La Monthly Review de Nicolas Blanc, Responsable de l’allocation chez ELLIPSIS AM.

Points clés 

  • Powell valide l’optimisme général
  • Combien de temps faut-il attendre les effets d’une hausse des taux?
  • Immobilier US: baisse des promesses de vente

Nicolas Blanc, Responsable de l’allocation, Ellipsis AMLa perception du risque inflationniste a connu une nette amélioration au mois de novembre, dont la publication de l’indice des prix américains pour octobre a été le catalyseur. Notons que les données publiées en Europe en fin de mois ont également indiqué une pause dans la hausse des prix.

Ces publications ont redonné de la crédibilité à l’hypothèse que les pressions inflationnistes sous-jacentes reculaient, sous l’effet du resserrement déjà engagé des taux monétaires, de l’amélioration des chaines de production, de la normalisation du marché de l’emploi et du reflux des prix des matières premières. Les marchés ont immédiatement supposé que cette évolution permettrait un pivot de la Fed, le point haut des Fed Funds anticipé par le marché repassant sous la barre des 5%.

Ces évolutions favorables ont redonné du crédit au scénario de soft landing, car cette baisse de l’inflation ne s’accompagne pas – pour le moment – d’une baisse significative de l’activité. En Europe, on est loin de l’effondrement économique que la guerre en Ukraine avait fait craindre. Les PMI de novembre ont d’ailleurs surpris à la hausse, en se maintenant – à 47.8 – à un niveau suggérant seulement un léger ralentissement, un message confirmé par le reste des indicateurs avancés.  Des solutions ont été trouvées pour l’approvisionnement en gaz, à des prix il est vrai très élevés mais accompagnés par des mesures de soutien de grande ampleur. Le coût économique de la crise pour la zone, qui résulte de la forte dégradation des termes de l’échange, est ainsi reporté dans le temps.

Aux US, la conjoncture apparait en amélioration au T4, comme le montre l’indice GDP Now de la Fed d’Atlanta, qui estime un niveau de croissance instantané supérieur à 4%. La consommation reste un facteur de soutien important, les ménages puisant dans leurs réserves d’épargne et contractant des emprunts pour pallier la baisse de leur revenu disponible. Du coté des entreprises également l’investissement est resté élevé, grâce à une profitabilité toujours porteuse et des difficultés de recrutement.

C’est en Chine que l’incertitude est la plus grande, notamment en raison de la politique 0-Covid, qui expose l’économie à des confinements à répétition. Cependant, la contestation populaire de ces mesures contraindra les autorités à des assouplissements. Notons également que le ralentissement chinois a des effets régulateurs sur la situation inflationniste globale. On peut lui attribuer par exemple une partie de la baisse du pétrole, tandis que ses effets sur l’offre manufacturière globale sont limités.

L’optimisme qui prévaut pourrait toutefois être remis en question : -les quelques données publiées sur l’inflation sont aujourd’hui trop peu nombreuses pour constituer une réelle tendance à la baisse ; -l’effet des hausses de taux n’est pas encore transmis à l’économie. Ce processus prend généralement plusieurs trimestres, et la publication des indicateurs d’activité est elle-même retardée. L’économie mondiale pourrait donc déjà être dans une phase de ralentissement beaucoup plus marqué que ce que l’on peut observer aujourd’hui ; -la hausse récente des marchés a considérablement amélioré les conditions financières. Or celles-ci sont la courroie de transmission principale de la politique monétaire. Face à la hausse des marchés, la Fed pourrait devoir faire passer un message plus hawkish.

Le rallye actuel ne marque donc probablement pas la fin de la crise que traverse l’économie mondiale à la suite de la pandémie. Les perspectives pour les actions en 2023 sont donc assez peu attrayantes, entre des risques de récession plus forte qu’attendu qui entrainerait une baisse des profits ou une résistance de l’inflation qui créerait une pression sur les taux.

Powell valide l’optimisme général

Dans un discours prononcé en dehors des communications officielles du FOMC, le président de la Fed a agréablement surpris les marchés en se positionnant de manière équilibrée entre les positions accommodantes et restrictives défendues au sein du Comité. Il a indiqué concrètement que les incréments de taux allaient diminuer, et ce dès décembre, où une hausse de 50bp semble donc acquise.

Concernant l’inflation, sa vision est optimiste en ce qui concerne les biens « core », pour lesquels l’amélioration des chaines de production va effacer les effets de la pandémie, ainsi que le logement, où la baisse des nouveaux loyers est masquée par le retard pris par les indices pour les intégrer. Pour le reste des services, les prix dépendront surtout des salaires, lesquels croissent à un rythme de 1,5% à 2,0% trop élevé. Ce propos suggère que l’ajustement du marché de l’emploi n’est pas si loin (la croissance des salaires est en baisse), ce qui permettrait d’envisager un terme proche pour la hausse des taux. Pour y parvenir, toutefois, l’équilibre du marché de l’emploi ne pourrait être atteint qu’avec une réduction de la demande.

Celle-ci pourrait ne causer qu’un ralentissement léger (soft landing), mais à condition que les offres d’emploi baissent sans hausse significative du taux de chômage, une possibilité qu’il n’a pas exclue.

2022.12.02.Salaire horaire US

Combien de temps faut-il attendre les effets d’une hausse des taux?

Si la politique monétaire a souvent des objectifs retreints à la sphère monétaire (pour la Fed, le niveau de l’emploi est aussi un objectif), elle agit inévitablement sur l’activité économique. En effet, la transmission de la politique monétaire peut se schématiser de la manière suivante :

  1. Transmission des conditions monétaires à l’ensemble des taux d’intérêts de l’économie (taux hypothécaires, taux des prêts commerciaux, des dépôts, …)
  2. Effet des variations de taux sur les comportements d’investissement et de consommation des agents, qui agissent suivant quatre canaux: -Epargne / investissement (incitation à épargner ou emprunter), -Effet richesse (valorisation des patrimoines), -Effet revenu (variation des charges ou revenus d’intérêt), -Effet de change (prix des biens importés).
  3. Enfin, les comportements des agents vont se répercuter sur la demande globale, laquelle va déterminer les évolutions des prix et des salaires.

L’ensemble de ces étapes se déroule avec un délai important après que la banque centrale a annoncé une inflexion dans ses objectifs monétaires, que l’on estime en général à deux ans. Si les marchés anticipent très vite les conséquences d’un simple discours de la banque centrale, les agents économiques prennent beaucoup plus de temps pour modifier leur comportement. Cette situation constitue une difficulté intrinsèque pour la politique monétaire et une source d’incertitude pour les marchés.

A titre d’illustration, nous avons observé, sur les 70 dernières années les hausses des taux monétaires américains et les écarts subséquents de croissance par rapport à la moyenne. La variation de taux est mesurée sur un an et celle de la croissance sur les deux années suivantes. Le résultat est présenté sur le graphe suivant:

2022.12.02.Croissance US

L’effet d’une hausse des taux de l’ordre de 5% (qui est anticipée aujourd’hui) est une perte de croissance de 2,5% par rapport à la tendance précédente, pendant les deux années qui suivent.

Dans le cas présent, considérant une croissance moyenne l’ordre de 2,5%, ces données suggèrent (avec une marge d’erreur assez importante toutefois) une croissance nulle en moyenne pendant les deux années qui vont suivre le point haut des taux, c’est-à-dire jusqu’au milieu de 2025.

Immobilier US: baisse des promesses de vente

Le niveau des promesses de ventes a prolongé sa tendance par une baisse de 4.6% en octobre, totalisant 4 baisses successives. Sur un an glissant, ce sont 40% de promesses de vente en moins. Cet indicateur précède les ventes effectives, avec un mois d’écart entre les deux. On notera également que les délais de vente se sont légèrement allongés, passant de 19 à 21 jours.

Ce ralentissement est principalement attribuable à la hausse des taux hypothécaires, qui ont dépassé les 7% pour refluer récemment autour de 6,60%, un niveau qui constitue toujours un frein sensible à la demande. L’immobilier agit donc déjà négativement sur l’économie, au travers de l’activité de construction et de l’effet richesse.

2022.12.02.Promesses de ventes US

Source : Ellipsis AM 01/12/2022

 


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