Plusieurs indicateurs économiques signalent une modération de la croissance, alors que les infections de la Covid-19 augmentent et qu'un taux d'inflation élevé (5,4% en glissement annuel pour juillet et juin) pèse sur le moral des consommateurs. Les marchés boursiers sont toutefois restés bien orientés grâce aux résultats record des entreprises au 2e trimestre. À Jackson Hole, Powell, le président de la Fed, a mis en garde contre les risques de resserrement prématuré et a souligné que des progrès supplémentaires étaient encore nécessaires pour atteindre l'objectif de plein emploi. Les négociations à la Chambre des Représentants se poursuivent autour d'un soutien budgétaire de 3,5 milliards de dollars et d'un projet de loi sur les infrastructures, déjà adopté par le Sénat. Le retrait précipité du personnel américain d'Afghanistan pourrait avoir des conséquences géopolitiques et humanitaires, mais n’a pas eu d’effet sur le marché.

Par Sébastien Gyger, Directeur des Investissements, Banque Pâris Bertrand SA

 

Situation sanitaire

Les États-Unis restent l’un des pays où le taux de nouveaux cas de Covid-19 est le plus élevé, principalement en raison d’une recrudescence dans les États du Sud qui ont tardé dans la vaccination. La Floride, la Louisiane et le Mississippi ont ainsi atteint des niveaux de cas identifiés comme à aucun autre moment de la pandémie. A ce jour, seuls 53% des américains sont entièrement vaccinés. Cette proportion est identique en Suisse. C’est encore trop peu sachant que dans les pays où la vaccination est avancée, le rebond du nombre de cas n’est pas suivi d’une augmentation significative des décès comme c’était le cas précédemment. Les autorités sanitaires américaines s’attendent à ce que les nouveaux cas de coronavirus atteignent un pic au niveau national au mois de septembre. C’est déjà le cas en Europe, qui se situe sur un plateau depuis le mois de juillet et où la proportion de vaccinés est supérieure (à 59%).

Rappelons que plus le taux de vaccination est important, plus la situation est gérable du point de vue sanitaire, moins les mesures de confinement sont strictes et mieux se portent les acteurs économiques. En Asie par exemple, le taux de vaccination est encore insuffisant dans plusieurs pays (même s’il progresse vite), ce qui oblige les gouvernements à continuer de gérer la crise du variant Delta avec des confinements. Par conséquent, les restrictions sanitaires qui s’éternisent au Japon engendrent des difficultés économiques persistantes.

L’introduction du pass sanitaire et des tests payants est une mesure controversée mais qui fait son chemin en Europe et en Suisse car la volonté politique de remettre en place de vastes plans de confinement est faible. On espère plutôt contenir la quatrième vague par une plus forte incitation à la vaccination. Sur ce plan, nous noterons encore que certains pays développés ont déjà lancé l’administration d’une troisième dose, puisque la concentration d’anticorps diminue avec le temps. En synthèse, nous apprenons à vivre dans un monde avec la Covid plutôt que dans un monde après la Covid.

Environnement économique

Globalement, l’activité économique mondiale a ralenti en août pour atteindre son plus bas niveau depuis sept mois, avec une décélération de la croissance dans l’industrie manufacturière et dans le secteur des services. Le scénario que nous avions esquissé devient réalité, à savoir que le momentum économique a atteint son point haut lors du 2e trimestre. Le risque croissant du variant Delta, couplé aux perturbations des chaines d’approvisionnement et aux pénuries de ressources (qui entravent la production et font grimper les coûts) ont mis un frein à la reprise mondiale. Selon les dernières enquêtes des directeurs d’achats, le PMI composite mondial a chuté de 3,1 points à 52,6. Il s’agit de la plus forte baisse de l’indicateur depuis avril 2020, pour atteindre son niveau le plus bas depuis janvier.

Géographiquement, l’Europe est passée en tête du classement grâce à un taux de vaccination plus élevé, une réouverture décalée, et une demande latente des consommateurs. Bien que le l’indice PMI composite de la zone euro a reculé de 1,9 point à 59,0, il est l’un des plus vigoureux au monde, emmené par l’Allemagne et l’Italie.

Aux Etats-Unis, le ralentissement de la dynamique conjoncturelle se fait sentir: l’indice PMI manufacturier de Markit a affiché un recul de 2,3 points à 61,1 et celui des secteurs a ralenti de 4,8 point à 55,1. Le dernier rapport sur l’emploi est aussi cohérent avec une reprise qui traverse quelques obstacles. L’économie américaine n’a créé que 235’000 emplois privés non-agricole en août, bien en deçà des attentes et des 800 000 créations de juillet qui suivaient les 770’000 de juin. Les secteurs des loisirs et de l’hôtellerie ont marqué le pas, soulignant l’impact des nouvelles restrictions. La confiance du consommateur américain est érodée. Elle est à son plus bas niveau en dix ans selon l’enquête de l’Université du Michigan, à 70,3 pour le 2e mois consécutif. Cette publication fait suite à la baisse des ventes au détail pour juillet. Les dépenses de consommation ralentissent et pourraient continuer sur cette tendance ces prochains mois. L’une des raisons évidentes est que certains consommateurs évitent les lieux publics à cause de la recrudescence des cas de Covid. La seconde raison est qu’il était certainement prématuré de croire que les consommateurs dépenseraient rapidement leur chèque de relance. Malgré les reculs observés, nos analyses indiquent qu’une récession n’est pas un risque imminent.

«Bad news is good news» pour les marchés, puisque cette faiblesse de l’emploi offre plus de flexibilité à la Réserve fédérale pour moduler la réduction de ses achats d’actifs. Ceci dit, nous ne pensons pas que l’approche visant à réduire progressivement le niveau de stimulation monétaire est remis en question au sein du FOMC.

En Chine, les ventes au détail ont fortement déçu car elles n’ont progressé que de 8,5% par rapport à 2020. En août, le PMI des services a glissé sous la barre des 50 points, à 47,5, alors que dans le secteur manufacturier, le PMI est aussi en repli à 50,1, juste au-dessus de la ligne de flottaison. Les restrictions liées au Covid, les interruptions dues aux inondations et le durcissement des mesures règlementaires ont pesé sur l’activité et le moral des consommateurs.

En Suisse aussi les données récentes remettent en question l’optimisme du début d’année. Ainsi, le baromètre économique du KOF a infléchi sa course au cours des deux derniers mois, et l’indice hebdomadaire du SECO signale un ralentissement pour le 3e trimestre. Les retards de livraison dans l’industrie et la pénurie de main-d’œuvre spécialisée en sont la cause.

Thème : le rendez-vous des grands argentiers

Nous avions souligné que des politiques de relance différentes, avec l’aide directe aux ménages outre-Atlantique (qui ont accentué les dépenses de consommation) se traduisent par des politiques monétaires différenciées. Les Etats-Unis préparent la réduction de leur programme d’achat pour ensuite entériner la première hausse de taux. L’Europe veut garder un biais très accommodant, alors qu’au sein du complexe émergent 50% des banques centrales ont déjà remonté leurs taux, notamment au Brésil et en Russie.

En fin de mois, les marchés étaient suspendus aux lèvres des principaux banquiers centraux qui se réunissaient pour le sommet annuel de Jackson Hall. Le discours de Powell, président de la Fed, était très attendu pour connaître la date de début du ralentissement des achats d’actifs (à 120 milliards de dollars par mois actuellement) et le rythme de cette réduction. Par rapport aux anticipations les plus alarmistes, son intervention s’est avérée être un non-événement car la Fed n’a pas changé de cap. Powell a confirmé le changement de stratégie intervenu en 2020 du ciblage de l’inflation moyenne, a entériné l’amélioration des conditions macroéconomiques, maintenu le caractère passager de la hausse d’inflation et confirmé que la Fed vise un retour au plein emploi. Les commentaires récents de plusieurs membres de la Fed nous confortent toutefois dans notre scénario d’une annonce de «tapering» avant la fin d’année, en septembre ou en novembre, à un rythme de réduction qui se situera dans une fourchette de USD 10 à 15 milliards par mois (afin d’arriver à neutralité au plus tard à fin 2022 sur les achats d’actifs), pour ensuite ouvrir la voie à une première hausse de taux au début de 2023. Cette stratégie est bien intégrée par les investisseurs : le rendement des obligations à 10 ans du Trésor se maintient autour de 1,3 %.

Le resserrement prévu de la politique monétaire américaine pourrait-il être prématuré?

Bien que très modérée, la réduction prévue des achats d’actifs de la Fed coïncide avec la résurgence des cas de Covid-19, le ralentissement de l’activité et le probable dégonflement des mesures budgétaires. Ce «tapering» soulève par conséquent de nombreuses questions. Nous notons qu’il s’agit de la quatrième tentative de resserrement d’achats d’actifs de la Fed au cours des 13 dernières années et que toutes les ébauches précédentes se sont terminées à l’apparition de signes d’affaiblissement de l’activité économique. En ira-t-il de même cette fois-ci et la Fed agit-elle trop tôt ? Nous ne le saurons que dans plusieurs trimestres. A ce stade, notre analyse indique que le point haut de la croissance a été atteint et que le pic d’inflation est certainement en train de se dérouler sous nos yeux. La vitesse de croisière post-Covid de cette paire d’indicateurs n’est pas connue et conditionnera la politique monétaire de la Fed. On se rappelle par exemple que la Fed avait remonté une première fois son taux directeur en décembre 2015 et attendu une année complète avant d’acter une deuxième hausse en décembre 2016. Ceux qui prévoient une normalisation rapide des taux seront déçus.

Rassurée par une économie européenne qui dépassera son niveau d’avant le Covid-19 cette fin d’année, la Banque centrale européenne a décidé de restreindre son programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP).

Le Conseil des gouverneurs a en effet estimé que des conditions de financement favorables peuvent être maintenues avec un rythme légèrement plus faible d’achats nets d’actifs à partir du 4e trimestre (conduits actuellement à 80 milliards d’euros par mois). L’attention des marchés se porte dorénavant sur la réunion de décembre et ce qu’indiquera la BCE sur sa politique pour 2022 et au-delà, surtout sur la continuation du programme «régulier» d’achats d’actifs. La préservation de conditions financières favorables est une question de cohérence et de crédibilité pour la BCE qui vient de s’engager à adopter une position monétaire «particulièrement énergique ou persistante» tant que les taux directeurs resteront proches de leur limite inférieure.

Décisions d’investissement

Globalement, l’environnement reste propice à la prise de risque dans les portefeuilles en évitant les surconcentrations. Il faut toutefois garder à l’esprit que le ralentissement de la trajectoire de croissance a des conséquences sur les préférences des investisseurs. En milieu de cycle, les gains boursiers tendent à s’atténuer bien que l’allocation d’actifs continue de favoriser les actions par rapport aux obligations. Le leadership passe graduellement des petites aux plus grandes capitalisations et des actions de valeur à la croissance. Sur ce dernier point, nous relevons que les titres de croissance ont déjà pris une avance confortable par rapport aux cycles précédents.

Sur les actions nous maintenons dès lors notre diversification entre les régions et entre secteurs défensifs, technologiques et plus cycliques. Nous cherchons à tirer le meilleur parti du contexte actuel grâce à un bon équilibre entre gagnants structurels de long terme et bénéficiaires de la reprise. Sur les régions, l’Europe est un bon candidat à la diversification et à la recherche de performance.

Dans l’univers obligataire notre préférence va clairement du côté du crédit d’entreprise. Nous sommes investis sur un mix entre les entreprises de bonne qualité et des émissions offrant plus de rendement. Nous restons globalement prudents sur la partie longue de la courbe, susceptible de remonter, même si le rythme d’appréciation sera moins élevé qu’en début d’année.

Dans les actifs de diversification, nous restons exposés aux obligations convertibles pour leur profil asymétrique, aux obligations chinoises et obligations catastrophe à la recherche de rendement et de diversification, aux métaux précieux aussi longtemps que les taux réels restent négatifs et pour finir aux actifs immobiliers suisses et internationaux.

 


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