La note macro de Nicolas Blanc, Responsable de l’Allocation chez Ellipsis AM.

Un peu à l’image des grands couturiers, les services économiques des banques d’investissement présentent en ce moment leurs collections pour la saison à venir, c’est-à-dire leur jeu de prévisions sur l’activité réelle et sur les évolutions des marchés. Le pouvoir prédictif de cet exercice est historiquement faible mais c’est une figure imposée par l’usage, qui donne aux investisseurs un cadre consensuel de référence pour apprécier la réalité future, évidemment toujours imprévue.

Il ressort de l’échantillon que nous avons pu consulter une assez grande unité de vues, autour des éléments suivants.

La conjoncture devrait accélérer en 2020. Pour l’ensemble des commentateurs, il s’agira d’un minicycle, localisé sur la fin de la longue phase de reprise consécutive à la grande crise. La réduction des risques politiques en sera le moteur principal. Le ralentissement observé depuis 2018 étant largement imputé à la guerre commerciale et celle-ci étant entrée dans une phase de règlement, le choc qu’elle a engendré va se résorber graduellement. S’agissant d’anticiper des décisions de Donald Trump, la prudence est de mise. Il est toutefois certain qu’une nouvelle escalade des attaques commerciales serait suicidaire à moins d’un an des élections. Ses décisions récentes contre le Brésil et l’Argentine et ses menaces contre l’Europe peuvent être vues comme des diversions.

La politique monétaire va rester accommodante globalement. De nombreuses banques centrales ont suivi la Fed et l’assouplissement des conditions financières qui en a résulté va graduellement se diffuser à l’économie (en facilitant les financements, ce qui soutient l’investissement et diminue les défauts des entreprises). La hausse des salaires, visible dans toutes les économies émergées, ne devrait pas créer de pression notable sur la dynamique inflationniste, en raison d’un affaiblissement structurel de la relation de Phillips.

La politique budgétaire devrait également contribuer à soutenir la demande. Les institutions internationales et même la BCE en Europe multiplient les appels à la dépense publique, que des taux exceptionnellement bas peuvent facilement financer. L’élection américaine et le soutien face aux sanctions en Chine plaident aussi dans ce sens. Les effets du ralentissement de 2018 sont réversibles. On a vu une baisse de l’investissement, qui pourrait rapidement se corriger en cas d’éclaircissement de l’environnement, mais la consommation et le marché de l’emploi sont restés bien orientés (le rythme de créations de postes a diminué mais est resté positif).

Les bilans privés sont solides – ils sont globalement en situation d’épargne nette –, ce qui leur permet de faire face à des chocs de revenus ou de confiance. L’hypothèse de l’éclatement d’une bulle parait donc moins probable dans ces conditions.

Les indicateurs avancés semblent indiquer un rebond de l’activité industrielle, qui donne corps à l’ensemble des éléments précédents. Il y a un consensus unanime sur le fait que la reprise attendue sera un «mini-cycle», tant par sa durée que par son ampleur, qui sera moins prononcée qu’en 2017. De nombreuses difficultés structurelles tempèrent en effet l’optimisme:

  • si la crise commerciale semble stabilisée, le climat général des échanges devrait être durablement modifié et les gains liés à la mondialisation (spécialisation géographique) devraient diminuer;
  • des problématiques de fin de cycle vont peser, particulièrement aux US, avec une offre sur le marché de l’emploi de plus en plus contrainte.
  • A plus long-terme, la démographie, l’endettement élevé, le dénuement des banquiers centraux en cas de choc inattendu, la faiblesse tendancielle des gains de productivité et le coût astronomique d’une transition énergétique effective obscurcissent l’horizon.