Alors qu’Elon Musk ambitionne de nous emmener sur Mars, Mark Zuckerberg veut quant à lui nous transporter dans le virtuel en s’attelant à la construction d’un métavers. Aperçu.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

Charles-Henry MoncheauLe métavers incarne l’avenir du réseau social, selon son fondateur, Mark Zuckerberg. «Mon espoir, c’est que d’ici à cinq ans environ […] les gens nous perçoivent avant tout comme une entreprise du métavers», a-t-il déclaré dans un entretien au site spécialisé The Verge à la fin du mois de juillet.

«Pour accomplir notre vision du métavers, nous avons besoin de construire le tissu connectif entre les différents espaces numériques – afin de passer outre les limitations physiques et de pouvoir se déplacer entre eux avec la même facilité qu’entre les pièces de sa maison», a indiqué le patron sur son profil Facebook.

Qu’est-ce qu’un métavers?

Le métavers (de l’anglais «metaverse», contraction de meta universe, c’est-à-dire méta-univers) est un monde virtuel fictif décrit dans le roman Snow Crash (Le Samouraï virtuel), paru en 1992, de Neal Stephenson. … Ce cyberespace peut simuler le monde réel ou non. Certaines communautés liées à des jeux vidéo ont créé des embryons de métavers. C’est le cas par exemple de Roblox ou Fortnite. Fin avril, cinq concerts virtuels du rappeur Travis Scott (apparu sous forme d’avatar) ont été suivi par plus de 12 millions de personnes sur Fortnite.

A la fin du mois dernier, Mark Zuckerberg a annoncé sa nouvelle ambition. Le patron de Facebook souhaite que le réseau social soit vu dans un futur proche comme une  «entreprise du métavers», un univers où monde réel et virtuel finiront par se confondre. Facebook se donne les moyens de ses ambit: sa division de réalité virtuelle (VR) et de réalité augmentée, «Facebook Reality Labs» (FRL) est dirigée par Andre Bosworth, responsable notamment des casques immersifs Oculus. L’équipe dédiée au métavers est également composée de spécialistes en provenance des divisions Facebook Gaming et de l’application Instagram.

Objectif avoué de Facebook: passer d’un réseau social 2D à 3D et d’utiliser par exemple les casques Oculus VR pour la rendre aussi interactive que possible. En quelque sorte, on peut comparer le métavers de Facebook au célèbre jeu Fortnite, un jeu vidéo multi-joueurs qui est progressivement devenu un réseau social. Mais Facebook ambitionne une plateforme beaucoup plus aboutie et dont l’utilité ira bien au-delà des jeux vidéo.

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Ce que la réalité virtuelle peut nous apporter

Une des raisons derrière la nouvelle ambition de Facebook est l’arrivée des hologrammes. Dans un podcast diffusé par theverge.com, le PDG de Facebook défend l’idée que la VR (réalité virtuelle) va jouer un rôle beaucoup plus important à l’avenir que nous ne le réalisons.

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Aujourd’hui, nous avons les yeux rivés sur nos téléphones portables, notamment pour interagir sur les réseaux sociaux. Mais l’être humain n’est pas vraiment fait pour fonctionner dans un champ bidimensionnel et sur un écran d’aussi petite taille. Nous avons besoin de beaucoup plus d’espace et d’utiliser davantage de repères visuels pour apprendre, communiquer et ressentir différentes expériences. Marc Zuckerberg en a bien pris conscience et veut faire évoluer l’expérience de la communauté Facebook. En 2014, Facebook a racheté Oculus pour 2 milliards de dollars dans le cadre d’un projet qui, selon le jeune PDG, conduirait à une expérience immersive entre les parties virtuelles. Toutefois, certaines questions se posent autour de ce projet. Oculus rencontre-t-il le succès attendu? Par exemple, avez-vous déjà entendu parler du Quest 2, son dernier casque VR (cf photo ci-dessous)? Probablement non. Au 1er trimestre de cette année, quelques 850,000 unités de ce casque ont été vendu au niveau mondial. Un chiffre intéressant mais qui démontre que le VR reste un marché de niche en 2021.

Pour Facebook, l’avenir ne se limite pas à la VR. On parle désormais de VR + AR (AR étant la réalité artificielle). Des efforts considérables sont déployés pour fabriquer des lunettes qui soient«cool», socialement acceptées en dehors de la maison, et qui puissent s’intégrer dans un superordinateur pour une optique avancée. Magic Leap est l’une de ces entreprises de pointe qui s’efforce, depuis des années, à donner vie à cette vision. Mais dans le cas de la réalité artificielle, force est de constater que ce type de produit est encore très loin de l’adoption de masse. 

Toutefois, c’est peut-être dans monde du travail que le développement d’un métavers pourrait faire le plus de sens pour Facebook. Que se passe-t-il si vous travaillez sur une présentation, une maquette, une œuvre d’art ou la construction d’une maison et que vous avez besoin de l’avis d’un superviseur ou d’un collègue? Ce monde virtuel connecté pourrait permettre aux travailleurs d’être présents à plusieurs endroits au même moment et donc d’améliorer la productivité et l’efficacité de notre société…

Un projet risqué et complexe

2021.08.12. FlowBank facebook 4L’investisseur Matthew Ball, qui a beaucoup écrit sur les métavers, souligne certaines contraintes susceptibles de rendre la tâche de Facebook relativement compliquée. De son point de vue, un métavers doit couvrir à la fois le monde réel et virtuel, avoir sa propre économie et offrir une «interopérabilité» complète – ce dernier mot signifiant que les données de l’avatar de l’utilisateur doivent être facilement transférées d’un serveur (ou monde) à un autre. Le diagramme ci-dessous illustre la vision de Matthew Ball: comme on le voit, de nombreux éléments doivent être construits autour d’un métavers, ce qui rend l’exercice particulièrement compliqué pour Facebook.  

Le passé récent a d’ailleurs démontré le risque d’échec des projets construits autour de mondes virtuels. World of Warcraft (WoW) existe depuis plus de dix ans. Considéré à l’époque comme l’un des plus grands MMORPG (Massive Multiplayer Online Role Playing Games), le jeu développé par Activision Blizzard est progressivement tombé dans l’anonymat, et ce malgré d’importantes améliorations et mises à jour.

Est-il judicieux pour Facebook de chercher à développer une interface «multiplayer»semblable à celle de WoW? Cette question mérite d’être posée car la création d’un métavers est encore plus difficile que celle d’un jeu interactif multiplayer. Le développement nécessite des investissements très importants et chronophages, énormément de bande passante, des talents d’ingénierie, des serveurs hyper puissants et, peut-être le plus important, le consentement de la communauté Facebook. En cas de déception des internautes, le risque est grand pour Facebook de perdre une partie de ses adhérents. Pour le laboratoire de développement de Facebook (Reality Labs), il s’agit de trouver le meilleur équilibre.

Parmi les autres difficultés à venir pour le projet métavers de Facebook, citons également le fait que l’entreprise n’a pas aucune compétence dans les semi-conducteurs et dans les logiciels. Facebook sera donc dépendante des fournisseurs externes, un modèle qui a ses limites. Par exemple, Apple développe ses casques VR en interne alors que Facebook sera dépendant de Qualcomm pour arriver au même résultat. Du côté des logiciels, le Reality Labs ne dispose pas encore du type de logiciel dont dispose Epic Games.

Nvidia a également lancé une plateforme de développement de logiciels qui est utilisée pour créer des simulations de monde virtuel à l’aide de sa technologie graphique, mais comment espérer un tel niveau d’expertise de la part de Facebook à court terme ? Il faudra sans doute beaucoup de temps à Facebook pour atteindre ce niveau.

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Le métavers devrait profiter à tout un ecosystéme

Il n’est pas certain que Facebook soit mieux placé qu’Apple ou Nvidia pour développer rapidement un métavers à grande échelle. Facebook a les utilisateurs et les ressources financières nécessaires pour mener à bien ce projet, mais la compétition s’annonce redoutable.

Les investisseurs ont accueilli ce projet avec enthousiasme. Facebook investit massivement dans son Reality Lab et continue d’attirer de nouveaux talents.  En termes financiers et de perspectives boursières, ce projet pourrait également créer des opportunités pour certains fournisseurs.

Ainsi, les créateurs de contenu devraient en profiter, car Facebook continue de mettre au point des outils qui permettent d’intégrer et de payer pour du contenu (exemple: des salles de concert virtuelles). L’e-commerce pourrait connaître un nouvel élan avec le développement d’achats et de marchés virtuels. La messagerie d’entreprise devrait également profiter de cette tendance.

Conclusion

Facebook est une entreprise florissante qui a dépassé la centaine de milliards de dollars de chiffre d’affaires et une capitalisation boursière de plus de 1 trillion de dollars. Avec le projet métavers, Facebook a l’opportunité de renforcer encore davantage sa position dominante. Mark Zuckerberg y voit l’avenir du réseau social. Il se donne 5 ans pour réussir et investit des milliards de dollar en dépenses de recherche et développement. Comme nous l’avons mentionné ci-avant, ce projet comporte des nombreux risques et inconnues. Au vu du parcours boursier du titre Facebook (FB), les investisseurs semblent accorder le bénéfice du doute au plus célèbre des réseaux sociaux – en tout cas pour l’instant…

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