La thématique est sous le feu des projecteurs depuis que le gérant d’actifs Ark Invest a annoncé son intention de lancer un ETF sur le secteur.

Par Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA – CIO de FlowBank

 

Catherine Wood, fondatrice et dirigeante d’Ark Invest, est la nouvelle coqueluche de Wall Street. Son nom est désormais davantage mentionné par les médias que celui de Warren Buffet alors que les fonds et ETF gérés par la société qu’elle a fondée en 2014 continuent à attirer des flux d’investissement records.

Il faut dire que les ETF thématiques d’Ark Invest ont généré des résultats exceptionnels au cours des dernières années, dont une performance agrégée de 105% en 2020 (cf. graphique ci-dessous).

Les performances des principaux ETFs gérés par Ark Invest au cours des 3 et 12 derniers mois

Avant de fonder Ark, Catherine Wood a occupé le poste de CIO chez Sanford Bernstein entre 2001 et 2013. Persuadée que de nombreux secteurs sont en train d’être fondamentalement transformés par l’innovation et la technologie, elle a favorisé dans ses portefeuilles les entreprises disruptives. Parmi ses principales convictions: Tesla, Roku, le Bitcoin mais aussi des titres emblématiques dans la Fintech, la génomique, la nouvelle génération Internet ou la robotique.

Le succès d’Ark Invest est tel qu’il inspire une nouvelle stratégie d’investissement à Wall Street : copier voire anticiper les décisions d’investissement de Catherine Wood.

C’est ainsi qu’en fin de semaine dernière, tous les regards de la planète finance se sont soudainement tournés vers le ciel quand Catherine Wood a annoncé le lancement imminent d’un ETF sur la conquête spatiale avec le «ticker» ARKX. Pour les investisseurs, il s’agit d’ores et déjà de deviner quelles seront les valeurs sélectionnées dans l’ETF. En effet, ce dernier a de bonnes chances d’attirer des flux conséquents qui vont dès lors pousser les prix des sous-jacents à la hausse.

Quid des développements récents à l’origine de cet engouement pour la conquête spatiale? Quelles sont les industries qui pourraient en profiter? Enfin, est-il possible de présélectionner les titres qui feront partis de l’ETF précité ou d’autres fonds investis sur cette thématique ?

La conquête spatiale prend son envol

Ce n’est certainement pas un hasard si ARK Invest s’intéresse à la conquête spatiale, tant cette thématique a fait le « buzz » ces derniers mois. Comme mentionné récemment dans le magazine Barrons: «L’espace est froid, mais l’investissement dans l’espace est en train de se réchauffer». La démocratisation du tourisme spatial, la création il y a un an de la United States «Space Force» (branche dédiée de l’armée américaine), l’objectif avoué de la NASA de retourner sur la lune en 2024 avec le projet Artemis ainsi que l’atterrissage du Rover sur Mars dans un mois exactement ont fait la une des journaux. L’intérêt pour les métaux précieux contenus dans les astéroïdes est une autre incitation à investir.

D’après l’association de l’industrie des satellites, les activités de lancement étaient estimées à environ 6 milliards de dollars sur l’année 2020. Quant aux coûts liés à la fabrication de satellites, ils se chiffrent à quelques 20 milliards de dollars par an. Ces deux activités sont réalisées par des sociétés telles que Lockheed Martin, Boeing et Airbus. Les opérateurs de satellites et les fournisseurs de services représentent un chiffre d’affaires cumulé de quelques 130 milliards de dollars par an; les leaders de cette industrie sont Iridium (IRDM) mais aussi Orbcomm (ORBC) et Globalstar (GSAT). D’autres entreprises sont impliquées dans la technologie spatiale comme DISH Networks, Trimble et AT&T. Signalons également le tourisme spatial, une activité qui n’en est qu’à ses balbutiements mais qui a déjà connu des avancées majeures grâce notamment à la fusée Blue Origin de Jeff Bezos, SpaceX d’Elon Musk ou encore le vaisseau Virgin Galactic de Richard Branson.

Morgan Stanley estime que l’industrie de la conquête spatiale pourrait générer plus de 1’000 milliards de dollars d’ici 2040, contre 350 milliards actuellement (cf. graphique ci-dessous). La banque d’investissement estime que les meilleures opportunités d’investissement à court et moyen terme devraient venir de l’accès Internet haut débit par satellite. Morgan Stanley estime que ce segment pourrait représenter environ 50% de la croissance des revenus liés à la conquête spatiale d’ici à 2040.

Evolution des revenus liés à la conquête de spatiale d’ici à 2040e telle qu’estimée par Morgan Stanley

Le lancement de satellites pour fournir un service internet à haut débit contribuera également à faire baisser le coût des données. La demande pour un débit à si haute fréquence proviendra de secteurs telles que les voitures autonomes, l’Intelligence Artificielle, l’«Internet of Things » et la réalité virtuelle. Les coûts de communication diminueront considérablement grâce à la possibilité de réutiliser les fusées de lancement. Actuellement, la mise sur orbite d’un satellite se facture environ 60 millions de dollars alors que ce coût était auparavant de 200 millions de dollars. D’après certaines estimations, la facture pourrait tomber à 5 millions de dollars à moyen terme et possiblement à un demi-million à long-terme grâce à la production en masse de satellites.

Un véritable écosystème est appelé à se mettre en place

Une des principales limitations de la conquête de l’espace est qu’il s’agit d’une industrie très gourmande en capital. Dès lors, les besoins en ingénieurs et techniciens hautement qualifiés, d’équipements lourds et d’infrastructures sont au centre des préoccupations. Les investisseurs en capital-risque doivent souvent envisager des stratégies de sortie avec un horizon temps à 50 ans pour certains de leurs projets du fait que l’intégralité de l’écosystème ne soit pas encore en place. Depuis l’été dernier, une étape importante est en train d’être franchie avec des investissements importants réalisés par les entreprises de lancement de satellite en orbite. De nouveaux fournisseurs privés commencent à concurrencer très sérieusement les programmes gouvernementaux, et certaines de ces entreprises sont rentables compte tenu de la forte demande pour leurs biens et services. La priorité est donnée aux lancements à bas prix car ils sont une pièce incontournable aux projets de tourisme spatial et autres projets en orbite. Leur objectif est d’augmenter suffisamment les économies d’échelle afin de réduire les coûts et permettre des voyages dans l’espace à plus haute fréquence. Et c’est ici que la notion d’écosystème prend tout son sens car tout est lié; les spécialistes de lancement s’appuient sur les sociétés de satellites qui dépendent des sociétés de haut débit qui s’appuient elles-mêmes sur les gouvernements. Il s’agit donc d’un véritable cercle vertueux. Gageons que la NASA et les ministères de la défense resteront les clients les plus importants jusqu’à ce que l’écosystème ait pu être solidifié.

Quels seront les titres susceptibles de composer le nouvel ETF ARKX?

Le 13 janvier, ARK Invest a enregistré auprès de la SEC le lancement d’un nouvel ETF sur le thème de la conquête spatiale sous le code ARKX. Le fonds devrait être investi dans les activités suivantes:

  1. Le vol spatial en orbite: il s’agit des sociétés qui fabriquent, entretiennent ou exploitent des plates-formes dans l’espace orbital, y compris les satellites et les infrastructures de lancement;
  2. Le vol spatial suborbital: drones, taxis aériens, avions électriques;
  3. Sociétés de technologies: entreprises qui fabriquent les technologies nécessaires à des opérations aérospatiales à haute valeur ajoutée (Intelligence Artificielle, robotique, impression 3D, stockage de matériaux et d’énergie);
  4. Entreprises périphériques à la conquête spatiale (et donc qui bénéficient des activités mentionnées ci-dessus) : agriculture, accès à l’internet, GPS, construction et imagerie.

ARK Invest a mentionné vouloir investir dans 40 à 55 titres différents, y compris certains ADRs. Le fonds a précisé que certaines valeurs dans lesquelles il sera investi ne seront pas encore rentables.

Sur la base de ces éléments, quelles sont les sociétés susceptibles de faire partie de cet ETF? SpaceX est une société privée pour l’instant. Cependant, Virgin Galactic (SPCE) et Stable Road Acquisition (SRAC) sont cotées, avec une capitalisation de tout de même 7 milliards de dollar pour la première. Ces valeurs sont en hausse de 33% et 20% respectivement cette année. Virgin Galactic a pour objectif de commercialiser des voyages hypersoniques alors que Stable Road est une SPAC qui fusionne avec Momentus, une société de logistique spatiale. Stable Road prévoit de lancer des objets en orbite pour faciliter le mouvement des cargaisons et permettre aux satellites d’atteindre d’autres points dans l’espace.

Maxar Technologies (MAXR) est une société de services pour satellites. L’action a bondi de 20% le jour de l’annonce du lancement de l’ETF ARKX. Lockheed Martin (LMT) et Northrop Grumman (NOC), tous deux fabricants américains de matériel de défense et d’aérospatiale, ont vu le cours de leurs actions légèrement augmenter le même jour, car ils possèdent tous deux des entreprises de lancement de satellites et de sonde spatiales. Aerojet Rocketdyne (AJRD) fabrique des fusées et construit la plus puissante fusée de la NASA à ce jour, le Space Launch System. Nokia (NOK) veut «d’ici à 2022 construire et déployer sur la surface lunaire la première solution complète LTE (Long Term Evolution) ultra-compacte, de faible puissance et capable de résister dans l’espace». Citons également Iridium Communications (IRDM), une société de satellites et de communications et dont la capitalisation boursière est de 6 milliards. Dernière-née des SPACs (Special Purpose Acquisition Company) dans le secteur, le titre New Providence Acquisition (NPA) qui prépare une fusion avec AST SpaceMobile, une réseau cellulaire basé sur l’internet haut débit par satellite.

A noter qu’il existe déjà des ETF investis sur la thématique de la conquête spatiale; c’est le cas de Procure Space ETF (UFO) ou du SPDR S&P Kensho Final Frontiers ETF (ROKT).

Bon vol !

 

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