Les ennuis provisoires durent souvent plus longtemps que prévu. Ainsi en est-il de l’inflation. Même si la Fed et la BCE continuent de la qualifier de «transitoire», elle préoccupe de plus en plus investisseurs, producteurs et consommateurs.

Olivier de Berranger
Olivier de Berranger, CIO, LFDE

Certains membres de la Fed eux-mêmes commencent à s’en émouvoir. Les minutes transcrivant leur dernière réunion en attestent, un nombre croissant d’entre eux estiment que les bénéfices des injections actuelles de liquidités dans le système commencent à être contrebalancés par les effets négatifs, à savoir l’inflation.

Mais toute inflation n’est pas n’est pas du ressort des banques centrales, même si sa maîtrise constitue pourtant leur mission commune. Il faut nuancer.

Alexis Bienvenu, Fund Manager, LFDE

Tout d’abord, «reflation» n’est pas «inflation». La première correspond à une remontée des prix qui succède à un niveau perçu comme excessivement bas. Par exemple, les prix actuels du pétrole. Sur 10 ou même 20 ans, ils sont en moyenne de 70 dollars par baril de Brent – en dollars courants, ce qui signifie que cette moyenne serait plus élevée si l’on tenait compte de l’inflation. Aujourd’hui, le pétrole atteint certes des sommets inédits depuis 2014, dépassant les 80 dollars. Mais en prenant du recul, les prix actuels reflètent plutôt un retour proche de la moyenne, après des prix incroyablement bas en 2020, et globalement un niveau déprimé depuis 5 ans. Cette reflation signe le retour à un certain équilibre. Une banque centrale de doit pas à s’en inquiéter. En outre, elle ne peut agir dessus.

La situation sur d’autres marchés de l’énergie, comme le gaz ou le charbon, correspond davantage à de l’inflation véritable. Ils poussent à la hausse les prix du chauffage, de l’électricité, et in fine des biens manufacturés. Mais une banque centrale n’y peut rien. Plus largement, l’inflation de certains biens où la demande excède l’offre pour des raisons temporaires sort également de sa responsabilité. C’est le cas en ce moment du prix des puces électroniques, et par ricochet de certains biens durables. L’offre finit généralement par rejoindre la demande, voire à l’excéder – occasionnant à terme un contre-choc déflationniste, temporaire lui aussi. Les banques centrales n’en ont cure.

Là où les banques centrales ont une responsabilité, en revanche, c’est sur l’inflation de long terme dans le système économique. En particulier celle des actifs financiers ou immobiliers, ainsi que des salaires. Les premiers créent un effet richesse transitoire, pouvant conduire à des prises de risques excessives, occasionnant bulles et crises. Les seconds sont certes favorables aux ménages dans un premier temps, mais défavorables ensuite lorsque les salaires dépensés – non épargnés – entraînent un gonflement généralisé des prix. Le gain réel de pouvoir d’achat peut s’avérer nul. Et la monnaie tend à se dévaluer, renchérissant d’autant le coût des importations.

Or c’est ce phénomène que l’on commence à percevoir, notamment aux Etats-Unis. Les dernières données sur l’emploi le montrent: la progression des coûts salariaux est notable (+4,5% sur un an), notamment pour les plus bas salaires (+7%). Ce serait positif, si les prix n’augmentaient pas dans le même temps. Or ils augmentent, non seulement pour certains biens soumis aux difficultés d’approvisionnement, ce qui n’est guère problématique comme on l’a vu, mais surtout sur l’immobilier. En effet, à +0,5% en août, la composante «loyer» de l’inflation américaine connaît sa plus forte progression mensuelle depuis 2001. La composante relative aux propriétaires (Owner’s equivalent rent of residence) se monte à +0,4%, sa plus forte variation sur un mois depuis l’été 2006! Ce qui est gagné d’un côté est en partie dépensé de l’autre.

C’est là qu’une banque centrale peut jouer un rôle, en durcissant les conditions financières afin de refroidir le système tout évitant de le geler. Et le plus tôt est le mieux, car attendre ne fait qu’amplifier la réaction nécessaire.

Il fait donc peu de doute que les prochaines communications des banques centrales, en particulier de la Fed, changeront de ton. Plusieurs pays émergents, hormis la Chine, l’ont déjà fait. Les marchés le refléteront. La courbe de taux américaine pourrait continuer à se tendre. Soit globalement, soit surtout sur sa partie courte, qui reflète davantage les anticipations de politique monétaire. L’avantage aujourd’hui est qu’avec l’expérience des cycles récents de resserrement, et au vu de l’ampleur de la dette, ce pilotage se fera avec la plus extrême prudence, qui n’exclut pas la détermination. Le marché est donc livré aux mains expertes de du Président de la Fed Jerome Powell, qui devra jouer sur les différences nuances de prix pour sortir l’économie du cycle inflationniste où elle semble s’engager.

Rédaction achevée le 15.10.2021

 


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