La deuxième plus grande cryptomonnaie par la capitalisation boursière pourrait bel et bien menacer l’hégémonie du Bitcoin. Comment expliquer une telle performance? Est-il trop tard pour s’intéresser à l’Ether? Aperçu dans cet article.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

Charles-Henry MoncheauLa cryptomonnaie Ether (ETH), native de la blockchain Ethereum, a atteint un nouveau sommet historique cette semaine en dépassant pour la première fois les 3 000 dollars. Depuis le début de l’année, l’Ether est en hausse de plus de 370%, soit une très nette surperformance par rapport au bitcoin (+95%).

Ethereum se distancie de Bitcoin depuis quelques années en se présentant davantage comme un jeton d’échange plutôt qu’une valeur refuge. De nombreuses plateformes de la Blockchain, à l’instar de la vente de NFT ou des plateformes d’échange pour acheter des altcoins, utilisent l’Ether en guise de jeton numérique de référence. De plus, bien que le bitcoin soit le précurseur de la blockchain et des crypto-monnaies, il souffre de certaines insuffisances et imperfections sur lesquels se sont basés des projets de crypto-monnaies comme Ethereum pour proposer, techniquement parlant, des projets plus aboutis et innovants.

Comment fonctionne l’Ethreum?

Lancé le 30 juillet 2015, Ethereum est un protocole d’échange décentralisé qui permet aux utilisateurs de mettre en place des contrats intelligents (smart contract). Il s’agit en fait de contrats préétablis, des applications qui s’auto-exécutent sans l‘intervention d’une tierce partie pour en assurer l’authenticité. Par exemple, grâce à Ethereum vous pouvez établir un contrat futur selon lequel vous décidez d’acheter un bien seulement lorsque certaines conditions seront remplies. En temps normal, ce genre de contrat nécessite l’implication d’un intermédiaire (notaire, etc.) et donc des frais. Le protocole de l’Ethereum permet la vérification ainsi que la mise en application d’un contrat mutuel entre les parties sur la blockchain. Ce protocole permet aux développeurs de créer des applications, de stocker des registres et de transférer des fonds conformément à des instructions passées, etc.

Depuis 2017, des centaines d’entreprises diverses (services de paiement, d’achat et de vente, etc.) ont développé leur «smart contracts» et utilisent le plus souvent le protocole Ethereum ainsi que les tokens ETH comme moyen de règlement de ces smart contracts. Les transactions sur la blockchain Ethereum ont d’ailleurs atteint un niveau record de 41,7 millions en avril.

Un intérêt croissant pour la blockchain Ethereum

Le succès grandissant de l’Ethereum provient notamment de sa position de blockchain de choix pour de nombreux produits et services qui utilisent des applications DeFi — ou finance décentralisée.

DeFi désigne une catégorie de nouvelles applications qui visent à remplacer les produits financiers traditionnels — comme les prêts et les emprunts, le commerce, l’épargne, les produits dérivés et les options — par l’utilisation d’une technologie décentralisée, plutôt que de s’appuyer sur une entreprise ou une banque. Ces produits sont généralement construits sur la blockchain Ethereum.

De fait, des milliers de développeurs construisent des applications qui recréent des produits financiers traditionnels de manière décentralisée sur le protocole Ethereum, et comme de plus en plus d’utilisateurs affluent pour interagir avec ces applications, ils ont besoin d’ETH pour effectuer leurs transactions. Aujourd’hui, la valeur totale bloquée dans des applications DeFi est en train d’exploser et a allégrement dépassé les 70 milliards de dollars.

defi value locked
La valeur des applications DeFi (Decentralized Finance) explose

Les applications développées sur Ethereum génèrent aujourd’hui 3 fois plus de revenus pour ce réseau que pour le Bitcoin, bien que le Bitcoin ait une capitalisation boursière 3 fois supérieure.

ethereum market cap
L’Ethereum représente 1/3 de la capitalisation boursière du Bitcoin mais génère 3 fois plus de revenus (source : FundStrat)

Autre développement favorable pour le protocole Ethereum: la croissance exponentielle des NFT (Non-Fungible Tokens). De nombreux projets NFT tels que CryptoPunks ou Decentraland ont leur «smart contracts» sur la blockchain Ethereum.

De plus, il semble y avoir un intérêt institutionnel croissant pour la blockchain publique Ethereum. Même si pour l’heure beaucoup d’États manifestent encore du scepticisme vis-à-vis des crypto-monnaies, certains gouvernements avant-gardistes se sont déjà lancés sur le marché en privilégiant Ethereum. Ainsi, le Conseil National de Recherche du Canada se sert d’Ethereum pour l’exécution de certains contrats publics. La Suisse, quant à elle, a permis l’accomplissement de tâches administratives via le réseau Ethereum dans le canton de Zoug. Autre exemple la semaine dernière, où la Banque européenne d’investissement a annoncé qu’elle allait lancer une vente d’obligations numériques de 100 millions d’euros via la blockchain Ethereum. Les raisons qui ont poussé la BEI à agir de la sorte sont les suivantes: une meilleure transparence du marché, des délais réglementaires plus rapides et une réduction du nombre d’intermédiaires et des coûts fixes. Bientôt, davantage de banques pourraient tirer parti d’Ethereum et échanger leurs actifs sur la plateforme, ou développer des contrats intelligents pour faciliter leurs transactions

La transition vers Ethereum 2.0

La blockchain d’Ethereum reprend plusieurs principes introduits par le Bitcoin, notamment le «minage». Contrairement à la pensée déflationniste qui sous-tend la création monétaire du Bitcoin, il n’y a aucune limite qui ait été fixée à la masse monétaire de l’Ethereum. Mais tout comme pour le Bitcoin, le réseau est configuré de sorte que la difficulté de minage soit constamment ajustée à la puissance de calcul de la communauté de mineurs.

Le succès grandissant de l’Ethereum auprès du public a attiré un nombre croissant de nouveaux mineurs. La répercussion de cet engouement est un accroissement de la difficulté du minage qui peut à terme décourager les mineurs indépendants pour qui l’Ether ne sera alors plus une crypto-monnaie rentable. Pour éviter une envolée de la difficulté de minage, des mises à jour peuvent être planifiées. Ce fut le cas en 2018 avec une nouvelle version du logiciel du nom de Serenity. Cette nouvelle version – Ethereum 2.0 – se déroule en plusieurs étapes et engendre un changement du procédé de minage, de type Proof-of-Work (preuve de travail) à un procédé de minage de type Proof-of-Stake (preuve de participation).

Le processus vers Ethereum 2.0 est en cours, l’étape «Berlin» ayant eu lieu le 15 avril. Ces «upgrades» permettent de limiter la consommation en électricité du réseau Ethereum, de réduire les frais et la quantité d’ETH que les mineurs reçoivent, ce qui réduit de facto la pression vendeuse de la cryptomonnaie ETH.

Mais la prochaine étape «London» (EIP-1559) – va impliquer des changements encore plus importants autour de la logique économique de l’Ethereum. En effet, le protocole continue sa transition d’une cryptomonnaie (comme le bitcoin) à un crypto-actif où une partie des revenus liés à l’utilisation du réseau sont utilisés pour «brûler» une partie de l’offre d’Ether. A terme, la réduction de l’offre pourrait devenir supérieure à l’inflation d’ETH (càd l’augmentation de l’offre). Il s’agit d’une évolution fondamentale. Jusqu’alors, le marché avait la perception suivante: l’offre de Bitcoin est limitée dans le temps alors que celle de l’Ethereum est illimitée. Mais à terme, l’Ethereum pourrait même voir son offre baisser (cf. graphique ci-dessous). C’est une équation très attrayante pour les investisseurs: le succès grandissant du protocole Ethereum va non seulement faire augmenter la demande mais il va également réduire l’offre – le parfait «effet ciseau». Une évolution qui devrait encourager davantage d’investisseurs à «hodler» l’ETH.

modèle économique de l'Ethereum
Le nouveau modèle économique de l’Ethereum (source : www.zerohedge.com)

Un intérêt grandissant de la part des investisseurs

Alors que le Bitcoin a attiré la plupart des regards ces dernières années, l’intérêt pour l’Ethereum est grandissant. Le lancement de contrats futures et de contrat d’options a en partie aidé à l’institutionnalisation de l’Ether. Les intérêts ouverts sur les contrats d’options ont atteint un plus haut historique à plus de à 4 milliards de dollar à la fin du mois d’avril.

Alors que de nombreux ETP sont disponibles, le Grayscale Ethereum Trust dépasse allégrement les 10 milliards de dollar d’actifs sous gestion. Au Canada, trois ETF sur l’Ethereum sont lancés sur la bourse du TSX alors que des applications ont été envoyées à la SEC aux Etats-Unis.

Comment évaluer l’Ether?

L’Ether est la deuxième cryptomonnaie la plus importante en termes de capitalisation (derrière le Bitcoin) avec une valeur de marché proche de 400 milliards de dollars début 2021, soit une capitalisation supérieure à Bank of America ou Nestlé.

Pour de nombreux observateurs, la performance vertigineuse de l’ether et un tel niveau de capitalisation pour une cryptomonnaie tiennent de l’absurde.

La société Fundstrat a essayé de relier ces chiffres à ceux des ventes attendues sur ce protocole. Comme le montre le tableau ci-dessous, malgré la hausse spectaculaire du prix en un peu plus de 3 mois, les multiples d’évaluation de l’Ethereum (Price to Sales, Price to Sales / Sales Growth) ne sont pas plus élevés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient à l’époque.

ratios d'évaluation de l'Ethereum
Ratios d’évaluation de l’Ethereum entre le mois de janvier et fin avril

Le même analyste s’est également prêté à une comparaison entre les multiples de l’Ether et ceux des sociétés logicielles actives sur le Cloud. On voit ci-dessous que les multiples de ces titres (les points sur la gauche) varient entre 5x et plus de 80x. Mais la croissance attendue de leurs ventes n’est sans aucune comparaison avec celle de l’Ether. L’analyste de FundStart voit en l’Ethereum l’équivalent du «Cloud 2.0» et recommande donc de se positionner sur l’Ethereum dans cette perspective, avec un objectif de prix à plus de $10,000…

Ethereum Cloud
Multiples d’évaluation et taux de croissance des titres logiciels « Cloud » et l’Ethereum

Bitcoin vs Ethereum

Pour de nombreux spécialistes, le Bitcoin doit être considéré comme une valeur de stockage numérique (l’équivalent de l’or numérique) alors que l’Ether est perçu comme le Web 3.0. L’Ethereum compte aujourd’hui 10 fois plus de développeurs actifs mensuellement que le Bitcoin. Pour les partisans de l’Ethereum, son utilité finira par l’emporter sur celle du Bitcoin.

Quoi qu’il en soit, la surperformance de l’Ether par rapport au bitcoin au cours des 12 dernier mois est remarquable. Le ratio Ether/Bitcoin a d’ailleurs atteint un seuil critique alors que de nombreux investisseurs basculent une partie de leur exposition crypto du Bitcoin à l’Ether. Le début d’une tendance longue?

 

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