Aux États-Unis, les indices PMI flash ont atteint de nouveaux records en avril et, dans la zone euro, l'indice d’activité des services est repassé en phase d’expansion. L'augmentation des dépenses de consommation, résultant des plans de soutien et de l'assouplissement des restrictions permis par l’accroissement des vaccinations, a contribué à ramener le PIB américain proche de son niveau d’avant la pandémie. Les perspectives européennes sont sur le point de s'éclaircir après deux trimestres de croissance négative due aux mesures de reconfinement et aux retards dans la vaccination. Les bénéfices des entreprises atteignent un taux de croissance record au 1er trimestre et offrent un soutien aux marchés. Avec la nouvelle administration américaine, l’inondation monétaire fait place au débordement fiscal. Joe Biden a annoncé l’American Jobs Plan puis l’American Families Plan, des programmes de soutien chiffrés à 4'100 milliards de dollars. Ils seront financés par le relèvement des impôts sur les entreprises et des taxes sur les gains en capitaux des contribuables les plus aisés.

Par Sébastien Gyger, Directeur des Investissements, Banque Pâris Bertrand SA

 

Situation sanitaire

De nouveaux arrivages de vaccins permettent aux économies développées de passer un cap important dans la lutte contre la Covid-19, tandis que la situation épidémiologique en Inde et au Brésil suscite de nombreuses inquiétudes. L’Union européenne a administré 150 millions de doses à sa population, en nette accélération depuis le début du mois d’avril. La Suisse suit le mouvement et compte désormais 930’000 personnes entièrement vaccinées et 770’000 qui ont reçu une première dose. Dans les cantons qui ont ouvert la vaccination à tous les adultes, nous observons avec satisfaction l’enthousiasme des personnes souhaitant se faire vacciner avant l’été. L’avance prise par les Etats-Unis et le Royaume-Uni (ramené en pourcentage de leur population, le nombre de doses administrées atteint 70%) rend réaliste les plans de réouverture progressive de Joe Biden et Boris Johnson, contribuant ainsi à une reprise plus marquée de leurs économies. Face à la propagation de nouveaux variants et des systèmes de santé peu performants, l’Inde et le Brésil sont en grande souffrance.

Les enjeux liés à la gestion de la crise pandémique resteront au centre de l’échiquier stratégique mondial pour quelque temps.

Les deux défis sanitaires actuels sont d’étendre la vaccination au plus grand nombre avant d’être submergé par de nouveaux variants, dont le taux de croissance plus élevé suggère une plus grande contagiosité, et d’anticiper la nécessité de revacciner si l’immunité n’était pas persistante.

Environnement économique

Les indices des directeurs d’achat pour le mois d’avril témoignent de la solidité de la reprise économique dans les pays développés. Aux Etats-Unis, les indices PMI flash de Markit ont atteint de nouveaux sommets à 63,1 pour les services et 60,6 pour l’industrie manufacturière. L’augmentation des dépenses de consommation, résultant des plans de soutien et de l’assouplissement des restrictions permis par l’accroissement des vaccinations, a contribué à la hausse du produit intérieur brut de 6,4% en rythme annualisé entre janvier et mars et à ramener le produit intérieur brut américain proche de son niveau d’avant la pandémie. Le marché de l’emploi s’améliore (il n’y a «plus que» 550’000 nouvelles inscriptions hebdomadaires au chômage) et, corollaire, la confiance des consommateurs se redresse (à 121,7 pour le Conference Board et 88,3 pour le sondage de l’Université du Michigan).

L’Europe, qui a oscillé entre fermetures partielles et réouvertures, et où la vaccination a pris du retard, est retombée en récession technique après deux trimestres de croissance négative (-0,6% au 1er trimestre 2021 après -0,7% au 4e trimestre 2020). Les perspectives européennes s’éclaircissent car les restrictions de mobilité seront graduellement allégées. Le secteur manufacturier reste la source de traction principale de l’économie européenne, mais il est rejoint pour la première fois depuis le début de la crise par les services dans la zone d’expansion. Cette inflexion dans les services devrait se renforcer dans les prochains mois avec la levée progressive des mesures de protection.

En ce qui concerne la Suisse, la robustesse des exportations est nourrie par la faiblesse du franc suisse. La réouverture des magasins au mois de mars contribue également à la bonne tenue des indicateurs de l’activité économique domestique. La Suisse devrait être en mesure de retrouver son PIB d’avant la crise dans la deuxième partie d’année et plus rapidement que ses voisins de l’Union européenne.

En Asie, l’économie chinoise se remet de la pandémie en affichant une croissance record. La deuxième économie mondiale poursuit en effet son redressement spectaculaire au cours du premier trimestre de 2021, en affichant un taux de croissance annuel éclatant de 18,3%. Ce bond en avant a été soutenu par la production industrielle, l’essor des exportations et la consommation des ménages. Nous pourrions toutefois avoir vu le pic d’activité chinoise ce trimestre, car d’une part les responsables politiques cherchent à ralentir l’afflux de crédit à l’économie, notamment dans le secteur immobilier pour limiter le risque financier, d’autre part car l’appareil productif mondial a été relancé et reprend rapidement des parts de marchés à la Chine. De plus, la vaste campagne de répression antitrust du régulateur chinois n’aide pas.

60% des sociétés du S&P 500 ont communiqué leurs résultats pour le premier trimestre 2021. Les bénéfices atteignent un taux de croissance record, estimé à 45,8% à fin avril. Les bonnes surprises enregistrées par les entreprises de plusieurs secteurs (notamment les secteurs des technologies de l’information avec les GAFAM, des services de communication et de la consommation discrétionnaire) sont à l’origine de l’amélioration significative des bénéfices au cours des dernières semaines. Dix secteurs affichent une croissance des bénéfices d’une année sur l’autre, avec en tête les secteurs de la consommation discrétionnaire, de financières, matériaux et des services de communication. Le secteur des industries est le seul à enregistrer une baisse des bénéfices d’une année sur l’autre.

Thème de la relance fiscale (II)

Dans le courant de l’année 2020, nous avions qualifié d’«inondation monétaire» les injections d’argent sans précédent des banques centrales pour venir en aide aux marchés et aux économies, touchés de plein fouet par la récession sur ordonnance de la Covid-19. Alors que les économies étaient dépendantes de la largesse des banques centrales après la grande crise financière née en 2007, les autorités monétaires se sont retrouvées démunies, avec des taux d’intérêts proches de zéro, voire négatifs, pour faire face à la crise sanitaire de 2020. La coordination entre les gouvernements et les banques centrales a ainsi dû être renforcée lors de la pandémie. Selon nous, un point de bascule décisif pour le rôle des gouvernements dans l’après-crise a été atteint après la nomination de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis et la majorité démocrate au Sénat.

L’élément le plus frappant de la politique de la nouvelle administration Biden porte sur les montants d’argent qu’elle est prête à engager: 1’900 milliards de dollars pour l’American Rescue Act ont été adoptés en mars, pour stimuler rapidement la croissance économique américaine, auxquels viennent s’ajouter 2’300 milliards de dollars sur huit ans pour l’American Jobs Act, visant à moderniser les infrastructures américaines traditionnelles, à soutenir la recherche et le développement et investir dans la transition écologique, et dernièrement 1’800 milliards de dollars pour l’American Families Plan, centré sur l’accès facilité à l’éducation et l’aide aux familles les plus démunies, dont la pérennisation des allocations familiales. Lorsque l’on rajoute le Cares Act de mars 2020, d’un montant de 2’300 milliards de dollars, et les 900 milliards de dollars votés en décembre, ce sont au total 9’200 milliards de dépenses, soit près de 45% du produit intérieur brut américain (dont 4’100 milliards étalés sur plusieurs années) qui visent à soutenir la reprise américaine. La nouvelle administration cherche à la rendre plus verte et plus inclusive, en créant des emplois domestiques, en stimulant des investissements dans la protection de l’environnement et l’amélioration de la compétitivité du pays.

Le balancier penche désormais du côté des gouvernements et des politiques fiscales et budgétaires pour la gestion du cycle économique. L’ «inondation monétaire» de 2010-2020 fait place désormais à un régime de «débordement fiscal».

Avec quelles conséquences?

Le soutien aux acteurs économiques reste en place, mais il change de siège. Quelles en sont les conséquences? L’amplitude des montants des soutiens budgétaires alors que l’économie est en forte reprise suggère que le retour vers la normalité sera plus rapide que ce que beaucoup osaient espérer il y a encore quelques mois (le FMI vient de revoir ses attentes de croissance mondiale à 6% pour cette année). En réaction, la détente des taux d’intérêt a été très prononcée depuis le début d’année.

L’effet sur l’inflation se fait sentir et perdurera ces prochains mois du fait des effets de base hérités de la récession. Selon les banquiers centraux, cette poussée d’inflation sera transitoire. Ils cherchent à rassurer les marchés et à ancrer les anticipations d’inflation, mais la question reste ouverte à plus long terme.

Des dernières réunions des banques centrales, nous retiendrons que la fin de la politique d’argent généreuse n’est pas encore venue en Europe, ni au Japon, malgré des prévisions de croissance et d’inflation revues en hausse, et que la source s’amenuise au Canada, qui est la première à annoncer une réduction de ses achats d’obligations.

Jerome Powell, aux Etats-Unis, salue la reprise mais reste sur ses gardes. Il défend qu’il est encore bien trop tôt pour resserrer les conditions monétaires. Au regard de l’environnement, nous pensons que la première annonce de baisse des achats d’actifs arrivera plus tôt que prévu, et pourquoi pas dès la réunion de Jackson Hole prévue en août. Nous restons prudents sur la partie longue de la courbe et continuons de privilégier la dette d’entreprise.

A chaque plan sa hausse d’impôt: l’American Jobs Act doit être financé par la hausse de l’impôt sur les sociétés et sur les filiales étrangères, tandis que l’American Families Plan doit s’accompagner d’une hausse du taux marginal d’imposition et des taxes sur les gains en capitaux pour les Américains dont les revenus annuels dépassent 1 million de dollars (soit 0,3 % de la population). Les résultats nets des sociétés seront impactés, surtout si un accord international est trouvé sur l’harmonisation fiscale des entreprises. En 2021, l’effet sur les marchés devrait toutefois être limité car il sera dilué dans les résultats mirobolants des entreprises. Les vives négociations qui ont débuté à Washington déboucheront sur un compromis entre les niveaux d’imposition actuels et ceux annoncés par Joe Biden. Si tel est le cas, les déficits jumeaux américains continueront à se creuser. Nous surveillons par conséquent la trajectoire du dollar américain. Il a repris une orientation baissière depuis le début du mois, aidant notamment les marchés émergents à se stabiliser.

Décisions d’investissement

La hausse très rapide des taux d’intérêt cette année de 0,9% à 1,6% pour le taux à 10 ans sur les obligations d’Etat américaines engendre quantité de changements de leadership sur les marchés financiers et présente un certain nombre de challenges pour les portefeuilles.

Un faisceau d’indicateurs indique que le sentiment des investisseurs se situe en zone d’optimisme et que les multiples de valorisation sont élevés (en reconnaissant la difficulté de ce type d’exercice dans le contexte de contraction puis de reprise brutale). Nous avons donc pris quelques bénéfices sur le segment des petites et moyennes capitalisations américaines qui avait nettement profité du rebond de l’économie.

Sur les actions nous maintenons notre diversification entre régions développées et émergentes et entre secteurs défensifs, technologiques et plus cycliques, car nous cherchons à tirer le meilleur parti du contexte de «reflation» qui va perdurer en 2021 via un mix équilibré entre bénéficiaires de la reprise et gagnants structurels de long terme.

Dans l’obligataire, nous maintenons notre préférence pour le crédit d’entreprise, avec un mix entre les entreprises de bonne qualité et des émissions offrant plus de rendement, notamment en Chine. Nous restons prudents sur la partie longue de la courbe, susceptible de continuer sa remontée, même si le rythme d’appréciation sera moins élevé que ces derniers mois.

Sur les actifs tangibles, il est trop tôt pour enterrer l’or dont la thèse d’investissement repose sur les politiques accommodantes toujours en vigueur des banques centrales et des gouvernements encore engagés dans des programmes de soutien.

 


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