Les obligations subissent cette année une de leur pire performance des dernières décennies. Les maturités longues européennes ou américaines dégringolent de près de 10% en quelques mois, à peu près autant que les actions mondiales. Et le mouvement pourrait s’amplifier: la plupart des grandes banques centrales promettent des hausses de taux directeurs et des réductions de taille de bilan. La lutte contre l’inflation l’emporte en ce moment sur toute autre considération.

L’édito du mois par Olivier de Berranger, CIO et Alexis Bienvenu, fund manager

 

Olivier de Berranger
Olivier de Berranger, CIO

Si les perspectives obligataires sont aussi sombres, à quoi bon y investir? Si en outre la classe d’actifs ne diversifie plus à l’égard des actions–sans présenter le même potentiel d’appréciation–, a-t-elle encore le moindre intérêt, en termes de construction de portefeuille?

Tant que le contexte est à la hausse de l’inflation, la réponse est négative. Même si les rendements suivent en partie l’inflation, ils sont rarement à sa hauteur. Par exemple, les taux à 10 ans allemand et américain sont respectivement proches de 1 et 3% en ce moment, contre quasiment 8% d’inflation dans les deux régions. En outre, la décorrélation avec les actions et son caractère protecteur se perd, comme on le voit cette année. Enfin, avantage certain donné aux actions en situation d’inflation: elles peuvent tirer parti des augmentations de prix que les entreprises passent à leurs clients. Mais à l’inverse, dès les premiers signes de stabilisation de l’inflation, les caractéristiques intrinsèques aux obligations leur redonnent, du point de vue de l’investisseur, une attractivité que n’offrent pas forcément les actions. Ces dernières peuvent en effet subir le revers de la médaille du reflux de l’inflation: un tassement de la croissance des revenus, donc des profits, alors que les obligations à taux fixes conservent par nature « l’obligation » de servir le rendement promis à leur émission, par construction élevé si le niveau d’inflation l’était. Elles peuvent en outre retrouver un potentiel de décorrélation en cas de crise économique, en vertu du réflexe de protection vers les actifs refuge, et de l’action des banques centrales qui baissent en général leurs taux en pareil cas.

Alexis Bienvenu, Fund Manager, LFDE

Mais si les obligations sont promises à redevenir attractives lorsque l’inflation refluera, c’est l’ensemble des réflexes de diversification associés à des années de taux bas qui devra être revu. Au cours de la dernière décennie, les politiques monétaires ultra accommodantes avaient poussé les investisseurs à privilégier le crédit risqué voire les actions aux obligations souveraines. C’était les années TINA, There Is No Alternative (pas d’alternative aux actions). La séquence inflationniste actuelle laisse au contraire entrevoir à terme une alternative, où il redeviendrait intéressant de détenir des obligations à long terme pour leur rôle protecteur. A la limite, si les taux montaient très haut et que l’inflation refluait, c’est la situation inverse qui se produirait: les taux « sans risque » avec une volatilité structurellement inférieure aux actions retrouveraient leur lustre d’antan. Ce genre de situation s’est présenté dans les années 1980, lorsque la plupart des taux dépassaient les 10% et que l’inflation commençait à refluer. Si la configuration inflationniste actuelle rappelle par certains côtés les années 1970, nous pourrions basculer ensuite dans un retour aux années 1980! Les marchés, ou l’éternel retour…

A dire vrai, nous n’arriverons probablement pas à un tel extrême: les banques centrales auraient actuellement du mal à monter leurs taux nettement au-dessus du niveau d’inflation. Etant donné le niveau dantesque d’endettement des Etats, la charge d’intérêts deviendrait insupportable, conduisant à des coupes sévères dans les budgets étatiques. Quelle banque centrale l’assumerait aujourd’hui, comme l’a assumé la Fed sous la présidence de Paul Volcker?

La perspective qui se dégage est donc une graduelle remontée du niveau d’attractivité des actifs obligataires. Aujourd’hui, la prime de risque prospective des actions (le surcroît de rendement attendu par rapport aux obligations souveraines) est toujours satisfaisante par rapport au rendement sans risque. Elle est de 4% aux Etats-Unis, un niveau proche de sa moyenne sur 30 ans, et de 5,7% en Europe, un niveau encore assez élevé par rapport à sa moyenne (4,7%)[1]. Mais elle s’est nettement réduite avec la récente hausse des taux. Pour peu que les taux montent encore, comme c’est à craindre, elle diminuerait encore. Après avoir été délaissés pendant des années, les actifs obligataires offriraient de l’intérêt, pour une diversification retrouvée.

 

[1] Source : Société Générale


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