La crainte des investisseurs liée à l’épisode «Robinhood/Reddit» a vite été remplacée par un regain d’optimisme, encouragé en février par le déploiement des plans de vaccination à l’échelle mondiale, les plans de soutien budgétaires et fiscaux, les signes manifestes du rebond économique et les résultats des entreprises plus solides que prévu.

Par Sébastien Gyger, Directeur des Investissements, Banque Pâris Bertrand SA

 

En fin de mois, nous avons toutefois assisté à une poussée de fièvre sur les taux longs, ce qui a inquiété les marchés et engendré une pression baissière sur les valorisations des actions. Ces mouvements sont la conséquence concrète des anticipations d’inflation et de croissance qui se renforcent. Sur les taux, nous assistons ainsi au plus mauvais début d’année depuis 2015, avec pour corollaire des réallocations de portefeuilles qui se poursuivent à un rythme soutenu.

Situation sanitaire

Le nombre de vaccins administrés atteint 300 millions de doses dans le monde, dont un bon quart aux Etats-Unis, capables de vacciner 2,0 millions de personnes par jour et qui viennent d’autoriser en urgence le vaccin de Johnson & Johnson. Ramené au pourcentage de la population, Israël, les pays du Golfe et le Royaume-Uni ont mis sur pied les campagnes les plus efficaces. La Chine est à la traine avec seulement 3,5% de sa population vaccinée. En Europe et en Suisse, le manque de vaccins disponibles et une planification déficiente obligent à revoir les ambitions à la baisse. La Suisse ne vaccine que 20’000 personnes par jour. A ce rythme, 20 mois seront nécessaires pour administrer deux doses à 70% de la population. Les programmes de vaccination sont au centre de l’actualité car ils sont essentiels pour éradiquer la pandémie et portent l’espoir de la réouverture prochaine des économies. Globalement, le nombre de cas de Covid-19, les hospitalisations et les décès reculent de manière significative depuis le début d’année.

Environnement économique

La très forte hausse des ventes au détail aux Etats-Unis au mois de janvier (+5,3%) traduit bien l’efficacité des mesures de soutien mises en place aux Etats-Unis pour aider directement les ménages. Rappelons-nous qu’ils ont reçu un chèque de 600 dollars et que les indemnités chômage ont augmenté suite à l’accord voté à fin décembre 2020. D’autres aides vont arriver en mars après l’accord du Sénat, pour un plan de relance devisé à 1’900 milliards de dollars. Certains experts s’inquiètent de la taille de ce plan (dont Larry Summers, l’ancien Secrétaire du Trésor, et Olivier Blanchard, l’ancien chef économiste au FMI) qui leur paraît trop généreux compte tenu de la vigueur de la reprise Outre-Atlantique. La production industrielle a par exemple retrouvé 98% de son niveau pré-crise.

Pourtant, les indices de confiance des consommateurs restent mous, voire se dégradent comme celui de l’Université du Michigan, en baisse de 2,8 points à 76 en février. La propagation de la Covid-19 et les entraves à la mobilité continuent de peser sur le moral.

Les indicateurs d’activités économiques des PMIs renvoient une image plus nuancée, avec la composante manufacturière qui domine et celle des services qui reste en souffrance. Nous nous attendons à un renversement de tendance à mesure de l’allègement des mesures de protection, ceci au cours des prochains trimestres. En Chine, la reprise marque une pause, et nous suivrons avec attention les tendances qui se dessineront en mars et avril, car les derniers chiffres sont brouillés par les festivités de la nouvelle année.

Globalement, l’activité économique maintient sa dynamique de croissance en ce début d’année et elle continuera de s’affirmer ces prochains trimestres, emmenée par les Etats-Unis. La reprise est également visible en Europe, avec un PMI manufacturier à 57,9, malgré des mesures de confinement plus strictes et des courbes de vaccination embarrassantes (le secteur des services reste en territoire de contraction pour le sixième mois consécutif). La nomination de Mario Draghi à la tête de l’Italie a levé une incertitude politique et aidé à diminuer les primes de risque des actifs européens, notamment les bancaires. Finalement, les chiffres d’inflation sont restés en deçà des attentes dans l’ensemble des pays développés, comme en atteste à fin janvier l‘indice des prix à la consommation de l’OCDE qui s’est établi à 1,7% sur une base annuelle et à -0,3% pour la Chine. Cependant, nous nous attendons à une hausse significative des mesures d’inflation dès le 2e trimestre car les effets de base seront importants par rapport à l’année dernière : remontée du prix des matières premières, restockages des inventaires suite à la Covid-19 et hausse des coûts des transports.

Les analystes revoient leurs attentes à la hausse pour le 1er trimestre 2021. Au cours des deux premiers mois de l’année, les analystes ont révisé leurs estimations des bénéfices des sociétés du S&P 500 de +5,0 % (de 37,61 dollars à 39,50 dollars). Généralement, c’est l’inverse qui se passe, avec des révisions baissières en moyenne de -3% à -3,5% sur les quinze dernières années. Cette exception vient du fait que les attentes de 2021 avaient été réduites fortement en première partie de 2020, en pleine pandémie. Après les résultats bien meilleurs qu’attendu en 2020 (avec une croissance des bénéfices de 3,2%), nous tablons sur une continuation de la trajectoire haussière des bénéfices. Par conséquent, l’accélération de la dynamique bénéficiaire des entreprises constitue la bonne surprise du début de l’année 2021, elle devrait se poursuivre plus loin dans l’année et offrir un soutien au prix des actions. Le facteur de risque s’est déplacé du sanitaire vers les marchés financiers, et pour les marchés vers les multiples de valorisation, qui sont élevés et qui devraient sensiblement se contracter.

Thème de la remontée des taux d’intérêts

La hausse des taux d’intérêt à long terme est le changement principal sur les marchés cette année. De 0,9% à fin 2020, le taux à 10 ans sur les obligations d’Etat américaines est passé à 1,4% à fin février (le niveau de 0,5% atteint en août 2020 marque certainement un point bas dans ce cycle). Cette progression des taux était d’abord due à la hausse des anticipations d’inflation. Elle a été suivie au cours des dernières semaines par la partie réelle de la courbe, qui reflète de meilleures perspectives sur la croissance. L’ensemble des acteurs économiques s’interrogent sur la vitesse de la hausse des taux et sa persistance.

Nous observons d’abord que cette hausse de taux survient alors que les banques centrales interviennent encore massivement sur le marché de la dette publique. Dès lors, tous les yeux se tournent vers la Réserve fédérale américaine pour capter les premiers signaux d’inflexion de sa politique monétaire. Powell est très clair lorsqu’il balaye l’hypothèse d’un ralentissement du rythme de rachats d’actifs et écarte les risques d’une résurgence durable de l’inflation. Nous en déduisons que la Fed n’est pas préoccupée par les niveaux des taux actuels, ni dans l’urgence d’intervenir. Le nouveau plan de relance de Biden participera pourtant à la repentification de la courbe, car les chiffres d’inflation pourraient connaître une nouvelle pression à la hausse, due à l’accroissement de la demande, contrainte par à une offre limitée de biens et de services.

Nous voyons une divergence entre les prévisions de la Fed et les marchés qui ont déjà raccourci de trois à deux ans la première remontée des taux. Les bond vigilantes sont de retour et voudront aller tester le temps d’inaction de la Fed si les taux continuent leur ascension. La vitesse de la normalisation des taux longs et l’attentisme actuel de la Fed sont des sources de volatilité.

En Europe, les taux se tendent également, ce qui est plus préoccupant pour le directoire de la banque centrale car elle voudra à tout prix chercher à éviter l’asphyxie de la reprise en zone euro. Nous nous attendons par conséquent à ce que la BCE reste très active sur ses programmes de rachats d’actifs, voire les accélère. La reprise européenne ne peut pas encore se faire sans le secours de la banque centrale.

Quels sont les effets sur le prix des actifs financiers?

Malgré des fondamentaux en amélioration, la valorisation des actions reste très élevée dans un contexte de faibles taux d’intérêt et du manque d’alternatives. Récemment, les rendements réels ajustés de l’inflation des obligations d’Etat ont rebondi depuis de très bas niveaux en Europe et aux Etats-Unis. Le taux d’actualisation plus élevé pèse sur les «titres de croissance», d’où la récente sous-performance des secteurs comme la technologie de l’information et la consommation discrétionnaire. En guise d’illustration de l’impact sur les actifs de duration longue, Plug Power corrige de 46% depuis son récent plus haut (au moment d’écrire ces lignes), Tesla perd plus de 32% de sa valeur, Beyond Meat lâche 24%, le fonds Ark Innovation de la célèbre Cathie Wood recule de 25%, tandis que l’obligation emblématique à 100 ans de l’Etat autrichien dégringole de 28%.

Décisions d’investissement

Depuis plusieurs mois, nous avons graduellement modifié le positionnement des portefeuilles en ajoutant de la cyclicité sur les régions, comme les émergents, le Japon et l’Europe. Plus récemment, nous avons renforcé le secteur en retard des matériaux qui bénéficie des perspectives de sortie de crise. Les valeurs secondaires en Suisse, aux Etats-Unis et en Europe sont également présentes en portefeuille, car elles offrent des opportunités intéressantes dans cette phase de reprise en arborant un profil plus industriel.

Dans l’obligataire, nous maintenons un bon équilibre entre risque de crédit de bonne qualité et recherche de rendement dans la dette à plus haut rendement. Nous restons prudents sur la partie longue de la courbe, susceptible de continuer sa remontée, même si le rythme d’appréciation sera moins élevé que ces derniers mois. Les écarts de crédit se tendent peu car ils bénéficient de l’environnement de reprise économique.

Sur les actifs tangibles, qui viennent compléter notre construction de portefeuille, nous avons réduit nos expositions à l’or physique et à l’immobilier coté international car ces deux actifs sont à la peine dans le contexte actuel de remontée des taux. Il est trop tôt pour enterrer l’or dont la thèse d’investissement repose sur les politiques accommodantes toujours en vigueur des banques centrales et des gouvernements encore engagés dans des programmes de soutien. La remontée des taux longs et le niveau élevé des agios calment notre appétit pour l’immobilier coté en Suisse.

 


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