les subprimes commençaient à coûter cher. Mais assez de souvenirs. Le plus dingue dans tout ça c’est l’explication de la séance en Suisse selon les médias… C’est passionnant, lisez plutôt :
« La Bourse suisse a terminé la séance de mardi de peu dans le vert, les investisseurs perdant au fil de la journée la confiance affichée en matinée. Gardant un œil sur les pourparlers de paix en Ukraine, les détenteurs de capitaux ont peiné à tirer des conclusions très claires, après la publication d’une nouvelle dégradation de la situation en matière d’emploi aux Etats-Unis. »
C’est incroyable, non ?
Il y a un gars qui a pris le temps de rédiger 380 caractères pour expliquer clairement qu’il ne sait absolument pas ce qu’il se passe et qu’il suppose que les intervenants eux-mêmes n’en n’ont aucune idée non plus parce qu’ils « ont de la peine à tirer des conclusions »…
Je crois que c’est pour ça que j’écris des chroniques boursières depuis bientôt 20 ans. C’est pour avoir des matins comme aujourd’hui où tu sens que plus personne n’a envie, que c’est évident qu’on ne sait plus quoi faire ou dire et qu’on a juste envie que l’année se termine, mais que tu veux quand même rester pro jusqu’à la fin. Donc tu racontes n’importe quoi et tu meubles. Exactement ce que je suis en train de faire. Non parce que je vais être très franc avec vous, la seule et unique chose qui justifiait le fait de venir au bureau hier, c’était EFFECTIVEMENT les chiffres de l’emploi. Et EFFECTIVEMENT quand tu vois ce qu’ils ont publié, tu comprends instantanément que ça aurait été plus simple de tirer un trait sur les chiffres de la période SHUTDOWN et de recommencer sur une page blanche en janvier avec des vrais chiffres et des vraies données. Au lieu de venir avec ce qu’ils ont publiés hier et conclure la publication en disant que les chiffres ne sont pas très représentatifs à cause qu’ils sont pollués par le SHUTDOWN…

L’Emploi de l’Oncle Sam part en vrille…
BREF !!! Si on veut vraiment rester pro, on pourra retenir – histoire de meubler les apéros de fin d’année que : Le marché du travail américain ralentit, gentiment, mais sûrement. Le chômage monte à 4,6%. Chiffre qui est déjà au-dessus de ce que la Fed attendait pour fin 2025. Autrement dit : le scénario “tout va bien” commence DÉJÀ à se fissurer.
Globalement, les chiffres de l’emploi sont brouillons : grosse casse en octobre, rattrapage partiel en novembre. Le privé crée encore des jobs, mais de moins en moins, et la moyenne à 6 mois est au plus bas depuis le Covid. Pour donner des chiffres ; on attendait 50’000 emplois créés en novembre, c’est sorti à 64’000. Youpie, on est les champions. Puis en octobre, on a détruit 105’000 jobs. OH MY GOD, c’est une catastrophe. Mais en fait non ! En fait non parce qu’on a une excuse ! Si, si. L’excuse c’est : « les 105’000 jobs détruits c’est pas grave parce qu’en fait c’est 105’000 jobs qui correspondent aux licenciements du DOGE d’Elon Musk qui ont été effectué en début d’année mais comptabilisé uniquement maintenant !!!!
– AAAAAAAhhhhh, alors les gens ils ont pas vraiment perdu leurs jobs ???
– Si, si…
– Ah. Mais alors c’est super moche ?
– Non, parce que c’est du passé ça fait longtemps…
– Ah. Alors ils ont retrouvé un job depuis ?
– Non, mais ça fait longtemps et c’est à cause de Musk et comme Musk aujourd’hui il est devenu encore plus riche à cause de Space X, ça compense.
– …
En gros, les chiffres de l’emploi d’hier étaient merdiques. Ils montraient clairement que l’emploi ralenti et le 4.6% de chômage fait encore plus mal que les 105’000 fonctionnaires qui se sont fait défoncer parle DOGE Department. Le taux de chômage est tout spécifiquement très gênant pour la FED : Powell disait que le chômage ne devait monter que d’un ou deux dixièmes… on y est déjà. Donc chaque dixième de plus = une excuse en or pour baisser les taux. Et puis alors, coup de génie du BLS, ils nous ont ajouté un bonus cette fois, parce qu’ils nous ont dit que les données étaient polluées par le shutdown, les coupes dans la fonction publique et un taux de réponse anormalement faible.
Conclusion :
L’emploi ralentit, la Fed est déjà en retard sur ses propres prévisions, mais personne ne fait totalement confiance aux chiffres. Résultat : « dans la dernière heure de trading, les Hedge Funds auraient couverts leurs shorts profitant de l’absence de certains gros fonds mutuels ». Je crois qu’il est temps de se casser en vacances et de revenir le 15 janvier pour recommencer à zéro, parce que là, j’ai l’impression qu’on vit une époque trop formidable et que ça devient trop clownesque.
Mis à part l’emploi…
Dans les autres trucs que l’on peut retenir, on notera que Musk pèse 676 milliards de dollars, que Telsa est au plus haut de tous les temps et que c’est à nouveau la meilleure boîte du monde, la plus sexy avec le CEO le plus génial. Mais que maintenant, c’est officiel, on s’en fout des voitures électriques et on met tout sur les voitures autonomes, sur les taxis automatiques et les robots qui font le boulot à votre place. On a presque oublié que Musk avait fait un geste – en début d’année – qui aurait pu rappeler un dictateur du passé. En fait non. On n’a pas PRESQUE oublié. On a oublié. Complètement. Tesla c’est génial et pis c’est surtout que ça va doubler en 2026.

Mis à part Musk, il y a le pétrole qui est au plus bas depuis 5 ans. Trop de production, trop d’offre, pas assez de demande et Trump qui certifie que le gallon va aller à 2$. Bon, là ce matin ça remonte parce les Ricains sont en train de se fritter avec les Vénézuéliens et leurs tankers – le WTI est à 55.84$ – mais hier on était à 54.98$ et du coup, je suis allé faire le plein. Je vous confirme : l’essence est à 70 centimes le litres aux States et le Président veut le faire baisser à 50 centimes et nous on est presque à deux balles et même si le prix du brut a baissé de 32% depuis le 15 janvier, en Suisse, on se fait rouler dans la farine au même tarif. Et quand j’écris « rouler dans la farine », c’est pour rester poli. Le pétrole est au plus bas, mais nous on continue à offrir du soutien à nous pauvres pétroliers en difficultés et aussi un peu au fisc. Bien sûr.
Le reste
Le fabricant chinois de puces IA, MetaX, a fait une entrée complètement délirante à la Bourse de Shanghai : +700% le premier jour après une IPO à 600 millions de dollars. Derrière le buzz, le message est clair : la Chine accélère à fond sur les puces IA locales pour se passer des technologies américaines, contraintes par les sanctions US. Et puis autre message : si vous avez pensé un instant que la thématique de la folie de l’IA était morte : tout cru, patate crue… Pendant ce temps, OpenAI discute avec Amazon pour un méga-deal : un investissement potentiel de plus de 10 milliards de dollars (de l’argent qu’ils n’ont pas encore) et surtout l’utilisation des puces IA d’Amazon. Rien n’est signé, mais le message est limpide : OpenAI veut diversifier ses soutiens et ses fournisseurs… et on notera aussi que les montants sont moins flamboyants qu’il y a deux mois… Et pendant ce temps, l’Asie ne fait rien, le Bitcoin ne fait rien et on attend les prochains chiffres macros. En même temps si c’est la même merde que ceux d’hier, autant rentrer à la maison pour décorer un deuxième sapin.
Aujourd’hui nous attendrons l’IFO en Allemagne et le CPI en Europe avec une passion et une excitation que j’ai de la peine à dissimuler. Ensuite, on va lancer le compte à rebours pour le CPI américain de demain et au passage on regardera les chiffres de Micron qui seront publiés ce soir. Pour le moment, les futures S&P500 sont en baisse de 0.19%, il semblerait que – selon des rumeurs – Des prises de profits discrètes de fonds systématiques, déclenchées par des signaux de momentum arrivés en zone neutre, pèseraient mécaniquement sur les futures.
Oui, ça aussi c’est du pipeau, mais c’est pas moi qui ai commencé ! Passez une très belle journée et à demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
“Life can only be understood backwards; but it must be lived forwards.”
― Søren Kierkegaard